Sans détour
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Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2019/3132
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08355
Forum Med Suisse. 2019;19(3132):499-502

Publié le 31.07.2019

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur … Stéroïdes androgéniques anabolisants

– Utilisés par les sportifs de force et les culturistes, et en tant que substance dopante dans le sport professionnel
– De plus en plus souvent utilisés (à des doses souvent très élevées) par les hommes pas particulièrement sportifs, qui veulent paraître plus musclés (hommes d’âge jeune à moyen) ou se sentir plus forts (à partir d’env. 50 ans)
– Effets indésirables: faible HDL, hépatotoxicité (péliose hépatique, tumeurs, cholestase, ne vaut pas pour la testostérone), infertilité, atrophie testiculaire (spermiogenèse inhibée), déficit en œstradiol (pour les anabolisants synthétiques: diminution de la libido/fonction érectile, ostéoporose), polyglobulie
– Prévalence élevée de consommation concomitante de tabac, de cannabis, d’alcool, d’autres drogues et de «nutraceutiques» (contrôle souvent insuffisant)
– Après une utilisation durant >1 an, suppression prolongée de l’axe gonadotrophines-testostérone
– Manifestation la plus fréquente: infertilité chez un homme particulièrement musclé
Tableau: Constellation endocrinologique typique en cas de prise de stéroïdes andro­géniques anabolisants.
MédicamentsTestostéroneHormone lutéinisante (LH)Hormone folliculostimulante (FSH)
Anabolisants endogènes (testostérone, dihydrotestostérone, nandrolone)ElevéeBasseBasse
Stéroïdes anabolisants synthétiques*BasseBasseBasse
* Non déterminables en laboratoire, sauf dans les laboratoires antidopage.
JCEM 2019, doi:10.1210/jc.2018-01882, rédigé le 25.06.2019.

Pertinents pour la pratique

Pas encore d’équivalent féminin pour la pilule bleue

Sans détour, nous avons été surpris d’apprendre après coup que la «Food and Drug Administration» (FDA) a lancé en 2016 une initiative destinée à faciliter les recherches des fabricants de médicaments pour la mise au point d’une option thérapeutique pour le désir sexuel hypoactif chez la femme*. Un des résultats est à présent déjà disponible: un activateur des récepteurs de la mélanocortine devant être injecté par voie sous-cutanée 45 minutes avant un rapport sexuel planifié. Sur une échelle de 1 à 6, le désir sexuel est passé d’à peine 1,2 à 2,4 chez 25% des femmes. L’effet placebo était (comme il fallait sans doute s’y attendre) impressionnant: 17% des femmes ont ressenti le même effet (c.-à-d. augmentation du désir). Les nausées, qui sont survenues dans 40% des utilisations initiales, étaient le principal effet indésirable. L’activateur est désormais autorisé par la FDA (Vyleesi®). D’après les dispositions de l’autorisation, le médicament peut être pris au maximum 8 fois par mois. Mais ce sont avant tout les conditions d’administration, le nombre limité de répondeuses et le grand effet placebo qui pourraient, du moins en partie, constituer un frein à l’achat.
* La FDA classe ce trouble parmi les 20 principaux problèmes de santé.
Rédigé le 24.06.2019.

Une avancée majeure dans la prévention du diabète sucré de type 1

D’après les connaissances actuelles, le diabète sucré de type 1 (DT1) est déclenché par un facteur environnemental en cas de constellation génétique (HLA) correspondante. Un mécanisme physiopathologique central est la destruction des cellules bêta par les lymphocytes CD8, qui sont activés par une molécule de surface ­appelée CD3. Des anticorps anti-CD3 sont parvenus à ralentir la destruction supplémentaire des cellules bêta chez des patients atteints de DT1, mais sans toutefois freiner de manière déterminante le diabète. Une petite étude en double aveugle et contrôlée contre placebo a désormais traité des apparentés non diabétiques (n = 76; les ¾ étaient âgés de moins de 18 ans) de patients atteints de DT1 avec un tel anticorps anti-CD3 (tépli­zumab). Les volontaires présentaient un risque élevé (au minimum deux auto-anticorps associés au diabète et une tolérance orale au glucose pathologique) de développer eux-mêmes un DT1. Sous traitement par anticorps anti-CD3, le diabète sucré est survenu env. 2 ans plus tard (p <0,006). Les lymphopénies et les éruptions cutanées étaient les principaux effets ­indésirables, également observés dans d’autres études. Les diabétologues sont sur la bonne voie!
N Engl J Med. 2019, doi:10.1056/NEJMoa1902226.
Rédigé le 01.07.2019.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Résistance à la L-DOPA en cas de maladie de Parkinson

La déplétion dopaminergique progressive joue un rôle essentiel dans la maladie de Parkinson. Etant donné que la dopamine ne peut pas franchir la barrière hémato-encéphalique, le traitement consiste à administrer de la L-DOPA, qui est décarboxylée en dopamine dans le cerveau. Avant le passage de la barrière hémato-encéphalique, cette conversion est empêchée par un inhibiteur de décarboxylase circulant uniquement en dehors du système nerveux central (carbidopa). Des représentants du microbiome intestinal (notamment Enterococcus faecalis, voir figure, mais aussi lactobacilles) sont manifestement capables de décarboxyler la L-DOPA en dopamine dans la lumière intestinale ­(tyrosine décarboxylase; l’inhibiteur de décarboxylase est inefficace dans ce contexte). D’autres bactéries sont ensuite capables de déshydroxyler la dopamine en tyra­mine. Il est ainsi possible que les fluctuations interindividuelles de la réponse à la L-DOPA correspondent à une modulation induite par le microbiome du métabolisme présystémique de la L-DOPA. En cas de résistance à la L-DOPA, il serait possible de tester les selles quant à la présence d’entérocoques, qui expriment le gène responsable (tyrosine décarboxylase). Un autre fait intéressant est qu’il existe une molécule pouvant être administrée par voie orale, qui inhibe significativement ce produit génique (S-alpha-fluorométhyltyrosine [1]) et pourrait potentiellement rétablir la réponse à la L-DOPA.
L’intestin grêle (= site de résorption de la L-DOPA) n’est-il pas normalement stérile, rendant ainsi les résultats de l’étude insignifiants? Les symptômes gastro-intestinaux associés à la maladie de Parkinson, tels que transit intestinal prolongé, vidange gastrique retardée, constipation etc., peuvent, comme nous le savons déjà depuis longtemps [2], directement et indirectement aboutir à une pullulation bactérienne. Il serait dès lors même concevable que la perte d’efficacité de la L-DOPA au cours du traitement soit une conséquence de cette séquence physiopathologique. On ne sait pas dans quelle mesure la tyramine synthétisée peut induire un «tyramine syndrome» (entre autres élévations de la pression artérielle), comme cela s’observe avec certaines variétés de fromages, mais les hypertensions sont loin d’être rares chez les patients parkin­soniens traités.
Image au microscope électronique à balayage («scanning electron microscope» [SEM]) de Enterococcus faecalis (© CDC / Pete Wardell).
1 Science. 2019, doi:10.1126/science.aau6323.
2 Nature. 1971, doi:10.1038/229414a0.
Rédigé le 01.07.2019.

Pour les médecins hospitaliers

Double inhibition plaquettaire après pose d’un stent: pour combien de temps?

L’association d’un inhibiteur de la cyclo-oxygénase (acide acétylsalicylique) et d’un inhibiteur du récepteur P2Y (clopidogrel et al.) est appelée «double inhibition plaquettaire». Il s’agit de l’approche standard après les interventions coronariennes percutanées et les implantations de stents à élution médicamenteuse de nouvelle génération. Elle est recommandée pour une période de ≥12 mois [1]. Toutefois, une synthèse de diverses études cliniques a désormais révélé qu’une durée de traitement de seulement 6 mois présentait une efficacité similaire aux traitements plus longs (12 mois), mais était associée à moins d’effets indésirables hémorragiques (y compris graves). Les traitements encore plus longs (>18 mois) étaient même associés à une augmentation de la mortalité globale. D’une manière générale, il est donc désormais possible d’envisager un net raccourcissement de la durée de la double inhibition plaquettaire, sauf si des raisons cliniques et techniques indiquaient un risque individuel accru d’ischémie [2]. Une étude japonaise soutient elle-aussi une plus courte durée de la double inhibition plaquettaire: chez près de 3000 patients, l’arrêt de l’acide acétylsalicylique (poursuite de l’inhibiteur du récepteur P2Y) après 1 mois a montré des résultats encore meilleurs que ceux du traitement de 12 mois en termes d’évènements cardiovasculaires et de prévention des hémorragies [3].
1 Nat Rev Cardiol. 2016, doi:10.1038/nrcardio.2015.113.
2 BMJ. 2019, doi:10.1136/bmj.l2222.
Rédigé le 01.07.2019.

Toujours digne d’être lu

Mécanismes d’acclimatation aux périodes de chaleur

Dans le cadre d’une expérience de 14 jours (!) réalisée en chambres métaboliques, une étude a évalué les effets du séjour et du travail à une température d’env. 45 °C (12 heures) durant le jour et d’env. 37 °C durant la nuit chez cinq jeunes hommes en bonne santé. Dans cette expérience quelque peu héroïque, tous les volontaires ont augmenté leur capacité d’effort et de travail en l’espace d’1 semaine, sans adaptation supplémentaire par la suite. Les reins ont retenu plus de sodium et de chlorure que la quantité qui aurait été nécessaire pour compenser les pertes dues à la transpiration. En conséquence, les chercheurs ont constaté, de façon contre-intuitive, une expansion du volume plasmatique et du volume interstitiel, probablement en guise de réserve en prévision de conditions environnementales encore plus hostiles.
Medicine (Baltimore). 1955, doi:10.1097/00005792-195509000-00002.
Rédigé le 01.07.2019 (à l’ombre, par une température de 34 °C).

Cela nous a donné à réfléchir

Prévention du harcèlement sexuel sur le lieu de travail

De nombreux hôpitaux ainsi qu’entreprises dispensent des formations pour la prévention du harcèlement sexuel. Mais sont-elles efficaces et ont-elles éventuellement des effets indésirables? Parmi les programmes conduits en Israël, qui portent presque exclusivement sur le phénomène de harcèlement sexuel des femmes, ceux qui encouragent les supérieurs hiérarchiques à être des alliés ou des secoureurs pour les femmes victimes sont plus efficaces et aboutissent à une proportion plus élevée de femmes occupant des fonctions hiérarchiques élevées. D’un autre côté, les programmes qui présentent également les participants en formation comme de potentiels suspects (indirectement comme des coupables) et de facto partent du principe que chaque homme est capable de commettre des actes de harcèlement ont pour effet indésirable une baisse de la proportion de femmes occupant des fonctions hiérarchiques élevées. Les femmes prennent plus au sérieux les plaintes de harcèlement sexuel et sont plus enclines à suivre une formation dans ce domaine de la prévention en entreprise. Malheureusement, dans les entreprises dans lesquelles il y a une proportion importante de femmes occupant des fonctions hiérarchiques élevées (qui sont plus susceptibles d’agir en cas de harcèlement), ce groupe est perçu comme une menace. Comme d’autres études dans ce domaine, cette étude pâtit de la focalisation sur l’un des sexes et de la définition du harcèlement par les femmes touchées (qui est sujette à une variation énorme d’un pays à l’autre et à une évolution au fil du temps).
Proc Natl Acad Sci USA. 2019, doi:10.1073/pnas.1818477116.
Rédigé le 02.07.2019.

Cela nous a moins réjouis

Une histoire d’été

Yoshihiro Sato, qui s’est suicidé en 2016, détenait un triste record: durant sa carrière en tant que chercheur dans le domaine de la santé osseuse, il a publié le nombre le plus élevé à ce jour de manuscrits falsifiés sur une période de plusieurs décennies (60 manuscrits retirés). Les résultats étaient toxiques dans le sens où ils ont influencé de façon erronée les lignes directrices et les méthodes thérapeutiques chez une multitude de patients. En cas de suspicion de falsification, l’institution du chercheur est généralement chargée de mener une enquête. Toutefois, une étude actuelle a désormais découvert que ces institutions ne réalisaient pas de très bonnes investigations [1] et recommande d’utiliser des critères déjà publiés [2]. En confirmation de cette étude, Nature [3] a tenté d’obtenir des renseignements sur les investigations réalisées auprès des institutions où travaillait Sato. Une université n’a pas du tout répondu et une deuxième a estimé qu’elle était dans l’incapacité d’examiner près de la moitié des manuscrits incriminés (par ex. en raison de l’absence de protocoles de recherche).
1 Res Integr Peer Rev. 2019, doi:10.1186/s41073-019-0062-x.
2 JAMA. 2018, doi:10.1001/jama.2018.0358.
Rédigé le 20.06.2019.

Plume en partie suisse

Prévention de la fibrose pulmonaire en cas de sclérodermie

Un inhibiteur de tyrosine kinase, le nintédanib, possède des propriétés anti-inflammatoires et anti-fibrotiques et il est efficace et autorisé pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique. La pneumopathie interstitielle dans le cadre de la sclérose systémique est associée à une altération plus prononcée des performances et de la qualité de vie, et il s’agit d’une cause de décès fréquente dans le cadre de cette maladie de base. Par rapport au placebo, le nintédanib (288 patients dans chaque groupe) a entraîné, sur une période de 52 semaines, un ralentissement légèrement significatif (p = 0,04) de la baisse de la capacité vitale, passant de 95 ml à 51 ml par an. Les autres manifestations de la sclérodermie n’ont pas été significativement influencées par la substance. Voilà une étude positive, qui doit encore être confirmée par des données à long terme.
N Engl J Med. 2019, doi:10.1056/NEJMoa1903076.
Rédigé le 27.06.2019.

Diagnostic et prédiction affinés des infarctus du myocarde

Dans cette étude multicentrique et multinationale, la prévalence des infarctus du myocarde chez des patients (n = 22 651) ayant été admis dans un service d’urgences en raison d’une suspicion clinique correspondante s’élevait à un peu plus de 15%. Une concentration de troponine I hautement sensible de <6 ng/ml et une élévation absolue de <4 ng/ml lors du deuxième examen (après 45 à 120 minutes) ont permis d’exclure efficacement un infarctus du myocarde (valeur prédictive négative de 99,5%). De même, ces valeurs rendent improbable (0,2%) la survenue d’un infarctus ou d’un décès au cours des 30 jours suivants.
N Engl J Med. 2019, doi:10.1056/NEJMoa1803377.
Rédigé le 27.06.2019.

Cela nous a également interpellés

Chirurgie bariatrique: ostéoporose et minéralisation osseuse perturbée

Un modèle murin (sleeve gastrectomie) a dupliqué les conséquences complexes de la chirurgie bariatrique sur l’intégrité des os, qui ont été observées chez l’être humain, à savoir une perte de masse osseuse (ostéoporose) et un trouble de la minéralisation (composante ostéomalacique). Une concentration et activité accrues du facteur de croissance granulocytaire (G-CSF) en sont en grande partie responsables (cf. figure 1E de l’article en question). Les raisons de l’activité accrue du G-CSF ne sont en revanche pas connues.
Coupe osseuse du tibia murin proximal (en haut) et distal (en bas) après une intervention fictive (à gauche) et après une gastrectomie en manchon («vertical sleeve gastrectomy» [VSG], à droite). La masse osseuse diminuée et la myélopoïèse stimulée (correspondant à l’action du G-CSF) sont évidentes. Le G-CSF réduit également les adipocytes médullaires (voir différences dans les cellules adipeuses), qui jouent un rôle anabolisant essentiel dans la régulation des ostéoblastes. Reproduction avec l’aimable autorisation de: Li Z, Hardij J, Evers SS, Hutch CR, Choi SM, Shao Y, et al. G-CSF partially mediates effects of  sleeve gastrectomy on the bone marrow niche. J Clin Invest. 2019;130:2404–16. ­Copyright © 2019 American Society for Clinical Investigation.
J Clin Invest. 2019, doi:10.1172/JCI126173.
Rédigé le 29.06.2019.

Psychoses et trouble déficit de l’attention/hyperactivité: fin de l’alerte?

Les psychoses surviennent-elles plus fréquemment à cause du/sous traitement médicamenteux du trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)? Non, d’après les données du registre national suédois. Des données portant sur les 12 semaines précédant l’initiation d’un traitement par méthylphénidate (Ritalin®) et les 12 semaines suivant l’initiation de ce traitement étaient disponibles pour près de 24 000 Suédois âgés de 12 à 30 ans. En outre, la fréquence des diagnostics de psychose posés dans les 12 semaines précédant l’initiation du traitement a été comparée à celle d’une période de 12 semaines un an après. L’âge moyen au début du traitement était de 17 ans, et un épisode psychotique avait été diagnostiqué au moins une fois dans 2% des cas. Les diagnostics de psychose au cours du traitement n’étaient pas plus fréquents, et ce à la fois en cas d’antécédents déjà connus d’épisodes de psychose et en l’absence de tels antécédents.
Lancet Psychiatry. 2019, doi:10.1016/S2215-0366(19)30189-0.
Rédigé le 29.06.2019.

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