Sans détour
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Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2019/3738
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08382
Forum Med Suisse. 2019;19(3738):604-607

Publié le 11.09.2019

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur … le syndrome de la dent couronnée

– Chondrocalcinose de la colonne cervicale chez des patients généralement âgés
– Dépôt de cristaux de pyrophosphate de calcium dans et autour de l’articulation atlanto-axoïdienne
– Symptômes: douleurs généralement très fortes et également récidivantes au niveau de la nuque, du cou et des épaules, en cas d’activation de réaction inflammatoire systémique parfois prononcée
– Imitateur de: pseudo-polyarthrite rhizomélique/artérite giganto-cellulaire, spondylodiscite, méningite, fièvre d’origine inconnue
– Souvent maladie à pyrophosphate de calcium concomitante touchant d’autres articulations
– Diagnostic: tomodensitométrie de la colonne cervicale
– Thérapeutique: anti-inflammatoires non stéroïdiens ou colchicine
Syndrome de la dent couronnée («crowned dens syndrome»): La chondrocalcinose du ligamentum transversum atlantis (patient de 88 ans) est représentée en trois dimensions par tomodensitométrie (A: coupe coronal; B: coupe sagittale; C: coupe transversale). Nous remercions le Prof. J. Heverhagen, Institut universitaire de radiologie diagnostique, interventionnelle et pédiatrique, Inselspital, Hôpital universitaire de Berne, pour les images.
Rédigé le 02.08.2019.

Pertinents pour la pratique

Où faire traiter une embolie pulmonaire aiguë symptomatique?

Le processus de concentration du paysage hospitalier suisse est principalement dicté par des considérations économiques et constitue l’objectif souhaité de la modification du financement des hôpitaux depuis 2012 (avec jusqu’à présent un effet discutable sur les coûts globaux). Les avantages ou inconvénients biologiques d’un traitement dans les hôpitaux présentant des nombres supérieurs de cas plaident toutefois généralement, mais pas toujours, en faveur de la concentration des prestations de service stationnaires fragmentées. Cette politique est soutenue par une étude réalisée dans 353 hôpitaux issus de 16 pays différents. La mortalité d’une embolie pulmonaire au bout de 30 jours était presque réduite de moitié lorsque les hôpitaux traitaient un nombre de plus de 40 cas/an, globalement encore relativement modeste. Les hôpitaux de comparaison traitaient moins de 15 cas/an. Les statistiques ont révélé une linéarité inverse entre la mortalité et les nombres de cas. Dans les hôpitaux présentant des nombres de cas élevés et la mortalité la plus faible, les hôpitaux de formation initiale et postgraduée étaient nettement surreprésentés. Un indice supplémentaire que la formation initiale et postgraduée améliore ou peut améliorer la qualité.
Rédigé le 30.07.2019.

Nouveau principe thérapeutique (oral) pour l’anémie rénale

Depuis exactement 30 ans, diverses érythropoïétines recombinantes constituent (avec l’apport en fer) le principal pilier de la correction de l’anémie rénale: en respectant un hématocrite cible de 34%, elles améliorent la qualité de vie et réduisent la survenue d’une hypertrophie ventriculaire gauche ainsi que la mortalité globale. Une surcorrection (hématocrite >34%, hémoglobine >11 g/dl) entraîne toutefois une mortalité (cardiovasculaire) accrue en raison de modifications vasculaires induites par les érythropoïétines (EPO), notamment en conséquence des augmentations de la pression artérielle induite par EPO. Une nouvelle classe de médicaments, les inhibiteurs des prolyl-hydroxylases, qui sont administrés par voie orale, augmentent indirectement l’EPO endogène (voir figure explicative). En outre, ils améliorent l’absorption du fer et la libération du fer des réservoirs internes en supprimant l’hepcidine. Dans deux études chinoises, il a été montré que, chez les patients atteints d’une maladie rénale chronique avancée (avant et sous ­dialyse), un tel inhibiteur (Roxadustat) est au moins équivalent à l’EPO. La question de savoir si, avec cet inhibiteur (également grâce à son influence sur le métabolisme du fer), l’anémie rénale peut être totalement corrigée sans répercussions négatives par rapport à l’EPO est essentielle mais reste en suspens.
Explication de l’effet des inhibiteurs des prolyl-hydroxylases. Les prolyl-hydroxylases (PHD) sont des capteurs d’oxygène. En présence de suffisamment d’oxygène (normoxie), elles hydroxylent le facteur induit par l’hypoxie (HIF-2alpha). ­Celui-ci forme alors une liaison avec la protéine de Von-Hippel-Lindau (VHL), ce qui entraîne sa dégradation protéolytique (via le système ubiquitine) (figure, côté gauche). HIF-2alpha n’est ainsi pas disponible pour la stimulation de gènes induits par l’hypoxie, à savoir le gène de l’érythropoïétine. Les inhibiteurs des prolyl-hydroxylases imitent désormais l’effet d’une carence en oxygène (hypoxie): l’hydroxylation de HIF-2alpha et ainsi sa liaison avec la protéine VHL ne sont plus possibles, HIF-2alpha n’est plus dégradé par protéolyse, et il est ainsi activé et son taux s’accroit par la prolongation de sa demi-vie, entrainant notamment l’expression du gène de l’érythropoïétine (figure, côté droit).
Rédigé le 01.08.2019.

Toujours digne d’être lu

Un tournant dans le traitement de la fibrose kystique

Le 9 septembre 1989, c’est-à-dire il y a presque 30 ans, la revue Science a fait paraître trois publications originales identifiant les causes génétiques jusqu’à présent de loin les plus fréquentes de la fibrose kystique (mucoviscidose [FK]) [1]. Il s’agit de mutations du gène dit CFTR («cystic fibrosis transmembrane regulator»), qui régule la production d’un canal chlorure. En cas de déficience génétique, la sécrétion de chlorure des cellules épithéliales (muqueuse bronchique) est inhibée, les ions chlorure chargés négativement stimulent l’absorption de sodium et d’eau, ce qui rend le mucus visqueux et épais et fait considérablement baisser la clairance bronchique (voir figures A et B). Actuellement, près de 2000 mutations sont connues, dont 281 provoquent la maladie. 90% d’entre elles touchent le gène CFTR. La mutation la plus fréquente empêche ce canal chlorure de passer du réticulum endoplasmique vers la membrane cellulaire. Les quelques canaux qui y parviennent sont en outre inférieurs sur le plan fonctionnel (les canaux sont plus souvent fermés qu’ouverts). De nos jours, il existe des traitements combinant 2–3 médicaments [2], qui augmentent la probabilité qu’un canal parvienne à la membrane et qui améliorent en plus sa fonction (appelés «correcteurs» et «potentiateurs»).
Représentation schématique du transport d’électrolytes dans (A) les épithéliums bronchiques et (B) les glandes sudoripares (de: Welsh MJ, Fick RB. Cystic fibrosis. J Clin Invest. 1987;80(6):1523–6. Copyright © 2019 American Society for Clinical Investigation. Reproduction avec aimable autorisation).
Il n’est pas facile à comprendre pourquoi, en cas de fibrose kystique (FK), la sécrétion de chlorure dans les bronches (A) devrait être réduite et que la concentration de NaCl soit malgré tout accrue au test universel de transpiration (B). La nature de ces épithéliums en termes de direction du transport de chlorure s’avère contradictoire: les épithéliums bronchiques sécrètent du chlorure, tandis que les glandes sudoripares absorbent prin­cipalement le chlorure au niveau des voies sudoripares dominantes à cet égard. En cas d’anomalies du transport du chlorure, les épithéliums bronchiques absorberont donc davantage de Na+ (ainsi que du H 2 O) pour des raisons électriques (la muqueuse bronchique est alors pauvre en NaCl), tandis que moins de NaCl est absorbé dans les glandes sudoripares, la transpiration devenant donc riche en NaCl.
Rédigé le 01.08.2019.

Egalement intéressant

Valeur de la compétence linguistique

Nous avons souvent l’occasion d’admirer les performances (et les succès) dont des rejetons issus de nos ­petites vallées alpines ont été et sont capables dans le vaste monde. Cela vaut tout particulièrement pour les vallées alpines sud de langue italienne (le Tessin avec ses nombreux vaux, le val Mesolcina, le val Bregaglia, le val Poschiavo et le val Müstair dans le canton des Grisons), dont les conditions de vie particulièrement rudes ont contribué à forger la capacité à s’imposer. Qui aurait pu supposer que les Giacometti se distingueraient du village-rue Stampa dans le val Bregaglia? Lorsque nous étions adolescents, nous écoutions avec enthousiasme – comme nous venons de l’apprendre sans détour – un autre citoyen du val Bregaglia originaire de Stampa: Vico Rigassi! Il était capable de commenter des matchs de football et de hockey sur glace en trois langues. Les trois émetteurs nationaux (Sottens, Ceneri et Beromünster) avaient réunis leurs canaux et toute la Suisse écoutait cet homme (et le comprenait!). A une époque où l’anglais est également devenu une sorte d’espéranto dans les congrès médicaux suisses, il vaut la peine de l’écouter encore une fois. Cette expérience laissera peut-être même naître une prise de conscience …
Rédigé le 03.08.2019.

Pour les médecins hospitaliers

Capteurs implantables de mesure de la pression dans l’artère pulmonaire

La surveillance de la pression dans l’artère pulmonaire (capteur implantable, CardioMEMS®) et la transmission sans fil à la surface du corps ont entraîné – dans des études relativement petites – une nette réduction du taux de réhospitalisation en cas d’insuffisance cardiaque en raison de l’adaptation thérapeutique rendu possible par ce biais [1]. Dans une étude exploratoire [2] réalisée sur 26 patients atteints d’hypertension artérielle pulmonaire sévère (insuffisance cardiaque secondaire NYHA III et IV), ce type de surveillance a également été testé et s’est avéré utile dans le cadre de cette indication. Dans ce groupe, le capteur implanté s’est révélé sûr avec un fonctionnement exempt de complications pendant quatre ans maximum.
Rédigé le 01.08.2019.

Maladie de Moschcowitz: plus de «signum mali ominis»

Le purpura thrombotique thrombocytopénique, acquis, d’origine auto-immune, est déclenché par des auto-anticorps inhibant une protéase (ADAMTS13) normalement censée dégrader le facteur von Willebrand, une molécule multimérisée. Il en résulte des microthromboses riches en plaquettes avec une anémie hémolytique d’origine mécanique (outre la consommation ­«périphérique» de thrombocytes) et des dysfonctionnements d’organes d’origine ischémique. Les approches thérapeutiques suivantes ont considérablement amélioré le pronostic de ce diagnostic, quasiment équivalent à l’origine à une sentence de mort (mortalité autrefois >90% et aujourd’hui <20%):
1 plasmaphérèse et perfusions de plasma (ou perfusions d’ADAMTS13 recombinante) pour éliminer les auto-anticorps et apport de protéases fonctionnelles;
2 perfusions d’anticorps (caplacizumab) pour inhiber les interactions entre les facteurs von Willebrand et les thrombocytes (objectif: réduction des microthromboses et contrôle des exacerbations);
3 immunosuppression pour inhiber à long terme la production d’auto-anticorps.
Rédigé le 04.08.2019.

Cela nous a réjouis

L’avantage de la blouse blanche et de la cravate

Sans détour, nous nous sommes réjouis qu’à la suite d’études précédemment réalisées auprès de divers ­hôpitaux américains[1], une étude de l’hôpital universitaire de Zurich [2] révèle que le soin apporté aux ­vêtements par le médecin suscite chez les patients davantage de confiance et un sentiment de compétence médicale supérieure. Toute une série de nuances sont décrites, notamment les préférences en fonction de l’âge des patients. Au vu de cette tendance, la version conservatrice des vêtements devrait néanmoins toujours être choisie; chez les femmes, il est recommandé de ne pas souligner de manière excessive d’éventuels atouts extérieurs. Le soin de l’apparence ne peut, bien entendu, pas remplacer la confiance inspirée tout naturellement, mais plutôt la renforcer significativement. L’étude documente également le respect général que les médecins sont disposés à témoigner à leurs patients.
Rédigé le 02.08.2019.

Cela ne nous a pas réjouis

Résistances alarmantes du VIH

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) rapporte que, dans 12 pays, les résistances du VIH envers des traitements dits de première intention (éfavirenz, ­névirapine) ont augmenté de plus de 10%. Avec cette fréquence, l’efficacité et le contrôle de l’épidémie sont remis en question. Les pays concernés se situent en Amérique centrale, en Afrique, mais aussi en Asie. Avec 25%, le Honduras est en triste tête. L’OMS recommande le passage à un autre médicament (doglutavir), ce qui, en présence de déficits identiques en termes de délivrance et de surveillance de la prise, devrait uniquement déplacer le problème.
Des virus IH (en jaune) infectent une cellule T humaine (en bleu). Crédit: Seth Pincus, Elizabeth Fischer and Austin Athman, National Institute of Allergy and Infectious Diseases/National Institues of Health (NIH).
Rédigé le 31.07.2019.

Cela ne nous a pas non plus réjouis

Ambassadeurs académiques et/ou marketing industriel?

En novembre se déroule à nouveau l’assemblée annuelle de la «American Society of Nephrology», la conférence du monde scientifique (jusqu’à présent) de loin la plus approfondie et passionnante sur le plan académique dans le domaine de la physiologie et pathologie rénales. Deux des trois orateurs principaux sont cette année à 100% des représentants de l’industrie (employés et entrepreneurs). Un pas dans la mauvaise direction! Nous y assisterons sans détour et viendront ensuite au rapport!
Rédigé le 31.07.2019.

Cela nous a également interpellés

Ce patient atteint de BPCO ne présente-il pas également une ostéoporose?

Les fractures vertébrales ostéoporotiques ont un effet négatif à long terme sur la capacité vitale pulmonaire. Processus inflammatoires systémiques, stress physique limité sur le squelette et causes associées au traitement jouent un rôle essentiel sur le plan étiologique en cas d’ostéoporose associée à une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Une grande analyse des ouvrages de référence révèle que la prévalence d’une ostéoporose en cas de BPCO s’élève à près de 40% ou encore qu’une BPCO triple la probabilité de la présence d’une ostéoporose (odds ratio 2,83). En cas de cachexie pulmonaire, la situation s’aggrave: les odds ratios s’élèvent à 4,26 pour un indice de masse corporelle inférieur à 18,5 et à 3,65 pour la présence d’une sarcopénie. En bref, en cas de BPCO, il convient de rechercher et de reconnaître précocement l’ostéoporose comme une comorbidité pertinente!
Rédigé le 01.08.2019.

Quizz diagnostic: pas si évident que supposé

Une sud-américaine âgée de 31 ans atteinte d’hyperménorrhée (fibrome/myome de l’utérus) et de dépression se plaint de douleurs abdominales diffuses, parfois accompagnées de vomissements. Les examens clinique et radiologique des douleurs abdominales n’ont fourni aucun diagnostic. Hémoglobine: 9,5 g/dl, hématocrite: 28%, MCV: 69 fl, réticulocytes: 5,4% (donnerait un indice de réticulocytes de 1,8), hypochromie et microcytose sévères au microscope. La panendoscopie (supérieure et inférieure) n’a abouti à aucun diagnostic. L’anamnèse (ultérieure) a révélé que la patiente avait pour obsession de gratter et manger la peinture des murs et le crépi de son appartement (trouble dit de Pica). Cette histoire s’étend sur plus de deux ans avec des améliorations et des récidives de l’anémie et/ou des douleurs abdominales. La patiente prenait parfois du sulfate de fer avec une amélioration documentée de l’anémie. Diagnostics entrant en question (1–4 réponses correctes possibles):
A Anémie ferriprive en présence d’hyperménorrhée avec Pica
B Thalassémie mineure
C «Craving» d’origine psychique pour les matériaux contenant du phosphate (liaison secondaire avec le fer dans l’intestin et troubles de l’absorption du fer comme par ex. pour les céréales)
D Intoxication au plomb

Réponse


L’électrophorèse de l’hémoglobine était normale, le matériau du mur ne contient aucun phosphate (ou uniquement bien fixé à des cations divalents tels que calcium/magnésium), bien que la séquence physiopathologique proposée soit en principe correcte. L’anémie ferriprive et l’hyperménorrhée qui en est principalement à l’origine sont évidentes, ainsi que les modifications gustatives aberrantes accompagnées de Pica en résultant. Et les douleurs abdominales? Sont-elles dues ou non au myome? La concentration de plomb dans le sang était considérablement accrue, de même que celle de la protoporphyrine dans les érythrocytes. Une analyse du matériau du mur dans l’appartement a identifié la source de plomb. Des signes d’intoxication au plomb autres que les douleurs abdominales, tels que ponctuations basophiles et lignes de plomb dans la bouche ou sur les os, faisaient défaut. Il n’existe aucune indication sur la pression artérielle (!). La carence en fer et la maladie psychique (?), ont ainsi entraîné un trouble de Pica, puis une intoxication au plomb. En cas d’ingestion de plomb, l’absorption intestinale du fer et l’assimilation du fer dans la protoporphyrine, et ainsi la synthèse de l’hème, sont inhibées (détails dans la référence). Les diagnostics A et D sont donc corrects.
Rédigé le 31.07.2019.