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Introduction et contexte
Les bactéries multirésistantes constituent sans aucun doute l’un des plus grands défis pour notre société et les accomplissements de la médecine moderne. Les interventions chirurgicales simples, les chimiothérapies anticancéreuses, la guérison d’une pneumonie ainsi que bien d’autres aspects de la médecine hautement spécialisée, tels que les transplantations d’organes et de cellules souches, sont tributaires de l’efficacité des antibiotiques [1]. Sans contre-mesures efficaces, la propagation fulgurante des bactéries multirésistantes à travers le monde conduira à 10 millions de décès associés par an d’ici 2050, ce qui dépasse le nombre actuel de décès liés au cancer (O’Neill Report, Royaume-Uni, www.amr-review.org). En raison de cette situation grave et menaçante, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment publié une liste des dix principales bactéries multirésistantes pour lesquelles de nouveaux types d’antibiotiques devraient être développés en priorité (tab. 1).
Tableau 1: Liste prioritaire de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les bactéries multirésistantes (adapté d’après »). | |
Statut de priorité | Pathogène |
Priorité 1: critique | Acinetobacter baumannii, résistants aux carbapénèmes |
Pseudomonas aeruginosa, résistants aux carbapénèmes | |
Enterobacteriaceae, résistants aux carbapénèmes ou producteurs de BLSE | |
Priorité 2: élevée | Enterococcus faecium, résistants à la vancomycine |
Staphylococcus aureus, résistants à la méticilline, résistance intermédiaire ou complète à la vancomycine | |
Helicobacter pylori, résistants à la clarithromycine | |
Campylobacter spp., résistants aux fluoroquinolones | |
Salmonella spp., résistants aux fluoroquinolones | |
Neisseria gonorrhoeae, résistants aux céphalosporines | |
Priorité 3: intermédiaire | Streptococcous pneumoniae, insensibles à la pénicilline |
Haemophilus influenzae, résistants à l’ampicilline | |
Shigella spp., résistants aux fluoroquinolones | |
BLSE: bêta-lactamases à spectre élargi |
Ces dernières années, des bactéries multirésistantes sont de plus en plus souvent trouvées en Europe et également en Suisse. Notamment les bêta-lactamases à spectre élargi (BLSE), les entérobactéries productrices de carbapénèmases [2–4] ainsi que les entérocoques (Enterococcus faecium) résistants à la vancomycine (ERV) sont en augmentation (www.bag.admin.ch). La problématique des Staphylococcus (S.) aureus résistants à la méticilline (SARM) est quant à elle en déclin [5] et a pu en grande partie être contrôlée au moyen de mesures d’hygiène hospitalière rigoureuses. Les isolats résistants de Neisseria gonorrhoeae ont également fortement augmenté ces dernières années [6], même si aucun cas pan-résistant n’a jusqu’à présent été déclaré en Suisse. Les données de surveillance des antibiotiques de toute la Suisse sont coordonnées et évaluées par Anresis (www.anresis.ch) et en cas de nouvelles résistances aux antibiotiques, le Centre national de référence pour la détection précoce des résistances émergentes aux antibiotiques (NARA) se tient à ses côtés (https://www.nara-antibiotic-resistance.ch). L’industrie pharmaceutique et les institutions de référence ne sont pas les seules à être fortement sollicitées de toute urgence afin d’affronter cette crise. Dans le cadre du diagnostic microbiologique également, il est essentiel de détecter rapidement les nouvelles résistances aux antibiotiques et les résistances existantes avec des méthodes de test innovantes, peu coûteuses et fiables. Les collègues issus du domaine clinique devraient également être conscients de cette problématique. Dans ce contexte, la compréhension fondamentale des principaux mécanismes de résistance et de leur propagation revêt une importance de premier ordre.
Les mécanismes de résistance les plus fréquents et leur propagation
L’antibiorésistance désigne la capacité des bactéries à s’adapter de façon évolutive et à résister à l’action des antibiotiques. Les bactéries résistantes peuvent également se multiplier et continuer à se propager en présence d’un antibiotique. Le développement d’une résistance aux antibiotiques peut (1.) survenir de novo via une pression de sélection correspondante d’un traitement antibiotique dont l’efficacité n’est pas optimale [7]. Dans ce cas, des mutations aléatoires (angl.: «single nucleotide polymorphism») sont intégrées dans le génome bactériendu grand nombre de bactéries présentes. Certaines de ces mutations conduisent à une résistance aux antibiotiques accrue, qui confère ainsi un avantage évolutif permettant à ces bactéries résistantes de s’imposer. Les bactéries peuvent également devenir résistantes via (2.) la transmission d’éléments génétiques mobiles, par ex. des plasmides portant la propriété de résistance sur eux [8]. Ce processus a par exemple été décrit pour des plasmides portant la carbapénèmase appelée New Delhi métallo-bêta-lactamase (NDM) et leur transfert [9].
En principe, il existe quatre possibilités pour l’acquisition d’une résistance aux antibiotiques (fig. 1A) [10, 11].

Modification de la structure cible
La structure cible de l’antibiotique est modifiée de telle sorte que l’affinité de liaison pour la cible baisse de façon significative et que la liaison de l’antibiotique soit moins bonne. Un exemple en est la protéine de liaison aux pénicillines (PLP) modifiée en cas de SARM [12] ou d’Haemophilus influenzae [13]. Un problème croissant dans le contexte des bactéries multirésitantes est la résistance à la colistine, qui résulte de modifications du lipopolysaccharide ([LPS], par substitution cationique) dans la membrane cellulaire. Ces mutations peuvent être transmises via les plasmides («mobilized colistin resistance» [mcr]) ou par voie chromosomique [14].
Régulation positive des pompes à efflux
Les pompes à efflux peuvent rapidement pomper les antibiotiques en dehors des cellules bactériennes, si bien qu’aucune action n’est exercée au niveau de la structure cible. Un exemple en est le système MexXY-OprM de Pseudomonas (P.) aeruginosa, qui peut être induit [15].
Perte de porines
Certains antibiotiques atteignent l’espace intra-plasmatique des cellules bactériennes via des pores spécifiques. Via la régulation négative des pores, une quantité moindre d’antibiotique atteint les cellules. Il s’agit d’un mécanisme de résistance fréquent contre les antibiotiques carbapénèmes chez P. aeruginosa (pore oprD) [16] ou d’Enterobacter (E.) cloacae (pore Omp) [17]. Dans ce cas de figure, un codon-stop est introduit dans le gène de la porine, souvent via une mutation ponctuelle, si bien que le gène ne peut plus être complétement exprimé.
Clivage de l’antibiotique par des enzymes
Les exemples connus sont les pénicillinases de S. aureus (gène blaZ)[18] ou la production d’une bêta-lactamase à large spectre par des entérobactéries, telle que l’AmpC [19], la BLSE [20] ou les carbapénémases [21].
Digression sur la tolérance
Outre les mécanismes de résistance «classiques», de nombreuses bactéries ont également la possibilité de réguler leur métabolisme cellulaire en présence d’un antibiotique. Par ce biais, les bactéries diminuent la synthèse d’ADN, d’ARN et de protéines. Via ce mécanisme appelé «tolérance», les bactéries peuvent survivre aux traitements antibiotiques et reprennent la division cellulaire aussitôt que l’antibiotique a atteint une concentration sub-inhibitrice [22]. Cette forme de défense a été particulièrement bien étudiée pour P. aeruginosadans le cadre des infections chroniques chez les patients avec fibrose kystique [23]. Le rôle que joue la tolérance est toutefois dans l’ensemble insuffisamment étudié et compris sur le plan clinique, étant donné que la plupart des tests de laboratoire sont tributaires des bactéries en croissance et se divisant, et qu’une bactérie métaboliquement inactive ne peut pratiquement pas être détectée [24]. Il est possible que la tolérance joue un rôle important dans la sélection des bactéries résistantes également sur le plan clinique [25]. Des études ultérieures dans le domaine de la tolérance aux antibiotiques montreront l’influence qu’elle exerce sur le traitement et l’évolution clinique. Les méthodes de test actuelles ne permettent pas de mettre en évidence la tolérance dans la pratique de routine.
Propagation des bactéries multirésistantes
La propagation des bactéries multirésistantes et de leurs plasmides est extrêmement complexe. Les humains, les animaux et l’environnement, au sens du concept One Health, forment des interactions et réseaux complexes (fig. 1B) [26–29], ce qui devient particulièrement évident dans le contexte des antibiotiques et des bactéries multirésistantes. Pour ce qui est des denrées alimentaires, le contact étroit entre humains et animaux induit un risque évident de zoonoses et de transmission de bactéries multirésistantes. Ainsi, il a par exemple pu être montré que les planches de cuisine étaient contaminées par des E. coliproductrices de BLSE dans 12% des cas [30]. La dynamique complexe de l’échange de bactéries multirésistantes et de facteurs de résistance mobiles n’est toutefois jusqu’à présent pas bien étudiée. Dans le cadre du Programme national de recherche actuel (PNR72) sur la résistance aux antimicrobiens, ces problématiques sont abordées dans le cadre de divers projets (www.nrp72.ch).

Afin de mieux comprendre la transmission entre les divers compartiments (humains, animaux et environnement), nous avons besoin (1.) de procédés techniques de haute résolution afin de décrire la similitude et la parenté des bactéries. Autrefois, l’électrophorèse sur gel en champ pulsé (ECP) était employée à cette fin. Lors de l’ECP, la ressemblance de bandes de fragments d’ADN bactériens est comparée. Aujourd’hui, le séquençage de génome entier (angl.: «whole genome sequencing» [WGS]) est de plus en plus utilisé [3, 31, 32]. Nous avons également besoin (2.) de banques de données permettant de recenser les métadonnées épidémiologiques associées, telles que la localisation géographique ainsi que le moment de l’isolement de la souche, de représenter les données sur la ressemblance génétique et de visualiser les voies de transmission. La plateforme de surveillance pour les agents pathogènes viraux Nextstrain (www.nextstrain.org) en est un exemple saisissant. Dans le cadre du projet PNR72, une telle plateforme épidémiologique moléculaire est actuellement en train d’être mise en place pour la Suisse (www.spsp.ch).
Modification de la structure cible
La structure cible de l’antibiotique est modifiée de telle sorte que l’affinité de liaison pour la cible baisse de façon significative et que la liaison de l’antibiotique soit moins bonne. Un exemple en est la protéine de liaison aux pénicillines (PLP) modifiée en cas de SARM [12] ou d’Haemophilus influenzae [13]. Un problème croissant dans le contexte des bactéries multirésitantes est la résistance à la colistine, qui résulte de modifications du lipopolysaccharide ([LPS], par substitution cationique) dans la membrane cellulaire. Ces mutations peuvent être transmises via les plasmides («mobilized colistin resistance» [mcr]) ou par voie chromosomique [14].
Régulation positive des pompes à efflux
Les pompes à efflux peuvent rapidement pomper les antibiotiques en dehors des cellules bactériennes, si bien qu’aucune action n’est exercée au niveau de la structure cible. Un exemple en est le système MexXY-OprM de Pseudomonas (P.) aeruginosa, qui peut être induit [15].
Perte de porines
Certains antibiotiques atteignent l’espace intra-plasmatique des cellules bactériennes via des pores spécifiques. Via la régulation négative des pores, une quantité moindre d’antibiotique atteint les cellules. Il s’agit d’un mécanisme de résistance fréquent contre les antibiotiques carbapénèmes chez P. aeruginosa (pore oprD) [16] ou d’Enterobacter (E.) cloacae (pore Omp) [17]. Dans ce cas de figure, un codon-stop est introduit dans le gène de la porine, souvent via une mutation ponctuelle, si bien que le gène ne peut plus être complétement exprimé.
Clivage de l’antibiotique par des enzymes
Les exemples connus sont les pénicillinases de S. aureus (gène blaZ)[18] ou la production d’une bêta-lactamase à large spectre par des entérobactéries, telle que l’AmpC [19], la BLSE [20] ou les carbapénémases [21].
Digression sur la tolérance
Outre les mécanismes de résistance «classiques», de nombreuses bactéries ont également la possibilité de réguler leur métabolisme cellulaire en présence d’un antibiotique. Par ce biais, les bactéries diminuent la synthèse d’ADN, d’ARN et de protéines. Via ce mécanisme appelé «tolérance», les bactéries peuvent survivre aux traitements antibiotiques et reprennent la division cellulaire aussitôt que l’antibiotique a atteint une concentration sub-inhibitrice [22]. Cette forme de défense a été particulièrement bien étudiée pour P. aeruginosadans le cadre des infections chroniques chez les patients avec fibrose kystique [23]. Le rôle que joue la tolérance est toutefois dans l’ensemble insuffisamment étudié et compris sur le plan clinique, étant donné que la plupart des tests de laboratoire sont tributaires des bactéries en croissance et se divisant, et qu’une bactérie métaboliquement inactive ne peut pratiquement pas être détectée [24]. Il est possible que la tolérance joue un rôle important dans la sélection des bactéries résistantes également sur le plan clinique [25]. Des études ultérieures dans le domaine de la tolérance aux antibiotiques montreront l’influence qu’elle exerce sur le traitement et l’évolution clinique. Les méthodes de test actuelles ne permettent pas de mettre en évidence la tolérance dans la pratique de routine.
Influence de la résistance aux antibiotiques
La détermination de la résistance aux antibiotiques est essentielle pour une multitude de raisons. Les principaux aspects pour la médecine humaine sont discutés plus en détails dans les paragraphes qui suivent.
Adaptation individuelle du traitement
Les patients atteints d’une infection sévère nécessitant un traitement reçoivent en règle générale un traitement antibiotique empirique. Le traitement empirique a pour objectif de couvrir un large spectre d’agents pathogènes potentiels; à cet effet, des antibiotiques à large spectre sont généralement employés [33, 34]. Sur la base des profils de résistances, différentes sociétés de discipline nationales et internationales élaborent régulièrement des lignes directrices actualisées pour le traitement empirique des maladies infectieuses.
Dans certains cas, une identification rapide de l’espèce permet déjà d’adapter le traitement antibiotique [35]. Pour certaines espèces, la connaissance des résistances intrinsèques peut déjà permettre d’entreprendre de premières adaptations. Par ex. la bactérie Listeria monocytogenes est intrinsèquement résistante aux céphalosporines de 3egénération [36] et les bactéries du complexe E. cloacae portent une bêta-lactamase à large spectre(AmpC). En tant qu’enzyme, l’AmpC peut cliver les antibiotiques bêtalactames ainsi que les céphalosporines de 3egénération. Enterobacter aerogenes, un producteur d’AmpC, est désormais considéré comme faisant partie du genre Klebsiella en raison de ses propriétés taxonomiques.Ainsi, en cas d’infection à Klebsiella aerogenes, le traitement par céphalosporines de 3e génération n’est pas efficace. Jusqu’alors, toutes les bactéries Klebsiella spp. étaient intrinsèquement résistantes à l’ampicilline seulement. Le tableau 2 présente les principales résistances intrinsèques [37]. Une analyse détaillée avec un large profil antibiotique (antibiogramme) permet d’élaborer un traitement antibiotique à l’efficacité optimale contre la bactérie afin de traiter le patient (angl. «antibiotic stewardship»). Les connaissances apportées par l’antibiogramme permettent de ne pas employer des antibiotiques à trop large spectre et d’éviter le développement de résistances.
Tableau 2: Antibiorésistances intrinsèques de certaines bactéries (pour des détails supplémentaires, voir «expert rules» de l’EUCAST [34]). | |||||||||||
Organisme | Ampicilline | Amoxicilline- Clavulanate | Pipéraclline Tazobactam | Céfotaxime | Ceftriaxone | Ertapénème | Méropénème | Tétracycline | Cotrimoxazole | Aminogylcosides | Colistine |
Acinetobacter baumannii | R | R | R | R | R | R1 | R | ||||
Burkholderia cepacia complex | R | R | R | R | R | R | R | R | R | ||
Citrobacter freundii | R | R | R5 | R5 | R5 | ||||||
Enterobacter cloacae complex | R | R | R5 | R5 | R5 | ||||||
Enterococcus faecium | R3 | R3 | R3 | R | R | R4 | |||||
Klebsiella aerogenes | R5 | R5 | R5 | R5 | R5 | ||||||
Klebsiella pneumoniae | R | ||||||||||
Klebsiella oxytoca | R | ||||||||||
Pseudomonas aeruginosa | R | R | R | R | R | R | R | ||||
Proteus mirabilis | R | R | |||||||||
Proteus vulgaris | R | R | R | ||||||||
Serratia marcescens | R | R | R | R | R | R6 | R | ||||
Stenotrophomonas maltophilia | R | R | R | R | R | R | R | R2 | R | ||
1 Les bactéries Acinetobacter sont intrinsèquement résistantes aux tétracyclines et à la doxycycline, mais pas à la minocycline et à la tigécycline. 2 La bactérie Stenotrophomonas maltophilia est intrinsèquement résistante aux tétracyclines, mais pas à la doxycycline, à la minocycline et à la tigécycline. 3 Bien que la bactérie E. faecium de type sauvage soit sensible aux antibiotiques bêtalactames, les isolats retrouvés chez nous sont presque tous résistants à l’ampicilline.4 Faible résistance aux aminoglycosides. La combinaison d’aminoglycosides avec des inhibiteurs de la synthèse de la paroi cellulaire (pénicilline ou glycopeptides) a une action synergique et bactéricide contre les isolats.5 Citrobacter freundii, E. cloacae complex, Klebsiella aerogenes et Serratia marcescens peuvent exprimer de l’AmpC, une puissante béta-lactamase à large spectre.6 La bactérie S. marcescens est intrinsèquement résistante aux tétracyclines et à la doxycycline, mais pas à la minocycline et à la tigécycline. |
Surveillance de la propagation des bactéries multirésistantes
La détermination régulière des résistances aux antibiotiques ne sert pas seulement au traitement du patient individuel. Les données sont également recueillies afin d’évaluer la situation épidémiologique et d’ainsi adapter le traitement empirique en fonction des changements des résistances. Il s’agit là d’une des missions centrales des programmes de surveillance tels que Anresis en Suisse (www.anresis.ch) ou du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) en Europe (https://ecdc.europa.eu). Sur la base de la situation des résistances, des recommandations et mesures correspondantes peuvent être initiées.
Recherche de bactéries multirésistantes comme dépistage à l’hôpital
Différents facteurs conduisent à un risque accru de colonisation par un germe multirésistant. Sont particulièrement menacés les patients qui ont été en contact avec le secteur de la santé dans des pays hautement endémiques. Les bactéries à Gram négatif multirésistantes sont certes un problème mondial, mais dans certains pays, tels que l’Italie, la Grèce, l’ex-Yougoslavie ou l’Inde, ces germes sont retrouvés de façon endémique. La situation est très variable et change constamment y compris au niveau local: actuellement, en Allemagne [38] et en Suisse [39], un taux élevé d’entérocoques résistants à la vancomycine est par exemple observé. Un patient peut revenir en Suisse suite à voyage en étant colonisé ou en présentant une infection actuelle; un examen rapide permet d’isoler de tels patients conformément aux lignes directrices d’hygiène hospitalière ou de suspendre l’isolement (angl. «infection control»). Les recommandations pour le dépistage des patients issus des hôpitaux et de certains pays sont disponibles sur le site internet de SwissNoso (www.swissnoso.ch).
Considérations méthodologiques
La détermination de la résistance aux antibiotiques doit s’effectuer au moyen de méthodes hautement standardisées afin d’assurer la qualité de l’investigation et de garantir la comparabilité. Afin d’assurer la qualité et la reproductibilité, les laboratoires ont généralement des contrôles de qualité internes et externes [40]. Le Comité européen pour les tests de sensibilité aux antimicrobiens (www.EUCAST.org) [41] et l’Institut américain pour les standards cliniques et de laboratoire (CLSI, www.CLSI.org) fixent des lignes directrices correspondantes quant aux procédés de détermination des sensibilités aux antibiotiques, par exemple concernant la durée d’incubation, le type de plaques d’agar, la température, la densité bactérienne etc. [42]. En dépit du haut degré de standardisation, il existe des écarts considérables entre les méthodes commerciales selon les fabricants, par ex. pour les tests de diffusion [43]. Les résultats mesurés sont lus et interprétés selon des directives standardisées. Les critères d’interprétation reposent sur les distributions des concentrations minimales inhibitrices (CMI) des isolats de type sauvage [44] et sur la définition d’une valeur seuil clinique (angl. «clinical breakpoint»). Les isolats de type sauvage désignent les isolats sans mécanismes de résistance acquis.
Il en résulte trois catégories pour l’interprétation de l’efficacité clinique (angl. «susceptibility category») d’un antibiotique:
– sensible: probabilité élevée de succès thérapeutique avec un dosage standard.
– intermédiaire: résultat thérapeutique incertain avec un dosage standard ou possibilité d’un succès clinique avec des concentrations antibiotiques plus élevées.
– résistant: probabilité élevée d’échec thérapeutique.
La transposition de ces valeurs de mesure in vitro au traitement des patients n’est pas une tâche évidente. De nombreux facteurs influencent finalement l’efficacité clinique; outre des aspects pharmacocinétiques (PK), il existe également des aspects pharmacodynamiques (PD), qui sont simulés dans des modèles PK/PD [45]. En pratique, les dosages de la concentration d’antibiotique dans le sérum du patient peuvent également aider à atteindre des concentrations efficaces sur le plan thérapeutique, par ex. dosage de la vancomycine chez les patients obèses ou atteints d’insuffisance rénale [46].
Processus au laboratoire
Dans le laboratoire de microbiologie, différentes méthodes pour la détermination des résistances aux antibiotiques sont disponibles.
Détermination des résistances
La détermination des résistances aux antibiotiques sur un isolat bactérien peut s’effectuer par le biais de la méthode de diffusion sur disque ou de la détermination de la CMI (fig. 2). La mesure de l’efficacité des antibiotiques les plus divers contre un isolat bactérien est appelée antibiogramme.
Dans le cadre de la méthode de diffusion sur disque, un disque avec une quantité définie d’un antibiotique est appliqué sur une plaque d’agar inoculée avec des bactéries. Le diamètre en millimètres de la zone d’inhibition renseigne sur la sensibilité à l’antibiotique, mais cette procédure ne permet cependant pas de déterminer la CMI.
La CMI peut être déterminée au moyen de deux méthodes: la microdilution ou le test en gradient de diffusion. Pour la microdilution, une quantité définie de bactérie est incubée avec un antibiotique à différentes concentrations. La concentration la plus faible inhibant encore la croissance bactérienne correspond à la CMI. Les systèmes automatisés commerciaux typiquement utilisés sont par ex. VITEK2® (bioMérieux) ou Phoenix™ (Becton Dickinson). Ils permettent de déterminer un large panel d’antibiotiques. Les systèmes commerciaux manuels permettent la détermination de la CMI pour des antibiotiques individuels. Dans le cadre du test en gradient de diffusion, une bandelette de papier avec une concentration croissante d’un antibiotique est appliquée sur une plaque d’agar. Les systèmes commerciaux fréquemment utilisés sont par ex. le MIC Test Strip® de Liofilchem® ou le ETest®de bioMérieux. Après l’incubation, une zone d’inhibition elliptique apparaît; la CMI se lit directement à l’intersection inférieure entre l’ellipse d’inhibition et la bandelette. La qualité du test en gradient de diffusion varie en fonction du fabricant. Certains antibiotiques, tels que la colistine, ne devraient pas être déterminés avec cette méthode [14].
Les disques permettent, par le biais d’une méthode automatisée au laboratoire, une lecture et une interprétation rapides de la sensibilité à un antibiotique. Une CMI ne peut toutefois être déterminée qu’au moyen d’une microdilution ou d’un test en gradient de diffusion. D’une manière générale, les méthodes phénotypiques de détermination des résistances nécessitent du temps, étant donné que les bactéries doivent croître en présence de l’antibiotique. Ainsi, la détermination de la sensibilité à l’antibiotique peut nécessiter 48-72 heures après le prélèvement de l’échantillon. Concernant les bactéries multirésistantes, tester les synergies entre antibiotiques est un souhait fréquemment émis par les cliniciens. Ces méthodes de test sont purement expérimentales et peuvent éventuellement être conduites dans des centres universitaires dans des cas spéciaux. Il n’existe toutefois pas de base d’interprétation validée par l’EUCAST ou le CLSI.
Dépistage
Lors d’un dépistage, le patient fait l’objet d’une analyse afin de rechercher une colonisation par un germe résistant précis (par ex. SARM, BLSE, carbapénémases ou ERV). Typiquement, des frottis (rectaux, nasopharyngés, plaies) ou autres échantillons du patient sont placés sur des plaques d’agar sélectives. Une croissance suspecte est confirmée par des méthodes phénotypiques ou génotypiques. Les valeurs seuils (angl. «breakpoint») pour le dépistage d’un mécanisme de résistance sont en règle générale plus faibles que les valeurs seuil cliniques.
Méthodes de test phénotypiques
Méthodes phénotypiques de confirmation (sur la base des recommandations de l’EUCAST pour la détection de mécanismes de résistance, v2, juillet 2017):
Disques combinés: Pour la confirmation de BLSE ou d’une carbapénèmase, par ex., des disques spécifiques avec des substances inhibitrices (inhibiteurs de bêta-lactamase) sont employés pour les différentes bêtalactamases. Si la zone d’inhibition devient plus grande du fait de l’inhibiteur de bêta-lactamase, il est possible de conclure à la présence d’une bêta-lactamase correspondante [47].
Méthode de test biochimique: L’hydrolyse du carbapénème ou d’un autre antibiotique bêta-lactame est démontrée en présence de la bactérie au moyen d’un changement de couleur induit par le pH. Le clivage de l’anneau bêta-lactame réduit le pH et le milieu se colore [48, 49].
Méthode basée sur la MALDI-TOF MS(«spectrométrie de masse à temps de vol pour la désorption-ionisation laser assistée par matrice»): Dans le cadre de la méthode de spectrométrie de masse, un carbapénème est incubé avec une bactérie. Si une carbapénèmase est produite par la bactérie, celle-ci clive le carbapénème. Le produit de clivage peut être mis en évidence par le spectromètre de masse [50].
Méthodes génotypiques
Les méthodes génotypiques permettent la mise en évidence directe de gènes de résistance à partir d’un isolat de culture voire d’un échantillon du patient. La mise en évidence directe du mécanisme de résistance représente un gain de temps considérable. Toutefois, ces méthodes sont en règle générale coûteuses, et seuls des gènes de résistance spécifiques peuvent être recherchés. Elles trouvent bon nombre d’applications par ex. pour la mise en évidence d’une carbapénèmase (OXA-48, KPC, NDM etc.) ou de gènes codant pour une BLSE (groupe CTX-M-1 ou M-9) dans les entérobactéries et les bactéries non fermentaires telles que P. aeruginosa [51], d’ERV avec mise en évidence de gènes vanA ou vanB [52], ou de SARM avec la mise en évidence de mecA [12] ou mecC [53]. La détermination est ici directement réalisée à partir d’une seule colonie, mais elle peut, en fonction de la bactérie, également être réalisée directement à partir du matériel du patient, ce qui se fait notamment pour la mise en évidence de la résistance à la rifampicine de Mycobacterium (M.) tuberculosisdirectement à partir d’expectorations [54]. Différents procédés techniques moléculaires sont disponibles, comme les systèmes de PCR en temps réel (par ex. GeneXpert®), l’amplification isothermique (par ex. Amplex) ou PCR avec panels (par ex. Biofire®).
Séquençage du génome
Grâce aux procédés technologiques les plus récents, le génome bactérien entier peut être séquencé [31, 32, 55]. La méthode duWGS emploie généralement des isolats bactériens. Toutefois, des protocoles pour le séquençage directement à partir de l’échantillon du patient sont de plus en plus souvent développés. Le séquençage directement à partir du matériel du patient est certes très prometteur par ex. pour la détection des résistances aux antibiotiques de M. tuberculosis, mais encore plutôt dans le contexte expérimental. La méthode du WGS permet en outre un typage haute résolution ainsi que la classification des isolats dans un contexte moléculaire épidémiologique. De plus, tous les gènes séquencés peuvent être comparés avec des banques de données plus grandes (par ex. ARG-ANNOT, ResFinder [56], CARD [57]), permettant également la détection de gènes de résistance plus rares [58]. Actuellement, ces analyses basées sur le séquençage ne sont pas réalisées de manière routinière, mais les progrès techniques permettront dans un futur proche d’établir des profils de résistance très rapidement.
Processus au laboratoire
Dans le laboratoire de microbiologie, différentes méthodes pour la détermination des résistances aux antibiotiques sont disponibles.
Détermination des résistances
La détermination des résistances aux antibiotiques sur un isolat bactérien peut s’effectuer par le biais de la méthode de diffusion sur disque ou de la détermination de la CMI (fig. 2). La mesure de l’efficacité des antibiotiques les plus divers contre un isolat bactérien est appelée antibiogramme.
Dans le cadre de la méthode de diffusion sur disque, un disque avec une quantité définie d’un antibiotique est appliqué sur une plaque d’agar inoculée avec des bactéries. Le diamètre en millimètres de la zone d’inhibition renseigne sur la sensibilité à l’antibiotique, mais cette procédure ne permet cependant pas de déterminer la CMI.
La CMI peut être déterminée au moyen de deux méthodes: la microdilution ou le test en gradient de diffusion. Pour la microdilution, une quantité définie de bactérie est incubée avec un antibiotique à différentes concentrations. La concentration la plus faible inhibant encore la croissance bactérienne correspond à la CMI. Les systèmes automatisés commerciaux typiquement utilisés sont par ex. VITEK2® (bioMérieux) ou Phoenix™ (Becton Dickinson). Ils permettent de déterminer un large panel d’antibiotiques. Les systèmes commerciaux manuels permettent la détermination de la CMI pour des antibiotiques individuels. Dans le cadre du test en gradient de diffusion, une bandelette de papier avec une concentration croissante d’un antibiotique est appliquée sur une plaque d’agar. Les systèmes commerciaux fréquemment utilisés sont par ex. le MIC Test Strip® de Liofilchem® ou le ETest®de bioMérieux. Après l’incubation, une zone d’inhibition elliptique apparaît; la CMI se lit directement à l’intersection inférieure entre l’ellipse d’inhibition et la bandelette. La qualité du test en gradient de diffusion varie en fonction du fabricant. Certains antibiotiques, tels que la colistine, ne devraient pas être déterminés avec cette méthode [14].
Les disques permettent, par le biais d’une méthode automatisée au laboratoire, une lecture et une interprétation rapides de la sensibilité à un antibiotique. Une CMI ne peut toutefois être déterminée qu’au moyen d’une microdilution ou d’un test en gradient de diffusion. D’une manière générale, les méthodes phénotypiques de détermination des résistances nécessitent du temps, étant donné que les bactéries doivent croître en présence de l’antibiotique. Ainsi, la détermination de la sensibilité à l’antibiotique peut nécessiter 48-72 heures après le prélèvement de l’échantillon. Concernant les bactéries multirésistantes, tester les synergies entre antibiotiques est un souhait fréquemment émis par les cliniciens. Ces méthodes de test sont purement expérimentales et peuvent éventuellement être conduites dans des centres universitaires dans des cas spéciaux. Il n’existe toutefois pas de base d’interprétation validée par l’EUCAST ou le CLSI.
Dépistage
Lors d’un dépistage, le patient fait l’objet d’une analyse afin de rechercher une colonisation par un germe résistant précis (par ex. SARM, BLSE, carbapénémases ou ERV). Typiquement, des frottis (rectaux, nasopharyngés, plaies) ou autres échantillons du patient sont placés sur des plaques d’agar sélectives. Une croissance suspecte est confirmée par des méthodes phénotypiques ou génotypiques. Les valeurs seuils (angl. «breakpoint») pour le dépistage d’un mécanisme de résistance sont en règle générale plus faibles que les valeurs seuil cliniques.
Méthodes de test phénotypiques
Méthodes phénotypiques de confirmation (sur la base des recommandations de l’EUCAST pour la détection de mécanismes de résistance, v2, juillet 2017):
Disques combinés: Pour la confirmation de BLSE ou d’une carbapénèmase, par ex., des disques spécifiques avec des substances inhibitrices (inhibiteurs de bêta-lactamase) sont employés pour les différentes bêtalactamases. Si la zone d’inhibition devient plus grande du fait de l’inhibiteur de bêta-lactamase, il est possible de conclure à la présence d’une bêta-lactamase correspondante [47].
Méthode de test biochimique: L’hydrolyse du carbapénème ou d’un autre antibiotique bêta-lactame est démontrée en présence de la bactérie au moyen d’un changement de couleur induit par le pH. Le clivage de l’anneau bêta-lactame réduit le pH et le milieu se colore [48, 49].
Méthode basée sur la MALDI-TOF MS(«spectrométrie de masse à temps de vol pour la désorption-ionisation laser assistée par matrice»): Dans le cadre de la méthode de spectrométrie de masse, un carbapénème est incubé avec une bactérie. Si une carbapénèmase est produite par la bactérie, celle-ci clive le carbapénème. Le produit de clivage peut être mis en évidence par le spectromètre de masse [50].
Méthodes génotypiques
Les méthodes génotypiques permettent la mise en évidence directe de gènes de résistance à partir d’un isolat de culture voire d’un échantillon du patient. La mise en évidence directe du mécanisme de résistance représente un gain de temps considérable. Toutefois, ces méthodes sont en règle générale coûteuses, et seuls des gènes de résistance spécifiques peuvent être recherchés. Elles trouvent bon nombre d’applications par ex. pour la mise en évidence d’une carbapénèmase (OXA-48, KPC, NDM etc.) ou de gènes codant pour une BLSE (groupe CTX-M-1 ou M-9) dans les entérobactéries et les bactéries non fermentaires telles que P. aeruginosa [51], d’ERV avec mise en évidence de gènes vanA ou vanB [52], ou de SARM avec la mise en évidence de mecA [12] ou mecC [53]. La détermination est ici directement réalisée à partir d’une seule colonie, mais elle peut, en fonction de la bactérie, également être réalisée directement à partir du matériel du patient, ce qui se fait notamment pour la mise en évidence de la résistance à la rifampicine de Mycobacterium (M.) tuberculosisdirectement à partir d’expectorations [54]. Différents procédés techniques moléculaires sont disponibles, comme les systèmes de PCR en temps réel (par ex. GeneXpert®), l’amplification isothermique (par ex. Amplex) ou PCR avec panels (par ex. Biofire®).
Séquençage du génome
Grâce aux procédés technologiques les plus récents, le génome bactérien entier peut être séquencé [31, 32, 55]. La méthode duWGS emploie généralement des isolats bactériens. Toutefois, des protocoles pour le séquençage directement à partir de l’échantillon du patient sont de plus en plus souvent développés. Le séquençage directement à partir du matériel du patient est certes très prometteur par ex. pour la détection des résistances aux antibiotiques de M. tuberculosis, mais encore plutôt dans le contexte expérimental. La méthode du WGS permet en outre un typage haute résolution ainsi que la classification des isolats dans un contexte moléculaire épidémiologique. De plus, tous les gènes séquencés peuvent être comparés avec des banques de données plus grandes (par ex. ARG-ANNOT, ResFinder [56], CARD [57]), permettant également la détection de gènes de résistance plus rares [58]. Actuellement, ces analyses basées sur le séquençage ne sont pas réalisées de manière routinière, mais les progrès techniques permettront dans un futur proche d’établir des profils de résistance très rapidement.
Détermination des résistances
La détermination des résistances aux antibiotiques sur un isolat bactérien peut s’effectuer par le biais de la méthode de diffusion sur disque ou de la détermination de la CMI (fig. 2). La mesure de l’efficacité des antibiotiques les plus divers contre un isolat bactérien est appelée antibiogramme.
Dans le cadre de la méthode de diffusion sur disque, un disque avec une quantité définie d’un antibiotique est appliqué sur une plaque d’agar inoculée avec des bactéries. Le diamètre en millimètres de la zone d’inhibition renseigne sur la sensibilité à l’antibiotique, mais cette procédure ne permet cependant pas de déterminer la CMI.
La CMI peut être déterminée au moyen de deux méthodes: la microdilution ou le test en gradient de diffusion. Pour la microdilution, une quantité définie de bactérie est incubée avec un antibiotique à différentes concentrations. La concentration la plus faible inhibant encore la croissance bactérienne correspond à la CMI. Les systèmes automatisés commerciaux typiquement utilisés sont par ex. VITEK2® (bioMérieux) ou Phoenix™ (Becton Dickinson). Ils permettent de déterminer un large panel d’antibiotiques. Les systèmes commerciaux manuels permettent la détermination de la CMI pour des antibiotiques individuels. Dans le cadre du test en gradient de diffusion, une bandelette de papier avec une concentration croissante d’un antibiotique est appliquée sur une plaque d’agar. Les systèmes commerciaux fréquemment utilisés sont par ex. le MIC Test Strip® de Liofilchem® ou le ETest®de bioMérieux. Après l’incubation, une zone d’inhibition elliptique apparaît; la CMI se lit directement à l’intersection inférieure entre l’ellipse d’inhibition et la bandelette. La qualité du test en gradient de diffusion varie en fonction du fabricant. Certains antibiotiques, tels que la colistine, ne devraient pas être déterminés avec cette méthode [14].
Les disques permettent, par le biais d’une méthode automatisée au laboratoire, une lecture et une interprétation rapides de la sensibilité à un antibiotique. Une CMI ne peut toutefois être déterminée qu’au moyen d’une microdilution ou d’un test en gradient de diffusion. D’une manière générale, les méthodes phénotypiques de détermination des résistances nécessitent du temps, étant donné que les bactéries doivent croître en présence de l’antibiotique. Ainsi, la détermination de la sensibilité à l’antibiotique peut nécessiter 48-72 heures après le prélèvement de l’échantillon. Concernant les bactéries multirésistantes, tester les synergies entre antibiotiques est un souhait fréquemment émis par les cliniciens. Ces méthodes de test sont purement expérimentales et peuvent éventuellement être conduites dans des centres universitaires dans des cas spéciaux. Il n’existe toutefois pas de base d’interprétation validée par l’EUCAST ou le CLSI.
Dépistage
Lors d’un dépistage, le patient fait l’objet d’une analyse afin de rechercher une colonisation par un germe résistant précis (par ex. SARM, BLSE, carbapénémases ou ERV). Typiquement, des frottis (rectaux, nasopharyngés, plaies) ou autres échantillons du patient sont placés sur des plaques d’agar sélectives. Une croissance suspecte est confirmée par des méthodes phénotypiques ou génotypiques. Les valeurs seuils (angl. «breakpoint») pour le dépistage d’un mécanisme de résistance sont en règle générale plus faibles que les valeurs seuil cliniques.
Méthodes de test phénotypiques
Méthodes phénotypiques de confirmation (sur la base des recommandations de l’EUCAST pour la détection de mécanismes de résistance, v2, juillet 2017):
Disques combinés: Pour la confirmation de BLSE ou d’une carbapénèmase, par ex., des disques spécifiques avec des substances inhibitrices (inhibiteurs de bêta-lactamase) sont employés pour les différentes bêtalactamases. Si la zone d’inhibition devient plus grande du fait de l’inhibiteur de bêta-lactamase, il est possible de conclure à la présence d’une bêta-lactamase correspondante [47].
Méthode de test biochimique: L’hydrolyse du carbapénème ou d’un autre antibiotique bêta-lactame est démontrée en présence de la bactérie au moyen d’un changement de couleur induit par le pH. Le clivage de l’anneau bêta-lactame réduit le pH et le milieu se colore [48, 49].
Méthode basée sur la MALDI-TOF MS(«spectrométrie de masse à temps de vol pour la désorption-ionisation laser assistée par matrice»): Dans le cadre de la méthode de spectrométrie de masse, un carbapénème est incubé avec une bactérie. Si une carbapénèmase est produite par la bactérie, celle-ci clive le carbapénème. Le produit de clivage peut être mis en évidence par le spectromètre de masse [50].
Méthodes génotypiques
Les méthodes génotypiques permettent la mise en évidence directe de gènes de résistance à partir d’un isolat de culture voire d’un échantillon du patient. La mise en évidence directe du mécanisme de résistance représente un gain de temps considérable. Toutefois, ces méthodes sont en règle générale coûteuses, et seuls des gènes de résistance spécifiques peuvent être recherchés. Elles trouvent bon nombre d’applications par ex. pour la mise en évidence d’une carbapénèmase (OXA-48, KPC, NDM etc.) ou de gènes codant pour une BLSE (groupe CTX-M-1 ou M-9) dans les entérobactéries et les bactéries non fermentaires telles que P. aeruginosa [51], d’ERV avec mise en évidence de gènes vanA ou vanB [52], ou de SARM avec la mise en évidence de mecA [12] ou mecC [53]. La détermination est ici directement réalisée à partir d’une seule colonie, mais elle peut, en fonction de la bactérie, également être réalisée directement à partir du matériel du patient, ce qui se fait notamment pour la mise en évidence de la résistance à la rifampicine de Mycobacterium (M.) tuberculosisdirectement à partir d’expectorations [54]. Différents procédés techniques moléculaires sont disponibles, comme les systèmes de PCR en temps réel (par ex. GeneXpert®), l’amplification isothermique (par ex. Amplex) ou PCR avec panels (par ex. Biofire®).
Perspectives pour l’avenir
Différentes innovations techniques sont à notre porte. Dans le laboratoire de microbiologie moderne, le degré d’automatisation augmente. Les échantillons liquides peuvent d’ores et déjà être placés par des robots sur des plaques d’agar de façon entièrement automatisée. A l’avenir, les résistances seront de plus en plus souvent lues automatiquement puis interprétées par des systèmes experts. Ainsi, le traitement des échantillons pourra être réalisé efficacement et à moindre coût. De plus, du fait de la connexion entre les banques de données dans le domaine de la santé, le «big data» est de plus en plus à notre disposition. Le progrès rapide de la digitalisation nous permet de rendre les biomarqueurs numériques exploitables en vue du diagnostic optimal et du traitement optimal des résistances aux antibiotiques. Les banques de données connectées et les systèmes d’intelligence artificielle livreront, également pour le traitement médical, de plus en plus de recommandations relatives au traitement optimal du patient, au sens d’une bactériologie personnalisée.
L’essentiel pour la pratique
Les germes multirésistants sont en augmentation constante. La détermination de la résistance aux antibiotiques sert non seulement à déterminer le traitement optimal pour le patient, mais également à mieux surveiller et comprendre la propagation des bactéries résistantes. Les méthodes phénotypiques sont fréquemment utilisées en routine, comme par example les panels d’antibiotiques potentiels pour permettre un traitement ciblé. Certains mécanismes de résistance peuvent être recherchés ou confirmés au moyen de méthodes moléculaires. En cas d’incertitude dans l’interprétation ou de questions quant aux procédés de test, il convient de s’adresser au laboratoire de microbiologie.
Correspondance:
PD Dr méd. Dr phil.
Adrian Egli
Abteilung Klinische Mikrobiologie,
Universitätsspital Basel
Petersgraben 4
CH-4031 Basel
adrian.egli[at!usb.ch
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