Urologie: Biopsie de la prostate: mais comment?
Urologie

Urologie: Biopsie de la prostate: mais comment?

Schlaglichter
Édition
2018/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03161
Forum Med Suisse 2018;18(03):68-70

Affiliations
Klinik für Urologie, Stadtspital Triemli Zürich

Publié le 17.01.2018

Ces 10 dernières années, les investigations réalisées sur la prostate en cas de suspicion de carcinome ont considérablement changé. La performance diagnostique globale s’est améliorée, mais le processus est en revanche plus complexe. Comment procède-t-on aujourd’hui?

Contexte

Au cours de la dernière décennie, les investigations réalisées en cas de taux d’antigène prostatique spécifique (PSA) suspect et/ou d’anomalie au toucher rectal ont considérablement changé. Alors qu’il y a encore 10 ans, la réalisation d’une biopsie systématique guidée par échographie transrectale («transrectal ultrasound», TRUS) avec 12 prélèvements était le standard établi partout, l’amélioration considérable des techniques d’imagerie par résonance magnétique (IRM) a engendré un changement significatif au cours des dernières années. Outre la simple détection de lésions intra-prostatiques suspectes, cette technique a également permis une certaine caractérisation pré-interventionnelle de ces dernières grâce à la corrélation entre les paramètres IRM (quantifiés de ­façon similaire au «Prostate Imaging-Reporting and Data System», [PI-RADS]) [1] et le score histopathologique de Gleason. L’IRM n’aide donc pas seulement à confirmer ou, le cas échéant, infirmer l’indication de la biopsie, mais donne un objectif clair pour la biopsie en cas de ­résultats suspects. C’est la raison pour laquelle le terme «biopsie de fusion» est sur toutes les lèvres. Des méthodes toutefois très différentes sont disponibles [2]. Elles ont toutes en commun le fait qu’elles présentent une meilleure performance diagnostique par rapport à la seule biopsie guidée par TRUS avec 12 prélèvements, mais des preuves comparatives font défaut. Cet article donne un bref aperçu des méthodes de biopsie de la prostate les plus courantes à l’heure actuelle.

Biopsie systématique classique de la ­prostate guidée par TRUS avec prélèvement de 12 échantillons

Nous savons que cette méthode apporte un nombre ­relativement élevé de résultats faussement négatifs, un inconvénient qui n’a pas pu être compensé par la constante augmentation du nombre de carottes pré­levées. Ses avantages principaux sont la simplicité de la technique, sa large disponibilité et la rapidité de l’examen. Les directives européennes recommandent ­toujours cette méthode en tant qu’examen primaire standard. La biopsie de fusion (voir ci-dessous), en revanche, est seulement conseillée en cas de nécessité de biopsie répétée. Sur la base de l’état actuel des données, la biopsie systématique doit être recommandée en complément de la biopsie de fusion, car il a été montré qu’un nombre certes faible mais bel et bien réel de carcinomes de la prostate significatifs sont manqués avec cette dernière méthode [3].

Biopsie de fusion avec l’IRM

Tous les types de biopsie de fusion tentent, par différents moyens, d’intégrer les informations IRM à la procédure de biopsie. Dans l’ensemble, trois méthodes différentes se sont établies: la biopsie de la prostate avec guidage direct dans l’IRM (biopsie «in bore»), la biopsie avec fusion cognitive, et différents types de biopsie avec fusion échographie-IRM basée sur un logiciel. Toutes ces méthodes ont en commun que la biopsie à proprement parler est précédée d’une IRM purement diagnostique de la prostate (fig. 1).
Figure 1: Image IRM axiale pondérée en T2 de la prostate avant la biopsie de fusion. Image IRM axiale pondérée en T2 de la prostate, générée pour la fusion. Dans la zone périphérique, au niveau apical jusqu’au milieu de la prostate côté gauche, on observe une lésion hypo-intense hautement suspecte de classification PI-RADS 5/5 (= haute suspicion de présence d’un carcinome de la prostate significatif). Histologiquement, mise en évidence d’un adénocarcinome de la prostate à la biopsie de 
fusion; score de Gleason 3 + 4 = 7a.

Biopsie de fusion avec guidage direct dans l’IRM (biopsie «in bore»)

Dans le cadre de cette méthode, la biopsie de la prostate est réalisée directement dans le tube de l’IRM. ­L’aiguille est placée dans la lésion suspecte lors de séquences IRM répétées. Seules les zones suspectes sont biopsiées. Les avantages de cette méthode sont l’excellente localisation et l’archivage des biopsies effectivement prélevées («needle tracking»). Ses inconvénients sont la longue durée d’examen, les coûts élevés liés à l’équipement spécial requis, la disponibilité limitée de cette technique, ainsi que l’impossibilité de réaliser en parallèle une biopsie systématique avec prélèvements protocolisés.

Biopsie avec fusion cognitive

Sur le plan formel, cette approche constitue le type de biopsie de fusion le plus simple. L’urologue tente d’atteindre les lésions suspectes décrites par l’IRM au moyen d’une biopsie guidée par TRUS, sans moyen technique supplémentaire; autrement dit, l’urologue transpose, de façon purement imaginaire, les informations IRM clés sur une image TRUS tout à fait ordinaire, puis réalise une biopsie de cette région. Lorsque cette méthode est appliquée par des mains expertes, elle montre également une nette amélioration du taux de détection ainsi qu’une optimisation de la concordance du score de Gleason entre biopsie et matériel prélevé lors de la prostatectomie radicale [4]. Cette modalité, qui outre l’IRM et la TRUS, ne nécessite aucun appareillage supplémentaire, est très attractive sur le plan du coût, du gain de temps, mais aussi de la dis­ponibilité. En revanche, cette méthode est sujette à l’imprécision, à la subjectivité et surtout, à la non-­reproductibilité.

Biopsie avec fusion échographie-IRM 
basée sur un logiciel

Avec cette méthode, les images IRM et les images TRUS en temps réel sont fusionnées par le biais d’un logiciel. Le déroulement de la biopsie de fusion est très similaire à celui de la biopsie systématique standard traditionnelle et elle peut en règle générale être effectuée sans problème sous simple anesthésie locale. Le défi inhérent à cette technique – et ainsi sa principale source d’erreurs – réside dans la confrontation/l’alignement des images IRM et TRUS. Différents systèmes sont disponibles sur le marché. Les principales différences sont (1.) le type de confrontation des images IRM et TRUS et le degré de possibilité de réglage manuel; (2.) le type et le guidage de la sonde de biopsie (3D vs biplan, avec la main vs dirigé par bras-robot); (3.) la voie d’abord de la biopsie (transrectale vs périnéale); (4.) la possibilité de détection de l’aiguille et d’archivage de la localisation exacte de la carotte effectivement prélevée («needle tracking»).

Biopsie de la prostate «template»

Dans le cadre de cette approche, la biopsie de la prostate s’effectue par voie périnéale avec utilisation d’une grille; la plupart du temps, 36 carottes ou plus sont prélevées. En règle générale, une anesthésie ou une analgo-sédation est nécessaire. Avec cette méthode également, une zone suspecte identifiée à l’IRM peut de surcroît être ­ciblée à l’aide d’un logiciel. Globalement, la biopsie classique avec prélèvement de 12 échantillons est ici remplacée par une biopsie guidée avec grille. En de nombreux endroits, cette méthode n’est pas utilisée de manière routinière dans le cadre des investigations primaires de la prostate, et elle est en règle générale employée en préparation d’une thérapie focale en cas de carcinome de la prostate déjà diagnostiqué. Bien que la performance diagnostique soit bien évidemment élevée, ne serait-ce qu’en raison du large échantillonnage, et que la seule biopsie «template»ait déjà montré des taux de détection tumorale supérieurs à 73% [5], cette approche est en contradiction avec les ­efforts visant à détecter la partie la plus agressive d’un potentiel carcinome de la prostate avec le moins d’échantillons possible au cours du diagnostic primaire.

Discussion

La technique d’IRM moderne a entraîné un changement considérable de l’examen local de la prostate et s’est déjà établie comme examen standard en de nombreux lieux. L’examen IRM pré-biopsie aide à identifier et caractériser les zones intra-prostatiques suspectes et donne un objectif clair pour la biopsie en cas d’anomalie. Il en résulte la possibilité d’une biopsie ciblée de ces zones, une méthode appelée biopsie de fusion. Néanmoins, les exigences minimales relatives aux appareils IRM, l’application de protocoles spécifiques à la prostate et l’expertise correspondante du radiologue en charge sont des prérequis indispensables.
Différentes techniques de fusion se sont établies sur le marché; elles présentent toutes des avantages et des inconvénients mais sont néanmoins toutes associées à une meilleure performance diagnostique par rapport à la biopsie traditionnelle seule avec prélèvement de 12 échantillons. Des preuves comparatives de ces différents systèmes font toujours défaut dans la littérature, et restent l’objet d’études. Ainsi, aucune recommandation claire quant au type de biopsie de fusion à privi­légier ne peut être émise; les facteurs déterminants dans le choix de la modalité sont l’expertise de l’urologue, les ressources techniques sur place, l’accès à l’imagerie IRM sous-spécialisée et l’interprétation correspondante, et la situation individuelle du patient. Sur la base des données actuelles, peuvent être conseillées, avec toutes les précautions nécessaires: (1.) la réalisation d’un examen IRM pré-biopsie de haute qualité, (2.) la réalisation d’un des types de biopsies de fusion possibles en cas zones suspectes à l’IRM et (3.) la réali­sation d’une biopsie systématique en complément de la biopsie de fusion afin d’accroître la performance ­diagnostique.
Les auteurs n’ont pas déclaré d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd. ­Michael ­Müntener
Klinik für Urologie
Stadtspital Triemli Zürich
Birmensdorferstrasse 497
CH-8063 Zürich
michael.muentener[at]triemli.zuerich.ch
1 American College of Radiology. MR Prostate Imaging Reporting and Data System version 2. http://www.acr.org/Quality Safety/Resources/RIRADS/
2 Logan JK at al. Current Status of MRI and Ultrasound Fusion Software Platforms for Guidance of Prostate Biopsies. BJU Int. 2014;114(5):641–52.
3 Siddiqui MM et al. Magnetic resonance imaging/ultrasound-­fusion biopsy significantly upgrades prostate cancer versus systematic 12-core transrectal ultrasound biopsy. Eur Urol. 2013;64(5):713–9.
4 Haffner J et al. Role of magnetic resonance imaging before initial biopsy: comparsion of magnetic resonance imaging-targeted and systematic biopsy for significant prostate cancer detection. BJU Int. 2011;108:E171-8.
5 Sivaraman A et al. Transperineal template-guided mapping biopsy of the prostate. Int J Urol. 2015;22(2):146–51.