Sans détour
Journal Club Zoom sur... Et pour finir

Sans détour

Aktuelles aus der Wissenschaft
Édition
2023/0102
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2023.09329
Forum Med Suisse. 2023;23(0102):826-827

Affiliations
Directeur médical de la maison d’édition medinfo

Publié le 11.01.2023

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur...
Gammapathie monoclonale de signification indéterminée
La gammapathie monoclonale de signification indéterminée (GMSI) est le trouble le plus fréquent des plasmocytes ou de leur contrôle prolifératif.
Elle survient chez >3% des individus après l’âge de 50 ans, avec une prédominance masculine.
La mise en évidence (dans le sang et/ou l’urine) d’immunoglobulines intactes anormales (composées de chaînes légères et de chaînes lourdes correspondantes) ou de chaînes légères (dites chaînes légères libres) est caractéristique.
Par définition, la GMSI est asymptomatique sur le plan clinique et est associée à un taux de plasmocytes ou de lymphoplasmocytes dans la moelle osseuse <10%.
La GMSI peut évoluer vers un myélome multiple, une macroglobulinémie (maladie de Waldenström) ou une amylose à chaînes légères, avec un taux de progression annuel vie entière de 1–1,5%.
La GMSI est classifiée en fonction de sa probabilité d’évoluer vers l’une des trois maladies secondaires [1].
Les facteurs de risque sont les maladies auto-immunes (chez les individus concernés ou leurs familles) et, très probablement, les toxines environnementales (pesticides).
Rappelons pour le diagnostic différentiel qu’il existe également des gammapathies monoclonales avec une signification: entre autres des maladies auto-immunes et une série de maladies rénales, notamment diverses glomérulonéphrites [2].
1 Leukemia. 2010, doi.org/10.1038/leu.2010.60 (d’autres classifications existent et sont référencées dans la citation suivante).
2 Ann Intern Med. 2022, doi.org/10.7326/AITC202212200.Rédigé le 18.12.2022.

Pertinent pour la pratique

Prédisposition génétique à l’abus d’alcool et/ou au tabagisme

Le tabagisme serait coresponsable d’environ 15% de tous les décès dans le monde et l’abus d’alcool d’environ 5% supplémentaires (y compris du fait des accidents qu’il provoque). La prédisposition génétique et les facteurs de risque correspondants sont généralement analysés par séquençage du génome entier, et l’on tente de quantifier la diversité déroutante des variants génétiques prédisposant à une maladie au moyen de ce que l’on appelle des scores de risque polygénique.
Il apparaît à nouveau que les scores de risque polygénique utilisés aujourd’hui ont été construits principalement sur la base de données de populations de race caucasienne aux Etats-Unis et en Europe et qu’ils ne sont pas très pertinents pour d’autres populations. Ce constat a été établi à partir d’une analyse gigantesque de 3,4 millions de génomes individuels, mais provenant de quatre ethnies génétiques différentes (dont plus d’un cinquième d’origine non-européenne).
Les scores de risque polygénique complètent de plus en plus les scores de risque clinique établis pour prédire la progression et les complications au cours de l’évolution par exemple de maladies chroniques. Ils vont sans aucun doute revêtir une importance croissante: en tant que médecin, il faut cependant être sûr que les scores utilisés (comme les scores cliniques d’ailleurs!) puissent être appliqués au groupe de population en question, en raison de l’importante modification de la population suisse due aux migrations.
Rédigé le 18.12.2022.

Toujours digne d’être lu en 2023

La thérapie génique ouvre un nouveau chapitre dans les hémoglobinopathies

La bêta-thalassémie est une hémoglobinopathie congénitale caractérisée par un défaut de synthèse de la bêta-hémoglobine, ce qui entraîne une anémie hypochrome microcytaire chronique et, dans la forme majeure homozygote, une nécessité de transfusions (avec risque de surcharge en fer). Dans le cas de la drépanocytose également, le défaut génétique (en l’occurrence une mutation dite ponctuelle) affecte la chaîne de la bêta-hémoglobine et aboutit au remplacement de l’acide aminé glutamine par la valine. Il en résulte, avant tout dans la forme homozygote, une polymérisation de l’hémoglobine dans le cadre d’une désoxygénation (par exemple, libération d’oxygène dans la circulation périphérique), ce qui peut entraîner des occlusions vasculaires ischémiques douloureuses et des crises d’anémie hémolytique.
Dans les deux hémoglobinopathies, il a été possible, chez un nombre encore relativement restreint de patientes et patients, de transférer des séquences génétiques de bêta-hémoglobine modifiées/normales dans des cellules souches hématopoïétiques autologues (provenant du receveur) à l’aide d’un vecteur viral auto-inactivant (lentivirus) et de réinjecter les cellules aux patientes et patients. Dans le cas de la drépanocytose, une nette réduction de l’activité hémolytique et une disparition complète des évènements vaso-occlusifs ont été observées au cours des deux premières années (= durée de l’étude) [1]. Les patientes et patients atteints de bêta-thalassémie nécessitant des transfusions ont pu vivre dans presque tous les cas sans transfusion d’érythrocytes après la transfusion des cellules souches modifiées (durée de suivi au moment de la publication = 12 mois) [2].
1 N Engl J Med. 2022, doi.org/10.1056/NEJMoa2117175.
2 N Engl J Med. 2022, doi.org/10.1056/NEJMoa2113206.
Rédigé le 17.12.2022.

Cela ne nous a pas réjouis

L’espérance de vie des colonies d’abeilles réduite de moitié

Il y a tout juste un peu plus de dix ans, le documentaire fantastique de Markus Imhof («More than Honey» ou «Des abeilles et des hommes») attirait l’attention sur la menace qui pesait sur les principaux pollinisateurs, les abeilles. Impossible d’oublier la séquence filmée dans une province chinoise, où des agriculteurs désespérés tentaient de polliniser les fleurs de pommier à la main en raison d’une pénurie catastrophique d’abeilles.
La formule largement citée dans ce contexte et prétendument (mais cela est jugé peu probable) attribuée à Albert Einstein, selon laquelle les êtres humains disparaîtraient quelques années après la mort des abeilles, éclairait à l’époque les conséquences potentielles directes sur la biologie humaine. Les colonies d’abeilles meurent lorsque le nombre d’ouvrières devient trop faible, ce qui réduit indirectement aussi l’espérance de vie de la ou des reines. Aujourd’hui, les apiculteurs perdent environ un tiers de leurs colonies pendant chaque semestre d’hiver. Des chiffres provenant des Etats-Unis montrent que l’espérance de vie de l’abeille européenne (Apis mellifera) a diminué de 34,4 à 17,7 jours au cours des 50 dernières années. Les toxines environnementales, les parasites, mais aussi les variants/mutants génétiques semblent en être les principales raisons, qui restent toutefois mal définies dans l’ensemble.
Rédigé le 17.12.2022.

Cela nous a également interpellés

Catastrophes naturelles: ce n’est pas toujours un syndrome de Takotsubo

Les évènements éprouvants sur le plan émotionnel ou entraînant une joie débordante (peut-être la récente finale de la Coupe du monde de football, plutôt excitante, en fait-elle partie?) peuvent être des déclencheurs d’un évènement coronarien aigu. Toutefois, des cardiomyopathies de stress avec dilatation ventriculaire aiguë (syndrome de Takotsubo) peuvent également être déclenchées.
Comme en France en 2022, des feux de brousse dévastateurs ont ravagé l’Australie en 2019–2020. Une étude de terrain révèle que c’est surtout le stress, appelons-le, thermique qui a entraîné une augmentation significative de la probabilité d’un évènement coronarien, alors que le nombre de cas de syndrome de Takotsubo n’a pas changé de manière significative lors des hospitalisations – malgré la présence probable d’un stress émotionnel supplémentaire. La quantité de particules fines a joué également un rôle plutôt mineur. Son effet n’était significatif que dans l’analyse combinée avec la température atmosphérique.
Rédigé le 19.12.2022.
Et pour finir
A propos du «Sans détour»
Il y a 30 ans, j’ai commencé à travailler comme rédacteur médical pour la maison d’édition Schwabe, puis pour la maison d’édition EMH, et le temps est maintenant venu pour moi de me retirer. Un premier temps fort personnel de mon activité a été la création en 2000 de la revue de formation postgraduée et continue Forum Médical Suisse, que j’ai eu le plaisir de mettre sur pied en tant que rédacteur en chef. Son succès auprès des lecteurs nous a tous surpris, tant au sein de la rédaction que de la maison d’édition. L’année 2017 a été marquée par un deuxième temps fort pour moi, lorsque j’ai eu le grand honneur de succéder, avec la rubrique «Sans détour», à deux enseignants-cliniciens, tous deux brillants internistes au sens classique du terme, que j’apprécie tout particulièrement: Bruno Truniger («Périscope») et Antoine de Torrenté («Et ailleurs?»).
Dénicher les publications et rédiger les textes me prenaient beaucoup de temps et nécessitaient une discipline quotidienne (ce qui me faisait certes du bien). J’ai souvent cherché, un peu désespérément, des publications dignes d’intérêt, mais la plupart du temps, il y avait tellement de choses passionnantes à trouver qu’il fallait mettre un embargo sur de nombreuses publications qui méritaient d’être évoquées. Après plus de cinq ans et plus de 1500 publications discutées, j’aimerais désormais laisser la place à mes successeurs, Martin Krause et Lars Huber, tous deux déjà rédacteurs au Forum Médical Suisse, et je leur souhaite beaucoup de plaisir dans leur travail.
Après 30 ans, le Prof. Reto Krapf fait ses adieux à la rédaction.
© Sergey Kichigin / Dreamstime
Je suis reconnaissant pour cette période et je suis tout particulièrement reconnaissant envers vous, chers lectrices et lecteurs. Votre considération et vos nombreuses réactions – même critiques – par le biais d’innombrables e-mails personnels, de commentaires verbaux directs et de courriers des lecteurs m’ont fait très plaisir et ont renforcé ma motivation. Je tiens également à remercier toutes les collaboratrices et tous les collaborateurs au sein de la maison d’édition. Au début et pendant de nombreuses années, Natalie Marty et, plus récemment, Ana Cettuzzi ainsi que notre podcasteuse, Nadja Pecinska, ont été d’une grande aide et ont apporté leur soutien bienveillant. J’adresse également un grand merci à tous les rédacteurs et rédactrices du Forum au cours des 22 dernières années. La collaboration avec tous a été stimulante, créative, intéressante et toujours très amicale.
C’est donc le dernier «Sans détour» signé de ma plume. Pour ma part, je continuerai à m’adonner à mon passe-temps de journaliste médical et m’engagerai désormais à titre accessoire en tant que directeur médical au sein de la maison d’édition medinfo (krapf@medinfo-verlag.ch).
Je vous souhaite de tout cœur une nouvelle année pleine de santé et de joie. Espérons que 2023 ne sera pas à nouveau un annus horribilis.
Rédigé le 12.12.2022.