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La rhino-neurochirurgie endoscopique endonasale est utilisée pour un grand nombre de tumeurs de la base du crâne grâce à des méthodes de résection modernes et à des techniques perfectionnées de reconstruction. Le suivi à long terme des patientes et patients représente un défi.
Introduction
La rhino-neurochirurgie endoscopique endonasale transsphénoïdale ainsi que la rhino-neurochirurgie endoscopique endonasale élargie («expanded») ont vu leurs indications s’étendre considérablement au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, cette technique chirurgicale est utilisée pour la résection des tumeurs de la base centrale du crâne qui s’étendent au-delà de la région sellaire. Les voies d’abord chirurgicales mini-invasives sont combinées à des systèmes de neuronavigation précis et à des techniques d’imagerie à haute résolution, permettant ainsi une manipulation minimale des structures neurovasculaires sensibles sans rétraction du cerveau. Ce développement s’est accompagné d’un perfectionnement des techniques de reconstruction des pertes de substance occasionnées au niveau de la base du crâne, qui ont permis de réduire considérablement la morbidité liée aux fuites de liquide céphalorachidien postopératoires au cours de la dernière décennie. Les problématiques neurochirurgicales, rhinologiques, ophtalmologiques et endocrinologiques qui en découlent s’inscrivent étroitement dans le suivi tumoral à long terme. Ce groupe rare de patientes et patients représente un grand défi tant pour les médecins généralistes, les pédiatres que pour les collègues spécialisés installés en cabinet.
Rhino-neurochirurgie endoscopique endonasale
La base du crâne est l’une des structures anatomiques les plus complexes du corps humain. Des connaissances anatomiques précises sont essentielles non seulement pour évaluer les pathologies qui se développent, mais aussi pour aborder les structures neurovasculaires potentiellement impliquées [1]. La sinuso- et rhino-neurochirurgie endoscopique endonasale a fait son apparition il y a 40 ans déjà et s’est fermement établie dans la chirurgie hypophysaire transsphénoïdale grâce à des progrès technologiques fondamentaux [2, 3]. Au cours des dernières décennies, les connaissances anatomiques, les voies d’abord élargies (d’où le terme «expanded»), les technologies chirurgicales ainsi que les concepts systématiques pour la résection et la reconstruction des pathologies de la base centrale du crâne ont considérablement évolué [4]. Les voies endoscopiques endonasales modernes d’accès à la base du crâne utilisent les corridors naturels des cavités nasales et des sinus paranasaux. Il est ainsi possible de renoncer à la résection systématique des cornets nasaux moyens et supérieurs, ce qui permet d’obtenir un meilleur «outcome» rhinologique. Dans un deuxième temps, la couverture osseuse de la base du crâne est réséquée de manière ciblée et les méninges sont exposées [1, 2, 5, 6].
Systématique des voies d’abord rhino-neurochirurgicales
D’une manière générale, la base du crâne est divisée en une région antérieure, une région médiane, une région parasellaire et une région postérieure. La structure anatomique centrale est le sinus sphénoïdal, qui est positionné géographiquement sous la base du crâne et définit la ligne médiane anatomique (fig. 1) [1, 7].
L’accès endoscopique idéal à la base du crâne permet:
l’exposition optimale de la pathologie à traiter,
la résection sûre et la plus radicale possible,
la manipulation minimale des structures neurovasculaires impliquées et
la reconstruction suffisante des pertes de substances occasionnées [1, 2, 5].
En fonction de l’orientation dans l’axe sagittal et coronal, il est possible de classer les pathologies typiques de la base du crâne et ainsi de définir de manière systématique les voies d’accès endoscopiques courantes (tab. 1) [8–10].
Tableau 1: Pathologies les plus fréquentes de la base centrale du crâne par région anatomique et méthodes endoscopiques endonasales d’accès et de reconstruction les plus couramment utilisées | ||||
Région antérieure de la base centrale du crâne | Pathologie typique* | Accès endoscopique endonasal à la base du crâne# | Procédures de reconstruction endonasal pédiculé et vascularisé [13, 16–18] | |
Sinus frontal jusqu’aux artères ethmoïdales antérieures, fosse olfactive, insertion du septum nasal et crista galli [8–10] | Axe sagittal | Méningiome+ Rhinoliquorrhée antérieure§ Esthésioneuroblastome+ | Phase nasale: Ethmoïdectomie uni- ou bilatérale, évtl. turbinectomies, évtl. résection du septum, évtl. résection de la paroi médiale de l’orbite, évtl. décompression de l’apex orbitaire Phase ostéodurale: Transfrontal, transbasal (combiné), transcribriforme (endoscopique) | Extranasal: Lambeau transfrontal péricrânien (PCF) Intranasal: Cornet nasal moyen Antérieur pédiculé / paroi nasale latérale (lambeau de Hadad-Bassagaisteguy 2) Antérieur pédiculé / cornet nasal inférieur (AITF) Nasoseptal (lambeau de secours modifié) Lambeau de rotation inversé (selon Caicedo) |
Axe coronal | Papillome inversé Carcinome sino-nasal+ | |||
Région médiane de la base centrale du crâne | ||||
Planum sphénoïdal, sillon chiasmatique, tubercule sellaire jusqu’au plancher de la selle turcique [8–10] | Axe sagittal | Adénome hypophysaire+ Méningiome+ Kyste de la poche de Rathke Craniopharyngiome Gliomes de l’axe hypothalamo-optique Tumeurs des cellules germinales suprasellaires | Phase nasale: Transsphénoïdal, transseptal (sans turbinectomie), septectomie postérieure, évtl. ethmoïdectomie Phase ostéodurale: Transplanaire, transtuberculaire, transsellaire, décompression médiale du canal optique et/ou de l’apex orbitaire | Extranasal: Lambeau transfrontal péricrânien (PCF) Intranasal: Postérieur pédiculé / paroi nasale médiale (lambeau nasoseptal de Hadad-Bassagaisteguy) unilatéral / bilatéral (selon Janus) Postérieur pédiculé / paroi nasale latérale (selon Carrau-Hadad) Postérieur pédiculé / cornet nasal inférieur (PPITF) Nasoseptal (lambeau de secours modifié) Cornet nasal moyen Lambeau de rotation inversé (selon Caicedo) |
Axe coronal | Méningiome+ | |||
Région parasellaire de la base centrale du crâne | ||||
Sinus caverneux, apex orbitaire [8–10] | Axe sagittal | Méningiome+ Adénome hypophysaire+ Carcinome sino-nasal+ | ||
Cavum de Meckel, récessus latéral du sinus sphénoïdal et fosse infratemporale [8–10] | Axe coronal | Rhinoliquorrhée postérieure§ Schwannome du trijumeau | Phase nasale/ostéodurale Antrotomie médiale (maxillectomie médiale), transptérygoïdien, infratemporal | Extranasal: Transptérygoïdien (fascia temporo-pariétal) Intranasal: Postérieur pédiculé / paroi nasale médiale (lambeau nasoseptal de Hadad-Bassagaisteguy) |
Région postérieure de la base centrale du crâne | ||||
Plancher du sinus sphénoïdal, clivus supérieur, moyen et inférieur, pointe du rocher et jonction crânio-cervicale [8–10] | Axe sagittal | Chordome Ecchordosis physaliphora Pathologies de la jonction crânio-cervicale | Phase nasale: Transsphénoïdal, transseptal (sans turbinectomie), septectomie postérieure, infra-sphénoïdal, trans-ptérygoïdien, section épipharynx-raphé Phase ostéodurale: Trans-clivus, trans/sous-foramen déchiré, trans-pointe du rocher, trans-arc de l’atlas, transodontoïde (axe) | Intranasal: Postérieur pédiculé / paroi nasale médiale (lambeau nasoseptal de Hadad-Bassagaisteguy) Postérieur pédiculé / paroi nasale latérale (selon Carrau-Hadad) Postérieur pédiculé / cornet nasal inférieur (PPITF) Plancher nasal (NFPF) Nasopharyngé pédiculé |
Axe coronal | Granulome à cholestérine Chondrosarcome | |||
* Ce tableau énumère les pathologies les plus fréquentes et ne prétend pas à l’exhaustivité. # Pour chaque région de la base du crâne, il existe des voies d’abord transcrâniennes bien établies, avec lesquelles le bénéfice et les risques de l’accès endoscopique alternatif doivent être mis en balance. + Ces pathologies ont un caractère infiltrant et peuvent impliquer plusieurs compartiments à la fois. § Rhinoliquorrhée idiopathique, post-traumatique ou structurelle due à une méningo-(encéphalo)-cèle. AITF: «anterior pedicled inferior turbinate flap»; NFPF: «nasal floor pedicled flap»; PCF: «pericranial flap»; PPITF: «posterior pedicled inferior turbinate flap». |
Nuances opératoires et progrès techniques dans le traitement endoscopique des pathologies de la base du crâne
Pour chaque région de la base du crâne, il existe des voies d’abord transcrâniennes bien établies, avec lesquelles le bénéfice et les risques de la voie d’abord endoscopique alternative doivent être mis en balance. Les facteurs anatomiques ainsi que l’étendue de la pathologie sont déterminants à cet égard. Alors que, par exemple, la loge sellaire et les aspects médiaux du canal optique sont accessibles de manière limitée par voie transcrânienne, une résection par voie transnasale n’est possible que de manière restreinte, voire est impossible, en cas de distance étroite entre les deux artères carotides et les lésions situées latéralement à celles-ci. Enfin, l’abord endoscopique endonasal est mini-invasif, ne provoque pas de cicatrices visibles et permet d’éviter une lésion du muscle temporal. Les patientes et patients peuvent rentrer chez eux après une courte hospitalisation. Dans de nombreuses institutions, une équipe composée d’un spécialiste en oto-rhino-laryngologie et d’un spécialiste en neurochirurgie opère aujourd’hui à quatre mains, les expertises se complétant ainsi de manière optimale (fig. 2) [1, 11, 12].
Pour les résections plus extensives, un accès par les deux narines est souvent choisi (accès binarinaire). Cela permet d’une part une visualisation optimale et d’autre part une résection bimanuelle contrôlée de l’altération pathologique. Il est également possible d’utiliser de la fluorescéine par voie intrathécale pour visualiser les fuites de liquide céphalo-rachidien, ainsi que des injections intravasculaires de vert d’indocyanine pour visualiser la vascularisation des lambeaux muqueux pédiculés ou des vaisseaux intracrâniens (fig. 3A) [1, 2, 5, 13, 14].
Reconstruction systématique des pertes de substances occasionnées au niveau de la base du crâne
Le principal inconvénient de la rhino-neurochirurgie endoscopique endonasale par rapport aux procédures transcrâniennes est la destruction iatrogène de la barrière naturelle formée par les méninges et l’os entre la cavité nasale et le compartiment intracrânien. Sur la base du principe de la gravité, le liquide céphalo-rachidien trouve le chemin où la résistance est la plus faible et entraîne potentiellement une rhinoliquorrhée qui, si elle n’est pas traitée, est associée à un risque non-négligeable de méningite. Avec l’extension des indications, des méthodes sophistiquées de reconstruction des pertes de substances complexes de la base du crâne ont été développées. Une standardisation et une escalade systématique de la reconstruction, adaptée à la perte de substance générée au niveau de la base du crâne, ont permis de réduire considérablement la morbidité de la rhinoliquorrhée postopératoire au cours des dernières décennies [15]. Pour les petites pertes de substances avec peu d’écoulement de liquide céphalo-rachidien, du matériel autologue libre (graisse abdominale ou dermique, fascia musculaire) est utilisé, mais des matériaux synthétiques sont également employés. En cas de pertes de substances plus importantes, en particulier lorsqu’il y a une communication avec les citernes basales ou les ventricules cérébraux, et de défects dans les membranes arachnoïdiennes, il se produit un écoulement de liquide céphalo-rachidien modéré à sévère déjà visible en intra-opératoire. Outre les matériaux autologues mentionnés, ces défects sont également recouverts d’un lambeau muqueux pédiculé vascularisé. Des études ont montré qu’une fermeture multicouche est supérieure à une fermeture monocouche. L’utilisation de lambeaux nasoseptaux (LNS) dans le cadre d’une resonstruction multicouche a permis d’abaisser à moins de 5% le taux de rhinoliquorrhée postopératoire lors d’interventions endoscopiques complexes de la base du crâne [1, 2, 5, 13]. Le LNS classique peut être soulevé par voie intranasale avec peu d’efforts, a une grande portée et une grande capacité de rotation, peut couvrir une grande surface et dispose d’une vascularisation robuste par la branche septale postérieure de l’artère sphéno-palatine. Ce lambeau pédiculé, décrit pour la première fois en 2006 par Hadad et al., peut couvrir des pertes de substance jusqu’à la selle turcique (fig. 3B) [16, 17]. Les reconstructions sont rembourrées et stabilisées à l’aide de tampons nasaux afin de permettre à la muqueuse de se fixer sur le bord osseux [1, 2, 5, 13]. En fonction de l’orientation dans l’axe sagittal et coronal, ainsi que de la pathologie traitée, les méthodes de reconstruction correspondantes peuvent être choisies (tab. 1) [13, 16–18].
Devenir du patient: principaux paramètres de suivi
Dans les suites immédiates de l’opération et pendant l’hospitalisation subséquente, les patientes et patients doivent être surveillés pour détecter une éventuelle épistaxis et rhinoliquorrhée, selon la localisation de la pathologie, et un contrôle étroit de l’équilibre hydrosodé et de la production de cortisol basal doit être assuré. Tous ces paramètres sont importants pour le devenir du patient. Par la suite, des paramètres rhinologiques, ophtalmologiques, endocrinologiques et radiologiques sont au premier plan. Toutes ces informations convergent vers les internistes généralistes qui suivent les patientes et patients et forment un schéma de contrôle/suivi interdisciplinaire complexe (tab. 2A et 2B) [1, 2, 7].
Tableau 2A: Suivi postopératoire et suivi à moyen et long terme recommandés pour les pathologies les plus fréquentes de la base centrale du crâne | ||||||
Prise en charge rhino-neurochirurgicale des pathologies de la région antérieure de la base du crâne* | ||||||
Population | Discipline principale# | Suivi radiologique# | Suivi rhinologique# | Endoscopie flexible systématique# | Biopsies# | |
Rhinoliquorrhée§ [7, 22] | Pédiatrique et adulte | ORL / neurochirurgie | IRM unique après 3 mois | Toilette nasale postopératoire: une à plusieurs fois si nécessaire pour éliminer les croûtes, les odeurs nasales et les inflammations Contrôles de suivi réguliers concernant: synéchies, nécroses du lambeau, mucocèles, perforation du septum En cas de tumeurs: bilan ORL complet et test olfactif; en cas d’atteinte des ganglions lymphatiques, échographie du cou en option | Endoscopie ciblée possible | Pas nécessaire En cas de suspicion de récidive: test de la bêta-2-transferrine |
Papillome inversé [7, 22, 26] | Adulte | ORL | IRM la 1ère année: tous les 3–4 mois, la 2e année: tous les 4–6 mois, puis tous les 6–12 mois jusqu’à la fin de la 5e année au moins Exception: papillome inversé septal complètement réséqué | La 1ère année: tous les 3–4 mois, la 2e année: tous les 4–6 mois, ensuite tous les 6–12 mois | En cas de suspicion de récidive, souvent en cas de lésions réséquées de manière incomplète au cours des 2 premières années | |
Esthésio-neuroblastome+ [7, 22, 29, 30] | Adulte | Neurochirurgie / ORL | Les 2 premières années: tous les 3 mois, puis jusqu’à la fin de la 5e année au moins: tous les 4–6 mois | En cas de suspicion de récidive | ||
IRM/TDM après 3 mois, puis jusqu’à la fin de la 2e année: tous les 1–3 mois; puis jusqu’à la fin de la 5e année au moins: tous les 4–6 mois TDM/TEP en cas de métastases | ||||||
Carcinomes sino-nasaux+ [7, 22, 23, 28, 29] | Adulte | ORL | ||||
* Ce tableau énumère les pathologies les plus fréquentes et ne prétend pas à l’exhaustivité. + Ces pathologies ont un caractère infiltrant et peuvent impliquer plusieurs compartiments à la fois. # Les recommandations de contrôles de suivi énumérées ici se basent sur les preuves existantes. Les contrôles de suivi à long terme peuvent être effectués par des spécialistes installés en cabinet/internistes généralistes/médecins de premier recours en tenant compte de la situation individuelle du patient/du diagnostic et en étroite concertation avec le spécialiste de la base du crâne et l’endocrinologue qui suivent la patiente ou le patient à l’hôpital central. § Rhinoliquorrhée idiopathique, post-traumatique ou structurelle due à une méningo-(encéphalo)-cèle. IRM: imagerie par résonance magnétique (neurocrâne, sinus paranasaux, si nécessaire spécifiquement orbite et base du crâne, ou selle turcique); ORL: otorhinolaryngologie; TDM: tomodensitométrie (neurocrâne, sinus paranasaux, si nécessaire spécifiquement orbite et base du crâne); TEP: tomographie par émission de positons. |
Paramètres de suivi rhinologiques
En principe, les personnes opérées ne doivent pas se moucher, soulever des charges lourdes (>2,5 kg) ou prendre l’avion pendant les deux à trois premières semaines. En cas de suspicion de rhinoliquorrhée postopératoire au cabinet médical, la patiente ou le patient devrait être adressé(e) au service des urgences de l’hôpital central.
La résection de la muqueuse et de l’os pendant l’opération entraîne une perturbation partielle des voies d’écoulement sino-nasales, avec une perte locale de la fonction mucociliaire nasale. A court terme, il peut y avoir un écoulement nasal avec des sécrétions claires, qui peut simuler une rhinoliquorrhée, mais qui peut aussi la masquer. Les personnes concernées peuvent en outre faire état de croûtes, de dysosmies et d’inflammations au cours de l’évolution. Les croûtes nasales, en particulier, surviennent chez jusqu’à 95% des personnes opérées. Ces croûtes peuvent être contrôlées par des lavages réguliers avec des solutions salines nasales et des nettoyages endoscopiques du nez (toilette nasale) effectués par une ou un spécialiste. Plus de la moitié des patientes et patients n’ont plus de croûtes après environ trois mois. Toutefois, en cas de persistance des croûtes et des symptômes nasaux, ils doivent à nouveau être adressés à une ou un oto-rhino-laryngologiste. Parmi les autres complications nasales figurent souvent les troubles olfactifs, les synéchies, la perforation du septum, la formation de mucocèles, l’otite moyenne séreuse et, plus rarement, la nécrose du lambeau, l’affaissement du dos du nez, les hypoesthésies et les troubles du goût. Des études rétrospectives ont montré que la plupart des patientes et patients ayant bénéficié de soins postopératoires réguliers avaient retrouvé une fonction nasale complète au bout de six mois [1, 2, 7]. Même après des résections plus extensives dans le cadre d’opérations transnasales, les patientes et patients ont une apparence externe intacte. Par conséquent, lorsque ces personnes seront adressées en consultation ou hospitalisées à l’avenir, l’information relative à la recontruction des pertes de substances de la base du crâne devrait figurer dans la lettre d’adressage et dans la liste des diagnostics, afin d’éviter les perforations iatrogènes en direction intracrânienne lors de la pose de sondes nasogastriques et d’aspirations.
Paramètres de suivi ophtalmologiques
Les lésions sellaires et parasellaires qui affectent le chiasma optique ou les nerfs optiques à leur entrée dans le canal optique, à l’intérieur de la pointe de l’orbite ou en intraconal se manifestent par des limitations bilatérales ou unilatérales du champ visuel et/ou de l’acuité visuelle. En cas d’infiltration du sinus caverneux ou de l’orbite, l’atteinte du nerf oculomoteur, du nerf trochléaire et/ou du nerf abducens peut entraîner des troubles de l’oculomotricité. En cas d’acuité visuelle suffisante (binoculaire 0,2/0,5 ou monoculaire fonctionnelle 0,6), d’absence de restriction du champ visuel horizontal (limites extérieures d’au moins 120°) et d’absence de diplopie, la conduite automobile est en général à nouveau possible deux semaines après l’opération. Des contrôles de suivi ophtalmologiques réguliers sont recommandés pour la plupart des lésions de la région sellaire et parasellaire. En effet, les lésions existantes peuvent s’aggraver à long terme, par exemple en raison de la progression d’une neuropathie de compression ou après une irradiation impliquant un nerf, ou encore en raison de récidives locales. En cas de modifications de l’acuité visuelle et/ou du champ visuel au cours de l’évolution, les médecins généralistes et les pédiatres doivent entreprendre des contrôles radiologiques et ophtalmologiques et se concerter avec l’hôpital central [1, 2].
Paramètres de suivi endocrinologiques
Un grand nombre de lésions impliquent la région sellaire et se manifestent par des déficits de l’axe hypothalamo-hypophysaire ou par des syndromes d’hypersécrétion hormonale (autonomie) en présence d’adénomes hypophysaires hormono-sécrétants. Les patientes et patients «intacts» en préopératoire peuvent développer un déficit d’un ou plusieurs axes hypophysaires, pouvant aller jusqu’au panhypopituitarisme, après une chirurgie endoscopique de la base du crâne [1, 2]. Le craniopharyngiome constitue un cas particulier, pour lequel la chirurgie endoscopique de la base du crâne joue un rôle de plus en plus important. Chez les patientes et patients pédiatriques comme chez les adultes, il revêt une grande importance de préserver respectivement la fonction hypothalamo-hypophysaire pour le développement pubertaire et l’intégrité neurologique (en particulier de l’hypothalamus) pour l’espérance de vie à long terme par rapport à la résection radicale [19–21]. Pour toutes les opérations dans la région sellaire, un contrôle clinique et un contrôle des taux d’électrolytes doivent être effectués en ambulatoire environ une semaine après la sortie, afin de détecter un potentiel syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH; souvent associé sur le plan clinique à des nausées et des céphalées) ou un diabète insipide (associé sur le plan clinique à une polyurie et une polydipsie). Dans la pratique générale, il convient en outre d’être attentif aux symptômes cliniques d’un hypocortisolisme en période postopératoire. Une surveillance endocrinologique à long terme, avec des contrôles cliniques et de laboratoire réguliers, est essentielle chez les personnes souffrant de pathologies sellaires, afin de détecter précocement les récidives. Toute modification de la fonction endocrinologique à long terme (sur le plan clinique ou au niveau des analyses de laboratoire) doit conduire à des contrôles radiologiques anticipés et à une concertation avec l’hôpital central [1, 2].
Paramètres de suivi radio-oncologiques
La grande majorité des pathologies traitées par chirurgie endoscopique de la base du crâne sont des tumeurs bénignes ou (plus rarement) malignes, qui nécessitent un suivi tumoral régulier [7, 22, 23]. En cas de lésions bénignes, il est en principe recommandé de procéder à des contrôles réguliers à des intervalles définis, qui peuvent être prolongés si les résultats sont stables [21, 24–27]. En cas de lésions malignes, outre les contrôles radiologiques réalisés selon des protocoles tumoraux standardisés, les spécialistes en oto-rhino-laryngologie procèdent à des inspections régulières par endoscopie flexible systématique (tab. 2A et 2B) [28–30].
Suivi tumoral à l’hôpital central ou au cabinet médical
A court et moyen terme, les patientes et patients atteints de tumeurs et de pathologies de la base du crâne font l’objet d’un suivi interdisciplinaire étroit. Les spécialistes de la base du crâne qui traitent les patientes et patients coordonnent les contrôles de suivi interdisciplinaires rapprochés, et les procédures de suivi sont définies lors de réunions de concertation interdisciplinaires (pour les tumeurs cérébrales, les tumeurs de l’hypophyse, les tumeurs de la base du crâne et de la tête et du cou, les tumeurs pédiatriques), sur la base du diagnostic histologique. Avec les concepts thérapeutiques multimodaux modernes (médicaments, radiothérapie, radiochirurgie, protonthérapie), une tumeur résiduelle peut être acceptée dans les régions sensibles de la base du crâne au détriment de la radicalité. Ainsi, des contrôles de suivi radiologiques réguliers sont indiqués pour la plupart des lésions et devraient être effectués au cours des premières années dans l’hôpital central ayant réalisé le traitement (tab. 2A et 2B).
Exemple de cas
Une patiente de 27 ans s’est présentée chez son médecin de famille en raison de troubles visuels passagers, suite à quoi une imagerie par résonance magnétique (IRM) de la tête a été réalisée. L’examen a confirmé la présence d’une masse rétro-infundibulaire suprasellaire (fig. 1A). Un bilan endocrinologique a montré que les hormones étaient intactes et un examen ophtalmologique approfondi n’a pas révélé de déficits du champ visuel ou de troubles visuels pertinents. Après avoir adressé la patiente à l’hôpital central, l’indication d’une confirmation biopsique du diagnostic et d’une résection partielle avec préservation des fonctions hormonales a été posée dans le cadre d’une réunion de concertation spécialisée dans les tumeurs de l’hypophyse et du cerveau. La voie d’abord endoscopique endonasale a été choisie en tant que trajectoire chirurgicale la plus judicieuse et la perte de substance de la base du crâne a fait l’objet d’une reconstruction multicouche (fig. 1B et fig. 3). Le diagnostic de gliome hypothalamique de bas grade a été confirmé (tab. 1). En postopératoire, la patiente n’a présenté aucun signe de diabète insipide ou d’hypocortisolisme; en l’absence de rhinoliquorrhée, elle a pu rentrer chez elle. A moyen terme, la femme a signalé à son médecin de famille des croûtes et des écoulements nasaux, qui ont régressé après plusieurs consultations oto-rhinologiques.
Avec un décalage de quelques mois, la patiente a développé un diabète insipide central nécessitant une substitution ainsi qu’un panhypopituitarisme, comme l’ont montré les contrôles endocrinologiques étroits. Le contrôle radiologique a toutefois permis d’exclure une progression de la tumeur résiduelle. La patiente est désormais soumise à des contrôles radiologiques, endocrinologiques et ophtalmologiques réguliers et, en cas de stabilité ou de diminution de la masse tumorale résiduelle, l’intervalle entre les contrôles radiologiques peut être étendu à une année (tab. 2B).
Perspectives
Les patientes et patients atteints de pathologies de la base du crâne nécessitent, selon le diagnostic histologique, des traitements adjuvants complémentaires et un suivi clinico-radiologique à long terme. Une équipe spécialisée composée de neurochirurgiens, d’oto-rhino-laryngologistes, d’endocrinologues, d’ophtalmologues et d’oncologues (pédiatriques) se coordonne de manière interdisciplinaire après l’opération. A long terme, si les résultats sont stables, ces contrôles de suivi peuvent également être effectués en cabinet. Une concertation individuelle avec l’hôpital central, la réalisation de contrôles radiologiques postopératoires réguliers selon des protocoles tumoraux standardisés et le suivi à long terme des patientes et patients sont ici d’une grande importance pour détecter les récidives tumorales et les déficits fonctionnels à long terme. Les recommandations détaillées pour la pratique générale concernant le suivi tumoral sont présentées dans le tableau 2A et 2B.
Tableau 2B: Suivi postopératoire et suivi à moyen et long terme recommandés pour les pathologies les plus fréquentes de la base centrale du crâne | ||||||
Prise en charge interdisciplinaire des pathologies de la région médiane, parasellaire et postérieure de la base centrale du crâne* | ||||||
Population | Discipline principale# | Suivi radiologique# | Suivi rhinologique# | Suivi endocrinologique# | Suivi ophtalmologique# | |
Adénome hypophysaire non sécrétant+, kyste de la poche de Rathke [1, 25] | Adulte, rarement pédiatrique | Neurochirurgie / endocrinologie | IRM sellaire après 3 mois, puis tous les ans ou tous les 2–3 ans selon les résultats | Toilette nasale postopératoire: une à plusieurs fois si nécessaire pour éliminer les croûtes, les odeurs nasales et les inflammations Contrôles de suivi réguliers concernant: synéchies, nécroses du lambeau, mucocèles, perforation du septum En cas d’interventions au niveau du clivus inférieur et de la jonction crânio-cervicale, contrôle concernant: dysfonction de l’épipharynx, insuffisance vélopalatine | En cas de contact avec l’hypophyse / la tige hypophysaire: le 7e jour postopératoire (en ambulatoire): contrôle clinique et contrôle de laboratoire des électrolytes en ce qui concerne le SIADH et le diabète insipide 2–4 semaines après l’opération: contrôle clinique et de laboratoire, puis après 3, 6 et 12 mois, puis annuellement En cas d’adénomes hypophysaires sécrétants: les contrôles cliniques et de laboratoire sont primordiaux En cas d’atteinte hypothalamique: contrôle du poids, test neurocognitif Chez les patients pédiatriques: croissance et son contrôle, développement pubertaire, comportement alimentaire, développement cognitif | En cas de contact avec le chiasma optique ou le nerf optique: la 1ère année: après 4–6 semaines, puis tous les 3–6 mois, puis tous les 6–12 mois par examen du champ visuel et de l’acuité visuelle, TCO et examen du fond d’œil En cas d’infiltration de l’apex orbitaire / de l’orbite: en plus, 4–6 semaines après l’opération, puis tous les 6 à 12 mois: contrôle de l’oculomotricité (orthoptie) et de la position du globe oculaire (en- et exophtalmie) |
Adénome hypophysaire sécrétant (par ex. prolactinome, acromégalie, maladie de Cushing)+ [1, 25] | Adulte | Endocrinologie / neurochirurgie | IRM sellaire après 3 mois, puis en fonction de l’évolution clinique et de laboratoire ainsi que du traitement médicamenteux | |||
Méningiomes de la base du crâne+ | Adulte | Neurochirurgie | Grade I de l’OMS: IRM après 3 mois, puis tous les ans jusqu’à la fin de la 5e année, ensuite tous les 2–3 ans Grade II ou III de l’OMS après radiothérapie: IRM après 3 mois, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de la 5e année, ensuite tous les ans | |||
Craniopharyngiome, gliomes de l’axe hypothalamo-optique, tumeurs des cellules germinales suprasellaires [21] | Pédiatrique et adulte | Neurochirurgie / endocrinologie | IRM la 1ère année: tous les 3 mois, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de la 5e année, ensuite tous les ans | |||
Schwannome du trijumeau [24], granulome à cholestérine | Adulte | Neurochirurgie / ORL | IRM après 3 mois, puis tous les ans jusqu’à la fin de la 5e année, ensuite tous les 2–3 ans | |||
Chordome+ [27], Ecchordosis physaliphora | Adulte et pédiatrique | Neurochirurgie / pédiatrie | ||||
Chondrosarcome+ [7, 22, 28, 29] | Adulte et pédiatrique | Neurochirurgie / ORL / pédiatrie | IRM jusqu’à la fin de la 2e année: tous les 3 mois, puis jusqu’à la fin de la 3e année: tous les 4 mois, puis jusqu’à la fin de la 5e année: tous les 6 mois, ensuite tous les ans | |||
* Ce tableau énumère les pathologies les plus fréquentes et ne prétend pas à l’exhaustivité. + Ces pathologies ont un caractère infiltrant et peuvent impliquer plusieurs compartiments à la fois. # Les recommandations de contrôles de suivi énumérées ici se basent sur les preuves existantes. Les contrôles de suivi à long terme peuvent être effectués par des spécialistes installés en cabinet/internistes généralistes/médecins de premier recours en tenant compte de la situation individuelle du patient/du diagnostic et en étroite concertation avec le spécialiste de la base du crâne et l’endocrinologue qui suivent la patiente ou le patient à l’hôpital central. IRM: imagerie par résonance magnétique (neurocrâne, sinus paranasaux, si nécessaire spécifiquement orbite et base du crâne, ou selle turcique); OMS: Organisation mondiale de la santé; ORL: otorhinolaryngologie; SIADH: syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique; TEP: tomographie par émission de positons. |
Klinik für Neurochirurgie, Universität Basel, Universitätsspital Basel, Basel
L’essentiel pour la pratique:
Un grand nombre de lésions bénignes et malignes affectant l’ensemble de la base centrale du crâne peuvent s’accompagner de symptômes neurologiques (notamment au niveau des nerfs crâniens), endocrinologiques et ophtalmologiques. Ces pathologies peuvent être traitées, entre autres, par la chirurgie endoscopique de la base du crâne.
Un suivi interdisciplinaire avec des contrôles endocrinologiques, ophtalmologiques, oto-rhino-laryngologiques et radiologiques est mis en place par l’hôpital central.
La coordination à moyen et long terme du suivi interdisciplinaire par des spécialistes en endocrinologie et en ophtalmologie installés en cabinet, ainsi que les contrôles d’imagerie à l’hôpital central à des intervalles adaptés, peuvent également être effectués par les médecins généralistes et les pédiatres, à la demande des patientes et patients.
Des récidives à long terme et de nouveaux déficits fonctionnels sont possibles et doivent être détectés à temps.
Les contrôles par imagerie doivent être effectués à intervalles réguliers et selon des protocoles tumoraux standardisés (comparaison sur le long terme).
Toute modification de la fonction endocrinologique (sur le plan clinique ou au niveau des analyses de laboratoire) et/ou de l’acuité visuelle/du champ visuel doit conduire à des contrôles d’imagerie anticipés et à une concertation avec l’hôpital central.
MR a déclaré avoir reçu, en collaboration avec l‘Associate Prof. Revadi Govindaraju, un soutien financier du ministère de la santé de Malaisie et de l’Adelaide Ear-Nose-Throat Research Institute pour la réalisation des illustrations anatomiques de cet article. Les autres auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
PD Dr méd. Michel Roethlisberger
Departement Neurochirurgie
Universitätsspital Basel
Spitalstrasse 21
CH-4031 Basel
michel.roethlisberger[at]usb.ch
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