Fréquence accrue d’infections pneumococciques invasives sous (ou à cause des) opioïdes

Fréquence accrue d’infections pneumococciques invasives sous (ou à cause des) opioïdes

Kurz und bündig
Édition
2018/11
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03245
Forum Med Suisse 2018;18(11):241-242

Publié le 21.03.2018

Zoom sur … 
le syndrome de platypnée-orthodéoxie

– Dyspnée positionnelle (platypnée) et hypoxémie en position verticale (orthodéoxie).
– Opposé de l’orthopnée en cas d’insuffisance cardiaque gauche, qui s’améliore lors du passage à la position assise, et survient typiquement aussi en tant que dyspnée paroxystique nocturne.
– Survenue en cas de shunts gauche-droite intracardiaques (par ex. défaut du septum auriculaire) ou intra-pulmonaires et de déséquilibre préexistant du rapport ventilation/perfusion (par ex. hypertension artérielle pulmonaire).
– Sur le plan mécanique, surtout renforcement lié à la position du déséquilibre du rapport ventilation/perfusion.
Am J Med. 2018;131(3):250–2.
Rédigé le 16.02.2018.

Pertinent pour la pratique

Fréquence accrue d’infections ­pneumococciques invasives sous (ou à cause des) opioïdes

Dans une étude de type «nested control study» (voir explication à la fin) conduite chez des patients du système «Tennessee Medicaid», il est apparu que le risque de contracter une infection invasive à pneumocoque (pneumonie et autres infections pneumococciques) augmentait de 62% en cas de consommation légale d’opioïdes sur prescription médicale. Le risque était disproportionnellement augmenté (quasi doublé) en cas de consommation d’opioïdes à longue durée d’action ou de doses élevées (doses équivalentes de morphine de 50–90 mg). L’action immunosuppressive des opioïdes a été démontrée dans des essais chez l’animal. L’administration d’opioïdes dans le cadre d’une indication médicale constitue dès lors un nouveau facteur de risque d’infections pneumococciques invasives. Au vu des quantités énormes d’opioïdes prescrites par les ­médecins (voir «Cela ne nous a pas du tout réjouis»), il s’agit là d’une observation extrêmement importante. Voici la question à se poser lors de la prochaine consultation: Ce patient a-t-il réellement besoin d’un opioïde et si, oui, à quelle dose?

Qu’est-ce qu’une «nested control study»?

Il s’agit d’une variante de la «case-control study». Elle consiste à identifier, dans une cohorte donnée, les cas de maladie (dans l’exemple cité, infections pneumococciques invasives) et à comparer leurs caractéristiques non pas à celles de l’ensemble de la cohorte (qui serait l’ensemble de la population «Tennessee Medicaid», approche «case-control» classique), mais à celles d’un nombre (pré)défini de sujets non malades. Cette technique peut être utilisée lorsque la population contrôle est très grande ou lorsque les paramètres devant être évalués chez les sujets malades et les sujets non malades sont très complexes ou coûteux (par ex. tests génétiques, examens d’imagerie). Dans l’étude citée plus haut, 1233 cas d’infections pneumococciques invasives ont été comparés à 24 399 (c.-à-d. près de 20 fois plus) contrôles.
Ann Intern Med. 2018 Feb 13.
Rédigé sur indication du Prof. K. Neftel (Gléresse) le 16.02.2018.

Nouveautés dans le domaine de la ­biologie

Intervention diététique contre la ­stéatose hépatique

Malgré l’importance épidémiologique de la stéatose hépatique, sa physiopathologie n’a guère été étudiée (voir «Zoom sur ...» FMS 05/2018 [1]). Dans une étude [2] conduite avec des patients obèses présentant une stéatose hépatique, un régime isocalorique pauvre en glucides (et donc légèrement plus riche en protéines) a entraîné une régression rapide de la stéatose hépatique et une amélioration des ­facteurs de risque cardiométabolique. Cette modulation diététique a également conduit à une augmentation de l’activité mitochondriale (déterminée sur la base des concentrations de bêta-hydroxybutyrate, un corps cétonique). Les modifications secondaires de la compo­sition du microbiome intestinal ont résulté en une production intestinale accrue d’acide folique, suffisante pour augmenter significativement les concentrations plasmatiques d’acide folique. La production endogène accrue d’acide folique s’est traduite par la stimulation de ­diverses enzymes (métabolisme des monocarb­oxylates), qui augmentent la concentration de glutathion et donc probablement l’activité ­anti-oxydante. Supplémentation en acide folique pour prévenir et traiter la stéatose hé­patique ou réduction impérative des apports alimentaires en glucides? Ou peut-être même les deux?
1 Forum Med Suisse. 2018;18(5):97–8.
2 Cell Metab. 2018 Feb 7. pii: S1550-4131.
Rédigé le 17.02.2018.

Une fois de plus: un nouveau rôle pour un ancien médicament (digoxine)?

Sans détour, nous avions fait état de nouvelles actions potentielles du disulfirame (Antabus®) en tant qu’«oncostatique» (FMS 05/2018 [1]) et du fumarate de clémastine (Tavegyl®) en tant qu’agent de remyélinisation en cas de sclérose en plaques (FMS 04/2018). Lors de la préparation de l’article «Intervention dié­tétique contre la stéatose hépatique» (voir ci-dessus), nous sommes tombés sur des données qui indiquent que chez des souris, le glycoside cardiaque digoxine a significativement inhibé l’activité inflammatoire et les lésions hépatocellulaires en cas de stéatose hépatique alcoolique et non alcoolique. Dans ce cas, la protéine cible de la digoxine qui a été identifiée est une isoenzyme de la pyruvate kinase. Il en résulte une réduction de l’expression du HIF-1alpha et consécutivement, d’une série d’enzymes régulées par le HIF. Tout du moins chez ces souris, la dose efficace de digoxine était nettement inférieure aux doses requises pour obtenir un effet cardiaque (inotropisme positif, chronotropisme réduit). Ainsi, les effets indésirables cardiaques connus ne constituent-­ils peut-être pas une menace?
1 Forum Med Suisse. 2018;18(5):97–8.
doi.emh.ch/10.4414/fms.2018.03193.
2 Forum Med Suisse. 2018;18(4):73–4.
doi.emh.ch/10.4414/fms.2018.03186.
3 Cell Metab. 2018;27(2):339–50.e3.
Rédigé le 17.02.2018.

Pour les médecins hospitaliers

Pas de nouvelles indications ou techniques chirurgicales 
sans (meilleure) évaluation!

Pratiquer une recherche clinique en chirurgie de bonne qualité s’avère difficile, ce qui lui vaut dès lors des critiques depuis longtemps (en autres absence de contrôles, contrôles placebo quasiment toujours impossibles, passage fréquent des patients du bras conservateur au bras invasif durant l’étude). Le danger est que de nouveaux traitements chirurgicaux pour lesquels les preuves sont maigres soient introduits et qu’à son tour, cette faible quantité de preuves complique l’obtention de financements externes, ce qui pourrait ralentir le processus d’innovation.
En 2009, l’initiative «Idea, Development, Exploration, Assessment, and Long-Term Follow-up»­ (IDEAL) [1] a formulé des recommandations pour la mise en œuvre de meilleures méthodes d’étude dans le contexte chirurgical. Ces recommandations sont-elles suivies et que reste-t-il encore à faire?
Une analyse comparative d’études chirurgicales (comparaison des périodes 2000–2004 et 2010–2014) [2] a révélé des améliorations au niveau de l’utilisation de mesures des résultats standardisées, de l’application des normes CONSORT («Consolidated Standards of Reporting Trials»), de la documentation de la qualité de l’intervention et des courbes d’appren­tissage pour les nouvelles interventions. Malheureusement, l’analyse n’a identifié aucune amélioration de la qualité des études spécifiques ni de la documentation des modifications des techniques chirurgicales durant une étude. Des améliorations restent donc encore à accomplir! L’étude correcte de la kyphoplastie/vertébroplastie en Suisse pourrait-elle ouvrir la voie?
1 Lancet. 2009;374(9695):1089–96.
2 Lancet. 2018 Jan 17. pii: S0140-6736(18)30102-8. 
doi.org/10.1016/S0140-6736(18)30102-8.
Rédigé le 16.02.2018.

Plume suisse et toujours digne d’être lu

Action du facteur natriurétique auriculaire chez l’être humain

Le groupe de chercheurs bernois travaillant dans le domaine de l’hypertension et de la néphrologie (sous la direction de P. Weidmann) a publié en 1986 un article sur les concentrations plasmatiques et les effets endocriniens et rénaux du facteur natriurétique auriculaire (FNA) chez des volontaires humains normaux. Une injection en bolus/perfusion courte de FNA-(alpha) humain a entraîné une réduction de la pression artérielle et une augmentation à la fois du débit de filtration glomérulaire et de la natriurèse (voir fig. 1). L’interprétation ­selon laquelle la natriurèse ne s’expliquerait pas uniquement par une augmentation du débit de filtration glomérulaire suggérait un site d’action tubulaire supplémentaire du FNA.
Figure 1: Effect of αhANP, a 100 μg bolus ­followed by maintenance infusion at 12,5 μg/min, on renal function in three normal subjects (mean ± SEM). The mean of the two control values is taken as 100% (reproduction avec l’aimable autorisation de: Weidmann P, Hasler L, Gnädinger MP, Lang RE, Uehlinger DE, Shaw S, et al. Blood levels and renal ­effects of atrial natriuretic peptide in normal man. J Clin Invest. 1986;77(3):734–42.).
J Clin Invest. 1986;77(3):734–42.
Rédigé le 17.02.2018.

Cela ne nous a pas du tout réjouis

Pratiques de prescription des opioïdes trop libérales

Au vu de l’identification récente de la prescription d’opioïdes en tant facteur de risque d’infections pneumococciques invasives (voir ci-dessus), cela nous a intéressés et en même temps désolés de lire que durant l’année 2015, env. 91,8 millions d’Américains (c.-à-d. pas moins de 37,8% de la population!) prenaient des opioïdes. Dans l’immense majorité des cas, il s’agissait d’opioïdes prescrits par des médecins (90 millions, dont env. 11,5 millions de cas d’utilisations incorrectes [utilisation trop longue, dose trop élevée, etc. «misuse»]); dans 1,9 million des cas, il s’agissait d’abus flagrants («abuse»). Lorsque l’on extrapole ces données à la situation suisse, les conséquences sont évidentes ...
Ann Intern Med. 2017;167(5):293–301.
Rédigé le 16.02.2018.