La coarctation aortique 
Diagnostic, traitement et perspectives

La coarctation aortique 

Übersichtsartikel
Édition
2022/36
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09100
Forum Med Suisse. 2022;22(36):600-603

Affiliations
a Département de chirurgie cardiovasculaire, Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne; b Centre universitaire romand de cardiologie et chirurgie cardiaque pédiatrique (CURCCCP), Lausanne & Genève

Publié le 07.09.2022

La coarctation aortique est un rétrécissement congénital de l’isthme aortique. Elle est souvent associée à d’autres anomalies cardiovasculaires.

Introduction

La coarctation aortique (CoA) concerne 5–8% des cardiopathies congénitales avec une prédominance masculine (ratio de 2 pour 1). Son incidence est de 4 pour 10 000 naissances. Elle n’est pas héréditaire et n’a pas d’origine génétique claire. Elle est pourtant fréquemment associée à certaines atteintes génétiques, tel le syndrome de Turner, où la prévalence de la CoA est de 35%.
Figure 1: A) Coarctation aortique typique du nouveau-né avec rétrécissement isthmique et canal artériel perméable. B) Incision en regard du 3ème ou 4ème espace intercostal. Clampage, résection de la coartation et du canal artériel. C) et D) Image post correction chirurgicale. Image courtesy of The Multimedia Manual of Cardio-Thoracic Surgery, MMCTS, mmcts.org/tutorial/ 1147.
Arteria: ASC: artère sous-clavière.
Embryologiquement, la formation de la crosse aortique se situe entre la 6ème et la 8ème semaine de gestation. Le 4ème arc branchial gauche forme la crosse et l’isthme aortique. Les 6èmes arcs vont former les artères pulmonaires proximales et le canal artériel (CA) à gauche.
L’anomalie associée la plus fréquente est la bicuspidie aortique, qui peut se retrouver dans 50–85% des cas (mais seulement 7% des bicuspidies présentent une CoA concomitante). Une hypoplasie de l’arche aortique peut se retrouver dans jusqu’à 30% des cas. Une anomalie des artères sous-clavières (ASC) peut également être associée, telle qu’une ASC droite aberrante, qui prend son origine comme dernière branche de l’arche aortique, distale à l’isthme aortique (artère lusoria), présente dans 4–5% des cas. Des anévrysmes cérébraux sont présents dans 2,5–10% des adultes non traités («berry aneurysms»).
Il existe deux théories prédominantes sur l’étiologie de la CoA. La première est celle du tissu ductal. La CoA se développerait en raison de la migration de cellules du CA dans l’aorte périductale, avec pour conséquence un rétrécissement à la fermeture du canal. Ceci est confirmé par le fait que l’administration de prostaglandines chez le nouveau-né permet de rouvrir le CA, mais aussi de lever temporairement la coarctation. La seconde théorie est hémodynamique. Chez un fœtus normal, seul 10% du débit cardiaque traverse l’isthme aortique. En cas d’anomalies cardiaques gauches associées (communication interventriculaire [CIV], sténose aortique, etc.), le flux dans l’aorte ascendante sera diminué et de ce fait réduit la croissance de l’arche aortique, principalement au niveau de l’isthme et favorise une CoA [1].

Diagnostic et prise en charge de la coarctation aortique

Diagnostic prénatal

Bien que difficile et associé à des faux-positifs, le diagnostic prénatal peut permettre d’organiser une naissance dans un centre spécialisé où un traitement de prostaglandine sera débuté dès la naissance afin de maintenir le CA ouvert.
Le signe principal est une asymétrie de la taille des ventricules au 2ème trimestre de la grossesse. La présence d’une veine cave supérieure gauche peut faire suspecter une CoA [2].
Après la naissance, trois situations sont possibles:
Concernant les nouveau-nés symptomatiques, d’autres anomalies cardiaques gauche sont associées: hypoplasie de l’arche, valve aortique anormale, CIV, anomalies de la valve mitrale. Durant la vie fœtale, le flux antégrade à travers la valve aortique est réduit. Avec la fermeture du CA, le flux post-ductal est insuffisant et provoque rapidement des symptômes dus à la malperfusion. A noter que l’examen clinique de sortie du nouveau-né pouvait être normal en raison de l’oblitération incomplète du CA (la fermeture du CA accroit la sténose chez ces enfants).
Les enfants asymptomatiques n’ont généralement pas d’autres anomalies cardiaques associées (hormis la bicuspidie aortique). Durant la vie fœtale, le flux trans-aortique est normal. La CoA induira un gradient de pression et favorisera le développement graduel de collatérales. Les enfants resteront asymptomatique jusqu’à ce qu’un diagnostic d’hypertension artérielle soit posé. La survie moyenne d’une CoA non opérée est de 35 ans avec une mortalité de 75% à 46 ans. Les complications fréquentes chez les personnes non traitées, sont l’hypertension artérielle, une maladie coronarienne accélérée, les accidents vasculaires cérébraux, la dissection aortique et l’insuffisance cardiaque. Les personnes concernées peuvent se présenter avec des céphalées (surtout à l’effort), une fatigue ou une claudication intermittente des membres inférieurs.

Examen clinique

L’examen dépend de l’âge de la présentation. Un nouveau-né avec une CoA symptomatique sera pâle, irritable, en détresse respiratoire avec une tachycardie, une mauvaise perfusion périphérique, une oligurie et une insuffisance rénale. Une cyanose différentielle (confinée à la partie inférieure du corps) peut être observée en présence d’un CA persistant avec un shunt droit-gauche associé. La présentation d’un enfant plus grand sera par contre saine.
Le signe typique d’une CoA est une absence ou diminution de pouls fémoraux (pulsus parvus et tardus) comparé au pouls des membres supérieurs. Ce signe peut être absent lorsque le CA est encore ouvert ou lors d’une ASC droite aberrante (arteria lusoria). Dans cette situation, cette artère prend naissance distalement à la CoA et présentera donc un pouls similaire à celui des membres inférieurs. L’ASC gauche peut présenter un orifice rétréci, dû à la proximité de la CoA. L’effet sera donc identique sur les pressions.
Un souffle d’éjection systolique maximal dans la région inter-scapulaire gauche est typique. Dans le cas d’une décompensation cardiaque, ce signe peut être absent en raison du bas débit à travers la sténose.
L’hypertension artérielle est la présentation classique de l’adulte avec un gradient de pression entre les membres supérieurs et les membres inférieurs.

Examens complémentaires

L’électrocardiogramme d’un enfant avec une CoA asymptomatique est normal. Plus tard, on observera les images d’une surcharge en pression de longue durée du ventricule gauche.
Radiographie: Le diagnostic est généralement posé avant l’apparition de ces signes. Aspect de chiffre 3 formé par la dilatation de l’ASC gauche avant la sténose, de la sténose puis de la dilatation de l’aorte post-sténotique, (présent chez 50–60% des adultes). «Rib-notching» exprimant l’érosion du bord inférieur des côtes secondaire au développement de volumineuses artères intercostales (par collatéralité).
Echocardiographie transthoracique: Chez l’enfant, on observe une image en 3 également, après le départ de l’ASC. Elle peut mettre en évidence une hypoplasie de l’arche concomitante ou d’autre pathologies cardiaques qui pourraient être associées.
Imagérie par résonance magnétique (IRM) / tomodensitométrie (TDM): Toutes les personnes concernées devraient avoir au moins un examen par TDM ou IRM de la totalité de leur aorte thoracique, ainsi que de leur vaisseaux cérébraux.

Indication opératoire

En période néonatale, un enfant symptomatique requiert l’introduction d’un traitement de prostaglandine E1 afin de ré-ouvrir le CA et stabiliser l’enfant avant une réparation chirurgicale. Si l’enfant est asymptomatique, la cure de coarctations sera différée à l’âge de trois mois (voire jusqu’à l’âge de deux ans). En effet, la cure en dessous de un mois présente un risque de récidive de coarctation (ReCoA) aussi élevé que 30% et de 5–10% pour les cures avant trois mois. D’un autre côté, plus l’opération est retardée, plus le risque d’hypertension artiérielle persistante augmente.
Chez l’adulte un gradient de pression non-invasif entre les membres supérieurs et les membres inférieurs >20 mm Hg au repos ou >40 mm Hg à l’exercice est une indication opératoire. Une mesure invasive peut être effectuée si nécessaire. Si le gradient est inférieur à 20 mm Hg, avec des images radiologiques présentant un flux collatéral significatif, l’indication est retenue également. Lors de ReCoA, les indications sont identiques. En cas d’apparition d’anévrisme, les indications sont identiques à celles posées lors d’anévrismes habituels, (prise en charge endovasculaire à partir de 55 mm et chirurgicale en 2ème intention à partir de 60 mm), [3].

Traitement

Chez les nouveau-nés et les enfants en bas-âge, le traitement est principalement chirurgical par thoracotomie postérieure gauche (fig. 2).
L’approche de choix est la résection de la coarctation avec anastomose termino-terminale (bout-à-bout) ou bout-à-bout étendue (fig. 1C–D), lorsque le rétrécissement touche l’arche aortique. Si le diamètre de l’arche est inférieur à 1 + 1 mm/kg, un élargissement de l’arche est nécessaire. La plastie aortique avec élargissement de l’aorte par retournement d’un segment de l’ASC implique le sacrifice de celle-ci avec pour conséquence une croissance du bras qui peut être légèrement diminuée et un possible syndrome de vol sous-clavier. La plastie aortique avec un patch prothétique doit être évitée, car elle prédispose à un haut taux d’anévrisme. Quelle que soit la technique, un clampage de l’aorte est nécessaire et doit être inférieur à 30 minutes. Un temps supérieur prédispose à une ischémie médullaire (en l’absence de collatérales).
Après une réparation chirurgicale, le taux de ReCoA est de 5–15%, (dépendant de l’âge et de la technique). La plastie par patch, montre les plus hauts taux de ReCoA (20–30%) et de formation d’anévrisme (20–40%). La plastie par retournement sous-clavier a un taux de ReCoA montant jusqu’à 23%. Comparativement, les réparations de type résection et anastomose bout-à-bout présentent un taux de ReCoA faible si la cure a lieu après trois mois et d’anévrisme de seulement 1%.
L’angioplastie peut être utilisée comme solution temporaire chez un nouveau-né à haut risque, ou dès l’âge de 3–6 mois, mais de préférence après l’âge de un an. Le taux de ReCoA pour les enfants de moins de un an est 50–80%. Chez l’adolescent, ce taux est de 50% (ReCoA et anévrisme confondus). Ainsi, ceci devrait être réservé à des enfants instables en attente d’une autre prise en charge.
Le stent endovasculaire s’utilise chez les enfants de plus de 25 kg et les adultes en 1ère intention. (fig. 2). L’apparition de stents redilatable a permis l’implantation chez des patientes et les patients plus jeunes. Les rares complications des stents sont leur migration, l’occlusion des vaisseaux partant de l’aorte (p.e. ASC), la dissection et la rupture. Les complications à long terme sont la ReCoA, la fracture de stent et la formation d’anévrisme (6%), mais moins fréquente depuis l’apparition des stents couverts.
Figure 2: Adolescent traité par stent. A) Angiographie avant dilatation. B) Reconstruction CT-scanner de la coarctation. C-D) Dilation de la coarctation par stent. Remerciement au Dr Stefano Di Bernardo (cardiologie pédiatrique au CHUV) pour les images de la coarctation.

Prise en charge en cas de ReCoA

Une dilatation par ballon avec ou sans l’implantation d’un stent est favorisée en 1ère intention. Si l’anatomie est compliquée, un remplacement chirurgical par un tube prothétique peut être effectué. Toutefois, la mortalité est plus élevée (1–3%) que lors de réparation sur une coarctation native, voire 5–10% en fonction des comorbidités. Le remplacement nécessite une circulation extra-corporelle (CEC) partielle. Le cœur éjecte toujours le sang, mais uniquement pour les vaisseaux de la gerbe aortique et la CEC partielle consiste à mettre une canule d’aspiration veineuse fémorale et une canule fémorale artérielle d’éjection qui perfusera toute la partie inférieure du corps. Lorsque les vaisseaux sont particulièrement calcifiés, on peut effectuer un pontage extra-anatomique sans CEC par thoracotomie gauche entre l’ASC gauche et l’aorte thoracique descendante ou par sternotomie, sous CEC entre l’aorte ascendante et l’aorte thoracique descendante, rétro-péricardique [4], à cœur battant, ou non (fig. 3).
Figure 3: Conduit extracardiaque. A gauche: Anastomose distale après ouverture du péricarde postérieur. Étoile: anastomose distale du conduit exta-anatomique. A droite: Anastomose proximale dans l’aorte ascendante. Étoile: Anastomose proximale du conduit extra-anatomique.

Suivi

Chez une personne traitée, sans gradient systolique résiduel significatif (<10 mm Hg), avec une pression aux membres supérieurs normale au repos et à l’exercice et sans anévrisme aortique ou des lésions intracardiaques associées, aucune restriction sur le mode de vie n’est nécessaire. Néanmoins, un suivi régulier s’impose, en raison du risque de ReCoA et d’anévrisme.
L’hypertension artérielle au repos ou à l’exercice est fréquente et peut être une cause de maladie coronarienne prématurée, de dissection aortique ou d’anévrisme cérébraux. Une CoA résiduelle ou une ReCoA vont favoriser ces complications. Un suivi est nécessaire au moins tous les deux ans dans un centre cardiologique spécialisé en maladie congénitale. Les personnes qui présentent une hypertension artérielle ou une CoA résiduelle devraient éviter les exercices isométriques importants.
La grossesse est bien tolérée après traitement de la coarctation. Les femmes enceintes non opérées, ou avec une hypertension après la réparation, une coarctation résiduelle ou un anévrisme aortique présentent un risque augmenté de rupture aortique ou d’anévrisme cérébral durant la grossesse et l’accouchement.

Perspectives

Le traitement pour les nouveau-nés et les petits enfants reste chirurgical. L’amélioration des stents, notamment redilatable et la diminution du diamètre de la gaine d’insertion, permet de les implanter chez des enfants en bas âge, voire même en période néonatale. Toutefois, ces cas se résument à des situations particulières, où le risque chirurgical est particulièrement élevé (insuffisance cardiaque sévère, hémorragie cérébrale, etc.). En période néonatale, les résultats à court terme sont excellents, moyennant un gradient résiduel tolérable. La plupart des cas ont permis de temporiser la situation et d’amener à la chirurgie dans un 2ème temps. Quelques cas sont décrits des stents uniquement, allant jusqu’à 15 ans, toutefois au prix de dilatations quasi-annuelles, avec le risque de lésion des artères fémorales, particulièrement chez les enfants de moins de 10 kg. La question se pose également quant aux doses de rayons X nécessaires en cas d’interventions multiples [5].

L’essentiel pour la pratique

L’angioplastie peut être utilisé dès la naissance, mais elle reste une mesure temporaire chez les petits enfants.
La correction chirurgicale de choix est la résection-anastomose bout-à-bout.
Chez l’adulte, l’approche de choix est le stent avec le pontage extra-anatomique réservé pour les cas complexes.
Dr méd. Raymond Pfister
Service de cardiologie, CHUV, Lausanne
Correspondance
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
Prof. Dr méd. René Prêtre
Service de cardiologie
Centre hospitalier universitaire vaudois
Rue du Bugnon 46
CH-1011 Lausanne
1 Beckmann RH. Coarctation of the Aorta. HD Allen, RE Shaddy, DJ Penny, F Cetta, TF Feltes. Moss and Adams’ Heart Disease in Infants, Children and Adolescents. 9. Edition. 2016; p.1107–23.
2 Familiari A, Morlando M, Khalil A, Sonesson SE, Scala C, Rizzo G, et al. Risk Factors for Coarctation of the Aorta on Prenatal Ultrasound: A Systematic Review and Meta-Analysis. Circulation. 2017;135:772–85.
3 Dijkema EJ, Leiner T, Grotenhuis HB. Diagnosis, imaging and clinical management of aortic coarctation. Heart. 2017;103:1148–55.
4 Price JD, LaPar DJ. The Challenges of Redo Aortic Coarctation Repair in Adults. Curr Cardiol Rep. 2019;21:99.
5 Arfi AM, Galal MO, Kouatli A, Baho H, Abozeid H, Al Ata J. Stent Angioplasty for Critical Native Aortic Coarctation in Three Infants: Up to 15-Year Follow-Up Without Surgical Intervention and Review of the Literature. Pediatric Cardiology. 2018;39:1501–13.