Dépistage de l'hépatite B et C et du VIH chez les adultes originaires d'Ukraine
Recommandations de la SSI, de la SASL et d’Hépatite Suisse

Dépistage de l'hépatite B et C et du VIH chez les adultes originaires d'Ukraine

Richtlinien
Édition
2022/37
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09210
Forum Med Suisse. 2022;22(37):610-611

Affiliations
a Hépatite Suisse; b Société Suisse d’Infectiologie (SSI); c Swiss Association for the Study of the Liver (SASL)

Publié le 14.09.2022

Mise en évidence de particules du virus de l'hépatite B (orange) par microscopie électronique à transmission.
CDC/ Dr. Erskine Palmer, 1981

Contexte

Depuis le début de la guerre, le 24 février 2022, jusqu’au début du mois de juillet de cette année, plus de 58 000 personnes ont fui l’Ukraine pour se réfugier en Suisse. Outre l’aide humanitaire, la prise en charge médicale des personnes en quête de protection est également une priorité. Avec le statut de protection S, les ressortissants ukrainiens enregistrés en Suisse bénéficient également d’une assurance maladie.
En raison du manque de ressources, les soins médicaux, en principe gratuits, sont limités en Ukraine [1]. Même avant le début de la guerre, le pays présentait, en comparaison européenne, outre un nombre de cas de tuberculoses multirésistantes supérieur à la moyenne, une prévalence élevée des hépatites B et C ainsi que d’infections par le VIH. Les sociétés suisses d’infectiologie (SSI) et d’hépatologie (SASL) ont donc décidé, en collaboration avec Hépatite Suisse, de rédiger des recommandations sur le dépistage des hépatites B et C ainsi que de l’infection par le VIH pour les personnes ayant fui l’Ukraine. Ces recommandations sur la marche à suivre pour les adultes s’adressent à tous les médecins qui participent à la prise en charge médicale des personnes ukrainiennes, qu’il s’agisse de soins de base ou d’une discipline spécialisée, en ambulatoire ou en milieu hospitalier. Pour les enfants ukrainiens, nous renvoyons aux recommandations pédiatriques spécifiques [2].

Situation épidémiologique en Ukraine

Hépatite C

L’Ukraine présente une prévalence de l’ARN du VHC estimée à 3% [3]. On estime que de nombreux Ukrainiens ne connaissent pas leur statut vis-à-vis de l’hépatite C. Le taux de traitement est faible [4]. Il n’existe pas de dépistage systématique chez les femmes enceintes [2].

Hépatite B

La prévalence de l’hépatite B chronique détectée par l’antigène HBs est estimée à 1% pour l’Ukraine [3]. Avec un taux de vaccination contre l’hépatite B chez les jeunes enfants de 80,9%, l’Ukraine se situe en queue de peloton européen [5], mais devance la Suisse.

Infection par le VIH

Avec 37,5/100 000/an, l’incidence du VIH en Ukraine est la deuxième plus élevée d’Europe [6]. La prévalence du VIH dans la population générale ukrainienne est estimée à 1%, avec des valeurs nettement plus élevées dans certaines sous-populations comme les usagers de drogue par voie intraveineuse (22,5%), les travailleuses du sexe (5,2%) et les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (7,5%) [7]. En 2019, 80% des personnes diagnostiquées avec une infection au VIH étaient sous traitement antirétroviral [7].

Dépistage

Par dépistage, on entend une offre générale de test pour tous les membres d’une population, indépendamment des facteurs de risque. Ceci s’oppose à un dépistage basé sur les risques. Pour les hépatites virales, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande d’appliquer une stratégie de dépistage dans les populations où la prévalence est de 2% ou plus [8, 9].
Pour le VIH, un dépistage est recommandé dans les populations de réfugiés provenant de pays où la prévalence est de 1% ou plus [10].
Sur la base de ces directives et des recommandations de l’«European Centre for Disease Prevention and Control» (ECDC) [4, 10], les tests suivants doivent être proposés sans discrimination à toutes les personnes en quête de protection en provenance d’Ukraine (dans la mesure où il n’existe pas déjà de résultat de test actuel):

Infections nouvellement détectées / respectivement non traitées

Les personnes en quête de protection dont l’hépatite B ou C ou l’infection au VIH vient d’être découverte ou n’est pas encore traitée doivent se voir proposer un examen plus approfondi et un traitement.

Traitements en cours

Si les personnes en quête de protection suivent un traitement en cours contre l’infection par le VIH ou l’hépatite B ou C, il faut absolument veiller à ce que le traitement soit poursuivi sans interruption en Suisse. Il est recommandé d’adresser ces personnes à une consultation d’infectiologie ou d’hépatologie dans un hôpital ou un cabinet médical, ou d’y demander conseil.

Vaccins

Le plan de vaccination suisse s’applique également aux personnes en quête de protection en provenance d’Ukraine. Les recommandations concernant la vaccination contre l’hépatite B sont à prendre en compte. Une vaccination contre l’hépatite B est indiquée chez les adultes en cas d’exposition et si aucune immunité n’est documentée après une infection ou une vaccination déjà effectuée.

Informations complémentaires ​

Autres pays à forte prévalence

Les auteurs tiennent à souligner que, outre les personnes en quête de protection en provenance d’Ukraine, toutes les personnes issues de l’immigration en provenance de pays à forte prévalence devraient être testées pour ces maladies infectieuses rappelées ici et pour d’autres, et que des examens et des traitements supplémentaires devraient être mis en place [9, 11, 12].
Les articles de la rubrique «Recommandations» ne reflètent pas forcément l’opinion de la rédaction. Les contenus relèvent de la responsabilité rédactionnelle de la société de discipline médicale ou du groupe de travail signataire; les présentes recommandations ont été approuvées par la Société Suisse d'Infectiologie (SSI), la «Swiss Association for the Study of the Liver» (SASL) et Hépatite Suisse, dont les auteurs cités sont représentatifs et ont contribué de manière substantielle à l'élaboration des recommandations.
PB a déclaré avoir reçu des subventions pour des projets et des voyages de la part d'Abbvie et de Gilead. CS a déclaré avoir reçu des subventions (à l'attention de l'institution) liées à des projets de la part d'Abbvie, de Gilead et de l'Office fédéral de la santé publique, ainsi que des honoraires de conférencier et un soutien pour des voyages de la part de Gilead, et avoir participé à un comité consultatif d'Abbvie. DS a déclaré avoir participé à des comités consultatifs de Gilead, Roche et Bayer; il est en outre président de la «Swiss Association for the Study of the Liver» et membre du comité de la Société suisse de gastroentérologie.
PD Dr méd Philip Bruggmann
Hépatite Suisse
Schützengasse 31
CH-8001 Zürich
1 Loboda A, Smiyan O, Popov S, Petrashenko V, Zaitsev I, Redko O, et al. Child health care system in Ukraine. Turk Pediatri Ars. 2020;55 Suppl 1:98–104.
2 Jaeger FN, Berger C, Buettcher M, Depallens S, Heininger U, Heller Y, et al. Paediatric refugees from Ukraine: guidance for health care providers. Swiss Med Wkly. 2022;152(21–22).
3 Foundation C. Polaris Country Dashboard Ukraine: CDA Foundation; 2020 [cited 2022 Aug 8]. Available from: https://cdafound.org/polaris-countries-dashboard
4 European Centre for Disease Prevention and Control ECDC, EASL, WHO. Joint statement: Ensuring high-quality viral hepatitis care for refugees from Ukraine. 2022 [cited 2022 Aug 8]. Available from: https://easl.eu/publication/easl-who-and-ecdc-joint-statement-ensuring-high-quality-viral-hepatitis-care-for-refugees-from-ukraine/
5 WHO. Immunization Dashboard: World Health Organisation; 2022. [cited 2022 Aug 8]. Available from: https://immunizationdata.who.int/pages/profiles/ukr.html
6 WHO Regional Office for Europe, European Centre for Disease Prevention and Control ECDC. HIV/AIDS surveillance Europe: 2020 data. Stockholm/Copenhagen; 2021 [cited 2022 Aug 8]. Available from: https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/hiv-aids-surveillance-europe-2021-2020-data
7 UNAIDS. Global AIDS monitoring 2019: Ukraine. Geneva 2020 [cited 2022 Aug 8]. Available from: https://www.unaids.org/sites/default/files/country/documents/UKR_2020_countryreport.pdf
8 World Health Organisation WHO. Global Hepatitis Report 2017. Geneva 2017 [cited 2022 Aug 8]. Available from: https://www.who.int/publications/i/item/9789241565455
9 Greenaway C, Castelli F. Migration Medicine. Infect Dis Clin North Am. 2019;33(1):265–87.
10 European Centre for Disease Prevention and Control ECDC. Ensuring high-quality of HIV care for displaced people from Ukraine. Stockholm 2022 [cited 2022 Aug 8]. Available from: https://www.ecdc.europa.eu/en/news-events/ecdceacswho-statement-ensuring-high-quality-hiv-care-displaced-people-ukraine
11 Notter J, Labhardt N, Hatz C, Wallnöfer A, Vollgraff M, Ritze N, et al. Infections chez les réfugiés adultes. Forum Med Suisse. 2016;16(49–50):1067–74.
12 Bihl F, Bruggmann P, Castro Batänjer E, Dufour JF, Lavanchy D, Müllhaupt B, et al. HCV disease burden and population segments in Switzerland. Liver Int. 2022;42(2):330–9.