Vaccins à ARNm contre le COVID-19 et effets indésirables cardiaques potentiels
Groupe de jeunes hommes à risque

Vaccins à ARNm contre le COVID-19 et effets indésirables cardiaques potentiels

Kommentar
Édition
2022/39
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09205
Forum Med Suisse. 2022;22(39):650-651

Publié le 28.09.2022

Swissmedic et l’Agence européenne des médicaments ont informé que des péricardites/myocardites pouvaient survenir après l’administration des vaccins à ARN messager (ARNm) anti-COVID-19 tozinaméran (Pfizer/BioNtech) et mRNA-1273 (Moderna).

Les symptômes cardiaques survenant après l’administration d’un vaccin à ARNm doivent faire penser à une péricardite/myocardite, sourtout chez les jeunes hommes.
© Manjurul Haque / Dreamstime
Suite à plusieurs cas rapportés dans la littérature et à des études populationnelles, Swissmedic et l’Agence européenne des médicaments ont informé, à partir de juin 2021, que des péricardites/myocardites pouvaient survenir après l’administration des vaccins à ARN messager (ARNm) anti-COVID-19 tozinaméran (Pfizer/BioNtech) et mRNA-1273 (Moderna). Les études contrôlées contre placebo réalisées en vue de l’autorisation de mise sur le marché n’ont montré aucune association avec des effets indésirables cardiaques, que ce soit pour tozinaméran [1, 2] ou pour mRNA-1273 [3, 4]. En revanche, dans une étude de registre américaine avec environ deux millions de personnes participantes, une myocardite a été détectée chez 20 patientes et patients après la vaccination contre le COVID-19, ce qui correspond à une incidence de 0,001% [5]. Tout comme dans les cas rapportés dans la littérature, les symptômes sont apparus quelques jours après la vaccination [5, 6]. En cas de début des symptômes plus d’une semaine après la vaccination, il faut également envisager la possibilité d’une coïncidence. Cela explique en partie l’incidence à 42 jours de 0,002%, mathématiquement deux fois plus élevée, dans une étude israélienne, où la majorité des cas sont apparus plus de 14 jours après la vaccination [7]. En comparaison, la prévalence annuelle de la péricardite/myocardite non associée à la vaccination est chiffrée à 0,0022% dans l’étude «Global Burden of Disease» [8]. Dans les cas rapportés, la myocardite consécutive à la vaccination concernait davantage les jeunes hommes (75–92% d’hommes, âge moyen <40 ans) qui, dans 80–88% des cas, ont développé une myocardite après la deuxième dose de vaccin [5, 6].
Ces données sont illustrées de manière exemplaire dans le cas présenté par Ciancone et al. [9] dans ce numéro du Forum Médical Suisse, qui décrivent le cas typique d’un jeune patient atteint de péricardite/myocardite après avoir reçu le vaccin anti-COVID-19 (mRNA-1273, Moderna). Cette présentation de cas souligne l’importance centrale de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du cœur pour le diagnostic [10] et pour la stratification du risque en cas de myocardite [11–12]. Le phénotype à l’IRM cardiaque semble être globalement plus léger en cas de myocardite consécutive à la vaccination que dans les myocardites dues à d’autres causes [14, 15], ce qui concorde avec les données des études cliniques qui, à quelques exceptions près, font état d’une évolution légère de la maladie. Sur 301 cas de myocardite issus de trois études [5–7], trois personnes sont décédées, parmi lesquels un seul décès était dû à un choc cardiogénique consécutif à une myocardite. En revanche, presque tous les malades (>95%) ont été hospitalisés, bien que seuls 4% d’entre eux aient présenté une évolution fulminante [5, 7].
Comme l’ont souligné les auteurs du cas clinique présenté ici, les bénéfices de la vaccination l’emportent, car la réduction du risque de complications liées au COVID-19 est plus importante que le risque de péricardite/myocardite liée à la vaccination. Le risque de péricardite/myocardite consécutive à une infection au COVID-19 (qui n’est qu’une des complications possibles du COVID-19) est à lui seul considéré comme nettement plus élevé que celui lié à la vaccination. Ainsi, dans une étude de Puntmann et al., 78% des personnes ayant contracté le COVID-19 présentaient des anomalies à l’IRM cardiaque, qui étaient compatibles avec une inflammation myocardique dans 60% des cas [16]. Même si la plupart des critères diagnostiques d’une myocardite classique n’étaient pas remplis, d’autres études ont montré que 8–28% des personnes atteintes de COVID-19 présentaient des enzymes cardiaques augmentées, compatibles avec une lésion myocardique [17, 18]. De plus, la vaccination réduit le risque d’évolution grave de la maladie, pour laquelle il existe une association particulièrement forte avec une atteinte myocardique [17, 19]. On peut dès lors partir du principe que, malgré une efficacité moindre contre les variants d’Omicron, la vaccination reste avantageuse, même et surtout chez les personnes présentant un risque élevé de myocardite (par exemple les jeunes hommes après une myocardite virale antérieure). On peut éventuellement discuter ici d’une préférence pour le vaccin tozinaméran par rapport au vaccin mRNA-1273, car le premier vaccin semble présenter un risque de myocardite plus faible [5]. Il convient de mentionner qu’une interruption prophylactique du sport pendant trois jours après la vaccination est recommandée aux athlètes par la «Sport & Exercise Medicine Switzerland» (SEMS) [20].
Outre la péricardite/myocardite, d’autres altérations du myocarde ont également été discutées comme conséquence d’une vaccination au moyen d’un vaccin à ARNm. Une relation avec la cardiomyopathie de Takotsubo – comme nous l’avons publié pour la première fois [21] – ou l’infarctus du myocarde [22] a été rapportée de manière isolée. Des cas similaires ont été rapportés pour des vaccins vectoriels [23, 24], ce qui rend moins probable un lien de causalité immunologique avec la vaccination et implique donc une coïncidence rare.
En résumé, la survenue de symptômes cardiaques dans la semaine suivant la vaccination au moyen d’un vaccin à ARNm doit faire penser à une péricardite/myocardite, en particulier chez les jeunes hommes. La suspicion doit être clarifiée par la détermination des biomarqueurs cardiaques, par un électrocardiogramme et, en cas d’anomalies, par une IRM cardiaque. Si des signes de myocardite sont présents, le traitement – y compris les recommandations pour la prévention du sport [25] – ne diffère pas de celui des myocardites dues à d’autres causes [26]. On ne sait toutefois pas encore dans quelle mesure une augmentation des biomarqueurs cardiaques est cliniquement pertinente, même en cas d’IRM cardiaque normale. Les résultats des études en cours, dans lesquelles les biomarqueurs cardiaques tels que la troponine sont systématiquement déterminés après la vaccination et mis en corrélation avec le devenir des patientes et patients (par exemple «clinicaltrials.gov» NCT04865900, NCT04967807 ou NCT05438472), apporteront, espérons-le, des éclaircissements. Sur la base des données recueillies auprès d’un grand nombre de personnes vaccinées dans le monde entier, qui font l’objet d’un suivi attentif dans de nombreuses études, le risque de myocardite due à la vaccination est considéré comme faible dans l’état actuel des connaissances, et les avantages de la vaccination l’emportent sur les risques d’une infection spontanée au COVID-19, dont l’évolution peut être atténuée par la vaccination. Le cas présenté ici en est une parfaite illustration et nous félicitons les auteurs pour leur publication.
Dr méd. Benedikt Bernhard
Universitätsklinik für Kardiologie, Inselspital, Universitätsspital Bern, Bern
Prof. Dr Dr méd. Christoph Gräni
Universitätsklinik für Kardiologie, Inselspital, Universitätsspital Bern, Bern
Prof. Dr Dr méd. Christoph Gräni
Leiter kardiale Bildgebung
Universitätsklinik für Kardiologie
Inselspital, Universitätsspital Bern
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CH-3010 Bern
Telefon: +41 31 632 21 11
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