Pneumologie – perspective d’avenir
Approches thérapeutiques individualisées

Pneumologie – perspective d’avenir

Aktuell
Édition
2018/2627
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2016.03039
Forum Med Suisses. 2018;18(2627):579-580

Affiliations
UniversitätsSpital Zürich, Zürich

Publié le 27.06.2018

A l’échelle mondiale, les affections des voies respiratoires revêtent une grande importance sociale, économique, ainsi que pour la politique de santé. Voilà des raisons plus que suffisantes pour investir dans la recherche.

On estime que dans le monde, 235 millions de personnes souffrent d’asthme, 200 millions de personnes ont une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), plus de 100 millions de personnes souffrent de troubles ­respiratoires du sommeil, 9 millions de personnes contractent chaque année la tuberculose et plus de 50 millions de personnes sont atteintes d’une pneumopathie d’origine professionnelle [1–4]. Dans l’ensemble, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que plus d’1 milliard de personnes souffrent d’affections des voies respiratoires ou des poumons, avec une tendance à la hausse, notamment en raison de l’exposition croissante à la pollution environnementale et de la consommation toujours répandue de tabac. Il existe donc des raisons plus que suffisantes pour investir dans la recherche à des fins d’amélioration du diag­nostic précoce et du traitement des affections des voies respiratoires.
On compte quelques développements prometteurs dans la recherche, qui concernent avant tout le diag­nostic et le traitement individualisé et pourraient fortement contribuer à la prévention, à la détection précoce et au traitement des pneumopathies.
Un de ces développements concerne le domaine de l’«exhalomics», qui désigne l’analyse moléculaire de l’air expiré. Les résultats des recherches indiquent que grâce aux méthodes d’analyse en temps réel à haute ­résolution (avant tout la spectrométrie de masse), il ­serait bientôt possible d’intégrer également l’analyse chimique de la respiration dans l’arsenal diagnostique de la pneumologie et de la médecine en général. La respiration offre une occasion unique d’analyser de façon non invasive des informations relatives aux processus métaboliques de l’organisme, car des parties des composants sanguins les plus volatils atteignent la phase gazeuse et sont donc expirés. Toutefois, étant donné que les voies respiratoires sont également en contact direct avec l’air, la composition de l’air expiré est éga­lement grandement influencée par les voies respi­ratoires elles-mêmes. Cette circonstance est déjà exploitée depuis quelques années grâce à des méthodes simples d’analyse de l’air respiré pour évaluer l’inflammation des voies respiratoires chez les patients atteints d’asthme bronchique (mesure fractionnée du monoxyde d’azote).
Les résultats de recherche du laboratoire de chimie analytique de l’ETH de Zurich et de la clinique de pneumologie de l’hôpital universitaire de Zurich ont montré que la composition moléculaire de la respiration varie selon les individus. En d’autres termes, cela signifie que chaque personne semble avoir une «emprunte respiratoire» moléculaire caractéristique [5]. Cette emprunte respiratoire moléculaire individuelle est sujette à des altérations reproductibles au cours de la journée et permet donc de tirer des conclusions relatives aux processus biologiques internes en fonction du moment de la journée [6]. Les affections des voies respiratoires semblent également être reconnaissables et caractérisables sur la base de la composition moléculaire de l’air expiré. Dans une étude récemment achevée, il a par ex. été montré que les exhalats analysés par spectrométrie de masse de patients atteints de BPCO se différenciaient avec une grande certitude diagnostique de ceux des sujets contrôles sans BPCO [7]. En outre, chez des patients souffrant de syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS), une composition moléculaire de l’air expiré spécifique à la maladie a été mise en évidence et changeait sous traitement par pression positive continue (CPAP) [8]. Ces résultats exemplaires indiquent qu’à l’avenir, les affections des poumons et des voies respiratoires pourraient potentiellement être détectées sur la base de biomarqueurs diagnostiques présents dans l’air expiré et que l’activité pathologique pourrait être surveillée [9]. De tels biomarqueurs exhalés peuvent également soutenir les efforts actuels en faveur d’approches thérapeutiques personnalisées et individualisées en pneumologie. La réalisation de l’analyse respiratoire au moyen de la spectrométrie de masse est encore limitée aux laboratoires de recherche hautement spécialisés et le traitement des données mesurées nécessite plusieurs heures par individu. Toutefois, des efforts intenses sont actuellement déployés pour valider les résultats d’étude et la technique, simplifier le maniement de la technique de mesure et automatiser l’analyse des données, l’objectif étant de mettre prochainement l’analyse d’exhalat à disposition d’un plus vaste groupe de spécialistes.
Ces efforts s’illustrent particulièrement dans le domaine du traitement de l’asthme, où des traitements à base d’anticorps (omalizumab, mépolizumab, reslizumab) sont déjà disponibles pour traiter les patients atteints d’asthme difficile à traiter et les patients atteints d’asthme allergique avec exacerbations fréquentes. Le mépolizumab et le reslizumab sont des anticorps monoclonaux humanisés dirigés spécifiquement contre l’interleukine-5 (IL-5) humaine. L’IL-5 est la cytokine ­essentielle à la croissance, à la différenciation, au recrutement, à l’activation et à la survie des éosinophiles. De plus, l’efficacité d’autres traitements à base d’anticorps est actuellement évaluée dans le cadre d’études de phase 2 et de phase 3 (par ex. dupilumab, un anticorps dirigé contre le récepteur alpha de l’interleukine-4). En particulier le benralizumab, un autre anticorps monoclonal anti-IL-5, semble réduire significativement la fréquence des exacerbations, le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) et les symptômes des ­patients asthmatiques avec éosinophiles accrus [10]. Par conséquent, ce n’est plus qu’une question de temps jusqu’à ce que l’arsenal des médicaments contre l’asthme pour des groupes de patients spécifiques soit à nouveau élargi. De tels efforts en faveur d’un traitement «individualisé» s’observent non seulement pour l’asthme, mais également de plus en plus pour d’autres affections pneumologiques, notamment la BPCO et le SAOS, affections dans le cadre desquelles une attention croissante est ­accordée au phénotype de la maladie, avec une influence sur le traitement à choisir [11, 12]. Toutefois, de tels concepts thérapeutiques individualisés signifient également toujours qu’à l’avenir, les décisions thérapeutiques pourraient devenir de plus en plus complexes chez les patients présentant des affections des voies respiratoires.
L’auteur n’a pas déclaré d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd. Malcolm Kohler
Direktor Klinik für
Pneumologie
Bereichsleiter Medizin­bereich Herz-Gefäss-Thorax
Direktor PhD-Programm Clinical Science UZH
Co-Leiter Hochschulmedizin Zürich Flagship Projekt Zurich Exhalomics
UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
CH-8091 Zürich
malcolm.kohler[at]usz.ch
 1 Organisation mondiale de la santé. Affections respiratoires chroniques, L’asthme. http://www.who.int/respiratory/asthma/fr/.
 2 Organisation mondiale de la santé. Affections respiratoires chroniques, Charge de morbidité due à la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).
www.who.int/respiratory/copd/burden/fr/index.html.
 3 Organisation mondiale de la santé. Affections respiratoires chroniques.
www.who.int/gard/publications/chronic_respiratory_diseases.pdf.
 4 Organisation mondiale de la santé. Rapport sur la lutte contre
la tuberculose dans le monde 2016.
http://www.who.int/tb/publications/global_report/fr/.
 5 Martinez-Lozano Sinues P, Kohler M, Zenobi R. Human breath analysis may support the existence of individual metabolic phenotypes. PLoS One. 2013;8(4):e59909.
 6 Sinues PM, Kohler M, Zenobi R. Monitoring diurnal changes in exhaled human breath. Anal Chem. 2013;85(1):369–73.
 7 Martinez-Lozano Sinues P, Meier L, Berchtold C, Ivanov M, Sievi N, Camen G, et al. Breath analysis in real time by mass spectrometry in chronic obstructive pulmonary disease. Respiration. 2014;87(4):301–10.
 8 Schwarz EI, Martinez-Lozano Sinues P, Bregy L, Gaisl T, Garcia Gomez D, Gaugg MT, et al. Effects of CPAP therapy withdrawal on exhaled breath pattern in obstructive sleep apnoea. Thorax. 2016;71(2):110–7.
 9 Martinez-Lozano Sinues P. Zenobi R, Kohler M. Analysis of the Exhalome. A diagnostic tool of the future. Chest. 2013;144:746–9.
10 Bleecker ER, FitzGerald JM, Chanez P, Papi A, Weinstein SF, Barker P, et al.; SIROCCO study investigators. Efficacy and safety of benralizumab for patients with severe asthma uncontrolled with high-dosage inhaled corticosteroids and long-acting β2-agonists (SIROCCO): a randomised, multicentre, placebo-controlled phase 3 trial. Lancet. 2016;388(10056):2115–27.
11 Gross NJ, Barnes PJ. New therapies for Asthma and COPD. Am J Respir Crit Care Med. 2017;195(2):159–66.
DOI: 10.1164/rccm.201610-2074PP.
12 Edwards BA, Landry S, Joosten SA, Hamilton GS. Personalized medicine for obstructive sleep apnea therapies: are we there yet? Sleep Med Clin. 2016;11(3):299–311.