Polyneuropathies
Quand faire appel au neurologue?

Polyneuropathies

Übersichtsartikel AIM
Édition
2017/14
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.02914
Forum Med Suisse 2017;17(14):324-329

Affiliations
a Unité Nerf-Muscle, Service de Neurologie, Département des Neurosciences Cliniques, CHUV, Lausanne
b Cabinet de neurologie, La Chaux-de-Fonds

Publié le 04.04.2017

Les neuropathies périphériques sont fréquentes, avec des manifestations sensitives, motrices ou autonomes. Elles sont secondaires à de multiples causes internistiques ou à une atteinte primaire du système nerveux.

Introduction

Les neuropathies périphériques (NP) sont un motif ­fréquent de consultation et peuvent être responsables d’un handicap sévère. Il est donc nécessaire d’en clarifier rapidement l’étiologie en vue d’une prise en charge. Afin d’éviter des errances diagnostiques, plusieurs recommandations sont proposées. Les plus consultées sont celles de la Haute Autorité de Santé (HAS) en France [1] et de la Société allemande de neurologie [2]. Elles sont la base de ce document.
Cette revue aborde les mononeuropathies multiples, les polyneuropathies (PNP) longueur dépendantes ou non, comme les polyradiculonévrites inflammatoires démyélinisantes chroniques (PIDC ou CIDP en anglais) (tab. 1). Les neuropathies focales (syndromes canalaires et radiculopathies) ne sont pas discutées.
Tableau 1: Les neuropathies périphériques, ou atteintes du système nerveux périphérique, regroupent:
Les neuropathies focales, les syndromes canalaires, les neuropathies traumatiques 
et les radiculopathies; le plus souvent secondaires à des contraintes mécaniques.
Les mononeuropathies multiples (atteintes simultanées ou différées de plusieurs troncs nerveux) avec répartition asymétrique des déficits; le plus souvent secondaires à une vasculite (maladie de système, infections comme la lèpre, etc).
Les polyneuropathies (PNP) se présentent par une atteinte sensitive, motrice, ou autonome, symétrique, sans systématisation tronculaire ou radiculaire.­
– Les PNP longueur-dépendantes (atteinte distale, prédominante aux membres inférieurs) traduisent habituellement une atteinte neuronale ou axonale d’origine métabolique, toxique ou génétique.
– Les PNP non longueur-dépendantes ou polyradiculoneuropathies (atteinte proximale et distale, et possible atteinte du tronc ou des nerfs crâniens) témoignent fréquemmentd’une atteinte de la cellule de Schwann ou de la gaine de myéline d’origine inflammatoire, comme les polyradiculonévrites inflammatoires démyélinisantes, soit chroniques (PIDC) ou aigues (syndrome de Guillain-Barré).
Les questions abordées, principalement reprises des recommandations de l’HAS, sont les suivantes:
– Quand suspecter une NP?
– Quelle recherche étiologique initiale?
– Quels sont les principaux éléments cliniques et électrophysiologiques du diagnostic étiologique?
– Quelles sont les indications à une biopsie nerveuse?
– Pourquoi et comment surveiller l’apparition et l’évolution d’une PNP potentiellement causale?
– Quels sont les NP d’intérêt récent?

Quand suspecter une NP?

Les NP peuvent se révéler par des symptômes sensitifs positifs (paresthésies, dysesthésies, douleurs) et négatifs (hypoesthésies, troubles de l’équilibre), des sym­ptômes moteurs positifs (crampes, fasciculations) et négatifs (faiblesse, amyotrophie, fatigue). Plus rarement une NP peut se manifester par une atteinte autonome (malaises orthostatiques ou postprandiaux, diar­rhée motrice, sensation de plénitude gastrique, troubles trophiques, troubles de la sudation, mictionnels, de l’érection et de l’éjaculation, anhidrose) ou par la découverte fortuite, lors d’un examen clinique systématique de signes évocateurs, comme une aréflexie des membres inférieurs et une apallesthésie chez des sujets de moins de 60 ans [1].
L’examen clinique recommandé comprend un examen moteur, des réflexes, de la sensibilité et un examen ­général (tab. 2). Lors de suspicion de douleur neuropathique, le questionnaire DN4 peut être utilisé comme aide au diagnostic [3].
Tableau 2: Examen clinique recommandé dans le bilan d’une neuropathie périphérique.
Cotation de la force musculaire selon la classification du «Medical Research Council»
 (0 à 5), proximalement et distalement aux quatre membres*
Réflexes ostéo-tendineux; achilléen, rotulien, bicipital, tricipital et stylo-radial
Examen de la sensibilité thermique, algique, tactile**, du sens postural et 
de la pallesthésie
Recherche de déformations squelettiques ou articulaires, d’hypertrophie nerveuse 
(fréquentes dans les neuropathies héréditaires)
Epreuve d’orthostatisme avec mesure des pressions artérielles couché puis debout 
(dysautonomie)
Recherche de signes d’atteintes systémiques (lésions cutanées, arthrite, sécheresse 
des muqueuses, hépato-splénomégalie ou adénopathies)
Examen ophtalmologique (sécheresse conjonctivale, modifications pupillaires, 
cataracte, atrophie optique, uvéite)
* Le symptôme moteur le plus fréquent est une parésie des loges antéro-externes des jambes 
se traduisant par un steppage.
** L’«International Working Group on the Diabetic Foot» recommande d’utiliser un monofilament 
pour tester la sensibilité au toucher (http://iwgdf.org/).

Quelle recherche étiologique initiale?

Une recherche étiologique initiale est réalisée par l’interrogatoire du médecin de premier recours. Les exa­mens complémentaires s'en déduisent. Il est recommandé d’investiguer l’existence d’un diabète (son équilibre, ses complications, son ancienneté), d’une consommation d’alcool à risque (>30 g/j, ou selon l’OMS 3 verres/j pour un homme et 2 verres/j pour une femme), de troubles nutritionnels, d’une maladie systémique (SIDA, cancer, hémopathie, vasculite, etc.), d’une hypothyroïdie, d’une insuffisance rénale, d’une hépatite, de médicaments neurotoxiques (vincristine, cisplatine, vinblastine, doxyrobutine, isoniazide, amio­darone, métronidazole, éthambutol, nitrofurantoïne, dapsone, traitement antipaludéen, traitements antirétroviraux, etc.), d’exposition à des agents neurotoxiques (plomb, mercure, polyacrylamide, thallium, ­arsenic, solvants organiques, acrylamide, etc.), de séjours prolongés en pays tropicaux (lèpre), d’antécédents familiaux de neuropathie. Les NP sont de causes hétérogènes et de sévérité variable et les plus fréquentes sont rappelées dans le tableau 3.
Tableau 3: Causes et sévérité des polyneuropathies, par ordre de fréquence. Seules les données épidémiologiques du diabète et du syndrome de Guillain-Barré sont connues. Toutes causes confondues, environ 8% de la population présente une NP.
Déficiences majeuresDéficiences mineures
Diabète* Alcoolisme
Syndrome de Guillain & Barré*Polyneuropathies avec déficits 
vitaminiques
Médicaments (chimiothérapies)* Insuffisance rénale
Maladies de système 
(vasculites*; SIDA*; hépatites; cancers)Hypothyroïdie
PolyRadiculoNévrites chroniques* 
et polyneuropathies dysimmunesMéningo-polyradiculite (Lyme)*
Ganglionopathies inflammatoires* Certaines neuropathies géniques
Certaines neuropathies géniques 
– Charcot-Marie-Tooth (CMT)
– Amylose familiale 
Lèpre 
* avec douleurs neuropathiques; neuropathies associées aux gammapathies monoclonales
L’anamnèse peut déjà orienter vers une NP héréditaire, toxique, médicamenteuse ou métabolique. Une faiblesse proximale orientera par exemple vers une PIDC tandis que des pieds creux et des orteils en griffe sont suggestifs d’une neuropathie héréditaire.
Le bilan biologique initial (tab. 4) permettra de confirmer certaines de ces hypothèses.
Tableau 4: Bilan biologique recommandé en première intention* comme recherche causale à une neuropathie périphérique.
Glycémie à jeun, hémoglobine glyquée
Formule sanguine complète (anémie, macrocytose, hémopathie)
Gamma-glutamyl transférase, volume globulaire moyen, transferrine désialylée ou CDT (consommation d’alcool)
Transaminases (hépatite)
Clairance de la créatinine (insuffisance rénale, qui peut favoriser une intoxication médicamenteuse potentielle)
Protéine C-réactive (CRP), vitesse de sédimentation, électrophorèse des protéines sériques (syndrome inflammatoire, suspicion d’hémopathie)
Thyréostimuline hypophysaire (TSH) et T4 (hypothyroïdie)
Dosage sérique des vitamines hydrosolubles; B1, B6, B12 et B9 (déficit vitaminique)
* Fonction de la clinique, une sérologie HIV, Lyme, des hépatites et de la syphilis peut être recommandée.
Si ce premier bilan n’apporte pas d’indication étio­logique, le patient sera adressé au neurologue, à la recherche de causes plus spécifiques et plus rares, comme celles associées aux hématopathies malignes, aux maladies inflammatoires, aux formes héréditaires ou paranéoplasiques. Malgré cette approche, environ 20% des NP chroniques restent sans cause reconnue.

Cas particulier

Plusieurs recommandations de la Fédération européenne des sociétés de neurologie («European Federation of Neurological Societies», EFNS) ont été publiées en 2010 concernant la prise en charge diagnostique des neuropathies motrices, des neuropathies associées aux gammapathies monoclonales et des PIDC [4]. Les PIDC sont des NP inflammatoires qui ont la particularité de bien répondre à une immunomodulation (prednisone et perfusions d’immunoglobulines intraveineuses). Le diagnostic repose sur la combinaison d’un tableau clinique hétérogène (évolution chronique, par poussées ou progressant depuis >2 mois; déficit sensitivo-moteur affectant les 4 membres; déficit moteur proximal; aréflexie diffuse; troubles sensitifs débutant par les membres supérieurs; atteinte possible de nerfs crâniens) et d’anomalies démyélinisantes à l’électroneuromyographie (ENMG).

Quels sont les principaux éléments cliniques et électrophysiologiques 
préalables au diagnostic étiologique?

Il existe plusieurs systèmes de classification des NP; ­selon le mode évolutif, le type de fibres atteintes (prédominance motrice, sensitive, ou autonome), l’origine héréditaire ou acquise, etc.
Ils sont utiles au neurologue car sont les indicateurs de causes. Plusieurs exemples sont cités ici mais une liste complète est disponible dans les documents de la HAS [1] et de la société allemande de neurologie [2]. A type illustratif, un arbre décisionnel diagnostic est décrit dans la figure 1.
Figure 1: Arbre décisionnel diagnostic dans les neuropathies périphériques. CIPD: chronic inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathy; CMT: Charcot-Marie-Tooth; ENMG: électroneuromyographie; DM: diabetes mellitus; HNPP: hereditary sensory neuropathy with liability to pressure palsy; MMN: multifocal motor neuropathy; GBS: Guillain-Barré syndrome; POEMS: polyneuropathy, organomegaly, endocrinopathy, monoclonal protein, skin changes.

Type de fibres atteintes

Les NP motrices sont par exemple observées au cours du syndrome de Guillain-Barré, des PIDC, de la neuropathie motrice avec blocs de conduction, des maladies de Charcot-Marie-Tooth, des porphyries, du saturnisme, de l’intoxication par la dapsone.
Concernant l’atteinte sensitive, il est important de distinguer l’atteinte thermo-algique de l’atteinte proprioceptive. Une atteinte prédominante des petites fibres et du système nerveux autonome doit faire évoquer un dia­bète, un alcoolisme, une origine médicamenteuse ou toxique, une amylose familiale ou systémique voir une mutation du canal sodique du nerf périphérique. Les NP sensitives ataxiantes (l’atteinte est alors proprioceptive) comprennent les PIDC, les syndromes de Guillain-Barré et de Miller-Fisher, les atteintes toxiques, urémiques, paranéoplasiques (syndrome de Denny-Brown), inflammatoires (syndrome de Sjögren), infectieuses (Rickettsia, Syphilis, diphtérie, HIV, HTLV1), toxiques (intoxication vitamine B6, cisplatine ...), les gammapathies IgM et les NP sensitives héréditaires.

Évolution chronologique et résultats de l’ENMG

L’anamnèse et l’examen clinique permettent de classifier les NP en: formes aiguës (<4 semaines), formes subaiguës (quelques semaines à quelques mois) et formes chroniques (plusieurs années).
L’ENMG est l’examen de choix pour le neurologue car confirme l’atteinte nerveuse ­périphérique, et détermine le processus lésionnel prédominant, la NP pouvant être (fig. 2):
Figure 2: Exemples de conduction nerveuse. A: Paramètres normaux de la conduction du nerf médian après stimulation au poignet puis au coude. B : Même nerf, mais avec anomalies sous la forme d’un bloc presque complet de la conduction nerveuse du nerf au coude. Neuropathie inflammatoire chronique ou PIDC. C: Nerf ulnaire avec stimulation au poignet, sous-coude puis sus-coude. Réduction importante de la conduction nerveuse compatible avec une neuropathie démyélinisante, ici une neuropathie héréditaire de Charcot-Marie-Tooth de type 1.
Axonale: diminution, proportionnelle à la perte axonale, de l’amplitude des potentiels moteurs et sensitifs. Les vitesses de conduction nerveuse sont normales.
Démyélinisante: ralentissement, homogène ou hétérogène, des vitesses de conduction, augmentation des latences distales et proximales, possible bloc de conduction ou dispersion temporelle.
Évocatrice d’une neuronopathie: correspondant à l’atteinte du corps cellulaire du neurone moteur dans la moelle ou du neurone sensitif dans le ganglion rachidien. On retrouve une atteinte isolée des potentiels sensitifs (neuronopathie sensitive) ou moteur (neuronopathie motrice).
En fonction du mode d’évolution et de l’ENMG, un dia­gnostic différentiel peut être évoqué, par exemple, dans les NP;
Aiguës:les atteintes axonales sont évocatrices de la forme axonale du syndrome de Guillain-Barré; de vasculites; de décompensation d’une NP diabétique; de ­carence nutritionnelle avec consommation excessive d’alcool. Les atteintes démyélinisantes évoquent le syndrome de Guillain-Barré ou de Miller-Fischer. Les neuronopathies motrices sont la poliomyélite, les infections par Flavivirus, comme dans la méningoencéphalite verno-estivale (FSME) transmise par des tiques. Les neuronopathies sensitives sont les formes paranéoplasiques (Denny-Brown) et les vasculites du syndrome de Sjögren.
Chroniques:les atteintes axonales évoquent les gammapathies, des NP héréditaires (comme les CMT2 et CMTX) ou l’amylose familiale ou systémique. Les ­atteintes démyélinisantes évoquent la PIDC, la gammapathie monoclonale à IgM, les formes héréditaires (CMT1). Les neuronopathies motrices sont les amyotrophies spinales et les neurono­pathies sen­sitives des formes inflammatoires ou héréditaires.

Quel protocole d’exploration ENMG?

L’ENMG doit être précédé par un examen clinique qui en déterminera le protocole. Celui-ci doit toujours être [1]: cohérent avec les données de l’anamnèse et de l’examen clinique, adapté au fur et à mesure en fonction des résultats obtenus, déterminer la localisation, le type, la sévérité, la cause et l’évolution possible des lésions neurologiques. L’examen doit aussi être limité au recueil des données utiles sans occasionner pour le ­patient de gêne disproportionnée au regard du bénéfice diagnostique attendu. L’évaluation et la surveillance d’une NP cliniquement homogène, symétrique et de cause identifiée (diabète, insuffisance rénale, traitement neurotoxique) ne nécessite pas systématiquement un ENMG.
Un protocole d’exploration est donc proposé fonction du type suspecté de NP:
PNP longueur dépendante, symétrique: protocole court, comme celui recommandé par la HAS soit étude de 2 à 4 nerfs moteurs, de 2 à 4 nerfs sensitifs et de 2 muscles, d’un seul côté.
NP non-longueur dépendante, aiguë (syndrome de Guillain-Barré) ou chronique (les PIDC ou les mononeuropathies multiples): les nerfs médian, ulnaire, péronier et tibial (avec étude de la conduction nerveuse proximale) sont testés d’un côté. Si les critères de démyélinisation ou d’asymétrie ne sont pas réunis, les mêmes nerfs sont testés de l’autre côté.
NP à composante sensitive et ataxiante: les nerfs moteurs médian, ulnaire, péronier et tibial (avec étude de la conduction nerveuse proximale) sont testés d’un côté. Les potentiels sensitifs sont enregistrés sur les nerfs médian, radial, cutané brachial médial et latéral, ulnaire, sural et péronier superficiel. En fonction des déficits cliniques les 2 côtés peuvent être enregistrés.
Neuropathies des petites fibres: Elles requièrent une évaluation clinique, neurophysiologique et histologique particulière en raison de la prédominance des déficits thermoalgésiques avec conduction nerveuse normale [5]. Une nouvelle technologie reflète le degré de neuropathie des petites fibres; elle est rapide et non invasive, et mesure la fonction sudorale au niveau des mains et des pieds (Sudoscan).

Quelles sont les indications de la biopsie nerveuse?

La biopsie d’un fragment de nerf sensitif périphérique est un examen informatif dans des cas sélectionnés. Le but de la biopsie nerveuse (BN) est d’identifier des causes traitables de NP. Elle n’a pas pour objectif de confirmer la NP. Elle est effectuée au niveau du nerf ­sural, péronier superficiel ou nerf radial dans un laboratoire de référence. Des complications sont retrouvées chez 10% des patients (douleurs neuropathiques, déhiscence de plaie). La BN est indiquée dans les NP qui n’ont pu être classées par l’ENMG, devant un tableau de NP chronique sans cause apparente (fig. 3), de formes rares de neuropathie héréditaire mais surtout devant un tableau douloureux et invalidant de début récent, ou qui continue à progresser (vasculite ou amylose?).
Figure 3: Homme de 35 ans, neuropathie sensitivomotrice non-longueur dépendante sur 1 an. Vitesses de conduction normales mais diminution d’amplitude des réponses évoquées. Pas de cause décelée. Recherche de démyélinisation ou de vasculite. A : Biopsie du m. court péronier latéral (hématoxyline-éosine; 20×) démontrant des signes de dénervation ­(atrophie isolée de myofibrilles, avec aspect angulaire, *) et d’une atrophie fasciculaire d’une unité motrice réinnervée ­(réinnervation chronique, trait tillé). B: Biopsie du nerf sural, coupe semi-fine (bleu de toluidine; 60×): réduction du nombre d’axones, mais amincissement des gaines de myéline (flèches pleines), avec réinnervation chronique (présence anormale de 3 axones dans une seule fibre nerveuse, avec ébauche d’un bulbe d’oignon, flèche creuse). Diagnostic révisé: ­neuropathie chronique démyélinisante ou PIDC. 
Remerciements au Dr A.J. Lobrinus, service de pathologie clinique, HUG, Genève.

Pourquoi et comment surveiller l’apparition et l’évolution d’une PNP causale?

Diabète

Chez tout patient diabétique un contrôle optimal du diabète et un examen neurologique annuel sont recommandés afin de prévenir et prendre en charge des complications de la NP (ulcération plantaire, neuropathie autonome ou douleurs neuropathiques). C’est la forme la plus commune de NP. Le médecin de premier recours adressera le patient au neurologue en cas de doute diagnostique, de NP principalement motrice, d'évolution rapide, d'atteinte asymétrique, de début aux membres supérieurs ou au tronc, d'atteinte des nerfs crâniens, de progression rapide malgré traitement du diabète ou de douleurs neuropathiques.

Alcool

Les PNP alcooliques doivent bénéficier d’un diagnostic précoce, car associées à une carence vitaminique ou nutritionnelle, elles peuvent être améliorées par l’absti­nence, une substitution vitaminique et par une nutrition adaptée.

Insuffisance rénale chronique

La survenue d’une NP peut correspondre à une aggravation de la fonction rénale et amener à modifier la prise en charge du patient. Il est recommandé de rechercher une PNP lors de chaque visite. Dans un contexte d’insuffisance rénale sans perspective de dialyse, il n’est pas recommandé de réaliser d’ENMG, celui-ci fait cependant partie du bilan pré-greffe ou est indiqué en cas de suspicion de canal carpien.

Chimiothérapies anticancéreuses

La difficulté de la surveillance par l’oncologue est de différencier une PNP associée aux anticancéreux d’une NP préexistante ou liée au cancer (paranéoplasique, compression, infiltration?). A l’apparition d’une PNP, 
le traitement doit être poursuivi tant que les bénéfices escomptés sont supérieurs au risque d’un handicap ­insupportable. L’avis du patient est important. Un avis neurologique avec ENMG avant l’initiation de la chimiothérapie est recommandé en cas de PNP attendue si cet effet indésirable doit être mis en balance avec les bénéfices attendus.

Neuropathies héréditaires

Les neuropathies héréditaires sont du ressort du neurologue (près de 80 gènes mutés sont rapportés). Deux questions se posent: le diagnostic pré-symptomatique et le repérage précoce de symptômes de NP chez des patients avec antécédents familiaux. Le diagnostic pré-symptomatique doit être effectué à l’initiative du patient. S’il le souhaite, un conseil génétique apporte des informations sur les limites du diagnostic génétique, l’évolutivité prévisible de la maladie et sur les options thérapeutiques, variées et fonction du gène muté.

Quels sont les NP d’intérêt récent?

Les NP sensitives ataxiantes ou ganglionopathies ou neuronopathies ataxiantes (avec déficit proprioceptif) ont été démembrées en formes dysimmunes, paranéoplasiques, toxiques, infectieuses et génétiques. Un nouveau bio-marqueur (anticorps anti-FGFR3) a été ­découvert dans les formes dysimmunes [6].
Les NP toxiques notamment secondaires aux anticancéreux sont étudiées intensément [7], sans toutefois découvrir de nouveaux traitements.
L’amylose familiale et systémique disposent de nouveaux traitements (tafamidis, diflunisal, thérapie anti-sens) [8].
Dans le traitement des vasculites associées aux ANCA («antineutrophil cytoplasmic autoantibody»), le rituximab a montré une efficacité équivalente à celle du ­cyclophosphamide [9].
De nouvelles causes aux neuropathies des petites fibres ont été observées, notamment par mutation des canaux sodiques du nerf périphérique [5].
De nouveaux biomarqueurs ont été décelés dans les syndromes de Guillain-Barré et les PIDC (nodopathies et PIDC avec auto-anticorps visant des protéines du nœud de Ranvier) [10]. Des études de l'expression des gènes des voies de l'inflammation dans ces NP sont actuellement en cours à la recherche de nouveaux traitements ciblé. [11].

L’essentiel pour la pratique:

• Les neuropathies périphériques (NP) compliquent de multiples maladies internes (du fréquent diabète aux maladies de système à de rares formes paranéoplasiques) mais peuvent également être l’expression de maladies primaires du système nerveux (les formes inflammatoires du syndrome de Guillain-Barré et les PIDC, les formes héréditaires).
• Sa prise en charge nécessite une orientation étiologique initiale par le médecin de premier recours (clinique et biologie).
• Si nécessaire, un avis neurologique peut déceler les formes plus spécifiques par un examen spécialisé, une mesure de la conduction nerveuse (ENMG), un bilan sanguin détaillé. Parfois l'étude du liquide céphalo-rachidien, une biopsie nerveuse ou des analyses biologiques particulières (dosage d'auto-anticorps, test génétique) sont nécessaires.
• Un traitement symptomatique (douleurs neuropathiques, rééducation dédiée) ou ciblé (immunomodulation ou suppression, traitements des déficits vitaminiques et des amyloses) est la base de la prise en charge neurologique de la NP.
Prof. Dr méd.
Thierry Kuntzer
DNC, BH07/413,
Rue du Bugnon 46
CH-1011 Lausanne
Thierry.kuntzer[at]chuv.ch
 1 Haute Autorité de Santé: Prise en charge diagnostique des neuropathies périphériques (polyneuropathies et mononeuropathies multiples). http://www.has-sante.fr. 2007.
 2 Deutsche Gesellschaft für Neurologie: Erkrankungen peripherer Nerven. Leitlinien für Diagnostik und Therapie in der Neurologie: http://www.dgn.org/leitlinien; 2015.
 3 Bouhassira D, Attal N. Diagnosis and assessment of neuropathic pain: the saga of clinical tools. Pain. 2011;152:S74–83.
 4 EFNS/PNS. European Federation of Neurological Societies/Peripheral Nerve Society Guideline on management of chronic inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathy-First Revision. J Peripher Nerv Syst. 2010;15:1–9.
 5 Gibbons CH. Small fiber neuropathies. Continuum (Minneap Minn). 2014;20:1398–412.
 6 Antoine JC, Boutahar N, Lassabliere F, Reynaud E, Ferraud K, Rogemond V, et al. Antifibroblast growth factor receptor 3 antibodies identify a subgroup of patients with sensory neuropathy. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2015;86:1347–55.
 7 Diezi M, Buclin T, Kuntzer T. Toxic and drug-induced peripheral neuropathies: updates on causes, mechanisms and management. Cur Opin Neurology. 2013;26:481–8.
 8 Adams D, Suhr OB, Hund E, Obici L, Tournev I, Campistol JM, et al. First European consensus for diagnosis, management, and treatment of transthyretin familial amyloid polyneuropathy.
Cur Opin Neurology. 2016;29 Suppl 1:S14–26.
 9 Lally L, Spiera R. B-cell-targeted therapy in systemic vasculitis. Curr Opin Rheumatol. 2016;28:15–20.
10 Uncini A, Kuwabara S. Nodopathies of the peripheral nerve: an emerging concept. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2015;86:1186–95.
11 Rajabally YA. Novel Therapeutic Avenues for Chronic Inflammatory Demyelinating Polyneuropathy: The Difficulties of Disease Diversity. EBioMedicine. 2016;6:12–3.