Evaluation de la capacité de travail en cas d’affections pulmonaires
Recommandations à l’intention des médecins

Evaluation de la capacité de travail en cas d’affections pulmonaires

Übersichtsartikel
Édition
2017/40
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.03083
Forum Med Suisse 2017;17(40):849-858

Affiliations
a Pneumologie, Kantonsspital Schaffhausen; b Pneumologie, Kantonsspital Münsterlingen

Publié le 04.10.2017

Au vu de l’impact économique de l’absentéisme au travail, les médecins jouent un rôle décisif en matière d’évaluation de la capacité de travail des patients. Les expertises soulèvent souvent des questions difficiles et présupposent la connaissance des termes appropriés relevant du droit des assurances et de la médecine. Les critères en vigueur en Suisse pour l’évaluation de l’invalidité respiratoire reposent en grande partie sur le schéma de Scherrer datant de 1975 et sur les recommandations de la «American Thoracic Society».

Introduction

En 2014, le nombre annuel d’heures d’absence de la ­population active de Suisse s’élevait à 248 millions (correspondant en moyenne à 62 heures par emploi). Parmi ces absences, les trois quarts étaient dus à une maladie ou à un accident, et cet absentéisme correspond à la capacité de travail d’env. 86 000 salariés à temps plein. Env. 28% des absences pour cause de maladie concernaient des maladies pneumologiques, avec 50% des cas attribuables à la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).
Au même titre que d’autres problèmes de santé, les ­affections des voies respiratoires ou les affections pulmonaires peuvent également être à l’origine d’une incapacité partielle voire totale, temporaire (par ex. pneumonie) voire permanente (par ex. asthme professionnel), à exercer une activité professionnelle (tab. 1). Rédiger une expertise requiert beaucoup de travail. Pour l’évaluation d’une limitation de plus longue durée de la capacité de travail, le médecin évaluateur devrait demeurer le plus indépendant possible.
Tableau 1: Exemples de maladies pulmonaires chroniques pouvant conduire à une limitation de la capacité de travail.
Maladies pulmonaires obstructives
Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)
Asthme bronchique
Bronchectasies
Maladies pulmonaires restrictives
Pneumopathies interstitielles diffuses 
(par ex. fibrose pulmonaire)
Affections de la plèvre
Affections de la cage thoracique
Etat consécutif à une opération du poumon 
(par ex. pneumonectomie)
Troubles respiratoires liés au sommeil
Apnée du sommeil
Syndrome obésité-hypoventilation
Maladies vasculaires pulmonaires
Maladies tumorales
Maladies liées à l’environnement («occupational diseases»)
Alvéolite allergique exogène 
(synonyme: «pneumopathie d’hypersensibilité»)
Pneumoconioses (silicose, asbestoses)
Asthme professionnel
Syndrome de dysfonction réactive des voies aériennes
Cancers, par ex. maladies associées à l’amiante
Les définitions listées ci-dessous sont des définitions juridiques, pas médicales. Elles sont issues de la Loi ­fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA, [1]).

Incapacité de travail

«Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui.» (LPGA, Chapitre 2, Art. 6, [1]). L’évaluation de l’incapacité de travail incombe aux médecins et celle-ci est exprimée en pourcentage. Lors de l’évaluation de l’incapacité de travail, seule la ­limitation en rapport avec l’activité exercée jusqu’alors est juridiquement pertinente; la limitation médicale théorique des fonctions physiques n’entre pas en ligne de compte (voir ci-dessous). L’atteinte à la santé doit ­atteindre une certaine valeur pathologique, c.-à-d. avoir pour conséquence un traitement et/ou un arrêt de travail partiel ou total. Lors de l’évaluation de la ­capacité de travail, il convient de ne pas prendre en considération des facteurs étrangers à la maladie, à l’accident ou à l’invalidité, tels que le manque de connaissances linguistiques, la situation économique, la situation sur le marché du travail, l’âge, le niveau d’éducation, la motivation, le contrat de travail, les éventuelles ­dépendances, le trajet pour se rendre au travail etc. En règle générale, l’incapacité de travail est limitée dans le temps. L’estimation de l’incapacité de travail (en %) comprend deux composantes, qui doivent être considérées séparément (fig. 1):
Figure 1: Procédure pratique lors de l’évaluation de l’incapacité de travail (IT) [12].
Exemple: Une limitation de la résistance à l’effort de 50% (par ex. port de charges réduit de 50%) et une limitation temporelle 
de 50% (par ex. travail uniquement par demi-journées) donnent une IT de 75%.
– la performance (sollicitation ou «rendement»);
– les horaires (temps de présence au poste de travail).

Exigibilité raisonnable

En cas d’incapacité de travail de longue durée dans la profession d’origine, l’activité raisonnablement exigible dans la profession/le domaine d’activité qu’occupait jusqu’alors le patient ou dans une autre profession/un autre domaine d’activité est également prise en compte. Une activité est considérée comme raisonnablement exigible lorsqu’elle est adaptée à l’affection (une sorte de «capacité de travail résiduelle»). Pour l’évaluation de l’activité raisonnablement exigible, le médecin examinateur doit indiquer quelles activités le patient pourrait encore raisonnablement accomplir au vu de son affection pulmonaire et ce qui peut encore être ­attendu du lui objectivement. Cette notion n’est pas exprimée en pourcentage, mais elle implique une ­appréciation de la performance fonctionnelle (que peut encore faire l’assuré?) et une appréciation des limitations fonctionnelles (que ne peut plus faire l’assuré?); en outre, le médecin doit indiquer une éventuelle limitation horaire de l’activité pour des raisons médicales. En ce qui concerne les principes de l’évaluation mé­dicale de l’exigibilité et de la capacité de travail, nous invitons les lecteurs à consulter les articles de Oliveri et al. [2, 3].

Incapacité de gain

Est réputée incapacité de gain toute diminution de ­l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et si elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles. L’évaluation de l’incapacité de gain n’est pas du ressort des médecins, mais de celui de l’assureur, et elle est déterminée sur le plan admini­stratif en se basant sur l’évaluation de l’exigibilité raisonnable fournie par le médecin.

Invalidité

Est réputée invalidité («disability») l’incapacité de gain totale ou partielle que l’on présume permanente ou de longue durée. En fonction de la sévérité de l’affection pulmonaire, le patient peut souffrir d’une limitation de sa capacité de gain et donc d’une perte de gain, ­dépendant de son diagnostic et de ses exigences professionnelles. L’appréciation de l’invalidité relève des assurances sociales et elle est normalement déterminée par l’administration compétente et non pas par le médecin évaluateur, mais elle s’appuie en grande partie sur l’évaluation médicale de l’exigibilité raisonnable.

Indemnité pour atteinte à l’intégrité

L’indemnité pour atteinte à l’intégrité est allouée en cas de maladies professionnelles ou de suites d’un accident (uniquement dans le cadre de la Loi fédérale sur l’assurance-accidents [LAA]), lorsque l’atteinte est «importante, a priori permanente et non traitable» (une sorte d’«indemnisation des souffrances»). L’indemnité pour atteinte à l’intégrité, qui est déterminée par les autorités administratives, varie en fonction de l’invalidité respiratoire théorique (IRT) et vise à combler la diminution de la qualité de vie liée aux conséquences d’un accident ou d’une maladie professionnelle. En se basant sur l’IRT, l’atteinte à l’intégrité est déterminée à l’aide d’un tableau préétabli et l’indemnité (en francs) est calculée en pourcentage par rapport au montant maximum du gain ­annuel assuré; à atteinte comparable, elle est donc proportionnellement identique pour tous les assurés.

Aptitude, aptitude conditionnelle et inaptitude

Dans le cadre de l’expertise pneumologique, ces termes entrent en jeu lorsque la poursuite du travail dans la profession exercée jusqu’ici expose le patient à un risque de santé majeur au vu de son affection pulmonaire. Dans ce contexte, citons comme exemple des affections pulmonaires comme l’asthme bronchique, la silicose ou la bérylliose. Les patients peuvent par ex. être déclarés conditionnellement aptes à avoir des contacts avec certaines substances ou à exercer certaines activités, c.-à-d. en respectant des mesures de sécurité précises, ou être déclarés inaptes. Une déclaration d’inaptitude peut uniquement être prononcée lorsque toutes les mesures préventives ont été épuisées. D’après le droit Suisse, la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (SUVA), en tant qu’unique assureur, détient la compétence de déterminer l’aptitude d’un patient. L’émission d’une déclaration d’inaptitude entraîne de lourdes conséquences pour la personne concernée, car cette dernière n’a alors plus droit d’exercer l’activité en question, et elle doit dès lors se faire sur la base d’une indication claire.

Rente

Le montant de la rente est déterminé sur la base du principe de la différence par rapport au revenu que le patient pourrait toucher à un âge moyen, sur un marché du travail équilibré, s’il n’était pas atteint d’une ­affection pulmonaire. Ce revenu est comparé à celui que le patient peut encore réellement espérer compte tenu de sa maladie et des possibilités résiduelles qui peuvent encore raisonnablement être attendues de lui. La différence de revenu, exprimée en pourcentage (degré d’invalidité) du revenu perçu avant la maladie, fournit le montant de la rente à verser. Cette tâche n’incombe pas au médecin.

Expertise médicale

L’expertise médicale doit aborder les points litigieux, reposer sur des examens approfondis, prendre en compte les symptômes dont se plaint le patient, être établie en connaissance du dossier, prendre objectivement position vis-à-vis de précédents rapports divergents et présenter de manière claire et compréhensible le contexte et les arguments médicaux, de sorte qu’ils tiennent la route face à un examen critique. L’expertise pneumo­logique est composée d’une introduction, de la description du dossier, de l’anamnèse selon le patient, d’un examen clinique, des résultats des éventuels examens complémentaires, de(s) diagnostic(s), d’une évaluation, prise de position par rapport à la capacité de travail compris, et de mesures médicales et enfin, d’une réponse aux éventuelles questions supplémentaires (tab. 2). L’expert ne devrait pas s’exprimer sur les appréciations personnelles de l’individu expertisé et de son environnement. L’expert est tenu d’éviter de faire des suppositions quant aux motifs ou facteurs invalidants en dehors du domaine purement médical et de s’exprimer sur le contexte politique/social ou encore sur des questions actuarielles et juridiques, telles que le droit à la rente ou le montant de la rente. Les experts doivent rester des personnes neutres et il ne peut donc s’agir ni du médecin de famille ni du médecin de l’assurance.
Tableau 2: Etablissement d’une expertise (d’après [13]).
Introduction
Raison de l’examen
Principes: dossier AI, dossier AA, anamnèse et examen clinique, épreuve fonctionnelle respiratoire et ergospirométrie
Dossier
Enumérer le listage détaillé des documents disponibles, un par un ou dans leur ­ensemble, lorsqu’ils sont définis (par ex. «les dossiers disponibles»), par ordre ­chronologique.
Anamnèse
Symptômes actuels (y compris restriction subjective)
Anamnèse sociale et familiale
Anamnèse médicale (y compris médicaments)
Projection dans l’avenir et autoévaluation de la personne expertisée
Anamnèse professionnelle
 Parcours professionnel
 Emploi du temps actuel
Examen clinique
Résultats des éventuels examens complémentaires
Par ex. analyses de laboratoire, épreuve fonctionnelle respiratoire, ergospirométrie, ­radiographie, tomodensitométrie.
Diagnostic(s)
Avec répercussion sur la capacité de travail
Sans répercussion sur la capacité de travail
Evaluation/répercussions sur la capacité de travail (point essentiel!)
Restriction (quantitative et qualitative) en raison des troubles constatés
Capacité de travail au poste habituel (activité raisonnablement exigible? 
Baisse de rendement et niveau de rendement)
Début de l’incapacité de travail au poste habituel?
Autres tâches raisonnablement exigibles 
(type de poste, taux d’occupation en %, rendement réduit?)
Prise de position relative à d’éventuelles divergences d’évaluation de la capacité de ­travail par d’autres médecins/institutions
Mesures médicales
Des mesures professionnelles sont-elles indiquées? Si oui, pour quelles raisons?

Evaluation pneumologique de l’incapacité de travail

En principe, il convient d’indiquer l’incapacité de travail en pourcentage et de préciser le cadre temporel dans ­lequel le travail est possible sur le plan médical, c.-à-d. par ex. incapacité de travail à 50%, travail par demi-journées (4 heures) avec un rendement normal ou travail par journées entières (8 heures) avec un rendement de 50%. Un éventuel travail à temps partiel devrait également être pris en compte. Il est en outre essentiel d’indiquer les réserves, comme par ex. pas de port de charges supérieures à 15 kg, pauses suffisantes pour les inha­lations ou absences suite à des exacerbations. Si cela s’avère impossible dans un cas particulier, le médecin peut décrire le «rendement» et la restriction horaire et s’abstenir d’une quantification en pourcentage.

Instruments de mesure

Fonction pulmonaire

Le volume expiratoire maximum seconde (VEMS), généralement mesuré après inhalation d’un bêta-2-mimétique d’action rapide, représente le paramètre spirométrique de référence pour l’évaluation sommaire de l’incapacité de travail théorique due à un trouble ventilatoire dans le cadre de pneumopathies obstructives. En cas de troubles restrictifs de la ventilation, la capacité pulmonaire totale (CPT) est prise en compte. Par ailleurs, il est possible de déterminer la réversibilité et l’hyperréactivité après ­inhalation de bêta-2-mimétiques, et d’obtenir des informations sur les échanges gazeux (détermination de la capacité de diffusion [DLCO]).

Gazométrie artérielle

Cet examen peut être réalisé au repos ou durant l’effort. Une hypoxémie artérielle et/ou une hypercapnie à l’effort indiquent que les capacités physiques sont encore davantage réduites en raison d’un trouble des échanges gazeux pulmonaires.

Ergospirométrie

Elle permet de mesurer la consommation maximale d’oxygène (VO2max) et renseigne sur la performance physique maximale. Elle ne fournit toutefois aucune indication quant à la durée de la performance à accomplir; dans de rares situations, un test d’endurance peut dès lors s’avérer nécessaire en cas d’épreuve fonctionnelle respiratoire et d’ergospirométrie normales. L’ergo­spirométrie permet de tirer des conclusions quant à la cause de la limitation (cardiaque, pulmonaire, cardio-­circulatoire, autre [déconditionnement, volonté/capacité de coopération]). Pour différentes professions, la consommation d’oxygène (VO2) requise est connue (tab. 3). Pour une activité professionnelle, la VO2 ne doit pas dépasser les 40% de la VO2max obtenue par la personne examinée afin que cette activité puisse être exercée dans le contexte de journées entières. En cas d’épreuve fonctionnelle respiratoire sans particularité, une ergospirométrie est dans tous les cas indiquée lorsque la personne examinée se plaint de troubles ­respiratoires.
Tableau 3: Consommation d’oxygène estimée en ml/kg/min au cours de différentes activités [14, 15].
TravailVO2 (ml/kg/min)
Activité assise 4,25
Position debout décontractée 8,75
Marche (normale)10,5
Marche (rapide)14
Effort léger à modéré
Conduite de voiture 4,25
Conduite de camion 5,3
Tonte du gazon 8,75
Travail de grutier 8,75
Conduite de camion avec charge et ­décharge10,5
Effort modéré en position debout
Travail de montage calme 8,75
Entretien ménager 9,45
Montage de pièces légères à moyennement lourdes12,25
Maçonnerie, tapisserie, peinture14,0
Effort modéré en marchant
Service (y compris plateau et vaisselle)14,7
Changement de roue, 
montage à une station-service15,7
Travail dur (principalement au niveau des bras)
Lever et porter des charges 
10 à 20 kg16
20 à 30 kg21
30 à 40 kg26
40 à 50 kg30
Travail avec appareils lourds
Marteau-piqueur21
Pelle, pioche, construction de tunnels28
Déménagement de meubles 
(armoires, tables)28
Travaux de voies ferrées24,5
Abattage d’arbres, coupe de bois 
(scie à main)19,3
Activités sportives
Golf 7–10
Tennis12–15
Marathon / handball 25–30
Selon l’«American Thoracic Society» (ATS) [4], en cas de VO2max >25 ml/min/kg (7,1 MET), la capacité de travail est inaltérée dans pratiquement toutes les professions. Si la VO2max est située entre 15–25 ml/min/kg et si 40% de cette valeur ne dépasse pas l’exigence métabolique moyenne de l’activité professionnelle, la capacité de travail n’est encore totale que dans les professions impliquant un effort physique faible à modéré.Une exception serait une profession nécessitant des périodes fréquentes et prolongées (de plus de 5 min.) d’effort supérieur à 40% de la VO2max. Si la VO2max est ≤15 ml/min/kg (4,3 MET), le sujet examiné serait en incapacité de travail pour la plupart des activités professionnelles, car le trajet aller/retour entre le domicile et le lieu de travail serait trop désagréable.
MET = «energy demand in liters of oxygen consumption per minute/basal oxygen consumption» (3,5 ml/kg/min) ou MET × 3,5 ml/kg/min = VO2 (ml/min/kg).

Mesures du débit expiratoire de pointe

La mise en œuvre d’un protocole de mesure du débit expiratoire de pointe (DEP) sur plusieurs semaines peut s’avérer utile par ex. en cas de suspicion d’asthme professionnel, avec une évaluation de la variabilité du DEP lors des jours de travail avec exposition à l’allergène et des jours non travaillés (par ex. week-end, vacances). Il convient néanmoins de garder à l’esprit que les mesures du DEP dépendent fortement de la coopération du patient.

Evaluation du poste de travail par un médecin du travail

Le cas échéant, le médecin du travail réalise des épreuves fonctionnelles respiratoires en série sur le lieu de travail du patient.

Marche à suivre pour la mesure de l’invalidité respiratoire théorique («impairment») et de l’exigibilité raisonnable

L’invalidité respiratoire théorique désigne une altération mesurable de la fonction pulmonaire ou des échanges gazeux indépendamment de la profession exercée par le patient. Différentes sociétés de discipline ont classifié les limitations fonctionnelles; c’est notamment le cas de la «American Thoracic Society» (ATS) [4] (tab. 4), de la «American Medical Association» (AMA) [5] ou encore de la «Spanish Society of Pneumology and Thoracic Surgery» (SEPAR) [6]. Il n’y a cependant pas d’études qui ont évalué la validité de ces critères. En Suisse, l’évaluation de l’invalidité respiratoire théorique se base habituellement sur le schéma de Scherrer, faisant appel aux ­paramètres spirométriques VEMS, capacité vitale forcée (CVF), (CPT), ainsi qu’à la DLCO ou à la gazométrie artérielle au repos ou durant l’effort (échanges gazeux) [7]. L’invalidité respiratoire théorique doit être constatée dans un état stable et sous traitement adéquat, et elle peut être estimée de la manière suivante: la différence entre le VEMS mesuré, exprimé en % de la valeur théorique, et 100% correspondant à la valeur de référence. Dépendant de la présence supplémentaire d’un trouble des échanges gazeux (DLCO diminuée ou baisse de la pression partielle en oxygène [PaO2] durant l’effort), la valeur est arrondie vers le haut ou vers le bas. Par exemple, si une valeur de 60% de la valeur théorique du VEMS est obtenue et si le patient présente en plus une diminution de la DLCO ou une baisse de la PaO2 alors qu’il effectue le rendement normal lors d’une tentative de travail, la valeur indicative devrait être arrondie de 40% à 50%. L’invalidité respiratoire théorique devrait ainsi être estimée à 50% si une augmentation de la pression partielle en dioxyde de carbone dans le sang artériel (PaCO2) s’ajoute encore à l’hypoxémie ­d’effort. Par contre, en cas d’échanges gazeux normaux, la valeur de 40% devrait être conservée, voire arrondie à 33,3%. Il ne s’agit en rien d’une classification absolue; ainsi, les paliers s’appliquent de la manière suivante: jusqu’à >20–25%, 33,3%, 50%, 66,6%, 75–80%, 100% (tab. 5).
Tableau 4: Recommandation pour l’évaluation de l’invalidité respiratoire théorique sur la base de l’épreuve fonctionnelle ­respiratoire (reprinted with permission of the American Thoracic Society. Copyright © 2017 American Thoracic Society. ­American Thoracic Society, 1986. Evaluation of impairment/disability secondary to respiratory disorders. Am Rev Respir Dis. 1986;(133):1205–9. The American Review of Respiratory Disease is an official journal of the American Thoracic Society.).
Paramètre fonctionnelNormeLimitation légère ­(«mild impairment»)Limitation modérée ­(«moderate impairment»)Limitation sévère ­(«severe impairment»)
CVF≥80% de la valeur ­théorique et60–79% de la valeur théorique ou51–59% de la valeur ­théorique ou<50% de la valeur théorique ou
VEMS≥80% de la valeur ­théorique et60–79% de la valeur théorique ou41–59% de la valeur ­théorique ou≤40% de la valeur théorique ou
VEMS/CVF≥75% de la valeur ­théorique et60–74% ou41–59% ou≤40% de la valeur théorique ou
DLCO≥80% de la valeur ­théorique60–79% de la valeur théorique41–59% de la valeur ­théorique≤40% de la valeur théorique
CVF = capacité vitale forcée, VEMS = volume expiratoire maximal par seconde, DLCO = capacité de diffusion.
En raison d’une dépendance partielle entre le VEMS, la capacité de diffusion et la consommation d’oxygène (et donc aussi les performances), l’épreuve fonctionnelle respiratoire s’avère dans bon nombre de cas suffisante pour évaluer la capacité de travail. Ceci vaut tout particulièrement pour les cas où la fonction pulmonaire est quasiment normale ou lorsqu’elle est fortement limitée (VEMS <35% de la valeur théorique). Pour les stades intermédiaires et en cas de plaintes subjectives du patient, une ergospirométrie est utile, surtout lorsqu’il s’agit de faire la distinction avec d’autres ­maladies, par ex. cardiaques, et l’affection pulmonaire, puisque l’ergospirométrie permet de mieux déterminer la sévérité et la cause d’une limitation [8]. Il n’existe cependant pas d’études de type «outcome-oriented», indiquant comment la consommation maximale d’oxygène doit être convertie en invalidité respiratoire théorique.
Chez les sujets sains, la performance maximale se retrouve limitée par la fréquence cardiaque et le débit cardiaque, mais pas par la ventilation. En cas d’effort maximal, la ventilation minute atteint uniquement env. 70% de la ventilation volontaire maximale (VVM), ce qui signifie que le sujet sain dispose de réserves respiratoires suffisantes. Les critères pour établir une limitation respiratoire durant l’effort sont les suivants:
1. interruption de l’effort en raison d’une dyspnée sans autre cause (par ex. douleurs thoraciques);
2. faibles réserves respiratoires [réserves respiratoires = VVM calculée – ventilation minute maximale mesurée (VEmax)];
3. diminution de la pression partielle en oxygène (pO2);
4. absence de signes évocateurs d’une dyspnée psychogène, c.-à-d. hyperventilation physiologiquement inexplicable en cas d’effort submaximal et/ou de non-atteinte du seuil anaérobie.
La VO2max mesurée permet également de tirer des conclusions quant aux performances encore exigibles. Pour différentes professions, il existe des données ­indicatives des exigences physiques requises (tab. 3). La consommation d’oxygène (VO2) requise pour une activité professionnelle donnée ne doit pas dépasser 40% de la valeur maximale atteinte par le patient (VO2max). Dans le cas contraire, il ne lui est plus possible d’exercer son activité par journées entières. Selon l’ATS, une VO2max >25 ml/kg/min correspond à une capacité de travail illimitée dans pratiquement toutes les professions, autrement dit à l’absence d’invalidité respi­ratoire théorique. Une VO2max de 15–25 ml/kg/min correspond à une capacité de travail totale uniquement pour les professions impliquant des efforts physiques d’intensité légère à modérée, avec une invalidité respiratoire théorique de 33,3–50%. Une VO2max <15 ml/kg/min correspond à une incapacité de travail dans pra­tiquement toutes les professions, avec une invalidité respiratoire théorique de 66,6–100%. En présence d’une hypoxémie d’effort et d’une hypercapnie, le niveau d’effort correspondant ne peut plus être raisonnablement exigé du patient. En fonction de la maladie, une réévaluation s’avère nécessaire au fil du temps, car une maladie peut soit s’améliorer en cas de réponse à un traitement (par ex. asthme) soit se détériorer en raison de son évolution naturelle (par ex. fibrose pulmonaire).

Maladies pulmonaires restrictives

En font avant tout partie les fibroses pulmonaires, qui ont typiquement une évolution progressive. Les pneumoconioses, telles que la silicose, sont moins fréquentes, car elles sont dépistées plus rapidement grâce au programme de prévention actuel de la SUVA. Cela s’explique par l’amélioration des conditions d’hygiène du travail au cours des dernières années (usinage humide des roches contenant du quartz, dispositifs d’aspiration, équipement de protection individuelle). Il n’existe pas de recommandations spécifiques pour l’évaluation de l’invalidité respiratoire théorique en cas de pneumopathies restrictives, si bien que la proposition de Scherrer doit être considérée comme la méthode de choix pour la mesurer (tab. 5).

Pneumopathies obstructives

L’asthme bronchique est une maladie respiratoire chronique fréquente qui touche, en fonction des pays et de l’âge, 1–18% de la population [9]. D’après la littérature, il est admis que 15–20% de tous les cas d’asthme sont attribuables à une exposition professionnelle [10]. Le terme «asthme lié au travail» («work-related asthma») englobe l’asthme aggravé par le travail («work-aggravated») et l’asthme induit par le travail, ou l’asthme professionnel («occupational asthma»). Les patients atteints d’asthme bronchique se distinguent des patients atteints d’autres affections pulmonaires par les points suivants: 1) la maladie est caractérisée par une obstruction bronchique variable et le tableau clinique varie de temps à autre; 2) l’obstruction bronchique est partiellement ou complètement réversible avec un traitement adéquat; 3) une hyperréactivité se manifeste vis-à-vis de substances irritantes, telles que la poussière, les gaz ou la fumée; 4) l’exposition environnementale ou professionnelle à des allergènes spécifiques a un effet sensibilisant, induit une inflammation des voies respiratoires et peut, en cas d’expositions répétées, être responsable d’une chronicisation et d’une irréversibilité. Même lorsqu’aucune sensibilisation n’est mise en évidence, l’action irritante peut être à l’origine d’une maladie professionnelle ou d’une détérioration de l’asthme bronchique (éventuellement, influence néfaste).
    Afin de pouvoir se prononcer de manière fiable sur l’invalidité respiratoire théorique chez les patients asthmatiques, l’asthme doit être le plus stable possible. Il n’est pas rare qu’une longue période d’observation soit nécessaire à cet effet, atteignant parfois jusqu’à 2 ans. L’ATS a proposé une classification par paliers basée sur l’attribution de points concernant le VEMS après inhalation, la réversibilité et le besoin de médicaments (tab. 6) [11]. Les paliers correspondent à peu près aux pourcentages cités, qui sont utilisés en Suisse (tab. 7). Plus l’asthme est instable, moins il est possible de chiffrer l’invalidité respi­ratoire théorique sur la seule base des paramètres spirométriques. Il faut alors également prendre en compte l’ampleur de la réactivité, la fréquence des crises et surtout aussi le type de traitement et sa dose optimale nécessaire pour atteindre un état le plus stable possible (par ex. spécification telle que «En raison de 4–6 exacerbations par an, des épisodes de 4–7 jours d’incapacité de travail totale sont possibles» ou «Des pauses pour des inhalations ­régulières sont nécessaires durant le temps de travail»).
Tableau 6: Schéma pour l’évaluation de l’invalidité respiratoire théorique en cas d’asthme (reprinted with permission of the American Thoracic Society. Copyright © 2017 American Thoracic Society. American Thoracic Society MSotALA, 1993. Guidelines for the Evaluation of Impairment/Disability in Patients with Asthma. Am Rev Respir Dis. 1993;147:1056–61. The ­American Review of Respiratory Disease is an official journal of the American Thoracic Society).
PointsVEMS 
Post-dilatation (% de la valeur théorique)*Réversibilité VEMS (%)*PC20* (mg/ml)Médicaments
0LLN<10>8Aucun
170 – LLN10 à 198–0,5Bronchodilatateur au besoin 
(pas quotidiennement)
260–6919 à 290,5–0,125Bronchodilatateur et/ou corticoïdes ­inhalés à faible dose1 quotidiennement
350–59>30<0,125Bronchodilatateur au besoin et corticoïdes inhalés à haute dose² ou corticoïdes ­systémiques 1–3×/an
4<50  Bronchodilatateur au besoin et ­corticoïdes inhalés à haute dose² ou ­corticoïdes systémiques quotidiennement
LLN = «lower limit of normal». VEMS = volume expiratoire maximal par seconde. PC20 = concentration de provocation entraînant une chute du VEMS de 20% lors du test de provocation non spécifique (par ex. test à la métacholine).
* Si le VEMS est supérieur à la «lower limit of normal», il convient de déterminer la PC20 et de l’utiliser pour la classification. Si le VEMS est inférieur à 70% de la valeur théorique, la réversibilité devrait être utilisée pour la classification. Si le VEMS se situe entre 70% de la valeur théorique et la LLN, la réversibilité ou la PC20 peut être utilisée pour la classification.
1 <800 μg de béclométasone ou équivalent.
2 >1000 μg de béclométasone ou équivalent. Nombre minimal de points: 0. Nombre maximal de points: 11.
Tableau 7: Invalidité respiratoire théorique (IRT) en cas d’asthme d’après Scherrer (reprinted with permission of the American Thoracic Society. Copyright © 2017 American Thoracic Society. American Thoracic Society MSotALA, 1993. Guidelines for the Evaluation of Impairment/Disability in Patients with Asthma. Am Rev Respir Dis. 1993;147:1056–61. The American Review of Respiratory Disease is an official journal of the American Thoracic Society).
Classement ATS0IIIIIIIVV
Points0 1–34–67–910–11*
IRT en %0–20%21–25%–33,3%–50%–66,6% ≥75%
* Asthme non contrôlé malgré un traitement maximal, c.-à-d. VEMS <50% malgré utilisation quotidienne de ≥20 mg de prednisone.
BPCO: D’une manière générale, l’invalidité respi­ratoire théorique correspond à la différence entre le VEMS théorique de 100% et le VEMS mesuré exprimé en % de la valeur théorique (tab. 5). En cas de limitation supplémentaire de la DLCO ou d’une baisse de la saturation ou de la pO2 durant l’effort, l’invalidité respiratoire théorique est arrondie vers le haut. Il en résulte sept degrés de sévérité selon Scherrer [7]. Outre l’observation de l’évolution (réversibilité partielle, composante «asthmatique» et éventuellement, fréquence des exacerbations), il convient d’utiliser les examens spirométriques et gazométriques courants pour calculer l’invalidité respiratoire théorique. Si une composante broncho­spastique pertinente s’y ajoute, il convient le cas échéant d’appliquer le schéma de l’ATS pour l’asthme (tab. 6 et 7). L’impact d’exacerbations fréquentes sur l’invalidité respiratoire théorique est difficile à estimer, mais les exacerbations fréquentes jouent un rôle important dans l’activité raisonnablement exigible. Cet aspect ainsi que les problèmes qui en résultent (absentéisme au travail) méritent d’être évoqués (voir ci-dessus).

Insuffisance cardiaque droite en raison d’une ­affection pulmonaire (cœur pulmonaire)

Un cœur pulmonaire cliniquement manifeste, autrement dit la présence de signes de surcharge cardiaque droite avec épanchements pleuraux et œdèmes, équivaut à une limitation fonctionnelle sévère, se traduisant par une invalidité respiratoire théorique de 66,6–100%.

Exemples de cas

Cas 1: BPCO

Mécanicien de 62 ans, BPCO connue de stade GOLD 3, catégorie de risque C, ancien fumeur, traitement par inhalation au moyen d’une association fixe contenant un bêta-2-agoniste de longue durée d’action et un anticholinergique de longue durée d’action (LABA/LAMA). Accident de moto avec grave polytraumatisme il y a 2 ans (traumatisme crânio-cérébral, traumatisme thoracique avec fractures de côtes en série et épaississements pleuraux, polyneuropathie de réanimation). Hypertension artérielle. Dyslipidémie. Artériopathie oblitérante des membres inférieurs de stade 1. Obésité de grade 2.
Epreuve fonctionnelle respiratoire: VEMS post-dila­tation de 42% de la valeur théorique, CVF de 115% de la valeur théorique, CPT de 121% de la valeur théorique, DLCO de 46% de la valeur théorique.
Ergospirométrie, y compris gazométrie artérielle au repos et durant l’effort: performance de 37% de la valeur théorique (74 W), VO2max de 18 ml/kg/min (59% de la ­valeur théorique), VEmax de 52 l/min (VVM 50 l/min). Fréquence cardiaque maximale de 65% de la fréquence cardiaque cible. PaO2 repos 8,2 kPa, paO2 effort max. 7 kPa, paCO2 repos 5,6 kPa, paCO2 effort max. 6,5 kPa. Interruption de l’effort en raison de dyspnée.

Evaluation

D’après Scherrer [7]: invalidité respiratoire théorique de 58% (100% – VEMS); en raison de la désaturation ­dépendante de l’effort, arrondissement de l’invalidité respiratoire théorique à 66,6–100%. Ceci est confirmé à l’ergospirométrie, avec une performance restreinte suite à la limitation respiratoire d’ordre mécanique (épuisement des réserves respiratoires, désaturation significative avec rétention de CO2). En considérant que la consommation d’oxygène requise pour une activité professionnelle donnée ne doit pas être supérieure à 40% de la valeur maximale atteinte par le patient (VO2max; ce qui correspond à une VO2 de 7,2 ml/min/kg), ce patient présenterait une invalidité respiratoire théorique de 66,6–100% dans sa profession d’origine, en tant que mécanicien. Toutefois, en raison de la VO2 ­calculée de 7,2 ml/min/kg, une activité en position constamment assise ou peu physique pourrait être envisagée (activité raisonnablement exigible). Le patient ne présente pas d’exacerbations fréquentes (catégorie de risque GOLD C). L’évaluation pourrait donc être la suivante: «Peuvent être exercées en journées entières les activités impliquant un faible effort physique, comme par ex. les travaux de planification/contrôle et les travaux de bureau. Le patient peut en outre, de ­façon occasionnelle, marcher, monter des escaliers à son propre rythme et porter des charges allant jusqu’à 5 kg, par ex. dans le cadre de procédures de contrôle. Les activités impliquant régulièrement de marcher, monter des escaliers et porter des charges >5 kg ne sont pas raisonnablement exigibles. Il n’y a pas lieu de s’attendre à des absences fréquentes du travail».

Cas 2: asthme bronchique

Plâtrier de 45 ans, fumeur (20 cigarettes par jour) avec asthme bronchique survenu à l’âge adulte. Epreuve fonctionnelle respiratoire réalisée en 2013: VEMS de 55% de la valeur théorique; VEMS après broncho­dilatation de 83% de la valeur théorique. Au test de provocation bronchique à la métacholine, la PC20 s’élève à 0,4 mg/ml. Un protocole de mesure du DEP a été réalisé de manière fiable durant 4 semaines et a montré des variations >15% entre les jours libres et les jours travaillés. Sous traitement inhalé à dose élevée (LABA + corticoïde inhalé [CI]) et après arrêt du tabagisme, le VEMS s’élevait en 2015, après 3 semaines de vacances, à 81% de la valeur théorique. Après la reprise du travail, le VEMS est retombé à 58% de la valeur théorique post-­dilatation malgré la poursuite du traitement. Le patient souffre de dyspnée au travail; au test de marche, une désaturation en oxygène d’env. 5% est constatée.

Evaluation

Selon l’ATS, compte tenu de la fonction pulmonaire avec un VEMS de 83% de la valeur théorique post-dilatation (0 point), de l’hyperréactivité bronchique (PC20 0,4 mg/ml) (2 points) et du traitement (3 points) (cf. tab. 6 et 7), ce patient totalise 5 points, ce qui correspond à une invalidité respiratoire théorique de 33%. Dans la mesure où il se produit une désaturation pertinente durant l’effort, l’invalidité respiratoire théorique est arrondie à 50%. Dans le cadre d’un métier très manuel, l’ergospirométrie ne constitue pas une aide supplémentaire en cas de forte limitation de la fonction pulmonaire. Etant donné que la maladie est probablement aggravée par l’activité professionnelle du patient, malgré un traitement adéquat et une bonne collaboration du patient, et que le patient souffre de dyspnée durant le travail, l’aptitude du ­patient à exercer cette profession doit être examinée par l’assureur-accident compétent. Une déclaration d’inaptitude devrait être prononcée si toutes les mesures préventives, c.-à-d. dans ce cas port d’un masque, étaient épuisées sans succès. Une reconversion professionnelle devrait alors être envisagée.

Cas 3: fibrose pulmonaire

Employée administrative de 63 ans atteinte d’une fibrose pulmonaire idiopathique de type «pneumo­pathie interstitielle commune» («usual interstitial pneumonia», UIP). Sous traitement anti-fibrotique par Ofev® (nintédanib), à l’origine de diarrhées persistantes malgré un traitement symptomatique. Intolérance au lactose. Obésité de grade 1.
Epreuve fonctionnelle respiratoire réalisée en 2013: VEMS de 105% de la valeur théorique, CVF de 108% de la valeur théorique, CPT de 90% de la valeur théorique, DLCO de 61%; au moment de l’évaluation par l’assurance-invalidité en 2015: VEMS de 108% de la valeur théorique, CVF de 111% de la valeur théorique, CPT de 102% de la valeur théorique, DLCO de 43% de la valeur théorique.
Ergospirométrie, y compris gazométrie artérielle au repos et durant l’effort: performance de 87% de la valeur théorique (104 W), VO2max de 16,5 ml/min/kg (102% de la valeur théorique), VEmax 59 l/min (VVM 84 l/min). Fréquence cardiaque maximale de 96% de la fréquence cardiaque cible. PaO2repos 9,9 kPa, paO2 effort max. 7,7 kPa, paCO2 repos 5,2 kPa, paCO2 effort max. 5,3 kPa. Interruption de l’effort en raison de dyspnée.

Evaluation

D’après le tableau 5 selon Scherrer [7]: si l’évaluation de l’invalidité respiratoire théorique se basait uniquement sur la fonction pulmonaire, cette patiente présenterait une invalidité respiratoire théorique de 0–20% avec valeur arrondie à 21–25% en raison de la capacité de diffusion limitée. Avec une VO2 max de 16,5 ml/min/kg (102% de la valeur théorique), l’invalidité respiratoire théorique s’élève à 33,3–50%; en raison du trouble des échanges gazeux (chute significative de la paO2 / désaturation), valeur arrondie à 66,6%. La consommation d’oxygène requise pour une activité de bureau en position assise s’élève à 4,25 ml/min/kg d’après le schéma (tab. 3), ce qui est inférieur à 40% de la valeur maximale atteinte par la patiente (40% de la VO2max = 6,6 ml/min/kg). Ainsi, au moment de l’évaluation, la patiente ne présente pas de limitations liées à une invalidité respiratoire théorique. Toutefois, si la patiente devait effectuer des efforts physiques plusieurs fois par jour (par ex. monter plusieurs étages sans ­ascenseur) pour accomplir son travail, ce paramètre devrait entrer en ligne de compte dans l’évaluation. La performance de travail peut également être limitée par la diarrhée (activité raisonnablement exigible). Il convient en outre de noter que la maladie progresse au vu de la diminution de la capacité de diffusion, qui est passée de 61% à 43% de la valeur théorique au cours de la période d’observation de 2 ans. Des contrôles de l’évolution sont dès lors nécessaires.

Cas 4: fonction pulmonaire normale

Serveur de 50 ans avec trachéobronchomégalie, dyspnée d’effort croissante depuis plusieurs années. Le VEMS s’élève à 112% de la valeur théorique et la DLCO s’élève à 102% de la valeur théorique; l’invalidité res­piratoire théorique est dès lors de 0%. Une invalidité a été exclue dans un premier temps. Suite à une oppo­sition, une nouvelle évaluation fut réalisée. A l’ergo­spirométrie, la VO2max s’élève à 17,8 ml/min/kg. Lors de l’atteinte de la VO2 max, le patient signale une dyspnée de 9/10 (dyspnée très forte).

Evaluation

En tant que serveur, ce patient a besoin d’une consommation d’oxygène de 14,5 ml/min/kg. La charge permanente ne devrait pas dépasser 40% de la valeur maximale individuelle (40% de 17,8 ml/min/kg = 7,0 ml/min/kg). Le patient présente par conséquent une incapacité de travail de 100% pour la profession d’origine. Une ­reconversion professionnelle devrait être envisagée.

L’essentiel pour la pratique

• Les maladies des voies respiratoires et les maladies pulmonaires peuvent limiter de manière partielle ou totale et de façon temporaire ou permanente la capacité à exercer une activité professionnelle.
• Les missions du médecin consistent à déterminer l’incapacité de travail (temporaire) et l’invalidité respiratoire théorique (permanente), et à ­apporter une aide dans le cadre de l’évaluation de l’activité raisonnablement exigible. Les missions de l’administration visent à déterminer ­l’incapacité de gain et l’invalidité / l’indemnité pour atteinte à l’intégrité / l’attribution d’une rente. Les facteurs ne relevant pas du domaine médical ou sans liens avec des circonstances concrètes de l’activité professionnelle ne doivent pas être pris en compte dans l’évaluation de l’incapacité de travail.
• L’évaluation de l’invalidité respiratoire théorique repose sur les altérations de la fonction pulmonaire et des échanges gazeux, indépendamment de la profession exercée. Il existe des recommandations à ce sujet, qui se basent sur des paramètres de mesure objectifs.
• L’évaluation de l’incapacité de travail se fait en pourcentage par rapport au taux d’occupation (prendre en compte les emplois à temps partiel) et devrait préciser le cadre temporel du travail et les éventuelles réserves.
• Les instances officielles peuvent en outre solliciter une prise de position concernant l’exigibilité raisonnable quant à l’activité actuelle du patient.
• L’évaluation médicale de l’exigibilité raisonnable constitue une tâche délicate, mais il s’agit d’une notion essentielle pour les autorités administratives car elle permet de déterminer quelles tâches un patient peut encore raisonnablement accomplir au vu de son affection.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou ­personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd.
Robert Thurnheer
Chefarzt Ambulante
Medizinische Diagnostik
Spitalcampus 1
CH-8596 Münsterlingen
robert.thurnheer[at]stgag.ch
 2 Oliveri M, Kopp HG, Stutz K, Klipstein A, Zollikhofer J. Principes fondamentaux de l’appréciation médicale de l’exigibilité et de la capacité de travail. 1re partie. Forum Med Suisse. 2006;(6):420–31.
 3 Oliveri M, Kopp HG, Stutz K, Klipstein A, Zollikhofer J. Principes fondamentaux de l’appréciation médicale de l’exigibilité et de la capacité de travail. 2e partie. Forum Med Suisse. 2006;(6):448–54.
 4 American Thoracic Society. Evaluation of impairment/disability secondary to respiratory disorders. Am Rev Respir Dis. 1986;(133):1205–9.
 5 American Medical Association. The pulmonary system. Guides to the Evaluation of Permanent Impairment. In: Rondinelli RD ed American Medical Association. 2008;77–99.
 6 Martinez GC, Gonzalez Barcala FJ, Belda RJ, et al. Recommendations for fitness for work medical evaluations in chronic respiratory patients. Spanish Society of Pulmonology and Thoracic Surgery (SEPAR). Arch Bronconeumol. 2013;49(11):480–90.
 7 Scherrer M. Heimbehandlung der chronischen Ateminsuffizienz: Kriterien der Invalidität. Schweiz Med Wochenschr. 1975;105:919–23.
 8 Rassouli F, Thurnheer R. La spiro-ergométrie: indication, réalisation et interprétation. Forum Med Suisse. 2015;15:315–21.
 9 From the Global Strategy for Asthma Management and Prevention, Global Initiative for Asthma (GINA) 2016.
10 Toren K, Blanc PD. Asthma caused by occupational exposures is common – a systematic analysis of estimates of the population-­attributable fraction. BMC Pulm Med. 2009;9:7.
11 American Thoracic Society MSotALA. Guidelines for the Evaluation of Impairment/Disability in Patients with Asthma. Am Rev Respir Dis. 1993;147:1056–61.
12 Swiss Insurance Medicine. Incapacité de travail. Lignes directrices pour l’évaluation de l’incapacité de travail par suite d’accident ou de maladie 2007.
13 Stöhr S, Rüegger M. Wie schreibe ich ein pneumologisches Gutachten? Workshop SGP/SGRAM 2009.
14 Ainsworth BE, Haskell WL, Leon AS, Jacobs DR Jr, Montoye HJ, Sallis JF, Paffenbarger RS Jr. Compendium of physical activities: classification of energy costs of human physical activities. Med Sci Sports Exerc. 1993 Jan;25(1):71–80.
15 Ainsworth BE, Haskell WL, Whitt MC, Irwin ML, Swartz AM, Strath SJ, et al. Compendium of physical activities: an update of activity codes and MET intensities. Med Sci Sports Exerc. 2000 Sep;32(9 Suppl):498–504.