Renforcer la résili­ence des systè­mes de santé face aux maladies infectieuses
Leçons à tirer de la pandémie de COVID-19

Renforcer la résili­ence des systè­mes de santé face aux maladies infectieuses

Aktuell
Édition
2020/4748
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2020.08628
Forum Med Suisse. 2020;20(4748):710

Affiliations
Geneva Transformative Governance Lab, Global Studies Institute, Université de Genève

Publié le 17.11.2020

En tirant certaines leçons de la pandémie de COVID-19, cet article identifie un cadre commun pour aborder à la fois la résistance antimicrobienne et le COVID-19 afin de renforcer la résilience face aux maladies infectieuses.

Introduction

Malgré les progrès accomplis dans le domaine des maladies infectieuses, ces dernières restent parmi les menaces les plus significatives auxquelles l’humanité est confrontée [1]. Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS ou en englais SARS), le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), la grippe pandémique H1N1 ou H5N1 et désormais la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) sont des exemples de maladies émergentes, qui peuvent rapidement se propager au sein de la population, causer une morbidité et une mortalité significatives, et bouleverser le fonctionnement des sociétés. En plus des maladies émergentes, la résistance antimicrobienne croissante est devenue un obstacle à la prise en charge clinique de nombreuses infections communautaires et nosocomiales, entravant ainsi le contrôle de maladies endémiques. L’attention mondiale est actuellement focalisée sur les leçons à tirer de la pandémie de COVID-19, mais il est également nécessaire de réfléchir à la manière dont nous pouvons renforcer nos capacités de lutte contre les maladies infectieuses de façon plus générale [2]. La nécessité de maintenir l’engagement vis-à-vis de la résistance antimicrobienne [3] et de mieux comprendre les liens entre la pandémie de COVID-19 et la résistance antimicrobienne [4] a récemment été soulignée dans la littérature. En considérant à la fois le COVID-19 et la résistance antimicrobienne, il est possible d’identifier des priorités communes afin de construire des sociétés et des systèmes de santé qui soient résilients face aux maladies infectieuses. La résilience désigne la capacité des systèmes de santé à faire face, à s’adapter et à se transformer lorsqu’ils sont confrontés à des perturbations telles que celles causées par le COVID-19 ou la résistance antimicrobienne. La première étape consiste à caractériser les différences et les similitudes entre ces deux défis en termes de facteurs favorisants («drivers»), de conséquences, de risques pour la société et de lien qui les unit. Ensuite, des priorités politiques communes sont identifiées pour les deux problématiques. Enfin, l’article tente de faire ressortir un cadre commun afin de renforcer la résilience face aux maladies infectieuses.

Comparaison entre résistance antimicrobienne et COVID-19

Le COVID-19 et la résistance antimicrobienne constituent deux défis microbiologiques distincts. Le COVID-19 est une maladie provoquée par un coronavirus, qui a initialement été décrit à Wuhan, en Chine, en décembre 2019, et qui est responsable d’infections aiguës avec des complications potentiellement sévères. L’épidémiologie du COVID-19 n’est pas totalement comprise, mais plusieurs facteurs de risque ont été identifiés, incluant l’âge et les comorbidités [5]. Du fait de la pression de sélection, la résistance antimicrobienne affecte pratiquement tous les pathogènes et elle résulte de la consommation abondante d’antibiotiques dans le domaine de la santé humaine et animale [6]. Au-delà de leur origine microbiologique distincte, il existe certains facteurs favorisants communs entre le COVID-19 et la résistance antimicrobienne. Tout d’abord, les deux problématiques sont liées aux interactions croissantes entre les humains et les animaux, ainsi qu’à la perturbation de la santé planétaire [7–10]. Ensuite, leur émergence et leur propagation sont facilitées par des facteurs sociaux, tels que la pauvreté ou le manque d’éducation, des facteurs culturels, l’urbanisation, ainsi que la mondialisation des voyages et des échanges commerciaux [11].
En termes d’impact, le COVID-19 constitue une menace aiguë, tandis que la résistance antimicrobienne représente principalement une catastrophe qui progresse lentement [12]. Les deux ont un impact important sur la santé publique à l’échelle mondiale: plus d’1 million de décès dus au COVID-19 ont été rapportés et la résistance antimicrobienne est, quant à elle, responsable d’environ 700 000 décès par an et de peut-être bien plus à l’avenir [13]. Le COVID-19 est essentiellement une menace symptomatique, seuls 20% des individus infectés étant asymptomatiques. La résistance antimicrobienne, en revanche, passe souvent inaperçue, avec un très faible rapport entre l’infection et la colonisation. En plus de leurs conséquences sanitaires, la résistance antimicrobienne et le COVID-19 sont associés à des coûts économiques directs et indirects élevés pour la société [13, 14]. En tant que problème aigu, le ­COVID-19 peut paralyser les transports et entraîner des restrictions aux frontières, comme cela est le cas depuis le printemps 2020. La résistance antimicrobienne, de son côté, se propage le plus souvent de façon imperceptible par le biais des voyageurs internationaux, des animaux et des denrées alimentaires contaminées [15]. En résumé, bien que leur temporalité soit différente, les deux problèmes affectent fortement le développement durable.
La résistance antimicrobienne et le COVID-19 sont liés de plusieurs manières. L’interaction complexe entre les infections virales et bactériennes est mal comprise, mais le COVID-19 pourrait amplifier la résistance antimicrobienne via différents mécanismes [16]. Les co-infections bactériennes étant une cause importante de morbidité et de mortalité durant les infections virales, le premier mécanisme réside dans l’utilisation accrue d’antibiotiques et/ou dans leur utilisation sous-optimale en raison de la pandémie [17]. Deuxièmement, la vaste utilisation de désinfectants, en particulier de concentrations sublétales de biocides dans l’environnement, pourrait provoquer une perturbation du microbiome et contribuer à l’augmentation de la résistance antimicrobienne [18, 19]. Troisièmement, l’un des effets systémiques de la pandémie de COVID-19 est qu’elle limite les campagnes de vaccination, particu­lièrement dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires [20]. Cela pourrait se traduire par une augmentation de la prévalence de certaines maladies infectieuses et, ultérieurement, par une hausse de la consommation d’antibiotiques. Par contre, la sensibilisation accrue et les mesures de prévention des infections en lien avec la pandémie de COVID-19 (par ex. hygiène des mains) pourraient atténuer la transmission de la résistance antimicrobienne [21]. Quatrièmement, le COVID-19 et la résistance antimicrobienne sont également liés en termes d’allocation des ressources. Dans les systèmes de santé, la réorientation des ressources vers le COVID-19 pourrait réduire l’efficacité des programmes de gestion de l’utilisation des antibiotiques [4]. Au niveau politique, la mise au second plan des risques liés à la ­résistance anti­microbienne, comme ce fut le cas après les évènements du 11 septembre 2001, a entraîné une réorientation de l’action sanitaire mondiale vers la ­sécurisation de la santé et s’est traduite par la perte d’une décennie pour agir contre la résistance antimicrobienne.

Priorités politiques communes/­synergiques

Combattre le COVID-19 requiert une réponse de santé publique rapide appuyée par les vastes pouvoirs des gouvernements afin d’imposer des mesures de distanciation sociale, de quarantaine et d’isolement. En revanche, pour la résistance antimicrobienne, l’enjeu consiste à limiter l’émergence et la propagation de ­nouveaux pathogènes. Réduire notre dépendance aux ­antibiotiques est un combat de longue haleine, qui est marqué par une course pour prévenir les flambées de pathogènes multi- ou pan-résistants. Au-delà de ces différences évidentes, il convient d’évaluer les similitudes et les différences au niveau de la lutte contre le COVID-19 et la résistance antimicrobienne afin d’identifier les différents défis en termes d’action collective globale [22], qui peut être définie comme les principales priorités politiques à fixer pour combattre les maladies infectieuses. En raison des vulnérabilités des systèmes de santé et des capacités de santé publique dans de nombreux pays, relever ces défis d’action collective s’avère décisif pour rendre les systèmes de santé résilients à la fois face au COVID-19 et à la résistance ­antimicrobienne.

Surveillance et contrôle de l’infection

Mettre en place des politiques et des réponses judicieuses pour faire face à la fois aux maladies infectieuses émergentes et à la résistance antimicrobienne présuppose une information adéquate et disponible en temps opportun. La surveillance épidémiologique est un prérequis fondamental pour initier une réponse rapide avant que des flambées de maladies infectieuses ne se transforment en épidémies à grande échelle, voire en pandémies. Tandis que des systèmes de surveillance modernes ont été mis sur pied dans de nombreux pays à hauts revenus, il existe des fossés importants dans les pays à revenus faibles et intermédiaires. Renforcer la détection précoce de maladies émergentes ou ré-émergentes dépend tout autant de la disponibilité des technologies que des compétences du personnel formé. Les laboratoires jouent un rôle central dans l’identification rapide de pathogènes pertinents. Les efforts déployés par le passé pour renforcer la surveillance de maladies spécifiques, telles que la tuberculose, le paludisme et le VIH-SIDA, suggèrent que l’investissement peut améliorer les capacités [23]. Il est urgent de mettre en place des systèmes de surveillance intégrés, qui collectent et harmonisent les données de santé ­humaine, les données de santé animale et les données environnementales [24, 25]. Les recommandations élaborées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant les pathogènes d’origine alimentaire représentent un bon exemple [26]. Des efforts à l’échelle nationale ne sont pas suffisants. La version révisée du Règlement sanitaire international (RSI), qui est entrée en vigueur en 2007, impose le développement de capacités de surveillance de base et la notification à l’OMS de tout évènement pouvant devenir une urgence de santé publique de portée internationale. La pandémie de COVID-19 a montré que le respect des normes reconnues à l’échelle internationale est déterminant pour qu’un système d’alerte précoce fonctionne. Pour élargir le champ d’application du RSI afin qu’il couvre l’émergence de pathogènes pan-résistants [27], une solution serait de créer un système avec des niveaux d’alerte plus bas en plus de la déclaration d’une urgence de santé publique de portée internationale.
Les capacités de surveillance devraient se traduire par la capacité à agir rapidement lorsque des flambées sont détectées. Il s’agit là d’un aspect important pour les menaces virales émergentes, mais également pour les souches extrêmement résistantes ou pan-résistantes de bactéries pathogènes ayant un impact de santé publique significatif. Le contrôle des infections repose à la fois sur des interventions pharmaceutiques et non-pharmaceutiques, telles que l’isolement, la quarantaine, la distanciation sociale, etc. La pandémie de COVID-19 a démontré que même les pays dont les capacités de réponse étaient considérées comme adéquates n’étaient en réalité pas préparés à relever le défi d’un pathogène respiratoire émergent tel que le SARS-CoV-2 [28]. Il faut en tirer une leçon importante. Etant donné que le temps et le leadership représentent les deux facteurs fondamentaux lorsqu’il est question d’agir rapidement contre les maladies infectieuses, la préparation multisectorielle doit devenir une priorité pour chaque pays. Au niveau international, le RSI souligne la nécessité de développer des capacités de réponse de base (incluant des équipes multidisciplinaires chargées de réagir aux évènements, une communication rapide et efficace entre les différentes institutions nationales et internationales, une communication des risques à la population et du personnel formé). Ces capacités fondamentales sont décisives pour faire face à la menace pandémique, mais également pour limiter la résistance antimicrobienne. Au-delà de la nécessité d’être préparé, une autre leçon que nous enseigne la pandémie de COVID-19 est que la capacité à absorber le choc résultant d’une pandémie dépend du filet de sécurité plus large, qui permet aux gens de modifier leur comportement sans subir des pertes de revenus catastrophiques.

Prévention des infections et préservation de l’efficacité antimicrobienne

La prévention des infections est essentielle pour faire face à la fois aux menaces sanitaires mondiales et à la résistance antimicrobienne. Au niveau communautaire, la vaccination, l’hygiène et l’assainissement sont des mesures clés pour réduire le fardeau des maladies infectieuses. Certaines de ces mesures sont également essentielles pour réduire l’usage des antibiotiques. Par exemple, les vaccins contre Haemophilus influenzae de type b ont réduit la résistance antimicrobienne et l’utilisation des antibiotiques contre ce pathogène [29]. De façon similaire, l’introduction du vaccin antipneumococcique a réduit la résistance de Streptococcus pneumonia [30–33]. S’agissant de la pandémie de COVID-19, la disponibilité future d’un vaccin est perçue comme un tournant potentiel. Toutefois, la réticence à l’égard des vaccins a entravé le progrès dans les pays à hauts revenus et pourrait constituer un obstacle pour combattre la pandémie de COVID-19. La pandémie de COVID-19 a amélioré la compréhension au sujet des mesures de prévention et de contrôle des infections au sein de la population. Par exemple, l’hygiène des mains, qui est également une mesure déterminante pour prévenir les infections associées aux soins, s’est améliorée dans la population. La mise en ouvre de ces mesures dans la communauté pourrait réduire la propagation de la résistance antimicrobienne [21, 34]. Au cours des 20 dernières années, de nombreux efforts ont été entrepris pour intensifier la prévention des infections dans les pays à revenus faibles et intermédiaires, dans lesquels le fardeau des maladies infectieuses reste élevé, particulièrement pour la population la plus vulnérable. Le COVID-19 a cependant montré que de nombreux acquis durement gagnés peuvent être mis en péril lorsqu’un choc bouleverse les systèmes de santé et la société.
L’introduction des antibiotiques dans la pratique clinique a été l’une des plus grandes prouesses de la médecine au cours du 20e siècle. La pandémie de COVID-19 souligne l’importance de préserver l’efficacité des antibiotiques pour la médecine contemporaine. Les hospitalisations prolongées et les procédures de ventilation invasive sont associées à un risque élevé d’infections associées aux soins. La disponibilité d’antibiotiques efficaces est alors déterminante pour la prise en charge des cas sévères de COVID-19. Dans la mesure où le COVID-19 peut créer des conditions propices à l’utilisation abusive ou inadéquate d’antibiotiques, des mesures concrètes, telles que les tests systématiques des patients COVID-19 avec infection bactérienne concomitante, sont nécessaires pour mieux intégrer la gestion de l’utilisation des antimicrobiens dans la réponse à la pandémie [16]. Par ailleurs, l’expérience acquise via le développement de programmes de gestion des anti­microbiens peut aider à faire face à plusieurs phénomènes liés au COVID-19, notamment la pénurie de ­médicaments, le développement de lignes directrices et l’identification des patients [35, 36]. Enfin, les programmes de gérance et de formation pour la prise en charge de maladies virales, telles que la grippe ou les refroidissements, peuvent réduire l’utilisation inadéquate d’antibiotiques, qui sont fréquemment utilisés dans la population bien qu’ils n’aient aucun effet contre ces maladies.

Innovation et accès

Les technologies de la santé, telles que les médicaments, les vaccins et les tests diagnostiques, sont essentielles pour faire face à la fois aux urgences sanitaires et à la résistance antimicrobienne. L’absence de technologies de la santé préexistantes contre le COVID-19 a été un problème majeur pour répondre à la pandémie. Néanmoins, le COVID-19 a mis en lumière la capacité de l’industrie à réaffecter ses ressources dans un but sociétal, avec à présent une concurrence acharnée pour le développement d’un vaccin. En même temps, l’obsolescence des antibiotiques nécessite le développement de nouveaux produits, y compris de nouvelles classes d’antibiotiques [37, 38]. Il existe actuellement un fossé entre les bénéfices sociétaux de ces technologies pour lutter contre les maladies infectieuses et le niveau de recherche et développement déployé par le secteur privé. Les défaillances de marché sont dues au fait que la recherche et le développement de nouvelles technologies de la santé sont une entreprise risquée et coûteuse et que les laboratoires pharmaceutiques focalisent les investissements sur les ­produits qui sont susceptibles d’offrir les rendements les plus élevés [39]. Des tentatives concrètes visant à encourager la recherche et le développement par ­l’industrie pharmaceutique (y compris des mécanismes, tels que les exonérations d’impôts, le financement public, l’extension de brevet et l’établissement d’un partenariat de développement de produits) ont été mises en œuvre dans certains pays, mais elles ne sont à ce jour pas parvenues à engendrer le changement majeur nécessaire en ce qui concerne le développement de technologies de la santé pour les maladies infectieuses.
Même lorsque les technologies de la santé sont produites par le marché, la tarification actuelle empêche de nombreuses personnes d’y accéder, particulièrement dans les pays à revenus faibles et intermédiaires. En tant que composante fondamentale de la couverture de santé universelle, l’accès aux médicaments peut être perçu à la fois comme un défi d’équité et de sécurité [41, 42]. Le manque d’accès est désormais une préoccupation majeure en ce qui concerne la disponibilité attendue d’un vaccin contre le SARS-CoV-2. Avec une coordination internationale limitée, les problèmes de distribution à la fois au sein des pays et entre les pays peuvent entraver la lutte contre le COVID-19. Le manque d’accès ne se limite pas uniquement aux menaces sanitaires mondiales, mais c’est aussi un problème pour la résistance antimicrobienne. La résistance antimicrobienne aux médicaments de première ligne, qui sont généralement moins onéreux que les médicaments de deuxième ou de troisième ligne, remet en cause l’accès à ces derniers dans les pays à revenus faibles et intermédiaires [42]. Augmenter l’accès aux antibiotiques pourrait drastiquement réduire la mortalité des enfants de moins de cinq ans liée à la pneumonie communautaire [43]. Face à ce manque d’accès, il est nécessaire de développer des incitatifs et de nouveaux modèles d’entreprise, avec également une réaffectation des tâches et fonctions entre les acteurs publics et privés, afin de se préparer aux menaces sanitaires mondiales et de pouvoir y répondre. Au cours des 20 dernières années, des progrès ont été accomplis pour améliorer l’accès aux médicaments dans les pays à revenus faibles et intermédiaires (le travail du Fonds mondial en est un bon exemple). Toutefois, sans mécanismes internationaux pour éliminer les obstacles à l’accès, de nombreux défis persistent [44]. Une analyse récente suggère qu’un traité juridique international pourrait constituer une solution durable [45].

Vers un cadre commun pour renforcer la résilience face aux maladies infectieuses

Tandis que la communauté mondiale tire des leçons de l’échec collectif de préparation et de réponse à la pandémie [28], il y a actuellement une fenêtre d’opportunité pour renforcer la manière dont nous répondons aux défis des maladies infectieuses. La résistance antimicrobienne et le COVID-19 sont deux problèmes qui se distinguent par des différences majeures quant à la manière d’y faire face. Toutefois, l’analyse des défis collectifs de surveillance, de contrôle et de prévention des infections, de conservation, d’innovation et d’accès [46–49] démontre des similitudes importantes. Utiliser un cadre commun pour tenter d’accroître la résilience à ces défis présente des avantages évidents. Le premier est que cela évite d’éclipser l’engagement vis-à-vis de la résistance antimicrobienne, dont la temporalité diffère de celle de la pandémie de COVID-19. Deuxièmement, comme les sociétés doivent être préparées aux surprises [9], des investissements soutenus dans la prévention et le contrôle de l’infection s’avèrent décisifs pour construire des systèmes de santé résilients qui sont capables d’anticiper et d’atténuer les problèmes avant qu’ils ne deviennent excessivement difficiles d’y ­répondre. Troisièmement, la prévention et le contrôle du COVID-19 et de la résistance antimicrobienne requièrent des efforts multisectoriels au carrefour de la médecine humaine, animale et environnementale. Le meilleur moyen de relever ces deux défis est d’adopter une approche «One Health» qui favorise la collaboration multilatérale entre les parties prenantes et tente de remédier aux vulnérabilités générées par le changement environnemental induit par l’homme [50–54]. Alors qu’il a été estimé que le renforcement de notre capacité à répondre à la crise sanitaire via une approche multidimensionnelle pourrait coûter 4,5 milliards de dollars américains par an [46], une approche «One Health» intégrée présenterait également des bénéfices financiers et des économies d’échelle pour contrôler la résistance antimicrobienne [2]. C’est à présent aux Etats de s’engager autour de cette vision élargie de sécurité sanitaire mondiale, de solidarité et de durabilité et de la faire adopter par la prochaine Assemblée mondiale de la Santé en mai 2021 et, compte tenu de la nature intersectorielle plus vaste du défi, par les Nations Unies.
Cet article a été rédigé dans le cadre du projet AMR-resilience (subvention 40AR40_180189) et du projet COVID-19 et crises systémiques ­(subvention 31CA30_196396), tous deux financés par le Fonds national suisse.
Dr méd. Didier Wernli
Global Studies Institute, Sciences II
Quai Ernest-Ansermet 30
Case postale
CH-1211 Genève 4
didier.wernli[at]unige.ch
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