Sans détour
Journal Club

Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2020/3134
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2020.08576
Forum Med Suisse. 2020;20(3134):435-438

Publié le 29.07.2020

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur ... ostéonécrose non traumatique de la tête ­fémorale

– Responsable de 10% de toutes les implantations de prothèses de hanche.
– Cause dans >80% des cas: thérapie glucocorticoïde et/ou consommation excessive d’alcool.
– La pathogenèse n’est pas totalement comprise: inhibition des ostéoblastes et apoptose des ostéocytes par les glucocorticoïdes, lipomatose de la moelle osseuse (alcool, stéroïdes) avec probablement un dommage endothélial secondaire et des thromboses microvasculaires.
– Examen détaillé par imagerie par résonance magnétique avec une sensibilité/spécificité de pratiquement 100%.
– La thérapie conservatrice n’ayant de sens que dans des cas anatomiques particuliers.
– Possibilité de chirurgie préservant les articulations à un stade précoce.
– Endoprothèses totales avec des résultats à long terme comparables à ceux des prothèses dues à l’arthrose.
J Bone Joint Surg Am. 2020, doi.org/10.2106/JBJS.19.01271.
Rédigé le 29.06.2020.

Covid-19

Empêcher un deuxième «lockdown» universel: Porter des masques

La plupart des informations sur les conditions d’une infection par le SARS-CoV-2 sont encore mal étayées, par exemple la quantité minimale infectieuse de virus nécessaire et la déclaration selon laquelle une distance de deux mètres est protectrice. Taiwan (population de 24 millions, premier cas COVID-19 le 21 janvier 2020, fin mai seulement 441 cas, dont 7 mortels) avec l’obligation universelle de port de masque a pu interrompre efficacement la chaîne d’infection déjà pendant la première vague COVID-19 et en même temps empêcher un «lockdown»!
Il ne peut plus y avoir de doute quant à l’efficacité générale du port de masque, les preuves pertinentes sont encore une fois résumées dans la publication référencée ci-après.
Le port de masque peut interrompre efficacement la chaîne d’infection et empêcher un «lockdown» (© Toa555 | Dreamstime.com).
Rédigé le 28.06.2020.

Comment le remdésivir agit-il?

Les virus à ARN se répliquent dans la cellule hôte en utilisant une ARN polymérase spécifique au virus et dépendante de l’ARN. Cette enzyme de réplication est la cible d’un certain nombre d’analogues nucléotidiques, dont le remdésivir.
Cet article décrit comment le remdésivir forme un complexe avec le modèle d’ARN («RNA template»), qui a son tour fait de même avec l’enzyme, la polymérase, elle-même. Cela permet de stopper l’allongement de la chaîne d’ARN après avoir copié la première base.
Cette information structurelle est importante pour le développement d’inhibiteurs de l’ARN polymérase plus puissants et la poursuite du développement de ces substances à large spectre d’activité contre les virus à ARN, y compris le SARS-CoV-2.
Rédigé le 28.06.2020.

Pertinents pour la pratique

Des temps difficiles pour la médecine informa­tisée (1)

Les aides à la prise de décision assistées par ordinateur jusqu’aux algorithmes de diagnostic («intelligence artificielle») connaissent une grande popularité et tentent à grande échelle d’accéder au marché.
Le fait que l’ordinateur ne soit pas toujours meilleur que le médecin de famille est démontré dans une grande étude contrôlée, multicentrique, dite «cluster-randomized»* (Autriche, Allemagne, Italie, Grande-Bretagne): Environ la moitié d’un total de 4000 médecins de famille ont reçu un programme électronique pour la prescription de médicaments, l’autre moitié a continué à prescrire seule. Le programme a été conçu principalement pour prévenir la polypharmacie et les prescriptions de médicaments non fondées sur des preuves. Après deux ans d’utilisation, le nombre de médicaments pris dans le groupe utilisant le programme a été réduit de beaucoup moins d’un (moins 0,4), mais il n’y a pas eu de différence pour les critères d’évaluation durs choisis de manière relativement ambitieuse (hospitalisations non planifiées et mortalité).
Le verre est donc à moitié plein pour les promoteurs de tels programmes (un peu moins de médicaments) et à moitié vide pour les sceptiques (pas vraiment de différence révolutionnaire). Un examen de l’institution Cochrane, qui est généralement conservatrice, soutient les sceptiques.
* «Cluster-randomized» signifie ici que plusieurs cabinets de médecins généralistes proches d’un des centres d’étude ont été randomisés en un seul groupe, et que ce ne sont pas des cabinets individuellement randomisés qui ont été étudiés.
Rédigé le 28.06.2020.

Evolution dans le temps de l’endocardite infectieuse

Malgré les améliorations diagnostiques et thérapeutiques, l’endocardite reste accompagnée d’une mortalité et d’une morbidité élevées. Y a-t-il néanmoins des changements importants au fil du temps?
Une caractérisation de l’évolution d’une endocardite infectieuse en Ecosse, menée sur une période de 24 ans (1990–2014), montre qu’après une première augmentation les taux d’hospitalisation due à cette maladie sont restés stables à un peu moins de 9 pour 100 000 habitants depuis 1995. Au total, plus de 7600 hospitalisations ont été observées, avec une moyenne d’âge de 65 ans et une répartition quasi égale des patients par sexe. L’incidence a doublé pendant la période d’observation pour les patients de plus de 80 ans. La mortalité a légèrement diminué (indiquée comme mortalité à 1 an chez les personnes âgées de 65 ans): pour les femmes de 27,3 à 23,7%, pour les hommes de 30,7 à 26,8%. Dans la moitié des cas seulement, les hémocultures étaient également positives, les staphylocoques avec 42% des cas et les streptocoques spp. avec un peu plus de 35% étaient les agents pathogènes les plus courants. Les staphylocoques et les entérocoques se sont avérés être les germes les plus dangereux, avec un risque de mortalité multiplié par 3 ou 4.
Il reste à voir comment les nouvelles lignes directrices (vers 2015) pour la prophylaxie antibiotique dans presque tous les pays occidentaux (abandon ou simplification de la prophylaxie en cas de risque faible ou moyen) affecteront la situation.
Rédigé le 29.06.2020.

Pour les médecins hospitaliers

Temps de travail: une étude qui ne peut être interprétée

Il est généralement admis que la réduction du temps de travail des médecins de service entraîne une diminution des erreurs médicales. Une étude menée auprès de médecins de service (333 «residents» en 2e et 3e année après avoir obtenu leur diplômes) dans les unités de soins intensifs pédiatriques américaines a montré le contraire!
Les équipes travaillant de nuit avec un temps de repos de 24 heures (groupe d’intervention) ont été comparés aux équipes travaillant 24 heures d’affilée avec ensuite un temps de repos de 24 heures. Les médecins du groupe d’intervention dormaient plus et travaillaient moins de temps par semaine (un bon 62 versus 68 heures dans le groupe de contrôle). Toutefois, ils ont commis un nombre d’erreurs nettement plus élevé (plus environ 50%). Pour des raisons qui ne sont pas directement compréhensibles, ils ont également soigné plus de patients (8,8 ± 2,8 versus 6,7 ± 2,2 dans le groupe de contrôle). Cette différence n’est probablement pas significative, mais il n’y a pas d’information à ce sujet dans le travail.
Du point de vue suisse, ces chiffres largement dispersés (ainsi que la durée hebdomadaire du travail) peuvent être considérés comme plutôt élevés dans les deux groupes. On ne dispose pas d’informations sur d’autres influences sur les résultats, tels que les effets du transfert d’informations entre les équipes, la dotation et la présence de médecins superviseurs.
N Engl J Med. 2020, doi.org/10.1056/NEJMoa1900669.
Rédigé le 29.06.2020.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5A comme agents anti-ostéoporotiques?

Si les humains se comportaient comme des souris, l’évaluation clinique de l’effet des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5A (sildénafil, tadalafil, vardénafil) sur la masse osseuse serait intéressante. Chez la souris, ces substances ont un effet stimulant sur les ostéoblastes et inhibent les ostéoclastes. Ainsi, ils découplent les taux de formation et de résorption osseuses normalement coordonnés et augmentent la masse osseuse. La durée de ce découplage est une question importante qui reste bien sûr ouverte. Les résultats sont étayés par les effets de l’oxyde nitrique et des donneurs d’oxyde nitrique tels que les nitrates in vitro (ostéoblastes et ostéoclastes). Les groupes d’étude possibles comprendraient non seulement des hommes atteints d’ostéopénie, mais aussi des femmes souffrant d’ostéoporose postménopausique.
Proc Natl Acad Sci U S A. 2020, doi.org/10.1073/pnas.2000950117.
Rédigé le 28.06.2020.

L’hépcidine comme agent thérapeutique anti-­inflammatoire?

Le fer dit libre peut entraîner la mort cellulaire par formation de radicaux libres ou peroxydation des lipides, ce qui aggrave le cours des infections, des processus inflammatoires et des troubles circulatoires. L’organisme a donc intérêt à maintenir la concentration de fer libre (non lié) à un faible niveau au moyen de molécules liant le fer comme la ferritine ou la «neutrophil gelatinase-associated» lipocaline (NGAL). Un autre mécanisme de protection connu est l’hépcidine. Cette protéine produite dans le foie empêche le principal canal de transport du fer, la ferroportine, d’atteindre la surface des cellules. Sous l’effet de la libération accrue d’hépicidine lors d’inflammations et d’infections, moins de fer est donc absorbé par le duodénum et il peut être moins bien libéré par les cellules qui stockent le fer (voir figure).
Cette «hyper-hepcidinémie» est-elle également protectrice? Dans un modèle de souris atteintes de néphrite lupique spontanée (souris MRL/Lpr), la supplémentation en hépcidine a effectivement conduit à une inhibition significative de la gravité et de la progression de la néphrite lupique.
Il s’agit d’une approche intéressante, compte tenu de l’option thérapeutique souvent stressante et riche en effets secondaires dans le cas du lupus érythémateux en particulier et des maladies auto-immunes en général.
A) Absorption du fer dans le duodénum: le fer est absorbé au niveau luminal par le DMT-1 («divalent metal transporter») et il quitte les cellules ­duodénales via la ferroportine, qui est régulée négativement par l’hepcidine. Lié à la transferrine, le fer atteint ensuite la moelle osseuse et d’autres ­réserves (macrophages, foie). B) Le fer lié à la transferrine est absorbé dans les hépatocytes et les macrophages via les récepteurs de la transferrine et il quitte ces cellules via la ferroportine. Comme dans les cellules duodénales, la ferroportine est régulée négativement par l’hepcidine et la libération de fer est donc inhibée. (De : Martius F, Krapf R. Erythroferrone: encore une nouvelle hormone! Forum Med Suisse. 2014;14(48):896–7.)
Rédigé le 28.06.2020.

Cela ne nous a pas réjouis

Apparition accrue de la trachéobronchomalacie

Sur le plan clinique, il s’agit d’un effondrement (principalement expiratoire) de la trachée et des bronches à la suite d’une atrophie du tissu cartilagineux, voire d’une nécrose. Dans une analyse rétrospective portant sur environ 150 patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et 310 patients souffrant d’asthme de longue date, l’application à long terme de stéroïdes topiques a été associée à une probabilité trois fois plus élevée de développer une trachéobronchomalacie. Cet effet était spécifique aux glucocorticoïdes après correction de diverses variables et dépendait de la durée du traitement en mois. Parmi les autres facteurs de risque, citons l’âge, le reflux gastro-­œsophagien et – étonnamment – malheureusement aussi les antagonistes muscarinergiques à action prolongée.
Rédigé le 29.06.2020.

Toujours digne d’être lu

Histoire du masque facial en médecine

Cet aperçu, qui se réfère principalement à des travaux plus récents et est coécrit par un auteur suisse, décrit comment Johann Mikulicz a commencé à porter des masques en coton à l’université de Wroclaw en 1897. Ceux-ci devaient couvrir le nez, la bouche et la barbe. Auparavant, Carl Flügge, qui enseignait au même endroit, avait prouvé expérimentalement que les gouttelettes d’air expiré contenaient des bactéries cultivables. Les masques étaient initialement lavables, mais dès les années 1930, des modèles jetable étaient disponibles. Comme on le sait, la police et le personnel médical ont été obligés de porter des masques pendant la pandémie de grippe de 1918/19. Le port obligatoire de masques également parmi la population générale, non sans controverse, a probablement eu beaucoup de succès à l’époque (par exemple à San Francisco).
Port de masque pendant la pandémie de grippe de 1918/19 (© Satori13 | Dreamstime.com).
Rédigé le 29.06.2020.

Cela nous a également interpellés

Des temps difficiles pour la médecine informa­tisée (2): l’intelligence artificielle

De nombreuses études sur l’application de l’intelligence artificielle en médecine ne sont pas très transparentes, du moins en ce qui concerne les informations sur la méthode, la rétro- contre prospectivité ainsi que l’analyse et la nature des données utilisées, et ne sont pas faciles à comprendre, du moins pour le lecteur. Les lignes directrices, comprenant ce qui devrait spécifiquement figurer dans ces publications, doivent maintenant être rendues contraignantes au cours de l’année 2020 par un nouveau consensus (STARD-AI). Une initiative très bienvenue!
Rédigé le 28.06.2020.
Une version encore plus actuelle du «Sans détour» est disponible «online first» sur medicalforum.ch et également en podcast (en allemand) sur emh.ch/podcast ou sur votre app podcast sous «EMH Journal Club»!