La pneumologie maintenant et demain
Au fil tu temps

La pneumologie maintenant et demain

Editorial
Édition
2018/2627
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03318
Forum Med Suisses. 2018;18(2627):553-554

Affiliations
Service de pneumologie, Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne

Publié le 27.06.2018

La pneumologie a eu une profonde mue au cours de ces deux dernières décennies. Revoyons comment cela s’est produit et l’influence que cela a sur la répartition des pneumologues entre les secteurs hospitaliers et ambulatoires sur l’ensemble de la Suisse.
La pneumologie s’est investie dans la physiologie respiratoire et ce que le poumon devait avoir pour oxygéner l’ensemble du sang humain toutes les minutes avec un interface air sang de 1 à 2 microns. Le Prof. Weibel mieux que tous a décrit avec brio la physiologie pulmonaire. Un prix a été fondé depuis 2 ans pour récompenser des jeunes cliniciens chercheurs dans son sillage.
La physiopathologie nous a montré au cours de ces dernières décennies la nature des maladies obstructives que sont l’asthme et les bronchopneumopathies obstructives (BPCO) présents chez 5 à 10% de la popu­lation. L’asthme est apparu être de type allergique dans l’enfance soit de type Th2 pour être plutôt de type non Th2 avec les années en réaction avec divers éléments chimiques. Un continuum a été démontré entre asthme sévère et BPCO non secondaires au tabagisme. Définir l’étiologie de ces processus va devenir essentiel pour certains patients qui vont pouvoir répondre à des immunomodulateurs de type anti-IgE, anti IL-5 ou anti alarmines telles que le TSLP («thymic stromal lymphopoietin»). Dans ces situations un dialogue devra rester étroit entre généralistes, immunologues et pneumo­logues.
Les maladies interstitielles sont mieux reconnues, qu’elles soient des pneumopathies d’hypersensibilité ou secondaires à des pneumoconioses, à des patho­logies encore idiopathiques comme les sarcoïdoses ou des fibroses idiopathiques. Pour les fibroses pulmonaires idiopathiques (IPF) des traitements tels que la pirfénidone ou le nintenabib sont déjà disponibles pour empêcher tôt, si possible, un déclin des fonctions pulmonaires et l’apparition d’exacerbations liées à une importante morbidité. Dans ces IPF des traitements immunosuppresseurs sont contre-indiqués alors que dans les pathologies avec une composante auto-immune ce sont les traitements de choix capables de stabiliser, voire améliorer ces pneumopathies. La nouvelle possibilité de faire des cryobiopsies et la perspective de l’analyse des transcriptomes et metabolomes vont ouvrir de nouvelles approches diagnostiques et théra­peutiques.
Les insuffisances respiratoires d’origine neuro-musculaires ou malformatives sont beaucoup mieux prises en charge en aigu comme de façon chronique par les physiothérapeutes et par des ventilations à domicile. Là aussi les pneumologues ont dû acquérir des com­pétences essentielles pour prolonger celles des inten­sivistes ou pour prévenir des situations extrêmes. Les troubles du sommeil de types obstructifs ou centraux sont depuis plus de 10 ans bien pris en charge par l’ensemble des pneumologues.
La mucoviscidose a enfin des thérapies non seulement de substitution comme les enzymes digestifs, l’insuline ou les vitamines liposolubles mais aussi curatives corrigeant enfin une partie des anomalies du canal du Chlore appelé CFTR. Les approches pharmaco-génétiques se multiplient et leurs applications requièrent des approches multidisciplinaires dans des centres de référence. Si ce sont des besoins tertiaires, il est important que ces soins soient organisés dans des réseaux.
Les dyspnées d’origine vasculaire pulmonaire se sont révélées beaucoup plus fréquentes et complexes qu’imaginé il y a encore peu, avec non seulement des hypertensions artérielles pulmonaires idiopathiques ou héré­ditaires, mais encore secondaires par exemple à des collagénoses, ou des hypertensions pulmonaires liées à des ma­ladies thromboemboliques chroniques (CTPEH) et à diverses pathologies pulmonaires plus ou moins avancées. Si des vasodilatateurs ont leur place dans le premier groupe, ce n’est pas le cas dans les autres groupes comme par exemple les CTPEH où thrombo-endartérectomies ou angioplasties sont à évaluer de façon pluridisciplinaire.
Les cancers bronchiques étaient jusqu’il y a peu simplement différentiés en à petites cellules ou non petites cellules, opérables ou non, la chimiothérapie ne faisant pas une grande différence. Avec les nouvelles méthodes de diagnostic les pneumologues permettent un meilleur diagnostic, un meilleur staging. Les marqueurs de surfaces ou les gênes variants exprimés sont en train de changer les thérapies même pour des stades avancés. S’il y a là des progrès majeurs de prises en charge, une collaboration nouvelle entre oncologues, chirurgiens et pneumologues s’impose pour suivre les effets bénéfiques ou secondaires des thérapies ciblées comme les immunothérapies, car les réactions immunes induites peuvent mimer des progressions tumorales ou des pneumopathies interstitielles.
Toutes ces évolutions des techniques diagnostiques et des moyens thérapeutiques plutôt de type tertiaire sont en train de changer l’implication des pneumologues dans les services hospitaliers où leur présence est plus recherchée. Ainsi en 2016 il y avait 320 pneumologues avec un FMH en Suisse dont 138 en secteur hospitalier représentant une progression de 40% de ceux travaillant dans une telle structure contre 20% en secteur ambulatoire en 8 ans. L’importance de former les jeunes pneumologues dans des hôpitaux de type A est essentielle comme indiqué dans nos règlements actuels. Leur participation à des projets de recherche est très importante pour qu’ils participent à la recherche translationnelle qui va conditionner la qualité de leur pratique et leur permettre d’apporter les nouveaux ­acquis aux médecins généralistes et internistes. Il y a 1 pneumologue pour 25 000 habitants, ce qui ne permet pas de remplacer les pneumologues qui partent à la ­retraite même en milieu urbain avec un nombre augmentant de femmes atteignant 22% contre 15% il y a 8 ans. Cette progression devrait continuer et l’impact sur la pratique n’est pas encore prédictible si ce n’est une tendance générale à la pratique en cabinet de groupe permettant de compléter les compétences et protéger la vie personnelle.

5 choses à retenir

Les défis pour les pneumologues:
– La pneumologie bénéficie des technologies de diagnostic modernes en imagerie et en diagnostics moléculaires.
– Les méthodes endoscopiques permettent des cryo-­biopsies diagnostique, des actes interventionnels en oncologie ou des réductions de volumes pour les emphysèmes.
– Les aides ventilatoires facilitent les soins hospitaliers et à domicile des insuffisants respiratoires.
– Les amplifications génétiques microbiologiques transforment nos diagnostics, nos connaissances du microbiote et nos interventions.
– Les thérapies ciblées sont entrées dans la pratique des maladies obstructives, interstitielles, vasculaires et oncologiques pulmonaires.
L’auteur n’a pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd. Laurent Nicod
Chef de service
Service de pneumologie
Centre hospitalier
universitaire vaudois (CHUV)
CH-1011 Lausanne
laurent.nicod[at]chuv.ch