L’arthrite chez l’enfant
La collaboration interdisciplinaire est essentielle

L’arthrite chez l’enfant

Übersichtsartikel AIM
Édition
2017/17
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.02959
Forum Med Suisse 2017;17(17):378-386

Affiliations
Kinderrheumatologie, Kinderspital Luzern

Publié le 26.04.2017

Les troubles musculosquelettiques dans l’enfance font partie des motifs de consultation les plus fréquents chez le pédiatre ou le médecin de famille. Il est souvent possible d’établir rapidement un diagnostic tel qu’une fracture en bois vert, une pronation douloureuse ou des douleurs dites de croissance. Le diagnostic d’une arthrite chronique s’avère plus difficile puisque les enfants ne peuvent pas décrire leurs symptômes et se plaignent rarement de douleurs. Ils ont davantage tendance à ménager la région concernée ou à éviter certaines activités.

Introduction

Les maladies rhumatismales inflammatoires occupent le premier plan de la consultation pédiatrique rhumatologique. La plus fréquente d’entre elles est l’arthrite juvénile idiopathique (AJI) avec une prévalence de 1/1000 en Europe, ce qui correspond aux données épidémiologiques du registre mené en Suisse depuis 2004.
Dès 1897, Georg F. Still a décrit le tableau clinique de l’arthrite juvénile idiopathique dans une publication «On a form of chronic joint disease in children» [1]. Still était arrivé à la conclusion essentielle selon laquelle les maladies rhumatismales inflammatoires des articulations chez les enfants se distinguaient fondamentalement des tableaux cliniques chez les adultes. Au milieu du siècle dernier, des médecins – principalement Barbara Ansell (1923–2001) – se sont penchés pour la première fois sur les problèmes spécifiques des enfants. Par la suite ont été créés en 1969 en Suisse les premières consultations de rhumatologie pédiatrique – au début sur la base d’une coopération entre pédiatres et rhumatologues. A cette époque, les enfants souffrant d’arthrite pouvaient s’estimer heureux s’ils étaient traités par des rhumatologues. Toutefois, même avec les meilleurs traitements disponibles, leur enfance était caractérisée par des douleurs et des handicaps. Entre-temps, la rhumatologie pédiatrique a accompli d’énormes progrès. L’accompagnement spécialisé ainsi que le développement de nouveaux médicaments ont considérablement amélioré le pronostic de l’arthrite juvénile.

Causes de l’arthrite

Comme chez les adultes, l’arthrite chez les enfants présente aussi des causes infectieuses ou parainfectieuses en matière de diagnostic différentiel. Une arthrite post­virale peut se manifester directement après l’infection ou quelques semaines plus tard. Les articulations des extrémités inférieures sont le plus souvent touchées. La synovite aiguë transitoire, plus communément appelée rhume de hanche, est la cause la plus fréquente de douleurs à la hanche entre l’âge de 3 et 10 ans. Ce terme implique déjà que la maladie présente une évolution bénigne et disparaît sans conséquences après quelques jours ou semaines. Comme symptômes typiques, l’enfant boîte pour ménager l’articulation et présente une mobilité réduite (en particulier de l’abduction et la rotation interne) en raison de l’épanchement aseptique. La douleur est souvent projetée en direction distale par les enfants concernés, de sorte qu’en présence de douleurs au genou, l’articulation de la hanche doit également être examinée. En cas d’évolution plus longue, la synovite aiguë transitoire doit être distinguée de la maladie de Perthes, qui peut se manifester de manière similaire à cet âge.
Toute monoarthrite doit en premier lieu éveiller un soupçon d’infection ostéoarticulaire (IOA) sous forme d’une arthrite septique et/ou d’une ostéomyélite, les agents pathogènes se diffusant généralement par voie hématogène chez les enfants. Outre les streptocoques et pneumocoques, le Staphylococcus aureus est souvent mis en évidence. Depuis l’introduction du vaccin HiB dans le plan de vaccination suisse, l’Haemophilus influenzae de type B a heureusement considérablement régressé.
Actuellement, Kingella kingae est le bacille le plus fréquemment observé en cas d’IOA de l’enfant en bas âge. Les IOA dues à K. kingae se distinguent par leur tableau clinique discret et des paramètres biologiques généralement peu modifiés. Il s’avère souvent difficile d’isoler l’agent pathogène. Les cultures issues du liquide synovial ou d’une ponction osseuse restent souvent négatives. L’augmentation apparente des infections par K. kingae peut s’expliquer par l’amélioration des méthodes de détection (PCR en temps réel spécifique) [2].
La fièvre rhumatismale est devenue rare sous nos latitudes. La survenue d’une arthrite poststreptococcique 1 à 3 semaines après une angine est nettement plus fréquente. Le diagnostic peut être confirmé à l’aide d’un titre positif d’antistreptolysine, seule une augmentation significative du titre après 3 à 6 semaines étant toutefois cliniquement pertinente. Les arthrites réactives et l’arthrite de Lyme s’observent chez les enfants plus âgés et les adolescents, et évoluent de manière ­similaire que les arthrites réactives à l’âge adulte. Les arthropathies microcristallines sont rares chez les ­enfants. En revanche, les maladies génétiques s’accompagnant d’une arthrite doivent être prises en considération chez les enfants. Elles incluent des syndromes de fièvre périodique tels que la fièvre méditerranéenne familiale ou le syndrome PAPA (Arthrite Pyogène, Pyodermite gangréneuse, Acné). De même, les enfants atteints d’immunodéficiences peuvent présenter une arthrite d’origine auto-immune.

L’arthrite juvénile idiopathique

Le terme «arthrite juvénile idiopathique» (AJI) englobe un groupe de maladies hétérogènes avec 7 sous-groupes (tab. 1). Elles ont en commun une arthrite d’étiologie non déterminée sur une durée d’au moins 6 semaines avec un début avant la 16e année de vie.
Tableau 1: Classification de l’arthrite juvénile idiopathique (AJI).
Soustype d’AJICaractéristiques cliniques à définirFréquence
Arthrite systémique– Fièvre quotidienne pendant au moins 2 semaines
– Arthrite
– Avec un/plusieurs des symptômes suivants:
• Exanthème fugace
• Lymphadénopathie généralisée
• Hépatomégalie/splénomégalie
• Sérosite
7%
Oligoarthrite
– persistante
– étendue
1–4 articulations pendant les 6 premiers mois
– Jamais plus de 4 articulations concernées
– >4 articulations concernées après les 6 premiers mois
53%
Polyarthrite
FR négative– 5 ou plus articulations concernées pendant les 6 premiers mois
– Facteur rhumatoïde (FR) négatif
14%
Polyarthrite
FR positive– 5 ou plus articulations concernées pendant les 6 premiers mois
– FR deux fois positif
2%
Arthrite avec enthésite– Arthrite avec enthésite ou
– Arthrite avec enthésite avec au moins 2 des critères suivants:
• Douleur à la pression au niveau de l’articulation sacro-iliaque / douleurs vertébrales inflammatoires
• HLA-B27 positive
• Garçon de 6 ans ou plus âgé
• Uvéite antérieure aiguë
• Antécédents familiaux de 1er degré de maladies associées au HLA-B27
14%
Arthrite psoriasique– Arthrite et psoriasis, ou
–  Arthrite avec au moins 2 des critères suivants:
• Dactylite
• Altérations des ongles
• Psoriasis chez un parent du 1er degré
2%
Arthrite 
non différenciéeArthrite ne pouvant être attribuée à aucune ou à plus d’une des catégories8%
Les sous-groupes se distinguent essentiellement du point de vue clinique, démographique et génétique. Ainsi, la prévalence des AJI est par exemple plus faible au sein de la population noire, mais les évolutions graves telles que la polyarthrite y sont plus fréquentes que chez les caucasiens. L’hétérogénéité des différents sous-groupes se manifeste également sur le plan clinique, en termes de profil cytokinique ainsi que de ­réponses différentes au traitement et de pronostic.

Diagnostic

Le dépistage de l’AJI repose principalement sur l’estimation clinique. En cas de soupçon, une évaluation clinique complète portant une attention particulière sur les symptômes de la douleur et la raideur matinale s’avère nécessaire. L’examen clinique approfondi doit prendre en compte toutes les articulations (fig. 1) et est complété par quelques analyses biologiques spécifiques. Les enfants présentent le plus souvent des anticorps antinucléaires (AAN) positifs, des titres sériques augmentés étant toutefois aussi présents chez 7% des enfants sains. C’est la raison pour laquelle l’interprétation ne peut uniquement se faire qu’en relation avec les observations cliniques. L’AJI est un diagnostic d’exclusion. Le tableau 2 affiche un aperçu des diagnostics différentiels les plus fréquents.
Figure 1: Œdème périmalléolaire en présence d’arthrite 
de l’articulation de la cheville à droite.
Tableau 2: Diagnostic différentiel de l’arthrite juvénile idiopathique (AJI).
InfectionsVirus (parvovirus B19, hépatites B + C, rubéole, EBV, etc.)
Bactéries
Arthrite de Lyme
Tuberculose
PostinfectieuxViral
Post-streptococcique
Réactive (shigelles, salmonelles, Campylobacter, etc.)
Non inflammatoireHypermobilité
Traumatisme
CRPS de type I
Synovite à corps étranger
Syndrome douloureux fémoro-patellaire
Ostéochondrite disséquante
Ostéonécroses
Epiphysiolyse fémorale supérieure
HématologiqueAnémie falciforme
Hémophilie
Collagénoses / ­vascularitesLupus érythémateux systémique
Dermatomyosite juvénile
Sclérodermie
Maladie de Behçet
Purpura rhumatoïde
Syndrome de Kawasaki
OncologiqueNeuroblastome
Leucémie
Tumeur osseuse localisée
DiversImmunodéficience telle que syndrome de Wiskott-Aldrich, 
syndrome de Di George, etc.
Sarcoïdose
Syndrome de fièvre périodique tel que FMF, CAPS, MWS, PAPA
Abréviations: EBV = Virus Epstein-Barr, CRPS = «complex regional pain syndrome», FMF = fièvre ­méditerranéenne familiale, CAPS = «cryopyrin-associated periodic syndromes», MWS = Syndrome de Muckle-Wells, PAPA = Arthrite Pyogène, Pyodermite gangréneuse, Acné
Des examens radiologiques conventionnels sont pertinents en début de maladie pour exclure des pathologies osseuses. L’échographie convient parfaitement, tant pour le diagnostic que pour les contrôles de suivi. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet une distinction claire des pathologies non inflammatoires et la représentation d’articulation difficilement accessibles à l’échographie, comme au niveau de la colonne vertébrale ou de l’articulation du genou. Chez les jeunes enfants (jusqu’à env. 7 ans), l’IRM nécessite toutefois une sédation et un accompagnement lors de l’anesthésie.

L’oligoarthrite

Le soustype d’AJI le plus fréquent est l’oligoarthrite. Cette forme est définie par une arthrite touchant au maximum quatre articulations durant les 6 premiers mois. Elle concerne spécifiquement les enfants en bas âge (<6 ans) et 4 fois plus souvent les filles. Le début est typiquement insidieux. Souvent, les enfants ne rapportent aucune douleur mais affichent une modification du comportement telle qu’une position de ménagement ou «se laissent porter». L’arthrite est asymétrique; l’articulation du genou est le plus souvent touchée, suivie de l’articulation de la cheville et des petites articulations de la main. Plus de 50% des enfants atteints d’oligoarthrite juvénile précoce sont AAN positifs. Ils présentent un risque accru d’iridocyclite et doivent être examinés par l’ophtalmologiste tous les 3 mois. Les séquelles comprennent des atrophies musculaires, une mauvaise position articulaire et des troubles de la croissance (fig. 2). Le traitement fait principalement appel à des antirhumatismaux non stéroïdiens (ARNS) et des injections intraarticulaires de stéroïdes. En cas d’évolution prolongée ou dans le cadre d’une uvéite, un traitement de base peut s’avérer nécessaire, préférablement par le méthotrexate. Après 6 à 10 ans, le taux de rémission est de 23–47%.
Figure 2: Atrophies musculaires, déformation du pied, genu valgum comme ­conséquences de l’arthrite chronique.

L’arthrite juvénile idiopathique ­systémique

L’arthrite juvénile idiopathique systémique (AJIs) est une maladie inflammatoire systémique caractérisée par la survenue d’arthrite, mais également par des symptômes systémiques. Au début, sa caractéristique principale est la fièvre récurrente semblable au sepsis, accompagnée d’autres manifestations extraarticulaires au niveau des organes (tab. 1/fig. 3).
Figures 3A et B: Exanthème et gonarthrite à droite en présence de la manifestation initiale de l’arthrite juvénile idiopathique systémique.
Environ un tiers des patients ne présentent d’abord qu’une arthralgie. Les manifestations extraarticulaires peuvent précéder l’arthrite de plusieurs semaines ou mois. Toute articulation peut être touchée. Les poignets, genoux et chevilles sont particulièrement souvent concernés, mais aussi la colonne cervicale, les hanches et l’articulation temporo-mandibulaire.
Les AJIs peuvent présenter diverses évolutions: chez une partie des patients, les symptômes généraux disparaissent après quelques mois et la problématique articulaire se trouve alors au premier plan, tandis que chez les autres, les symptômes inflammatoires systémiques persistent. De même, le pronostic s’avère très variable. Près de la moitié des patients récupèrent complètement, en particulier ceux atteints d’une forme oligoarticulaire. Les autres cas débouchent sur une polyarthrite destructive, en présence d’une inflammation chronique récidivante ou persistante.
L’AJIs se distingue des autres sous-groupes du point de vue clinique mais également immunopathologique. L’AJIs ne suggère pas une maladie auto-immune, mais une maladie autoinflammatoire [3]. Les analyses biochimiques présentent typiquement une leucocytose avec neutrophilie, une thrombocytose et un taux de ferritine accru, mais pas d’auto-anticorps. Les taux sériques de cytokines IL-1, IL-6, GM-CSF et IL-18 sont nettement accrus et en corrélation avec l’activité de la maladie. L’IL-6 n’évolue pas seulement parallèlement à la poussée de fièvre, mais joue aussi un rôle dans le développement de l’anémie microcytaire et les troubles de la croissance pouvant entraîner un nanisme en l’absence d’un traitement satisfaisant (fig. 4). Le taux de TNFα dans le liquide synovial est quant à lui accru. Les inhibiteurs du TNF-α affichent une réponse plus mauvaise en cas d’AJIs qu’en présence des autres sous-groupes [4]. Les anticorps monoclonaux anti-Il-1 et anti­-
Il-2, utilisés comme traitement de deuxième intention, affichent un bon profil d’action en particulier à l’égard des symptômes systémiques [5].
Figure 4: Rôle de l’interleukine 6.
Les patients atteints d’AJIs sont en premier lieu traités par des ARNS; si l’effet s’avère insuffisant, des stéroïdes (prednisolone 1–2 mg/kg de poids corporel/jour) sont employés. La suite du traitement dépend de la présence au premier plan de symptômes systémiques ou articulaires.
Avant l’ère de la biothérapie, la maladie était difficile à contrôler chez certains patients (fig. 5). Des années de traitement stéroïdien entraînaient de graves effets indésirables, avant tout le nanisme et le l’ostéoporose.
Figure 5: Patient âgé de 18 ans atteint d’arthrite juvénile idiopathique systémique. 
Ankylose des apophyses épineuses au niveau de la colonne cervicale (A) et polyarthrite destructive (B) .
En raison de l’amélioration des modalités thérapeutiques, le développement d’une amyloïdose est de nos jours rare. Toutefois, l’AJIs continue de présenter la morbidité et la mortalité les plus élevées, notamment en raison de la complication d’un syndrome d’activation macrophagique.

Le syndrome d’activation macrophagique

Le syndrome d’activation macrophagique (SAM) est une maladie grave et potentiellement mortelle survenant fréquemment dès le début de l’AJIs. Il est caractérisé par une activation incontrôlée des lymphocytes T et des macrophages ainsi qu’une libération massive de cytokines proinflammatoires. Les facteurs déclenchants peuvent être diverses infections virales ou des médicaments (notamment Aspirin®, ARNS, salazopyrine). L’hémophagocytose entraîne une cytopénie. Parallèlement, l’augmentation massive du taux sérique de ferritine à des valeurs supérieures à 10 000 mg/ml suggère un SAM. Le tableau 3 présente les symptômes à définir. Outre la poussée rhumatismale, le diagnostic différentiel doit distinguer le SAM d’un sepsis.
Tableau 3: Symptômes en présence d’un syndrome ­d’activation macrophagique.
Fièvre persistante
Hépatomégalie/splénomégalie
Implication du système nerveux central
Ferritine accrue (>684 ng/ml)
Elévation des transaminases
Hypofibrinogenémie
Cytopénie

La polyarthrite

La polyarthrite positive au facteur rhumatoïde (FR), qui correspond à la polyarthrite séropositive de l’adulte, est le soustype d’AJI le plus rare. Cette forme survient généralement chez les adolescentes entre 12 et 16 ans. Comme chez les adultes, son évolution est caractérisée par une atteinte articulaire progressive, des modifications radiologiques précoces et des difformités.
La polyarthrite FR négative est considérablement plus fréquente et peut se manifester à n’importe quel moment de l’enfance. L’arthrite est symétrique; les articulations de grande et petite tailles sont touchées, souvent avec la participation des tendons fléchisseurs. La colonne cervicale peut également être impliquée dans le processus pathologique, présentant la symptomatique d’un torticolis.
Globalement, la polyarthrite représente 16% des AJI. De nombreux enfants requièrent une médication durant de nombreuses années, les intervalles sans traitement sont rares.
Le traitement de l’AJI a jusqu’à présent été effectué selon un schéma graduel. Après un début avec la médication la plus faible, le traitement s’intensifie sur plusieurs mois. Actuellement, chez les patients présentant une activité pathologique élevée, un concept thérapeutique agressif précoce est discuté, qui débute par un traitement combiné à base de «disease modifying antirheumatic drugs» (DMARD), de biomédicaments et de stéroïdes. Il a été prouvé à plusieurs reprises que l’association d’un biomédicament et d’un DMARD était supérieure à une monothérapie. En présence d’un traitement agressif précoce, une maladie cliniquement inactive peut être atteinte chez la majorité des patients. Cela s’avère décisif puisqu’il s’est avéré que l’activité pathologique pendant les 2 premières années est le principal facteur influençant la poursuite de l’évolution de la maladie.

L’arthrite psoriasique

La prévalence du psoriasis dans l’enfance s’élève à environ 0,5%. Le pourcentage des enfants présentant en outre une arthrite doit être estimé encore plus faible. Ici aussi, les filles sont un peu plus souvent concernées. L’arthrite psoriasique (JPsA) peut toutefois déjà survenir chez l’enfant en bas âge indépendamment de l’atteinte cutanée. Dans de nombreux cas, l’arthrite précède les symptômes dermatologiques. Les critères de classification incluent les signes cliniques d’une arthrite, le psoriasis, la dactylite et l’onycholyse ainsi que des antécédents familiaux positifs en matière de psoriasis.
Dans le cas de l’arthrite psoriasique, l’articulation du genou est le plus souvent concernée, mais il existe également une nette prédilection pour les petites articulations (fig. 6). Une dactylite avec participation des articulations interphalangiennes proximales et distales (IPP et IPD), une tendinite ainsi qu’un œdème périarticulaire diffus sont également typiques chez les enfants. L’arthrite psoriasique est aussi associée à une uvéite antérieure aiguë. En gros, 30–60% des patients atteints d’arthrite psoriasique sont AAN positifs. Le traitement dépend de l’atteinte articulaire.
Figure 6: Arthrite psoriasique.

L’arthrite juvénile avec enthésite

L’arthrite juvénile avec enthésite débute comme une oligoarthrite et survient à partir de l’âge scolaire. Une activité inflammatoire au niveau des extrémités inférieures est typique, la hanche peut également être impliquée. L’enthésite peut toucher le fascia plantaire, le tendon d’Achille ou d’autres insertions tendineuses. Dans env. 40% des cas, la maladie peut progresser pendant l’adolescence et atteindre l’articulation sacro-iliaque (ASI) et/ou les articulations de la colonne vertébrale. Bien que l’arthrite avec enthésite soit caractérisée chez les enfants par une majeure partie de symptômes extraaxiaux, cette maladie fait partie du groupe des spondylarthropathies. Près de 70% des patients sont HLA-B27 positifs. L’iridocyclite aiguë est plus rare chez les enfants.

L’arthrite de l’articulation temporo-mandibulaire

L’arthrite de l’articulation temporo-mandibulaire avait déjà été décrite en 1897 par Still dans sa première série de cas, chez des enfants atteints d’arthrite chronique. La problématique de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM) a été par la suite négligée, surtout car il est cliniquement difficile d’enregistrer une activité inflammatoire. Ainsi, seuls des dommages à long terme sous forme d’une rétrognathie due au trouble de croissance mandibulaire ont pu être constatés. Etant donné que la zone de croissance de l’ATM se trouve directement au-dessous du cartilage articulaire, le risque d’un trouble de la croissance au niveau de cette articulation est particulièrement élevé.
Grâce à l’IRM, il est désormais possible de mieux évaluer l’ATM – les modifications inflammatoires peuvent être détectées de manière sûre. L’IRM constitue actuellement l’examen diagnostique de référence de l’arthrite de l’articulation temporo-mandibulaire. L’incidence d’une participation de l’ATM chez les patients atteints d’AJI s’élève à environ 60%. Les conséquences de l’arthrite de durée prolongée incluent une fonction masticatoire limitée, une malocclusion, une micrognathie en cas d’atteinte bilatérale ou une asymétrie faciale en présence d’un raccourcissement unilatéral des mandibules.

L’uvéite

L’uvéite est la manifestation extraarticulaire de l’AJI la plus fréquente. L’importance du risque varie en fonction des différents sous-groupes. La prévalence est élevée chez les jeunes enfants présentant une oligoarthrite, en particulier lorsqu’ils sont AAN positifs. L’uvéite commence souvent de manière insidieuse et se poursuit avec une évolution chronique définie sur une durée de 3 mois sans rémission intermédiaire. Les symptômes tels que la rougeur oculaire sont généralement absents. A cela s’ajoute le fait que les enfants en bas âge sont incapables de percevoir et d’articuler en tant que tels les symptômes correspondants (photophobie, baisse de l’acuité visuelle). L’uvéite chronique antérieure associée à l’AJI est souvent bilatérale (65–87%).
Sur le plan physiopathologique survient une rupture de la barrière hématoencéphalique, reconnaissable aux cellules et protéines dans la chambre antérieure de l’œil (effet Tyndall), qui peuvent être détectées et quantifiées à l’aide d’un examen biomicroscopique (fig. 7 et 8). L’évaluation de l’uvéite s’effectue actuellement dans tous les centres spécialisés sur la base des critères SUN («Standardization of Uveitis Nomenclature»).
Figure 7: Uvéite antérieure avec précipités rétrocornéens.
Figure 8: Biomicroscopie (la publication a été réalisée 
avec l’accord des parents).
Les conséquences d’une uvéite peuvent être graves: un handicap visuel au niveau de l’œil concerné survient chez près de 20% des patients en raison d’une cataracte, d’opacifications du corps vitré et de modifications maculaires. La baisse de l’acuité visuelle peut également avoir des répercussions sur le parcours scolaire ou professionnel. C’est la raison pour laquelle le diagnostic précoce revêt une importance cruciale pour le pronostic à long terme. Un dépistage doit donc débuter directement après le diagnostic d’une AJI. De cette manière et en exploitant les options thérapeutiques actuelles, le risque de séquelles irréparables ainsi que la diminution de la qualité de vie qui en résulte peuvent être considérablement réduits, même s’ils restent très pertinents par rapport aux formes d’uvéite survenant à l’âge adulte. Afin d’éviter des complications, l’inflammation intraoculaire doit impérativement être maîtrisée, car même une légère inflammation résiduelle peut entraîner de graves complications intraoculaires. L’uvéite de l’enfant nécessite un accompagnement spécialisé. Celui-ci est optimal lorsque les différents experts, c’est-à-dire le pédiatre traitant, l’ophtalmologiste et le rhumatologue, s’occupent ensemble de l’enfant.

Principes du traitement

Bien qu’il n’existe jusqu’à présent aucun médicament pour guérir l’AJI, les progrès thérapeutiques ont incroyablement amélioré son pronostic. Le plus essentiel a été le développement des biomédicaments qui représentent une option thérapeutique précieuse pour les patients présentant une réponse insuffisante aux antirhumatismaux conventionnels.
Les ARNS ont longtemps été le pilier principal du traite­ment. Aujourd’hui également, ils ont leur importance puisque le traitement est souvent débuté avec un ARNS. Seules quelques substances sont autorisées pour les enfants: le naproxène, l’ibuprofène, l’indométacine et le célécoxib. Elles sont généralement bien tolérées. Les effets indésirables, en particuliers gastro-intestinaux, sont plus rares que chez les adultes.
Après la découverte de la cortisone en 1949, des stéroïdes présentant des effets indésirables considérables ont été administrés. Une véritable avancée dans le traitement a été réalisée pour la première fois avec l’emploi de DMARD épargnant les stéroïdes, tels que le méthotrexate, l’azathioprine et la ciclosporine, qui étaient toutefois d’abord utilisés avec beaucoup de réticence chez les enfants. Le méthotrexate est actuellement le DMARD le plus fréquemment employé au monde dans le traitement de l’AJI. Il est utilisé pour tous les sous-groupes et présente également un effet favorable sur l’uvéite. Les effets indésirables les plus fréquents sont d’ordre gastro-intestinal avec nausées et vomissements, ce qui nécessite occasionnellement un changement de traitement. Il est également possible de passer au léflunomide. L’hémogramme et les valeurs hépatiques doivent être régulièrement contrôlés pour ces deux médicaments.
En 2000, le premier inhibiteur du TNFα étanercept, un inhibiteur du TNF totalement humain, a été autorisé en tant que premier biomédicament pour l’utilisation en cas de polyarthrite juvénile idiopathique. Les études réalisées ont montré que l’étanercept réduit la progression radiologique de la destruction des articulations et améliore la fonction articulaire et la qualité de vie. Une rémission totale a pu être atteinte chez 50% des patients. Les inhibiteurs du TNFα n’ont pas seulement un effet anti-inflammatoire au niveau de l’articulation, mais agissent également de manière systémique, de sorte que les symptômes tels que la fatigue disparaissent aussi. Les inhibiteurs du TNFα sont plus efficaces s’ils sont employés précocement et combinés à un DMARD ou à la prednisone.
La palette des anticytokines n’a cessé de croître au cours des dernières années et se dirige non seulement contre le TNFα, mais aussi contre les interleukines (IL-6, IL-12, IL-17, IL-23) ainsi que les récepteurs IL-1α et IL-1β. Même si le spectre des biomédicaments est limité en pédiatrie en raison du manque d’études en vue d’une autorisation, plusieurs biomédicaments sont à disposition (tab. 4).
Tableau 4: Biomédicaments autorisés en Suisse en cas de maladies rhumatismales pédiatriques.
NomPrincipe actifCibleDosageIndication
Enbrel®EtanerceptTNF-α0,8 mg/kg de PC s.c par semaineAJIp, oligoarthrite étendue 
à partir de la 2e année de vie;
ERA, arthrite psoriasique 
à partir de 12 ans
Humira®AdalimumabTNF-α24 mg/m2, max. 40 mg s.c. toutes les 2 semainesAJIp à partir de 4 ans
Orencia®AbataceptCTLA410 mg/kg de PC i.v., toutes les 4 semainesAJIp à partir de 6 ans
Actemra®TocilizumabIL-68 mg/kg de PC s.c., toutes les 4 semaines AJIp à partir de 2 ans
8 mg/kg de PC (<30 kg) ou 12 mg/kg de PC (>30 kg) s.c., toutes les 2 semainesAJIs à partir de 2 ans
Ilaris®CanakinumabIL-12–4 mg/kg de PC s.c., toutes les 4 semainesAJIs à partir de 2 ans
PC = poids corporel, AJIp = arthrite juvénile idiopathique polyarticulaire, AJIs = arthrite juvénile idiopathique systémique, 
ERA = enthesitis-related arthritis
Sous traitement immunosuppresseur, le risque d’une infection – notamment d’infections virales telle que la varicelle – ou d’une réactivation de la tuberculose est accru. Le risque doit être soigneusement évalué avant l’initiation du traitement au moyen de l’anamnèse (exposition, lieu de séjour, vaccins) et de certains tests de dépistage. Le statut de vaccination doit être complété. Il est alors recommandé d’administrer les vaccins vivants au moins 4 semaines avant l’initiation du traitement. La vaccination contre la grippe doit être effectuée tous les ans [6].
La question de savoir si les inhibiteurs du TNFα s’accompagnent d’un risque accru de tumeur maligne n’est pas élucidée. Une étude publiée en 2013 a révélé une incidence supérieure de lymphome de Hodgkin chez les enfants traités par étanercept par rapport à la population globale [7]. L’interprétation n’est toutefois pas univoque puisque les patients atteints d’AJI présentent en soi une incidence accrue de tumeurs malignes.
Les médicaments actuellement à disposition permettent de définir pour objectif le contrôle total de la maladie: «treat to target». Une rémission clinique est alors visée sur le plan thérapeutique, afin d’éviter les dommages à long terme et de maintenir l’intégrité physique et psychologique de l’enfant. Pour cela, les patients nécessitent un accompagnement continu destiné à enregistrer régulièrement l’activité thérapeutique et à surveiller le traitement.

Pronostic

Le pronostic de l’AJI dépend d’une part de la durée d’activité, mais également du nombre d’articulations concernées et des manifestations extraarticulaires.
L’AJI n’est pas une maladie infantile dont l’évolution est inoffensive vu qu’elle peut impliquer des séquelles considérables. Près de 30% des patients présentent à l’âge de jeune adulte un handicap fonctionnel ainsi que des dommages consécutifs articulaires ou extraarticulaires. Un malentendu courant prétend que l’arthrite pédiatrique disparaît à la puberté. Des études à long terme montrent toutefois que, selon le soustype, la maladie perdure à l’âge adulte dans plus de 50% des cas. Par conséquent, une transition réussie auprès du rhumatologue pour adultes s’avère essentielle, avec un accompagnement continu et compétent également à l’âge adulte.

L’essentiel pour la pratique

• Le dépistage de l’arthrite juvénile idiopathique (AJI) repose sur des données cliniques et est complété par quelques résultats de laboratoire spécifiques et des examens radiologiques. Les analyses biologiques non ciblées («série rhumatologique») sont inutiles.
• Le rhumatisme infantile doit être différencié en termes de sous-entités en ce qui concerne le traitement à long terme, le pronostic ainsi que les complications spécifiques.
• Combinés avec des biomédicaments, le meilleur accompagnement des enfants atteints d’AJI ainsi que le traitement constitué de médicaments établis depuis longtemps ont considérablement amélioré leur pronostic. Des études actuelles prouvent la nette récession du nombre de patients présentant de graves handicaps à long terme.
• Lors du traitement de l’AJI, une bonne collaboration avec les pédiatres et médecins de famille accompagnants s’avère essentielle, en particulier en cas d’utilisation de traitements immunosuppresseurs. Ils sont responsables de l’exécution des vaccinations et sont les premiers interlocuteurs en cas d’infection.
L’auteure n’a pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis..
Dr méd. Daniela Kaiser
Leitende Ärztin
Pädiatrie
Kinderspital Luzern
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