La communication centrée sur le patient
«Invite the patient’s perspective»

La communication centrée sur le patient

Übersichtsartikel
Édition
2023/06
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09212
Forum Med Suisse. 2022;23(06):888-892

Affiliations
Psychosomatik – Medizinische Kommunikation, Universitätsspital Basel, Basel

Publié le 08.02.2023

L’écoute attentive est plus que «ne rien faire»; il s’agit d’une offre consistant à se tourner vers les personnes concernées avec la plus grande attention et attendre si et comment elles souhaitent poursuivre le dialogue.

Remarque préliminaire

Le présent article est une revue narrative de la littérature des trois dernières années, qui a été examinée sous le mot-clé «patient-centred communication». Les exemples sélectionnés montrent qu’il règne, dans ce domaine, une grande incertitude conceptuelle. Il est donc tenté de définir l’essentiel d’une communication centrée sur le patient. Cette définition a fait ses preuves dans le travail pratique de l’auteur, en sa qualité d’enseignant, de superviseur et de chercheur dans divers contextes culturels et à différents niveaux d’apprenants. Lorsqu’il s’agit des composantes individuelles abordées dans l’article d’une communication centrée sur le patient, des travaux actuels, notamment sur le thème «définir l’agenda» ont été systématiquement recherchés et présentés sous le mot-clé correspondant. La circonscription proposée ici du terme «communication centrée sur le patient» reflète la tentative de limiter la variété présente dans les lexiques et les théories. Il est à espérer qu’il a ainsi été possible de décrire de manière pertinente les efforts fournis en formation continue et postgraduée dans le domaine de la communication et de développer plus efficacement des objectifs didactiques et possibilités d’évaluation.
La «technique» probablement la plus importante de la communication est le silence attentif.
© Igor Mojzes / Dreamstime

Définition

Aujourd’hui encore, diverses définitions de ce que signifie la communication centrée sur le patient sont utilisées. Certains modèles propagent des axes de contenu très généraux qui doivent être traités lors d’un entretien centré sur le patient: Mead et Bower [1] exigent que le médecin et le patient s’impliquent en tant que personnes entières («as whole person»), ils soulignent l’importance d’une alliance thérapeutique et du partage du pouvoir et de la responsabilité. Epstein et ses collaborateurs [2] citent les objectifs suivants lors de la conduite d’un entretien centré sur le patient: 1. rechercher et comprendre le point de vue du patient (inquiétudes, représentations, attentes, besoins, émotions, répercussions au quotidien); 2. comprendre un patient dans son contexte psychosocial unique; 3. développer une compréhension commune du problème et de son traitement, en adéquation avec les valeurs du patient; 4. encourager le patient à partager le pouvoir et la responsabilité en le faisant participer aux décisions qui lui importent.
Moira Stewart [3] a souligné, dans plusieurs travaux, à quel point il est important pour la communication centrée sur le patient que les médecins explorent activement les opinions du patient. Encourager l’exploration active du point de vue des personnes concernées a été remis en question de manière critique dès 2006 dans un ouvrage de Haes [4]: il n’y aurait aucune preuve suffisante indiquant que les tous patients éprouveraient un intérêt à aborder des aspects psychosociaux, à partager leurs inquiétudes avec une personne qualifiée, à entretenir une relation de coopération ou à être activement impliqués dans la prise de décision commune. Elle préconise de déterminer si les patientes et patients souhaitent, lors d’une consultation, que la personne qualifiée adopte une approche «centrée sur le patient» ou si, au contraire, ils préfèrent que celle-ci prenne l’initiative, réponde par exemple à une demande clairement définie et ne partage des informations que sur souhait explicite. En effet, il est en pratique évident que de nombreuses consultations consistent simplement à répondre à une demande concrète (p. ex. information sur la vaccination, contrôle de la pression artérielle et la glycémie). Compléter ces consultations par une narration n’apporte probablement pas grand-chose.
A ces représentations plutôt générales s’oppose notre modèle dans lequel la communication centrée sur le patient est condensée en une simple citation: Communiquez de façon à ce que l’interlocuteur ou l’interlocutrice (patientes et patients ou proches) se sente invité/e à partager son point de vue («invite the patient’s perspective»). Cette définition n’implique pas qu’une personne qualifiée doive toujours communiquer de manière centrée sur le patient; elle laisse place aux rencontres au cours desquelles l’interlocuteur ou l’interlocutrice ne souhaite pas exposer sa position, mais sollicite par exemple simplement une prestation («Pouvez-vous mesurer la pression artérielle?»). Il demeure toutefois la responsabilité de la personne qualifiée de décider si elle veut satisfaire le souhait de «concision».
La question de la communication centrée sur le patient implique la délimitation avec la communication centrée sur le médecin. Suivant l’idée initialement critiquée selon laquelle une communication professionnelle serait en premier lieu centrée sur le patient, la véritable maîtrise consiste en un mélange adapté à l’objectif de l’entretien de ces deux types de dialogue. Un entretien de qualité n’est donc pas centré sur le patient au sens strict, mais combine toujours des pans de conversation dans lesquels l’initiative émane de la personne qualifiée et d’autres menés par la personne concernée. Le tableau 1 fournit les caractéristiques essentielles de différenciation entre un entretien centré sur le médecin et sur le patient.
Tableau 1: Caractéristiques distinctives essentielles d’un entretien centré sur le médecin et sur le patient
CaractéristiquesType
 Centré sur le médecinCentré sur le patient
Type de constatVérifier les hypothèseGénérer des hypothèses
Espace de dialogueLimiter l’espaceOuvrir l’espace
Forme de communication de la personne qualifiéePoser des questionsEcouter
Forme de communication de la personne concernéeRépondreRaconter
Forme du discoursInterrogativeNarrative
Lorsque le problème à résoudre est clairement défini pour la personne qualifiée et le patient, autrement dit lorsqu’une hypothèse de travail à traiter en consultation est connue, des techniques de communication compartimentée sont pertinentes pour clarifier l’hypothèse dans le contexte d’un agenda connu (p. ex. déterminer si les résultats suggèrent une modification du traitement) à l’aide d’une série de questions fermées posées par la personne qualifiée et nécessitant une réponse univoque.
Lorsqu’une hypothèse de travail doit d’abord être élaborée, il vaut la peine d’ouvrir l’espace de dialogue, d’inviter les personnes concernées à raconter (dans une narration), d’être soi-même à l’écoute pour leur donner la possibilité d’intégrer leurs propres perspectives et former des hypothèses dans le dialogue.
La portée des définitions de la communication centrée sur le patient étant variable, il est compréhensible que les études de résultat soient difficiles à évaluer. En 2012, les auteures et auteurs ont résumé leurs résultats dans une revue Cochrane [5] [traduction de l'auteur]: «Les répercussions [des études examinées] sur la satisfaction du patient, le comportement relatif à la santé et le statut de santé sont mixtes. Certains éléments indiquent que les interventions complexes qui s’adressent aux personnes qualifiées et aux patientes et patients ont des répercussions positives [sur les variables cibles mentionnées ci-dessus] lorsqu’elles contiennent du matériel d’information spécifiquement adapté à la maladie».
Afin d’illustrer l’ampleur des travaux empiriques, plusieurs études ayant examiné diverses variables de résultat avec une compréhension différente de la communication centrée sur le patient au sein de différentes populations sont présentées dans le paragraphe suivant. Il est conseillé aux lectrices et lecteurs intéressés de rechercher spécifiquement les travaux correspondants à leur centre d’intérêt, qui rapportent des preuves empiriques dans la population pertinente.

Sélection de résultats empiriques sur le bénéfice de la communication centrée sur le patient

D’importants résultats sur l’efficacité d’une communication centrée sur le patient proviennent de la recherche avec placebo, pour laquelle un travail souvent cité réalisé par Kaptchuk et collaborateurs [6] est mentionné comme exemple. Les auteurs ont examiné si les patients atteints du syndrome de l’intestin irritable, observés dans le groupe placebo d’une étude sur l’acupuncture, profitent d’une communication centrée sur le patient. Par rapport aux consultations suivant le schéma habituel, la communication «enrichie» («augmented») était associée à une qualité de vie supérieure et une charge symptomatique nettement réduite.
Plusieurs travaux ont mis en évidence que la satisfaction des patients avec leur traitement augmentait à la suite d’une intervention au cours de laquelle la compétence de personnes qualifiées dans le domaine de la communication centrée sur le patient était impliquée [7, 8].
Certains travaux examinent les répercussions d’un entretien centré sur le patient en présence de tableaux cliniques définis. A titre d’exemple sont évoqués des travaux réalisés auprès de patients souffrant d’insuffisance cardiaque et d’hypertension artérielle:
Fabbri et collaborateurs [9] ont pu montrer que les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque qui jugeaient l’ampleur de la communication centrée sur le patient de leur thérapeute très bonne, présentaient une mortalité réduite de 30%. Un autre travail [10] a confirmé l’hypothèse selon laquelle les patients atteints d’hypertension chronique, qui attribuaient à leur thérapeute une part élevée de communication centrée sur le patient, avaient davantage tendance à suivre les recommandations.
Toutes maladies confondues, des situations assurant une certaine fonction dans le cadre d’un traitement stationnaire ont été examinées: une revue visant à savoir s’il pourrait valoir la peine d’améliorer la communication d’un entretien de décharge [11] a examiné des interventions très variées qui ne sont considérées qu’en partie comme une «communication centrée sur le patient» au sens strict. Elles incluaient des conversations structurées avec des personnes qualifiées et des proches, la prise de décision commune entre l’équipe thérapeutique et le patient avec ou sans les proches, l’entretien de motivation, des informations détaillées avec contrôle de l’état des connaissances du patient, etc. Globalement, il a pu être montré que les interventions étaient associées à un taux inférieur d’hospitalisations ultérieures, une meilleure observance thérapeutique et une satisfaction supérieure des patients.
Dans une vaste étude multicentrique du domaine de la pédiatrie, Khan et collaborateurs [12] ont rapporté qu’une visite structurée qui inclut les perspectives de tous les intéressés réduisait la fréquence des erreurs médicales graves de 38%, tout en améliorant la qualité de la communication et la participation de la famille du point de vue des personnes concernées.
Pour les médecins, il vaut la peine d’acquérir des compétences en communication centrée sur le patient: celles et ceux n’ayant pas pu bien communiquer pendant leurs études de médecine présentent, durant les premières années de leur carrière, un risque accru d’être confrontés à des réclamations et plaintes de la part des patients [13].
Le principal argument de la communication centrée sur le patient déclare qu’il est important de prendre connaissance et de tenir compte des «concepts» du patient, c’est-à-dire son point de vue individuel sur sa situation psychosociale, sur sa maladie, sur ses possibilités de la gérer, etc. Les résultats actuels à ce sujet sont contradictoires. L’un des travaux recueille comme caractéristique de la situation psychosociale d’une personne l’intégration dans un environnement d’orientation sociale. Les individus atteints d’insuffisance cardiaque qui se décrivent comme étant socialement très isolés ont une mortalité 3,5 fois plus élevée et un risque accru de 57% d’admission au service des urgences [14].
A cela s’oppose une étude qui ne décèle aucun rapport entre les mécanismes de gestion des patients atteints de diabète sucré de type 2 et l’évolution du taux de HbA1c sur 6−12 mois [15].
Pour interpréter ces résultats discordants, il convient de mentionner que la littérature portant sur l’importance des concepts du patient est globalement marquée par des problèmes méthodologiques: une conception souvent rétrospective, une définition floue des «concepts du patient» ou des «facteurs psychologique» qu’un mode de conversation ouvert doit reconnaître [16].
Pour finir, il convient de discuter deux travaux actuels venus d’Allemagne, qui apparaissent lors d’une recherche sur PubMed sous les mots-clés «patient-centred communication». Les deux travaux ne montrent aucun rapport positif entre une conversation davantage centrée sur le patient et divers résultats au cabinet de médecine de famille: une étude dont le terme prometteur de «Narrative Medicine» apparaît dans le titre [17] part de l’hypothèse qu’il serait possible d’influencer positivement le comportement de prise de médicaments des patientes et patients en ouvrant un espace libre dédié au récit. L’espoir des auteurs, selon lequel une communication dite basée sur la narration pourrait réduire le nombre de médicaments ne s’est pas confirmé.
Deux aspects sont intéressants dans ce travail: l’intervention correspond-elle aux objectifs d’un entretien centré sur le patient et l’objectif visé d’une modification de comportement peut-il être atteint au moyen d’un dialogue ouvert? Le paragraphe «Définition» souligne qu’il ne peut pas incomber à la personne qualifiée d’imposer à l’individu concerné un entretien centré sur le patient sous forme de dialogue ouvert si ce dernier ne le souhaite pas. La mise à libre disposition d’un rendez-vous de 30 minutes trois fois par an dans le cadre de l’intervention pour pouvoir se livrer librement sur la prise de médicaments, les objectifs thérapeutiques et les propres priorités est uniquement «centrée sur le patient» si cela est souhaité par la patiente ou le patient. Et même dans ce cas, la question se pose de savoir si le thème d’une prise intelligente de médicaments – une prise limitée de médicaments selon les auteurs – peut être déterminée au moyen d’une discours narratif. La prise intelligente de médicaments résulte d’un mélange d’informations fondées sur des faits et de concordance avec les préférences personnelles. La communication de faits est un point central de l’entretien centré sur le médecin. Si cela n’est pas proposé pour des raisons méthodologiques, une part essentielle de la compétence décisionnelle commune de la personne qualifiée et du patient disparaît. Un autre travail issu de cabinets médicaux [18] constate que les prestataires de soins de base ayant participé à une journée de séminaire sur la transmission de la communication centrée sur le patient n’ont pas des patients plus satisfaits que les prestataires de soins de base du groupe témoin. Une critique semblable à celle du travail de Schäfer et collaborateurs discuté ci-dessus s’applique ici, seulement les rôles sont inversés: l’entretien «centré sur le patient» se transforme en une formation «centrée sur l’apprenant», les professionnels de la santé deviennent des modérateurs. Il est à nouveau question de l’équilibre entre les activités qui émanent des personnes participantes («learner-centred learning») et celles qui émanent des modérateurs («expert-centred teaching»). Les auteurs décrivent l’équilibre lors des formations ainsi: «there was a high proportion of speeches by the participants and only stimuli from the training moderator were given». En partant du principe que les modérateurs en savent davantage sur les capacités et la didactique de la transmission de la communication centrée sur le patient que les personnes participantes, il est dommage qu’ils ne puissent appliquer cet avantage souhaitable en termes de compétences que sous forme de stimuli disséminés çà et là.

Questions en suspens: quelle doit être l’ampleur des formations dans le domaine de la communication centrée sur le patient?

A notre connaissance, il existe peu de travaux comparant les différents programmes intensifs de formation entre eux dans une cohorte suffisamment grande. Les études interventionnelles actuelles laissent toutefois affirmer avec une certaine probabilité qu’une intensité d’intervention supérieure fournit de meilleurs résultats.
D’actuelles publications évaluant les interventions au niveau des personnes participantes font état d’une exhaustivité [6, 19]. Dans le travail de Wolderslund et collaborateurs [19], l’intervention nécessite deux jours plus un séminaire de rappel, plus un feedback individuel sur un enregistrement vidéo d’entretien. Dans un travail provenant d’Iowa [8], le séminaire a été organisé sur seulement 5 heures, tandis que les personnes participantes ont reçu un «feedback on the job» à deux reprises afin d’aider l’utilisation de nouvelles techniques comportementales et communicationnelles au quotidien clinique. Dans les deux travaux, le comportement réel des personnes participant à l’étude n’a certes pas été examiné de manière empirique, par exemple en documentant les entretiens menés, mais il a tout de même été prouvé que l’auto-efficacité des personnes participant à l’étude concernant le recours à la communication centrée sur le patient avait augmenté. Au cours de recherches actuelles issues de notre groupe de travail, nous avons pu montrer qu’une intervention étendue à tous les groupes professionnels, composée d’un séminaire de 8 heures et d’un feedback «on the job» individuel (p. ex. pendant les visites accompagnées) sur une période d’observation de 6 ans améliorait durablement la satisfaction des patients [20].
Au vu de la littérature sur le feedback, nous savons que les objectifs didactiques dans le domaine comportemental profitent grandement d’un retour structuré direct [21−23]. Cela est en principe applicable dans un environnement hospitalier, puisqu’il est possible d’y proposer un feedback «on the job» par des personnes qualifiées. Une telle offre est difficilement envisageable au cabinet privé. Il est dans ce cas possible d’avoir recours à des rencontres avec des patientes et patients standardisés, par le biais d’une formation en ligne qui a lieu à un moment que peuvent choisir les confrères et consœurs intéressés en fonction de leurs possibilités [24].

Comment rendre la communication centrée sur le patient opérationnelle?

Des descriptions détaillées illustrées d’exemples concernant les techniques de communication centrée sur le patient sont disponibles dans le «guide pratique de la communication dans la médecine au quotidien» de l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) [25] et dans le guide comparable de la Ärztekammer Nordrhein [26], comprenant également des exemples vidéos.
Au vu de la critique d’une définition trop vague de l’entretien centré sur le patient, nous avons expliqué pourquoi cet ouvrage ne correspond pas à un article de revue systématique. Au lieu de cela, il sera donc tenté par la suite de définir les différentes composantes d’un entretien centré sur le patient. Leur sélection se base sur la longue expérience de l’auteur dans l’enseignement, la formation continue et postgraduée et l’évaluation de la communication en médecine. Cela signifie que les contenus présentés peuvent être opérationnalisés, transmis et évalués.

Structure explicite

A chaque entretien, nous recommandons d’abord de définir le déroulement de la conversation. Cela inclut une définition des thèmes [27, 28] qui doivent être traités lors de la rencontre; les deux parties, la personne qualifiée et la patiente ou le patient, proposent des sujets et doivent s’accorder sur ce qui trouve sa place à l’ordre du jour. La question ouverte souvent initialement posée laisse en effet place à une multitude de choses («Pourquoi venez-vous me voir aujourd’hui?» et ne donne pas nécessairement lieu à une liste de thèmes pertinents, mais s’entend comme une variante de: «Comment allez-vous aujourd’hui?». Les déclarations subséquentes des patients comportent généralement un thème qui les préoccupe en priorité et cela a pour conséquence que les intéressés et la personne qualifié se consacrent à ce point. Les autres thèmes éventuels passent à la trappe ou sont abordés au moment de partir («Ah oui, je voulais aussi vous demander…») [29, 30]. L’élaboration initiale commune d’une liste de thèmes doit garantir que les deux parties savent ce qui pourrait les attendre et surtout donner la possibilité à la personne qualifiée de décider ce qui doit être discuté en priorité aujourd’hui dans le temps imparti et ce qui peut être reporté à un autre rendez-vous. A l’hôpital en particulier, il est alors opportun d’impliquer des interlocutrices et interlocuteurs mieux adaptés (p. ex. services sociaux; expertes et experts en soins). Le problème est souvent que les patients considèrent que la demande de déterminer le motif de la consultation signifie qu’ils doivent parler maintenant de leur thème principal sans mentionner d’autres points qui leur sont propres et sans donner à la personne qualifiée la possibilité d’apporter son propre agenda (cf. Hood-Medland, [31]). Dans ce cas, les symptômes de la patiente devraient être attribués à un thème, par exemple à l’aide d’une phrase comme: «Madame X, si je vous comprends bien, le thème de la douleur du genou vous est particulièrement important. J’aimerais malgré tout d’abord recueillir tous les points qui se trouvent aujourd’hui sur notre liste. Ce qu’il y a de votre côté ainsi que mes propres thèmes.»
La transmission structurée de l’information est une variante spécifique de la structuration explicite. Les patientes et patients au service des urgences sont plus satisfaits avec les médecins qui structurent non seulement la consultation en général, mais aussi les informations au moment de la décharge. Ils perçoivent cette personne comme étant plus compétente dans sa spécialité [32, 33]. Une publication de notre groupe de travail récemment parue a en outre montré qu’une structuration explicite améliorait la mémorisation des informations, en particulier chez les patients disposant de peu de connaissances médicales, ainsi que l’observance des recommandations comportementales chez tous les patients [34]. Au vu de ces résultats positifs, il est dommage que la détermination initiale explicite des attentes d’une consultation n’ait lieu que lors d’une consultation sur dix [31].

Ouvrir l’espace de communication – le silence attentif

Nous avons regroupé sous l’acronyme ARRR (Attendre – Répéter – Reformuler – Résumer) des techniques [25] permettant à la personne qualifiée de laisser la parole au patient ou de la lui redonner. La «technique» probablement la plus importante est le silence attentif, la disposition de la personne qualifiée à écouter son interlocuteur. Pour les intéressés, l’écoute de la personne qualifiée se trouve en tête des souhaits relatifs à une consultation réussie [35−38]. Le problème de l’écoute attentive repose sur le timing: combien de temps est-il utile de se taire, quand le silence devient-il pesant? Des analyses linguistiques de conversation montrent que les énoncés de la personne A succèdent à ceux de la personne B (en moyenne après 200 ms) [39], seule les pauses de plus de deux secondes sont clairement perçues en tant que telles [40]. Leur positionnement et leur longueur effective ne suivent pas de règles, la décision relative à la longueur appropriée d’un silence est surtout le résultat du respect attentif de la sensibilité individuelle [41]. De même, insérer suffisamment de pauses lors de la définition de l’agenda ou la transmission d’informations est essentiel; elles donnent à la personne concernée la possibilité de réfléchir à ce qu’elle vient d’entendre ou de dire elle-même. Lors de la définition d’un thème à traiter, le résultat de cette assimilation s’exprime sous forme d’une bref hochement de tête ou d’un «hmm-hm, ok». Les informations qui exigent une réorientation requièrent du temps pour être assimilées [42]; les informations procédurales (ce qu’il convient désormais de faire) bénéficient d’une brève pause pour être considérées [43].

Gérer les émotions

Nous transmettons des méthodes qui sont résumées sous l’acronyme NURSE:
Le silence attentif est probablement aussi la «technique» la plus efficace pour gérer les émotions, car il laisse le temps aux patients de décider s’ils veulent ou non parler de leurs émotions avec cette personne qualifiée. En présence d’émotions intenses, la plupart des gens préfèrent aborder l’anxiété et le deuil avec une personne de confiance. Même en larmes et avec un filet de voix, ces individus sont en mesure de demander: «Que proposez-vous?» et de quitter ainsi le champ des émotions pour entrer dans le domaine de la transmission d’informations. Nous avons employé le terme de «technique» avec réserve en ce qui concerne le silence attentif, car nous partons du principe que la disposition d’attendre patiemment repose sur une attitude intérieure détendue que ne décrit pas suffisamment le mot «technique».

L’essentiel pour la pratique

La communication centrée sur le patient se manifeste par la disposition de la personne qualifiée à donner au patient la possibilité d’exprimer son propre point de vue et par le recours professionnel à certaines techniques de communication qui le permettent.
Au quotidien clinique, la communication centrée sur le patient est généralement combinée à des pans de conversation centrée sur le médecin; le mélange approprié fait le succès du dialogue.
Une multitude de travaux empiriques montrent que certains éléments de la communication professionnelle sont liés à des variables de résultats psychologiques et médicaux.
Prof. Dr méd. Wolf Axel Langewitz
Psychosomatik – Medizinische Kommunikation, Universitätsspital Basel, Basel
L’auteur a déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts potentiel.
Prof. Dr méd. Wolf Axel Langewitz
Psychosomatik – Medizinische Kommunikation
Universitätsspital Basel
Petersgraben 4
CH-4031 Basel
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