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Les progrès réalisés dans les traitements médicamenteux des cancers sont considérables et importants, mais ils comportent aussi le risque d’un surtraitement. La complexité croissante complique l’évaluation critique des options thérapeutiques par les médecins de premier recours et par les patientes et patients. La campagne «choosing wisely» et le principe «less is more» gagnent en importance.
Vous trouverez le commentaire relatif à cet article à la page 970 de ce numéro.
Contexte
La campagne «choosing wisely» émane d’une fondation créée en 1989 par l’«American Board of Internal Medicine». Elle a pour but d’impliquer les patientes et patients dans les processus décisionnels afin d’éviter les surtraitements et de renforcer la confiance dans les médecins. C’est avec des objectifs similaires qu’a été fondée en Suisse en 2017 l’association de soutien «smarter medicine», à laquelle participent de nombreux hôpitaux et sociétés de discipline. Sur smartermedicine.ch se trouvent les recommandations oncologiques de la Société Suisse de Chirurgie et de la Société Suisse de Radio-Oncologie. Le problème du surtraitement existe également dans le domaine des traitements médicamenteux des cancers [1]. L’«American Society of Clinical Oncology» (ASCO) en tient compte dans ses recommandations «choosing wisely» (tab. 1) [2]. Dans cet article, nous les discutons et montrons qu’il existe des possibilités supplémentaires de «choosing wisely» – ou de «less is more» – en oncologie médicale et où celles-ci peuvent être mises en œuvre de façon basée sur l’évidence et sans faire de compromis sur la qualité du traitement. Grâce à ces connaissances, les médecins de premier recours peuvent eux aussi à nouveau s’impliquer davantage dans les processus de décision en oncologie.
Tableau 1: Recommandations de l’«American Society of Clinical Oncology» [2]* | |
1 | Pas de traitement ciblant la tumeur chez les patientes et patients atteints de tumeurs solides et présentant les caractéristiques suivantes: «performance status» 3 ou 4; pas de bénéfice obtenu avec des interventions basées sur l‘évidence précédemment mises en œuvre; pas de preuves solides en faveur d‘autres traitements. |
2 | Pas de TEP, de TDM ou de scintigraphie osseuse en cas de cancer de la prostate à un stade précoce et à faible risque de métastases. |
3 | Pas de TEP, de TDM ou de scintigraphie osseuse en cas de cancer du sein à un stade précoce et à faible risque de métastases. |
4 | Pas de détermination de marqueurs tumoraux, de TEP, de TDM ou de scintigraphie osseuse lors du suivi des patientes asymptomatiques après le traitement curatif d‘un cancer du sein. |
5 | Pas d‘utilisation prophylactique de G-CSF, sauf si le risque de neutropénie fébrile sous chimiothérapie est de 20% ou plus. |
6 | Avant les chimiothérapies faiblement émétisantes, pas d’utilisation prophylactique d’antiémétiques, qui sont recommandés pour les chimiothérapies hautement émétisantes. |
7 | Pas de chimiothérapie d‘association en cas de cancer du sein métastatique, sauf si la patiente a besoin d‘une réponse rapide pour soulager rapidement les symptômes tumoraux. |
8 | Éviter les TEP ou les TEP-TDM lors du suivi des patientes et patients après un traitement anticancéreux curatif, sauf s›il existe des preuves solides indiquant une amélioration du devenir. |
9 | Pas de dosage du PSA chez les hommes asymptomatiques. |
10 | Pas de thérapie moléculaire ciblée sans la présence du biomarqueur prédictif correspondant. |
TDM: tomodensitométrie; G-CSF: «granulocyte colony stimulating factor»; TEP: tomographie par émission de positons; PSA: antigène spécifique de la prostate. *De [2]: asco.org [Internet]. Alexandria: American Society of Clinical Oncology Choosing Wisely; c2021 [cited 2021 Dec 7]. Available from: https://www.asco.org/news-initiatives/current-initiatives/cancer-care-initiatives/value-cancer-care/choosing-wisely. © 2021 American Society of Clinical Oncology. Tous droits réservés. Reproduction et traduction avec l’aimable autorisation. Les auteurs, l’éditeur et l’ASCO ne sont pas responsables des erreurs ou des omissions dans les traductions. |
Indication
Les traitements médicamenteux des cancers doivent être efficaces, adéquats et économiques («principe EAE»). L’évaluation de l’efficacité se base sur des études randomisées avec des traitements comparatifs qui correspondent au standard actuel. De nombreuses autorisations reposent sur des études non randomisées, ce qui rend les comparaisons difficiles. Il n’existe pratiquement pas de lignes directrices suisses en matière de traitement et les oncologues se réfèrent donc aux lignes directrices internationales. Comme ces dernières sont de plus en plus nombreuses et arbitraires, l’évaluation critique des publications originales reste une compétence clé. Pour certains traitements, il est aujourd’hui possible d’évaluer à l’avance le bénéfice individuel grâce à des calculateurs en ligne ou à des biomarqueurs prédictifs, ce qui facilite la pose rationnelle de l’indication.
L’adéquation signifie, par exemple, ne pas recommander de traitement ciblant la tumeur aux patientes et patients alités ou sévèrement comorbides. Dans cette situation, nombre d’entre eux surestiment les bénéfices d’un traitement et sous-estiment la toxicité et les contraintes, y compris le temps passé à l’hôpital ou en cabinet médical en fin de vie [2]. L’implication des proches et des médecins de premier recours peut aider les patientes et patients à avoir des attentes réalistes. L’évaluation de l’aptitude à suivre un traitement varie selon le médecin; des outils d’évaluation validés peuvent être utiles à cet égard. Le questionnaire de dépistage G8 est adapté à la pratique clinique quotidienne et prend en compte non seulement l’âge, le poids, les traitements médicamenteux et la démence, mais aussi des paramètres fonctionnels (tab. 2). Les patientes et patients vulnérables (score G8 <14) ont un risque accru d’effets indésirables sévères d’une chimiothérapie, ce qui peut nécessiter une réduction de la dose ou une pose prudente de l’indication [3, 4].
Tableau 2: Questionnaire de dépistage G8 [4]* | ||
Questions | Réponses possibles (score) | |
1 | La prise alimentaire a-t-elle diminué au cours des 3 derniers mois en raison de problèmes de mastication ou de déglutition? | 0 = fortement diminué 1 = modérément diminué 2 = normale |
2 | Perte de poids au cours des 3 derniers mois? | 0 = perte de poids ≥3 kg 1 = ne sait pas 2 = perte de poids de 1–3 kg 3 = aucune |
3 | Mobilité | 0 = peut uniquement être assis ou allongé 1 = se lève, mais ne sort pas à l‘extérieur 2 = sort à l‘extérieur |
4 | Problèmes neuropsychologiques | 0 = démence ou dépression sévère 1 = démence ou dépression légère 2 = aucun |
5 | Indice de masse corporelle (IMC) | 0 = IMC <19 kg/m2 1 = 19 ≤ IMC <21 kg/m2 2 = 21 ≤ IMC < 23 kg/m2 3 = IMC ≥23 kg/m2 |
6 | Prise de ≥3 médicaments? | 0 = oui 1 = non |
7 | Évaluation de son propre état de santé par rapport à celui de personnes du même âge | 0 = moins bon 0,5 = ne sait pas 1 = aussi bon 2 = meilleur |
8 | Âge | 0 = >85 ans 1 = 80–85 ans 2 = <80 ans |
Score total | 0–17 (<14: fragilité) | |
* De [4]: Bellera CA, Rainfray M, Mathoulin-Pélissier S, Mertens C, Delva F, Fonck M, Soubeyran PL. Screening older cancer patients: first evaluation of the G-8 geriatric screening tool. Ann Oncol. 2012;23(8):2166–72. © 2012 European Society for Medical Oncology. Published by Elsevier Inc. https://www.sciencedirect.com/journal/annals-of-oncology. Reproduction et traduction avec l’aimable autorisation. |
L’économicité des médicaments oncologiques est difficilement vérifiable, car le prix et le bénéfice ne sont pas corrélés. Les rabais secrets négociés entre les fabricants et les assurances compliquent encore davantage l’évaluation. Le Groupe Suisse de Recherche Clinique sur le Cancer (SAKK) réalise des analyses coût-efficacité ponctuelles avec le soutien de la Confédération. Dans d’autres pays, des analyses coût-efficacité systématiques sont réalisées dans le cadre des procédures d’autorisation et de fixation des prix. Ces résultats ne peuvent toutefois pas être directement transposés au système de santé suisse.
Initiation et durée du traitement
Alors que les traitements à visée curative doivent être instaurés le plus rapidement possible après la pose du diagnostic ou l’opération, les traitements palliatifs (et donc les effets indésirables et les contraintes) peuvent parfois être reportés chez les patientes et patients asymptomatiques présentant une faible charge tumorale. Nous convoquons ces patientes et patients tous les trois à quatre mois pour des contrôles, afin de ne pas manquer le moment optimal pour le début du traitement. Il existe aujourd’hui de bonnes preuves en faveur d’un raccourcissement de la chimiothérapie adjuvante après une opération pour les cancers du côlon, du sein et de l’ovaire (tab. 3). Dans le cas des immunothérapies, nous veillons à les arrêter une fois la durée de traitement recommandée atteinte (un ou deux ans selon l’indication). Des périodes de traitement raccourcies, de six mois ou moins, sont actuellement évaluées dans le cas du mélanome métastatique.
Tableau 3: Propositions de discussion pour le «less is more» dans le cadre des traitements médicamenteux des cancers | |||
Indication | Préparation | Discussion | Référence |
Carcinome basocellulaire | |||
Métastatique ou inopérable | Vismodégib | 3 mois au lieu de 6 mois de traitement par intervalles | Dréno B, et al. Two intermittent vismodegib dosing regimens in patients with multiple basal-cell carcinomas (MIKIE): a randomised, regimen-controlled, double-blind, phase 2 trial. Lancet Oncol. 2017;18(3):404–12. |
Carcinome bronchique à petites cellules | |||
Progression après chimiothérapie | Nivolumab, pembrolizumab | Renonciation | ascopost.com [Internet]. Huntington: Nivolumab indication in small cell lung cancer withdrawn in U.S. market; c2021 [cited 2021 Dec 7]. Available from: https://ascopost.com/issues/january-25-2021/nivolumab-indication-in-small-cell-lung-cancer-withdrawn-in-us-market/ |
Carcinome bronchique non à petites cellules et métastatique | |||
Non squameux | Bévacizumab plus cisplatine et gemcitabine | Renonciation au bévacizumab | Reck M, et al. Overall survival with cisplatin-gemcitabine and bevacizumab or placebo as first-line therapy for nonsquamous non-small-cell lung cancer: results from a randomised phase III trial (AVAiL). Ann Oncol. 2010;21(9):1804–9. |
Non squameux et PDL1 ≥50% | Pembrolizumab plus chimiothérapie | Renonciation à la chimiothérapie | Barbier MC, et al. A cost-effectiveness analysis of pembrolizumab with or without chemotherapy for the treatment of patients with metastatic, non-squamous non-small cell lung cancer and high PD-L1 expression in Switzerland. Eur J Health Econ. 2021;22(5):669–77. |
Mutation EGFR ou fusion ALK | Inhibiteurs de point de contrôle PDL1 | Renonciation | Mazières J, et al. Immune checkpoint inhibitors for patients with advanced lung cancer and oncogenic driver alterations: results from the IMMUNOTARGET registry. Ann Oncol. 2019;30(8):1321–8. |
Pas de mutation EGFR | Erlotinib | Renonciation | fda.gov [Internet], New Hampshire: Erlotinib (Tarceva); c2021 [cited 2021 Dec 7]. Available from: https://www.fda.gov/drugs/resources-information-approved-drugs/erlotinib-tarceva |
Tumeur neuroendocrine gastro-entéro-pancréatique (TNE-GEP) | |||
Petite tumeur réséquée, bien différenciée et non sécrétante | Analogue de la somatostatine en traitement adjuvant | Renonciation | Exarchou K, et al. A «watch and wait» strategy involving regular endoscopic surveillance is safe for many patients with small, sporadic, grade 1, non-Ampullary, non-functioning duodenal neuroendocrine tumours. Neuroendocrinology. 2021;111(8):764–74. |
Tumeur stromale gastro-intestinale (TSGI) | |||
Tumeur réséquée avec certaines mutations de résistance | Imatinib en traitement adjuvant | Renonciation | Nishida T, et al. The standard diagnosis, treatment, and follow-up of gastrointestinal stromal tumors based on guidelines. Gastric Cancer. 2016;19(1):3–14. |
Glioblastome multiforme | |||
Après radio-chimiothérapie | Maintien du témozolomide | 6 cycles au lieu de 12 cycles | Balana C, et al. A phase II randomized, multicenter, open-label trial of continuing adjuvant temozolomide beyond 6 cycles in patients with glioblastoma (GEINO 14-01). Neuro Oncol. 2020;22(12):1851–61. |
Prétraité | Inhibiteurs de point de contrôle PDL1 | Renonciation | Reardon DA, et al. Effect of nivolumab vs bevacizumab in patients with recurrent glioblastoma: The CheckMate 143 phase 3 randomized clinical trial. JAMA Oncol. 2020;6(7):1003–10. |
Gliome anaplasique | |||
Radiothérapie planifiée | Témozolomide | Initiation après (et non pendant) la radiothérapie | van den Bent MJ, et al. Adjuvant and concurrent temozolomide for 1p/19q non-co-deleted anaplastic glioma (CATNON; EORTC study 26053-22054): second interim analysis of a randomised, open-label, phase 3 study. Lancet Oncol. 2021;22(6):813–23. |
Cancer colorectal | |||
Stade II, risque élevé | Chimiothérapie adjuvante (CAPOX) | 3 mois au lieu de 6 mois | Yamazaki K, et al. Oxaliplatin-based adjuvant chemotherapy duration (3 versus 6 months) for high-risk stage II colon cancer: the randomized phase III ACHIEVE-2 trial. Ann Oncol. 2021;32(1):77–84. |
Stade III, mais pas T4 | Chimiothérapie adjuvante (CAPOX) | 3 mois au lieu de 6 mois | André T, et al. Effect of duration of adjuvant chemotherapy for patients with stage III colon cancer (IDEA collaboration): final results from a prospective, pooled analysis of six randomised, phase 3 trials. Lancet Oncol. 2020;21(12):1620–9. |
Stade IV avec mutation RAF ou RAS | Cétuximab, panitumumab | Renonciation | Pietrantonio F, et al. Predictive role of BRAF mutations in patients with advanced colorectal cancer receiving cetuximab and panitumumab: a meta-analysis. Eur J Cancer. 2015;51(5):587–94. |
Stade IV et traitement d‘entretien | Bévacizumab en tant que substance unique | Renonciation | Koeberle D, et al. Bevacizumab continuation versus no continuation after first-line chemotherapy plus bevacizumab in patients with metastatic colorectal cancer: a randomized phase III non-inferiority trial (SAKK 41/06). Ann Oncol. 2015;26(4):709–14. |
Suite du Tableau 3: Propositions de discussion pour le «less is more» dans le cadre des traitements médicamenteux des cancers | |||
Indication | Préparation | Discussion | Référence |
Lymphome | |||
Folliculaire, grade 1–2 | Rituximab plus chimiothérapie | Renonciation à la chimiothérapie | Martinelli G, et al. Long-term follow-up of patients with follicular lymphoma receiving single-agent rituximab at two different schedules in trial SAKK 35/98. J Clin Oncol. 2010;28(29):4480–4. |
Folliculaire | Rituximab en traitement d‘entretien | Au maximum 8 mois | Taverna C, et al. Rituximab maintenance for a maximum of 5 years after single-agent rituximab induction in follicular lymphoma: Results of the randomized controlled phase III trial SAKK 35/03. J Clin Oncol. 2016;34(5):495–500. |
Diffus, à grandes cellules et MYC-positif | EPOCH-R à dose adaptée | R-CHOP | Bartlett NL, et al. Dose-adjusted EPOCH-R compared with R-CHOP as frontline therapy for diffuse large B-cell lymphoma: Clinical outcomes of the phase III intergroup trial Alliance/CALGB 50303. J Clin Oncol. 2019;37(21):1790–9. |
Cancer du sein réséqué | |||
Stade I et HER2-positif | Anthracyclines | Renonciation | Tolaney SM, et al. Seven-year follow-up analysis of adjuvant paclitaxel and trastuzumab trial for node-negative, human epidermal growth factor receptor 2-positive breast cancer. J Clin Oncol. 2019;37(22):1868–75. |
Stade I–II, ER-positif et HER2-négatif | Anthracyclines | Renonciation | Nitz U, et al. West German Study PlanB Trial: Adjuvant four cycles of epirubicin and cyclophosphamide plus docetaxel versus six cycles of docetaxel and cyclophosphamide in HER2-negative early breast cancer. J Clin Oncol. 2019;37(10):799–808. |
N0 et «recurrence score» <26 | Chimiothérapie | Renonciation en cas de traitement endocrinien planifié | Sparano JA, et al. Adjuvant Chemotherapy guided by a 21-gene expression assay in breast cancer. N Engl J Med. 2018;379(2):111–21. |
ER-positif, HER2-négatif, en pré-ménopause et faible «composite score» | Analogues de la GnRH | Renonciation | Pagani O, et al. Absolute improvements in freedom from distant recurrence to tailor adjuvant endocrine therapies for premenopausal women: Results from TEXT and SOFT. J Clin Oncol. 2020;38(12):1293–303. |
HER2-positif | Trastuzumab | En cas d‘antécédents cardiaques, durée de 6 mois au lieu de 12 mois | Earl HM, et al. Individual patient data meta-analysis of 5 non-inferiority RCTs of reduced duration single agent adjuvant trastuzumab in the treatment of HER2 positive early breast cancer. Ann Oncol. 2021;32(Suppl 5):LBA 11. |
Cancer du sein métastatique | |||
ER-positif et HER2-négatif | Chimiothérapie | Substance unique au lieu d‘une association | Dear RF, et al. Combination versus sequential single agent chemotherapy for metastatic breast cancer. Cochrane Database Syst Rev. 2013;2013(12):CD008792. |
ER-positif | Fulvestrant | 250 mg au lieu de 500 mg | Patel A, et al. Revisiting Fulvestrant Dosing in Uncertain Economic Times. JCO Glob Oncol. 2021;7:1–3. |
Échec des anthracyclines et des taxanes | Capécitabine | 2000 mg/m2 au lieu de 2500 mg/m2 | Bajetta E, et al. Safety and efficacy of two different doses of capecitabine in the treatment of advanced breast cancer in older women. J Clin Oncol. 2005;23(10):2155–61. |
Mélanome cutané | |||
Métastatique | Nivolumab, pembrolizumab | Arrêt de l’immunothérapie après 2 ans en cas de réponse | Jansen YJL, et al. Discontinuation of anti-PD-1 antibody therapy in the absence of disease progression or treatment limiting toxicity: clinical outcomes in advanced melanoma. Ann Oncol. 2019;30:1154. |
Mésothéliome pleural inopérable | |||
Épithélioïde et PDL1 = 0% | Ipilimumab et nivolumab pendant au maximum 24 mois | Chimiothérapie pendant 3–4 mois | Baas P, et al. First-line nivolumab plus ipilimumab in unresectable malignant pleural mesothelioma (CheckMate 743): a multicentre, randomised, open-label, phase 3 trial. Lancet. 2021;397(10272):375–86. |
Myélome multiple | |||
Toutes les lignes de traitement | Dexaméthasone | À faible dose plutôt qu‘à dose élevée | Rajkumar SV, et al. Lenalidomide plus high-dose dexamethasone versus lenalidomide plus low-dose dexamethasone as initial therapy for newly diagnosed multiple myeloma: an open-label randomised controlled trial. Lancet Oncol. 2010;11(1):29–37. |
Éligible à la transplantation | Traitement à dose élevée avec greffe autologue de cellules souches | 1 cycle au lieu de 2 cycles en cas de bonne rémission et d‘absence de facteurs de risque élevé | Stadtmauer EA, et al. Autologous transplantation, consolidation, and maintenance therapy in multiple myeloma: Results of the BMT CTN 0702 Trial. J Clin Oncol. 2019;37(7):589–97. |
Non-éligible à la transplantation | Bortézomib, carfilzomib | 1× au lieu de 2× par semaine | Mohan M, et al. Update on the optimal use of bortezomib in the treatment of multiple myeloma. Cancer Manag Res. 2017;9:51–63. Moreau P, et al. Once weekly versus twice weekly carfilzomib dosing in patients with relapsed and refractory multiple myeloma (A.R.R.O.W.): interim analysis results of a randomised, phase 3 study. Lancet Oncol. 2018;19(7):953–64. |
Suite du Tableau 3: Propositions de discussion pour le «less is more» dans le cadre des traitements médicamenteux des cancers | |||
Indication | Préparation | Discussion | Référence |
Myélome multiple | |||
Non-éligible à la transplantation | Lénalidomide et dexaméthasone | En cas de réponse au lénalidomide après 9 mois, réduction de la dose et arrêt de la dexaméthasone | Facon T, et al. Final analysis of survival outcomes in the phase 3 FIRST trial of up-front treatment for multiple myeloma. Blood. 2018;131(3):301–10. |
Récidive | Pomalidomide | Un jour sur deux au lieu de tous les jours | Zander T, et al. P-227: Alternate day dosing of pomalidomide in patients with refractory/relapsed multiple myeloma (RRMM): Results of a multicenter, single arm phase 2 trial (SAKK 39/16 OptiPOM Study). Clin Lymphoma Myeloma and Leuk. 2021;21:S165. |
Cancer de l‘ovaire réséqué | |||
Non «high grade serous» | Carboplatine et paclitaxel | 3 cycles au lieu de 6 cycles | Chan JK, et al. The potential benefit of 6 vs. 3 cycles of chemotherapy in subsets of women with early-stage high-risk epithelial ovarian cancer: an exploratory analysis of a Gynecologic Oncology Group study. Gynecol Oncol. 2010;116(3):301–6. |
Cancer de la prostate métastatique | |||
Sensible à la castration | Analogues de la GnHR | Traitement intermittent plutôt que continu | Perera, M, et al. Intermittent versus continuous androgen deprivation therapy for advanced prostate cancer. Nat Rev Urol. 2020;17(8):469–81. |
Toutes les lignes | Abiratérone | 500 mg avec le repas au lieu de 1000 mg à jeun | Szmulewitz RZ, et al. Prospective international randomized phase II study of low-dose abiraterone with food versus standard dose abiraterone In castration-resistant prostate cancer. J Clin Oncol. 2018;36(14):1389–95. |
Après le docétaxel | Cabazitaxel | 20 mg/m2 au lieu de 25 mg/m2 | Eisenberger M, et al. Phase III study comparing a reduced dose of cabazitaxel (20 mg/m2) and the currently approved dose (25 mg/m2) in postdocetaxel patients with metastatic castration-resistant prostate cancer-PROSELICA. J Clin Oncol. 2017;35(28):3198–206. |
Sarcome des tissus mous | |||
Traitement à visée palliative | Chimiothérapie | Doxorubicine seule plutôt qu‘en association avec l‘ifosfamide | Judson I, et al. Doxorubicin alone versus intensified doxorubicin plus ifosfamide for first-line treatment of advanced or metastatic soft-tissue sarcoma: a randomised controlled phase 3 trial. Lancet Oncol. 2014;15(4):415–23. |
Métastatique | Pazopanib | 400 mg avec le repas au lieu de 800 mg à jeun | Lubberman Floor JE, et al. The effect of using pazopanib with food vs. fasted on pharmacokinetics, patient safety, and preference (DIET Study). Clin Pharmacol The. 2019;106(5):1076–82. |
CAPOX: schéma de chimiothérapie à base de capécitabine en association avec de l’oxaliplatine; EGFR: «epidermal growth factor receptor»; EPOCH-R: schéma de chimiothérapie à base d’étoposide, de prednisone, de vincristine, de cyclophosphamide, d’hydroxydaunorubicine et de rituximab; GnRH: «gonadotropin-releasing hormone»; PDL 1: «programmed death-ligand 1»; R-CHOP: schéma de chimiothérapie à base de rituximab, de cyclophosphamide, d’hydroxydaunorubicine, de vincristine et de prednisone. |
Dose et intervalle
Même si les autorisations ne le reflètent souvent pas, il existe pour de nombreuses préparations de bonnes preuves relatives à des dosages alternatifs. Un exemple connu est l’abiratérone, utilisée dans le cancer de la prostate, qui, à une dose de 500 mg prise au moment du repas, est aussi efficace que la dose autorisée de 1000 mg prise à jeun. Un autre exemple est le pomalidomide utilisé dans le myélome multiple qui, selon l’étude SAKK39/16 (OptiPOM), est tout aussi efficace, mieux toléré et nettement moins coûteux lorsqu’il est pris un jour sur deux que lorsqu’il est pris une fois par jour [5]. D’autres exemples ont été publiés en 2021 dans le «New England Journal of Medicine» [6]. En Suisse, les divergences par rapport à l’information professionnelle correspondent à une utilisation off-label et nécessitent une autorisation préalable de l’assurance-maladie, ce qui entrave la mise en œuvre au quotidien. Des extensions d’autorisation correspondantes seraient utiles.
Monothérapie ou association?
Tandis que les chimiothérapies d’association sont la règle dans le traitement curatif des tumeurs, dans la situation palliative, une association de différents cytostatiques améliore certes le taux de réponse et la survie sans progression, mais rarement la survie globale, la qualité de vie ou le rapport coût-efficacité par rapport à l’utilisation séquentielle des mêmes cytostatiques. Dans le cas du cancer du sein métastatique, l’ASCO ne recommande une chimiothérapie d’association que lorsqu’une réponse rapide est nécessaire pour soulager les symptômes tumoraux [2]. Il existe cependant d’autres situations dans lesquelles nous recommandons une chimiothérapie d’association, par exemple en cas de menace de défaillance organique. D’autres associations, composées d’un cytostatique et d’un inhibiteur de point de contrôle immunitaire ou d’un inhibiteur des kinases cycline-dépendantes 4 et 6 (inhibiteur CDK4/6) et d’un traitement endocrinien, sont entre-temps établies dans le cancer du sein métastatique.
Thérapies moléculaires ciblées et inhibiteurs de l’angiogenèse
Les thérapies moléculaires ciblées déploient leurs effets en fonction des structures cibles dans les cellules tumorales. Notre compréhension de la biologie des tumeurs ne cesse de croître. De nouveaux biomarqueurs sont sans cesse découverts, ce qui permet une utilisation encore plus ciblée et efficace des médicaments. Swissmedic a tenu compte de cette évolution en limitant les autorisations du cétuximab et du panitumumab dans le cancer du côlon au statut mutationnel RAS de type sauvage. L’erlotinib, que la «Food and Drug Administration» (FDA) américaine a limité il y a des années déjà aux cancers bronchiques avec mutation de l’«epidermal growth factor receptor» (EGFR), a une autorisation Swissmedic obsolète [7]. Il existe également un potentiel d’économie dans le domaine des inhibiteurs de l’angiogenèse. Des préparations comme le bévacizumab ou le ramucirumab, en association avec une chimiothérapie, améliorent certes le taux de réponse et la survie sans progression dans de nombreuses maladies tumorales, mais un avantage de survie pertinent n’a pas pu être démontré dans toutes les indications autorisées. De plus, ces préparations ont des effets indésirables considérables. Pour cette raison, la FDA a retiré l’autorisation provisoire du bévacizumab dans le traitement du cancer du sein métastatique.
Médicaments concomitants
Les vomissements liés à la chimiothérapie peuvent être limités, voire prévenus, par l’administration prophylactique d’antiémétiques. Les antiémétiques, en particulier les antagonistes de la sérotonine, provoquent des effets indésirables au niveau du système nerveux central et du tractus gastro-intestinal. Des études antérieures ont montré que les antagonistes de la sérotonine étaient prescrits de manière routinière même en cas de chimiothérapie faiblement émétisante [8]. Aujourd’hui, les systèmes de prescription électroniques devraient permettre de mieux mettre en place une prophylaxie mesurée et conforme aux lignes directrices. Une utilisation modérée est également indiquée pour les substances ostéoprotectrices. L’administration mensuelle de dénosumab ou de zolédronate est indiquée pour la prévention des complications squelettiques en cas de métastases osseuses ostéolytiques de tumeurs solides. En cas de métastases osseuses purement ostéoblastiques, l’effet protecteur n’est pas assuré. L’étude SAKK96/12 évalue un intervalle d’administration plus espacé du dénosumab chez les patientes et patients atteints de métastases osseuses de cancers du sein ou de la prostate et nous recommandons à nos patientes et patients de participer à cette étude.
L’administration prophylactique de «granulocyte colony stimulating factor» (G-CSF) est fonction du risque de neutropénie fébrile et dépend du type de chimiothérapie. Une prophylaxie primaire par (peg-)filgrastim est indiquée en cas de risque de neutropénie fébrile d’au minimum 20%, en dessous de 20% seulement dans des cas exceptionnels. La dexaméthasone, qui fait certes historiquement partie du traitement standard du myélome multiple mais dont le bénéfice est discutable, est également associée à des infections. En raison de son effet immunosuppresseur, les patientes et patients doivent prendre des antibiotiques à titre prophylactique sur une longue période. Nous évitons par conséquent un traitement chronique par dexaméthasone. Les personnes atteintes d’une maladie tumorale souffrent souvent d’une anémie symptomatique. Contrairement à autrefois, l’utilisation prophylactique d’agents stimulant l’érythropoïèse (ASE) est aujourd’hui soumise à une pose d’indication plus stricte.
Soins palliatifs
Avec l’élargissement des options thérapeutiques, les tumeurs avancées se chronicisent, ce qui met à l’épreuve les patientes et patients, leurs proches et les équipes soignantes. Les conseils précoces et continus dispensés par les équipes de soins palliatifs améliorent non seulement la qualité de vie, mais aident également à gérer la maladie. Les consultations d’urgence, les hospitalisations ainsi que les examens et tentatives thérapeutiques inutiles en fin de vie peuvent ainsi être réduits [9]. Malgré cela, l’importance des soins palliatifs ambulatoires et hospitaliers est encore sous-estimée et ils ne sont malheureusement pas toujours financés de manière adéquate.
Conclusion
La mise en œuvre du «choosing wisely» ou «less is more» est un défi et les raisons en sont nombreuses [10]. Néanmoins, nous estimons qu’il est essentiel de suivre ces principes, car de nombreuses études ont déjà apporté des preuves en ce sens (tab. 3). Comme le montre le SAKK, les oncologues et les patientes et patients suisses sont très intéressés à participer à des études dites de «désescalade». Ce type de recherches a besoin d’un soutien continu et les résultats doivent être encore davantage pris en compte par les sociétés de discipline médicale, les autorités et les assurances, afin que l’oncologie devienne plus durable.
En mars 2023, le conseil d'administration de la Société suisse d'oncologie médicale (SSOM) a accepté la demande des auteurs de soutenir la liste Top 5 de l'ASCO et d'adhérer à «smarter medicine».
Cet article reflète l’opinion personnelle des auteures et auteurs, et non celle de sociétés de discipline ou d’institutions. Les recommandations thérapeutiques peuvent différer des informations professionnelles, les auteures et auteurs n’assument aucune responsabilité quant à leur application.
L’essentiel pour la pratique
Le principe «less is more» peut être appliqué à de nombreux traitements anticancéreux de manière basée sur l’évidence et sans compromettre la qualité du traitement.
Les patientes et patients ont ainsi moins d’effets indésirables, de contraintes et de coûts indirects.
Des «études de désescalade» supplémentaires sont nécessaires et requièrent un soutien.
OG: Consultant pour Amgen et Eli Lilly, comités consultatifs pour Roche, Pfizer, Merck, Amgen et Eli Lilly, directeur d’études pour Eli Lilly, Roche et Pfizer; tous les honoraires versés à l’Hôpital cantonal de Lucerne. TZ: Subventions de Curafutura, Santésuisse et pharmaSuisse. DW: Honoraires de conférencier d’Eli Lilly, soutien pour la participation à des congrès et/ou des voyages de la part de MSD, comités consultatifs pour MSD, Sanofi Aventis, Merck, Eli Lilly. KZ: Soutien pour la participation à des congrès et/ou des voyages de la part d’Amgen. VB: Comité consultatif pour Sanofi Aventis. Soutien pour la participation à des congrès et/ou des voyages: Pharmamar. BC: Comité consultatif pour MSD, honoraires versés à l’Hôpital cantonal de Lucerne. SA: Consultant pour Sanofi, Gilead, AstraZeneca, Novartis (comités consultatifs), honoraires pour une conférence chez Seagen; tous les honoraires versés à l’Hôpital cantonal de Lucerne; conseil de fondation d’ETOP IBCSG Partners, membre du Comité de la Ligue contre le cancer de Suisse centrale et de la SAMO. MH, BM, CR, RW et PN ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
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Prof. Dr méd. Oliver Gautschi,
Medizinische Onkologie und Tumorzentrum
Luzerner Kantonsspital
CH-6000 Luzern.
oliver.gautschi[at]luks.ch
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