Malformations congénitales fréquentes de la main
Formes et stratégies thérapeutiques

Malformations congénitales fréquentes de la main

Übersichtsartikel
Édition
2018/05
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03191
Forum Med Suisse 2018;18(05):105-108

Affiliations
Plastische, Rekonstruktive Aesthetische und Handchirurgie, Universitätsspital Basel und Universitäts-Kinderspital beider Basel (UKBB)
Service de chirurgie plastique et de la main, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne
* Les deux auteurs ont contribué à part égale à la réalisation de cet article.

Publié le 31.01.2018

Les malformations congénitales de la main sont rares. Elles sont néanmoins rencontrées suffisamment fréquemment pour être traitées régulièrement dans les centres spécialisés suisses. Au cours des dernières années, des progrès dans la ­compréhension de ces malformations ont mené à de nouvelles stratégies théra­peutiques. La classification internationale a été récemment révisée de façon à être corrélée au développement du membre supérieur [1]. Le but de cet article est de ­passer en revue les pathologies congénitales de la main les plus fréquentes et de proposer des principes de prise en charge.

Doigt à ressaut congénital

Le doigt à ressaut congénital survient chez 3/1000 enfants et affecte le plus souvent le pouce [2]. Contrairement à l’adulte, l’enfant montre généralement un flexum fixe plutôt qu’un ressaut (fig. 1). Un nodule tendineux – le nodule de Notta – entrave le coulissement du tendon dans la gaine formée par les poulies digitales [3]. L’étiologie du nodule est vraisemblablement en lien avec une incongruence de taille entre le tendon et le canal digital au cours de la croissance. Ceci ­explique que le déficit d’extension est le plus souvent reconnu à l’âge de 2–3 ans. Le terme «doigt à ressaut congénital» est par conséquent trompeur et devrait probablement être abandonné [4].
Figure 1: Pouce à ressaut congénital (la publication a été 
réalisée avec l’accord des parents).
Le déficit d’extension interphalangien ne pose géné­ralement pas de problème fonctionnel puisque les ­patients développent une hyperextension méta­carpo-phalangienne compensatrice. Les enfants utilisent leur main de façon presque normale.
Histologiquement on ne constate ni inflammation ni sténose.
Le ressaut des doigts longs doit être distingué de celui du pouce. D’autres malformations, maladies ou infections sont plus souvent en cause dans ces ressauts ou flexum [4].
Il existe un diagnostic différentiel qui inclut des malformations difficiles à reconnaître. L’une d’entre elles est le pollex abductus qui consiste en une connexion pathologique du tendon long fléchisseur avec le tendon long extenseur du pouce sur le versant radial [5]. Le pouce, souvent hypoplasique, présente alors une déformation progressive au cours de la croissance avec non seulement un flexum mais également une déviation radiale qui ne peuvent pas être réduits.
Le pouce flexus adductus – «clasped thumb» en anglais – doit aussi être différencié du pouce à ressaut congénital. Il existe souvent, en plus de la limitation de l’extension, un rétrécissement de la première commissure, une hypoplasie du pouce, une instabilité articulaire, une spasticité ou d’autres malformations. Ce type de malformation est par exemple retrouvée chez des enfants présentant une arthrogrypose distale ou systémique; elle est bilatérale et nécessite des corrections supplémentaires. A la différence du pouce à ressaut ­habituel, il existe une flexion de l’articulation méta­carpo-phalangienne et pas seulement de l’articulation interphalangienne.
Depuis quelques années, il existe une controverse quand à la nécessité de la prise en charge chirurgicale du pouce à ressaut congénital. L’origine de ce débat remonte aux travaux de Baek en Corée du Sud [6, 7]. Il rapporte une résolution spontanée du phénomène dans 76% des cas suite à une période d’observation de 5 ans. Jusqu’à présent, ces résultats n’ont pas pu être ­reproduits par d’autres groupes.
Le traitement chirurgical consiste en une section longitudinale de la poulie A1 par voie ouverte [8] ou percutanée [9]. Il s’agit d’un geste court présentant peu de complications ce qui explique vraisemblablement ­prévalence de la chirurgie en comparaison au traitement conservateur. La technique percutanée est tout aussi sûre que la voie ouverte et son avantage principal est l’absence de suture cutanée permettant un sevrage rapide du pansement. La courbe d’apprentissage est néanmoins plus longue que pour la voie ouverte. Il existe la possibilité d’une section incomplète de la ­poulie qui pourrait être responsable d’une récidive. Les lésions tendineuses ou nerveuses iatrogènes sont très rarement rapportées mais restent théoriquement plus probable que lors de la voie ouverte.

Polydactylie ulnaire (post-axiale)

La présence d’un doigt excédentaire sur le versant ulnaire de la main constitue une des malformations les plus communes de la main [10]. On distingue le type Temtamy A (fig. 2) qui correspond à un rayon excédentaire normoformé du type B (fig. 3) comprenant un ­appendice rudimentaire attaché par un fin pédicule au reste de la main [11]. Cette malformation montre une incidence élevée dans la population africaine (1/143 naissances) alors qu’elle est 10 fois moins fréquente chez les caucasiens et encore plus rare chez les asiatiques. La transmission se fait sur un mode auto­somal dominant [12].
Figure 2: Polydactylie ulnaire de type A (la publication a été 
réalisée avec l’accord des parents).
Figure 3: Polydactylie ulnaire de type B (la publication a été 
réalisée avec l’accord des parents).
Le traitement historique du type B consistait en une ­ligature à la base du doigt excédentaire effectuée par une sage-femme ou un chirurgien. Cela menait à une nécrose, puis à une chute de l’escarre. Puisque le doigt excédentaire est vascularisé et innervé, ce geste pouvait être compliqué d’une infection locale, d’une hémorragie, d’une cicatrice hypertrophique ou d’un névrome douloureux problématique puisque localisé sur une zone d’appui de la main.
Actuellement l’amputation chirurgicale associée à un raccourcissement des nerfs digitaux est considérée comme le traitement de choix. Lorsque le pédicule du doigt mesure moins de 5 mm de diamètre, le geste est effectué vers 6 à 12 semaines sous sédation et anesthésie locale alors que le nourrisson est allaité. Aucun suivi n’est nécessaire puisque la cicatrisation est rapide à cet âge. La malformation est rapidement éliminée par ce procédé et les parents rapportent un bénéfice psychologique. Il arrive qu’un appendice cicatriciel persiste et qu’une nouvelle excision soit nécessaire.
Le type A nécessite en revanche une véritable recon­struction. Comme dans toute polydactylie vraie, il ne suffit pas d’exciser et de suturer. Les structures du doigt supplémentaire doivent être utilisées de façon à améliorer la fonction des doigts restants de sorte à éviter toute déformation ou perte de fonction ultérieure au cours de la croissance. Le doigt excisé n’est pas forcément celui en position ulnaire, il s’agit d’évaluer les structures ­disponibles et conserver les plus fonctionnelles.

Camptodactylie

La camptodactylie est une malformation intéressant plutôt le versant ulnaire de la main dans les formes sporadiques. Le sens étymologique du terme peut être traduit du grec par «doigt fléchi». Le doigt atteint ne parvient pas à l’extension complète au niveau de l’articulation interphalangienne proximale et l’articulation métacarpo-phalangienne développe une hyperextension compensatrice (fig. 4). L’expression phénotypique dans les formes héréditaires est différente à chaque ­génération. L’auriculaire est atteint le plus fréquemment et les deux mains sont souvent touchées. La forme ­sporadique peut se manifester dans la petite enfance ou plus tardivement à l’adolescence puisque la déformation a tendance à s’accentuer lors des phases de croissance. L’incidence est estimée à moins de 1% [13]. La plupart des patients ne nécessitent pas de traitement puisqu’ils sont asymptomatiques.
Figure 4: Camptodactylie de l’auriculaire (la publication a été 
réalisée avec l’accord des parents).
Les formes syndromiques doivent être différenciées. Elles touchent fréquemment plusieurs rayons autres que le cinquième. Un conseil génétique peut être sollicité.
L’étiologie reste débattue. Durant l’exploration chirurgicale, on constate toujours un raccourcissement du tendon fléchisseur superficiel dont l’excursion est limitée, des brides fibreuses sous-cutanées, des anomalies des muscles intrinsèques, une raideur articulaire, une brièveté cutanée et des déformations osseuses.
Les résultats de la chirurgie sont variables. La plupart des auteurs recommandent de différer autant que possible la chirurgie en suivant un traitement conservateur sous forme de «stretching» et de port d’attelles. La chirurgie n’entre en compte qu’en cas de gêne fonctionnelle voire esthétique conséquente. Les différentes anomalies sont traitées une à une lors de la chirurgie de façon à redresser le doigt. Le résultat n’est pas toujours satisfaisant notamment en raison du risque d’adhérences tendineuses de sorte qu’un flexum persistant ou un déficit de flexion peut persister. Il a récemment été démontré qu’une chirurgie précoce de libération des tissus mous permettait une correction spontanée de la dysplasie articulaire au cours du temps [14].

Syndactylie

La syndactylie congénitale, ou fusion de doigts adjacents, est relativement fréquente avec une incidence de 1 : 2500 [15]. Les hommes sont touchés deux fois plus fréquemment que les femmes. Les 3èmes et 4èmes rayons sont le plus souvent syndactylisés.
Bien que la forme sporadique soit la plus fréquente, les formes familiales ne sont pas rares. De la même façon, si la syndactylie survient généralement comme une malformation isolée, elle peut être associée à de multiples syndromes (Poland, Apert).
On distingue la syndactylie simple de la syndactylie complexe et compliquée. La syndactylie simple consiste en une fusion cutanée seule (fig. 5). On parle de syndactylie complète lorsque la fusion intéresse sur toute la longueur des doigts, le rebord unguéal inclus, alors qu’on parle de syndactylie incomplète lorsque cela n’est pas le cas. La forme complexe comprend une fusion osseuse phalangienne et la forme compliquée un arrangement pathologique des structures osseuses. Un test de ballottement permet généralement de diagnostiquer une syndactylie simple alors que des radiographies sont utiles dans les formes complexes et compliquées.
Figure 5: Syndactylie complète (la publication a été 
réalisée avec l’accord des parents).
La syndactylie affecte la croissance des doigts de façon différente selon la commissure affectée. Plus la différence de longueur des doigts joints est grande, plus la déformation sera importante. La première commissure est particulière dans le sens qu’une syndactylie à ce niveau entrave le développement de la préhension pollici-digitale. La correction chirurgicale doit être précoce pour les 1ère et 4ème commissures (6 mois) alors qu’elle peut être différée pour les 2ème et 3ème commissures (dès l’âge de 12 mois). Il est recommandé d’opérer après la première année de vie afin de diminuer le risque anesthésique mais aussi avant le développement de la pince fine vers l’âge de 18 mois [16].
Les techniques chirurgicales sont multiples. La commissure doit être reconstruite avec un lambeau local de sorte que la cicatrice ne se trouve pas au centre de la commissure. Ceci provoquerait une bride qui mènerait à un rétrécissement commissural. De la même façon, les cicatrices le long des doigts ne doivent pas être ­rectiligne mais en zigzag. Il existe toujours un déficit cutané qui peut être comblé par un substitut cutané [17], une greffe de peau totale ou alors des lambeaux commissuraux particuliers [18, 19]. Le chirurgien doit adapter la technique opératoire à chaque syndactylie. Par exemple, une correction de syndactylie sans greffe peut être indiquée chez un patient caucasien puisque les greffes de peau ont tendance à s’hyperpigmenter au fil des mois. Chez un patient à la peau foncée, l’hyperpigmentation d’une greffe de peau est moindre et reste plus discrète.
Une attention particulière est nécessaire chez les patients syndromiques puisque la bifurcation des structures vasculo-nerveuses au niveau de la commissure peut être très distale nécessitant le choix d’un lambeau commissural adapté. Une distraction transverse peut être réalisée dans un premier temps et permet d’allonger les tissus mous avant la séparation digitale [5].
Un suivi est nécessaire jusqu’en fin de croissance afin de dépister l’apparition éventuelle d’une bride commissurale ou alors d’une désaxation digitale qui pourrait nécessiter la réalisation d’une ostéotomie correctrice.

L’essentiel pour la pratique

• Les malformations congénitales de la main sont relativement rares mais méritent souvent un avis spécialisé qui ne mène pas forcément à un traitement. Il est fréquent qu’un suivi clinique soit proposé jusqu’en fin de croissance.
• Le pouce à ressaut dit congénital ne se présente que rarement sous la forme d’un ressaut et n’est pas congénital puisqu’il n’est jamais présent à la naissance. Il s’agit plus souvent d’un manque d’extension interphalangien avec présence d’un nodule à la face palmaire de l’articulation métacarpo-phalangienne. La résolution spontanée n’est pas rare après un délai d’attente pouvant être de plusieurs années mais la chirurgie souvent proposée.
• Lorsqu’un doigt long présente un ressaut, il faut exclure une pathologie syndromique concomitante.
• La polydactylie peut prendre la forme d’un simple appendice vestigial pouvant être excisé sous anesthésie locale comme d’un rayon normoformé excédentaire nécessitant une chirurgie reconstructrice plus complexe.
• Le traitement de la camptodactylie est conservateur initialement dans tous les cas. Le port régulier d’une attelle permet généralement d’obtenir une correction satisfaisante sauf dans les cas plus sévères.
• La syndactylie peut consister en un simple pont cutané entre deux doigts comme elle peut impliquer une fusion osseuse. Le traitement chirurgical doit être plus précoce lorsque la première ou quatrième commissure est atteinte puisque des déformations squelettiques surviennent lors de la croissance.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd.
Alexandre Kaempfen
Klinik für Plastische, ­Rekonstruktive, Aesthetische und Handchirurgie
Universitätsspital Basel und Universitäts-Kinderspital beider Basel
Spitalstr. 21
CH-4035 Basel
alexandre.kaempfen[at]usb.ch
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