Génétique Médicale: Le diagnostic préimplantatoire en Suisse: possibilités et problèmes
Highlight de la Société Suisse de Génétique Médicale

Génétique Médicale: Le diagnostic préimplantatoire en Suisse: possibilités et problèmes

Schlaglichter
Édition
2019/0102
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08030
Forum Med Suisse. 2019;19(0102):21-23

Affiliations
Institut für Medizinische Genetik, Universität Zürich

Publié le 02.01.2019

La génétique préimplantatoire, autorisée en Suisse par la Loi fédérale sur la procréation médicalement assistée révisée, permet d’une part de proposer un meilleur traitement de procréation médicalement assistée, mais d’autre part, elle fait émerger des problématiques concernant la mise en œuvre pratique.

Contexte

Depuis le 1er septembre 2017, il est légal en Suisse, sous certaines conditions, de réaliser le test génétique et la sélection consécutive de l’embryon avant l’implantation dans l’utérus dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (PMA). Auparavant, les couples n’avaient d’autre choix que de se tourner vers des cliniques ­situées dans d’autres pays européens. Le législateur ­savait dès le départ que cette procédure ne serait pas bien accueillie par tout le monde en Suisse et a fixé des limites claires définissant à qui cette technologie serait accessible en Suisse.
La PMA en soi est déjà proposée et mise en œuvre avec succès depuis des années en Suisse. On peut parler de succès, car le taux de grossesses obtenues après PMA est comparable aux chiffres des autres cliniques dans le pays et à l’étranger. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à un taux aussi élevé que pour les grossesses spontanées dans la population générale: 85–90% des couples ayant un désir d’enfant obtiennent une grossesse en l’espace d’1 an dans la population générale. En comparaison, le taux de naissance par transfert d’embryon est compris entre 4,5% et env. 29% en Suisse, le taux de 29% concernant les femmes de moins de 34 ans et celui de 4,5% les femmes de plus de 39 ans, qui n’ont plus qu’un faible nombre d’ovocytes [1].
Par ailleurs, le risque de syndrome d’hyperstimu­lation ovarienne dans le cadre de la PMA et le risque de grossesses multiples ne doivent pas être sous-es­timés.

Dépistage préimplantatoire

Désormais, les couples ayant un désir d’enfant inassouvi qui ont décidé de recourir à la PMA peuvent faire tester les embryons avant l’implantation pour dépister de grandes aberrations chromosomiques afin d’améliorer leur fertilité:
D’après l’art. 5a de la Loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA), «l’analyse du patrimoine génétique de gamètes et leur sélection […] ne sont au­torisées que pour détecter des caractéristiques chromosomiques susceptibles d’entraver la capacité de se développer du futur embryon». Concrètement, il est possible de tester un embryon quant à la présence d’une trisomie et/ou d’une grande aberration chromosomique, de sorte que seuls les embryons avec un bon potentiel de développement soient implantés dans l’utérus de la mère. Il reste encore à savoir si cet examen supplémentaire permet de mieux pallier une ­infertilité, et seuls les chiffres que l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) récoltera par le biais de l’évaluation prévue par la loi (art. 11 de la LPMA) apporteront une réponse. Cette question fait actuellement l’objet de vives discussions dans la littérature spécialisée, et il faut attendre les résultats de grandes études cliniques avec biopsie embryonnaire.

Diagnostic préimplantatoire

La PMA avec diagnostic préimplantatoire (DPI) permet à présent aux couples ayant un risque élevé de mettre au monde un enfant avec une maladie héréditaire grave de faire tester les embryons avant l’implantation pour rechercher cette maladie.
Au moment de la rédaction de cet article, aucun enfant qui avait été testé au stade d’embryon en Suisse (DPI) n’était encore né; les premières naissances de femmes actuellement enceintes qui ont eu recours au DPI en Suisse sont attendues pour 2019.
Les couples ont pendant longtemps attendu la légalisation du DPI en Suisse. Toutefois, le législateur a aussi dans le même temps défini des restrictions, et les sociétés de discipline médicale se sont organisées de façon interdisciplinaire et ont formulé des recommandations correspondantes suite à l’entrée en vigueur de la LPMA révisée et de l’Ordonnance sur la procréation médicalement assistée (OPMA) révisée. Ainsi, selon la recommandation du groupe de travail GTER/SSGM (Groupe de travail d’endocrinologie gynécologique et de la médecine de la reproduction de la Société Suisse de Gynécologie et d’Obstétrique/Société Suisse de Génétique Médicale), tout centre qui propose le DPI doit disposer d’un comité de concertation interdisciplinaire («PID-Board») ou être rattaché à un «PID-Board» et les cas de DPI doivent être présentés à un tel comité (définition du DPI au sens étroit: analyse génétique ciblée à la ­recherche d’une maladie héréditaire monogénique particulière ou d’une anomalie chromosomique structurale héréditaire particulière).
D’après la LPMA actuellement en vigueur, différentes conditions doivent être remplies dans un cas individuel pour que le DPI puisse être réalisé. Ainsi, il faut notamment que la maladie testée soit grave et se déclare avec une probabilité élevée avant l’âge de 50 ans, et qu’il n’existe aucune thérapie efficace et appropriée pour lutter contre cette maladie grave.

Les problématiques

Problématiques éthiques ouvertes

Imaginez qu’un des partenaires d’un couple ayant un désir d’enfant souffre d’une maladie grave ou ait un risque élevé d’en souffrir à l’avenir et que le couple ait un risque de 50% d’avoir un enfant atteint de cette maladie. D’après la LPMA, les critères médico-génétiques pour la réalisation d’un DPI seraient remplis, mais d’après cette même loi (conditions relatives à la PMA), la PMA est uniquement réservée aux couples qui, en considération de leur âge et de leur situation personnelle, paraissent être à même d’élever l’enfant jusqu’à sa majorité (LPMA, art. 3b). Si la maladie dont souffre le partenaire est suffisamment grave pour que les critères pour un DIP soient remplis, il se pose souvent la question de savoir si le parent malade ou risquant d’être malade sera capable d’assurer le bien de l’enfant au cours des 18–20 prochaines années malgré son état de santé et à partir de là, si une PMA peut au juste être mise en œuvre selon cette loi déjà en vigueur depuis longtemps.

Limitations techniques

Il convient également de tenir compte des limitations techniques: d’un côté, le laboratoire exécutant ne dispose que de très peu de matériel de l’embryon à tester, alors que de l’autre côté, il y a le souhait du couple de recevoir des résultats d’analyses les plus fiables possibles et rapidement. La mise en évidence directe d’une mutation dans le cadre d’un DPI peut parfois s’avérer très peu fiable, mais également coûteuse et chronophage. Les laboratoires peuvent contourner ce problème de façon pratique avec une analyse génétique indirecte, qui requiert en plus de l’ADN (par ex. de lymphocytes sanguins) d’autres membres de la famille atteints pour l’analyse de l’embryon. A cet effet, en cas de transmission héréditaire dominante, il faut disposer de l’ADN d’au minimum deux personnes touchées sur deux générations pour que l’embryon puisse être testé. En cas de mode de transmission autosomique récessif, il suffit en revanche d’avoir l’ADN des futurs parents et d’une sœur ou d’un frère atteint, déjà né et éventuellement décédé (pour des exemples, voir fig. 1). Mais même dans des conditions optimales, le résultat d’une biopsie embryonnaire est moins fiable que celui d’une choriocentèse ou d’une amniocentèse prénatale, car une quantité nettement plus importante de matériel à analyser est disponible avec ces examens.
Figure 1: A) Exemple de maladie héréditaire autosomique dominante: neurofibromatose de type 1 (NF1). B) Exemple de maladie héréditaire autosomique récessive: amyotrophie spinale (AS).
Avec l’introduction de la LPMA révisée et de l’ordonnance correspondante, le législateur a renforcé les exigences pour les laboratoires et pour la surveillance. Des critères de qualité plus stricts qu’autrefois s’appliquent pour les laboratoires actifs dans les domaines de la PMA et du DPI.
Dans l’ensemble, les conditions pour la réalisation d’un DPI légal sont actuellement très strictes et nous nous félicitons de l’étroite collaboration interdisciplinaire qui est de ce fait devenue nécessaire.

Charge financière

Une autre restriction pour les parents potentiels est de nature financière: les coûts d’un DPI, y compris l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI), sont de l’ordre d’environ deux revenus mensuels suisses moyens par cycle de traitement, et un succès ne peut pas être garanti après seulement un cycle de traitement. Les coûts de cette procédure ne sont pas pris en charge par l’assurance de base obligatoire.
Avant qu’un DPI puisse être réalisé légalement en Suisse, le souhait du couple est encore et toujours mis à rude épreuve et différentes conditions doivent être remplies. Le législateur a pris très au sérieux son devoir de diligence lors de l’introduction du DPI.

Résumé

Les tests génétiques désormais autorisés en Suisse ont le potentiel d’améliorer considérablement le traitement de PMA des couples ayant un désir d’enfant. S’agissant de la mise en œuvre pratique du DPI, qui doit actuellement encore de façon systématique faire l’objet de ­décisions au cas par cas par des comités interdisciplinaires, les expériences acquises au fil du temps devront montrer la voie à suivre pour l’avenir.
Les auteurs n’ont déclaré aucun lien financier ou personnel en ­rapport avec cet article.
Dr méd. Dunja Niedrist
Universität Zürich
Wagistrasse 12
CH-8952 Schlieren-Zürich
Niedrist[at]medgen.uzh.ch
1 De Geyter C, Fehr P, Moffat R, Gruber IM, von Wolff M. Twenty years’ experience with the Swiss data registry for assisted reproductive medicine: outcomes, key trends and recommendations for improved practice. Swiss Med Wkly. 2015;145:w14087.