La diversité des tumeurs malignes de l’utérus
Points communs et différences

La diversité des tumeurs malignes de l’utérus

Übersichtsartikel
Édition
2021/1718
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2021.08724
Forum Med Suisse. 2021;21(1718):290-296

Affiliations
a Gynäkologisches Tumorzentrum, Inselspital, Universitätsspital Bern; b Universitätsklinik für Frauenheilkunde, lnselspital Bern; c Universitätsklinik für Radio­onkologie, Inselspital Bern; d Universitätsklinik für Medizinische Onkologie, Inselspital Bern; e Praxis für Gynäkologie und Geburtshilfe, Murten, und Engeriedspital, Lindenhofgruppe, Bern

Publié le 27.04.2021

Les tumeurs utérines malignes provenant de l’endomètre, du myomètre ou du col de l’utérus peuvent toutes s’exprimer par des saignements vaginaux pathologiques. Toutefois, elles se distinguent considérablement en termes de pathogenèse, évolution et pronostic.

Carcinome de l’endomètre

Epidémiologie et pathogenèse

Le carcinome de l’endomètre constitue la tumeur gynécologique la plus fréquente et le développement démographique présage une augmentation de son incidence. Plus de 75% des patientes sont post-ménopausées, près de 10% ont toutefois moins de 45 ans au moment du diagnostic. Avec un taux de survie à 5 ans de 80%, le pronostic du carcinome de l’endomètre est favorable, le diagnostic est généralement établi à un stade précoce [1].
L’excès d’œstrogènes joue un rôle essentiel dans la carcinogenèse, par exemple en cas de ménarche précoce, d’infertilité ou de syndrome métabolique. 2–5% des cas présentent une prédisposition génétique (carcinome colorectal héréditaire sans polypose, syndrome de Cowden ou de Lynch). En présence d’une hyperplasie simple de l’endomètre, le risque de carcinome endométrial est de 4%, tandis que l’hyperplasie atypique de l’endomètre est considérée comme une lésion précurseur avec un risque de dégénérescence allant jusqu’à 45%.

Classification

Du point de vue histologique, le carcinome de l’endomètre est divisé en deux catégories: le type I correspond aux adénocarcinomes endométrioïdes hormonosensibles, plus fréquents. Le type II regroupe les carcinomes à cellules claires et séreux hormono-indépendants, moins différenciés et plus agressifs, ainsi que les carcinosarcomes. Dans le cadre du projet «The Cancer Genome Atlas» (TCGA), quatre sous-types moléculaires significatifs pour le pronostic et le traitement ont été identifiés en 2013 (tab. 1), entamant ainsi l’ère de la médecine personnalisée dans le traitement du carcinome endométrial [2].
Tableau 1: Nouveaux sous-types moléculaires du carcinome de l’endomètre (CE).
Classification ­moléculaire du CE«POLE ultramutated»«Microsatellite instability»«Copy number low»«p53mutant» 
(«copy number high»)
Prévalence estimée5–15%25–30%30–40%5–15%
HistologieSouvent G3, de nombreux TILSEndométrioïde, souvent G3, LVSI positifsEndométrioïde G1–2Carcinomes séreux ou endométrioïdes G3
DiagnosticMutation POLEInstabilité des micro­satellitesDiagnostic d’exclusionMutation p53
Tableau cliniquePatientes jeunes3% d’origine génétique ­(syndrome de Lynch)Associé à l’adipositéDiagnostic au stade avancé
PronosticExcellent pronosticPronostic dépend du stadePronostic dépend du stadeMauvais pronostic
POLE: «DNA polymerase epsilon»; LVSI: «lymphovascular space involvement»; TILS: «tumorinfiltrating lymphocytes».

Diagnostic

Symptômes

Les saignements post-ménopausiques, dus dans 10% des cas à un carcinome de l’endomètre, constituent le principal symptôme. Jusqu’à 90% des femmes concernées présentent dès le stade précoce des symptômes sous forme de trouble hémorragique. Contrairement au carcinome cervical, il n’existe aucun dépistage.

Examens diagnostiques préopératoires

En présence d’anomalies hémorragiques, l’examen gynécologique sert à localiser la source des saignements. L’échographie transvaginale permet d’évaluer l’épaisseur de l’endomètre; après la ménopause, une valeur >3 mm nécessite un examen approfondi. Cela peut avoir lieu en ambulatoire au cabinet de gynécologie et sans anesthésie au moyen de la «Pipelle de Cornier®» (biopsie de l’endomètre par aspiration). Il est ainsi possible de mettre en évidence une malignité, mais pas de l’exclure. En cas de résultat négatif ou non représentatif, une hystéroscopie et un curetage sont nécessaires pour confirmer l’histologie. En présence d’une suspicion clinique d’un stade avancé ou d’une histologie agressive, un examen tomodensitométrique (TDM) est indiqué à la recherche d’une atteinte extra-utérine.

Stadification

La stadification du carcinome de l’endomètre s’effectue comme classification opératoire selon FIGO1 2009 et détermine la radicalité de l’intervention chirurgicale et des traitements adjuvants. En 2016, la «ESMO-ESGO-ESTRO2–4 Consensus Conference» a en outre classé le carcinome de l’endomètre en des groupes de risque («low», «intermediate», «high-intermediate» et «high»), qui sont significatifs pour la recommandation thérapeutique chirurgicale et adjuvante [3].

Traitement

Chirurgie

La technique chirurgicale laparoscopique est actuellement la référence absolue. Cette procédure standard est constituée d’une hystérectomie avec annexectomie bilatérale et, rarement, d’une omentectomie, suivies d’une lymphadénectomie pelvienne et para-aortique en fonction du groupe de risque. En présence d’un carcinome endométrial de type endométrioïde G1, G2 pT1a, les ovaires peuvent être préservés chez les femmes pré-ménopausées tant qu’il n’existe aucune indication de disposition héréditaire de carcinome ovarien (p. ex. mutation du BRCA, syndrome de Lynch) et que la patiente est informée du risque [4].
En cas de carcinome de l’endomètre, la lymphadénectomie est une intervention diagnostique. Elle sert à déterminer le stade et les traitements adjuvants. En raison de sa morbidité, elle ne doit être réalisée qu’en présence de ganglions lymphatiques à atteinte macro­scopique ou d’une forte probabilité d’invasion ganglionnaire («intermediate-high» und «high-risk»). Dans ce contexte, le concept du ganglion sentinelle constitue une bonne alternative – en particulier chez les patientes âgées ainsi qu’en cas de carcinome «low-risk» et «intermediate-risk». Ce concept est évalué au moyen d’études dans notre centre tumoral depuis 2012: faisant appel au vert d’indocyanine et à la technique d’imagerie proche infrarouge (fig. 1), il présente un taux de détection bilatérale de plus de 90% pour un taux de faux positifs inférieur à 5% et n’entraîne aucune augmentation de la morbidité par rapport à l’hystérectomie seule et l’annexectomie bilatérale [5–7].
Figure 1: Ganglion sentinelle positif au vert d’indocyanine (A) et flux lymphatique (B) sous lumière proche infrarouge.
Par ailleurs, l’ultrastaging du ganglion sentinelle permet d’améliorer la détection de micrométastases. L’ultrastaging comprend un examen immunohistochimique de tous les ganglions sentinelles morphologiquement négatifs à la coloration conventionnelle hématoxyline-éosine (HE). Avec la nouvelle classification moléculaire, l’ablation du ganglion sentinelle constitue une étape importante vers un traitement personnalisé et moins radical du carcinome de l’endomètre.
En présence d’un désir pressant d’enfant et d’un adénocarcinome endométrioïde bien différencié au stade IA sans filtration myométriale, un traitement de maintien de la fertilité peut être envisagé après avoir informé la patiente en détail du risque de récidive. Le traitement conservateur consiste en un traitement local au moyen d’un DIU progestatif ou d’une administration orale continue de progestatif. Si le contrôle échographique et histologique est normal au bout de six mois, il est possible de tenter une grossesse. En raison du risque élevé de récidive, un traitement chirurgical adapté au stade est nécessaire après l’assouvissement du désir d’enfant.

Traitements adjuvants

La curiethérapie vaginale est recommandée à partir du stade IB est à privilégier à la radiothérapie percutanée en raison de sa faible toxicité pour une efficacité égale dans le traitement du carcinome endométrial précoce présentant un risque intermédiaire à élevé [8]. La radiothérapie percutanée est en principe utilisée en cas d’invasion ganglionnaire et dans des situations à haut risque (G3 ou L1) sans stadification des ganglions lymphatiques.
Une chimiothérapie adjuvante à base de carboplatine et paclitaxel ainsi que cisplatine en supplément de la radiothérapie est indiquée à partir d’un stade IB G3.
En comparaison directe, la chimiothérapie est supérieure à la radiothérapie en cas de maladie localement avancée en ce qui concerne la survie sans progression et la survie globale, mais au prix d’un risque accru de récidive locale. Les deux dernières études à deux bras (GOG 258 et PORTEC-3 [9, 10]) ne permettent malheureusement pas d’apporter une réponse concluante concernant la contribution individuelle de la radiothérapie ou de la chimiothérapie en termes de survie globale, car le bras expérimental consistait, dans les deux études, en une radiochimiothérapie. Ainsi, dans l’étude GOG-258, le risque de récidive était par exemple égal pour la radiochimiothérapie et la chimiothérapie.

Traitement palliatif

Aux stades avancés, une intervention chirurgicale (hystérectomie pour prévenir les saignements, cytoréduction) peut être pertinente dans un environnement palliatif.
L’hormonothérapie palliative à base d’acétate de médroxyprogestérone est employée en présence de tumeurs à récepteurs hormonaux positifs, bien différenciées, et montre une bonne tolérance; le taux de réponse est de 30%. En cas de carcinome endométrial avec instabilité des microsatellites et/ou positifs pour PDL1 («programmed death-ligand 1»), un traitement bien toléré par l’inhibiteur de points de contrôle immunitaire pembrolizumab peut être utilisé [11, 12]. En association avec l’inhibiteur multikinase oral lenvatinib, des taux de réponse de près de 40% sont atteints [13].

Suivi

Le suivi doit détecter précocement toute récidive locale potentiellement traitable de manière curative. Il n’existe aucune directive fondée sur les preuves. Nous recommandons, pendant les deux premières années, des contrôles tous les trois mois avec examen clinique et cytologie vaginale ainsi qu’une échographie transvaginale tous les six mois. Par la suite, les contrôles peuvent avoir lieu tous les six mois pendant trois ans, puis annuellement. En cas de risque élevé de récidive (stade G3 ou >), une TDM doit en outre être réalisée annuellement les trois premières années.

Récidives

25% des patientes développent des récidives, généralement durant les deux premières années. 17% surviennent au niveau du vagin, 32% dans le bassin et 51% sous forme de métastases à distance. En cas de récidives locales isolées, une ablation chirurgicale à visée curative est possible. En présence de récidives inopérables, une (nouvelle) radiothérapie ou un traitement systémique peuvent être utilisés.

Sarcomes utérins

Epidémiologie et pathogenèse

Les sarcomes utérins sont un groupe hétérogène de tumeurs malignes rares du myomètre, du stroma endométrial ou du tissu conjonctif utérin, affichant une incidence de 1,5–3/100 000. Ils représentent moins de 10% des tumeurs malignes de l’utérus, mais sont toutefois responsables de près de 30% des cas de décès dus à des maladies tumorales utérines [1]. Il s’agit majoritairement de tumeurs agressives avec un taux de survie à 5 ans inférieur à 50%.
Les facteurs de risque incluent une radiothérapie pelvienne ultérieure, la prise de tamoxifène, une origine noire-africaine ainsi que le syndrome de Li-Fraumeni (mutation héréditaire autosomique dominante de la lignée germinale du gène TP53, associée à des sarcomes des tissus mous et osseux, carcinomes mammaires, leucémies, astrocytomes, carcinomes des plexus choroïdes et corticosurrénalomes).

Classification

La classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) distingue les sarcomes utérins suivants: léiomyosarcomes (60–70%), sarcomes du stroma endométrial «low-grade» et «high-grade» (env. 10%), sarcomes utérins indifférenciés (env. 10%). La suite de l’article se penche essentiellement sur les léiomyosarcomes, les principales différences avec les formes plus rares de sarcomes sont exposées à la fin [14].

Diagnostic

Symptômes

Les symptômes les plus fréquents sont les saignements vaginaux pathologiques et les phénomènes de pression dus à l’augmentation de la taille de l’utérus. Ceux-ci sont toutefois non spécifiques et peuvent également survenir en cas de léiomyome bénin. Ainsi, les sarcomes utérins sont souvent détectés par hasard après hystérectomie ou myomectomie.

Examens diagnostiques préopératoires

Il n’existe aucun critère d’imagerie fiable pour les sarcomes. L’échographie vaginale constitue le principal instrument d’imagerie destiné à l’évaluation de l’utérus. Pour faire la distinction entre des myomes bénins et des sarcomes, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) de diffusion présente la valeur prédictive diagnostique la plus élevée [15]. Contrairement au carcinome endométrial, le curetage est faussement négatif dans la moitié des cas. En présence d’une suspicion clinique de sarcome, le morcellement lors d’une hystérectomie ou d’une myomectomie est absolument contre-indiqué, car il entraîne la dissémination des cellules tumorales et ainsi la détérioration du pronostic (fig. 2) [16]. Toutes les patientes doivent être informées de ce risque avant l’opération.
Figure 2: Récidive au niveau de la paroi pelvienne d’un léiomyosarcome après hystérectomie avec morcellement (externe).

Traitement

Chirurgie

L’hystérectomie totale est l’intervention de référence. Etant donné que des métastases ovariennes surviennent uniquement dans 3% des cas, l’annexectomie n’est pas obligatoire et doit être discutée en fonction du statut de la ménopause. L’incidence des métastases des ganglions lymphatiques est faible et une lymphadénectomie pelvienne et para-aortique systématique n’est donc pas pertinente pour le pronostic. Les ganglions lymphatiques suspects doivent toutefois être réséqués. Le procédé de maintien de la fertilité est considéré comme expérimental.

Traitements adjuvants

En raison de la rareté de ces maladies, l’état des données concernant le traitement systémique est limité. Une étude de phase II a montré une bonne survie sans progression chez les patientes aux stades I à IIIA après chirurgie complète et traitements adjuvants par doxorubicine, ifosfamide et cisplatine (ou docétaxel, gemcitabine et doxorubicine) [18].
La radiothérapie percutanée n’est pas associée à une amélioration de la survie globale après résection complète et doit ainsi être envisagée uniquement chez les patientes ayant bénéficié d’une résection tumorale partielle.

Traitements palliatifs

En situation métastasée, le traitement fait d’abord appel à une chimiothérapie palliative à base de doxorubicine. En cas de positivité des récepteurs hormonaux, un traitement par inhibiteurs de l’aromatase prolonge la survie sans progression.

Suivi

Le suivi sert à garantir la réussite de la guérison et la qualité de vie, il n’existe aucune directive fondée sur les preuves. De manière similaire au carcinome de l’endomètre, nous recommandons des contrôles tous les trois mois pendant les deux premières années, puis tous les six mois pour les trois prochaines années. Il convient en outre d’effectuer une imagerie annuelle par TDM pendant au moins trois ans.

Récidives

Le taux de récidive des léiomyosarcomes peut atteindre 71%. En cas de récidive, la résection chirurgicale complète des tumeurs est associée à un meilleur pronostic.

Sarcomes du stroma endométrial «low-grade» et «high-grade», sarcomes utérins indifférenciés, adénosarcomes

Les sarcomes du stroma endométrial «low-grade» se distinguent des léiomyosarcomes par leur pronostic favorable (taux de survie à 5 ans allant jusqu’à 90%). Ils sont en outre hormonosensibles, d’où l’indication d’une annexectomie bilatérale ainsi que d’un traitement endocrinien adjuvant à partir du stade III. La chimiothérapie ou la radiothérapie adjuvante ne sont pas indiquées.
De même, dans le cas des sarcomes du stroma endométrial «high-grade» et des sarcomes utérins indifférenciés, une annexectomie bilatérale est indiquée en plus de l’hystérectomie. Avec une survie globale moyenne d’à peine deux ans, le pronostic de ces tumeurs est très mauvais. Il n’existe aucune donnée valide en faveur d’une chimiothérapie adjuvante, celle-ci doit être discutée individuellement. Toutefois, une radiothérapie percutanée est indiquée chez les patientes aux stades I et II.

Carcinome cervical

Epidémiologie et pathogenèse

Le carcinome cervical constitue, dans le monde entier, la quatrième maladie maligne la plus fréquente chez la femme avec une mortalité supérieure à 60%. Grâce au frottis cytologique de dépistage précoce, les chiffres sont nettement plus bas en Suisse. Chaque année, près de 250 carcinomes cervicaux sont initialement diagnostiqués en Suisse (1,3% des nouvelles maladies cancéreuses et 1% des cas de décès dus au cancer). L’âge moyen d’apparition de la maladie est de 53 ans pour les carcinomes et 34 ans pour les stades précurseurs pré-invasifs; près de la moitié des femmes atteintes de carcinome cervical ont moins de 50 ans au moment du diagnostic. Le taux de survie à 5 ans s’élève globalement à 67% (95% au stade I et 21% au stade IV) [1].
L’infection persistante du col utérin à un papillomavirus humain (HPV) «high-risk» constitue le principal facteur de risque d’apparition d’un carcinome cervical. Celle-ci est favorisée par une faiblesse immunitaire, l’abus de nicotine, la prise à long terme de contraceptifs oraux et la promiscuité. La carcinogenèse repose sur des lésions précurseurs pré-invasives («cervical intraepithelial neoplasia» [CIN]).

Prévention

La prévention primaire du carcinome cervical inclut la vaccination anti-HPV, qui est autorisée en Suisse depuis 2006 pour les filles et depuis 2015 pour les garçons âgés de 11 à 26 ans. La base de la prévention secondaire repose sur la latence jusqu’au développement d’un carcinome cervical à partir d’une lésion précurseur pré-invasive ainsi que sur la bonne accessibilité du col utérin par microscopie spéculaire. Aucun autre cancer ne peut être évité aussi efficacement par un examen préventif que le carcinome cervical. En Suisse, il existe un dépistage opportuniste de toutes les femmes entre 21 et 70 ans au moyen de la cytologie cervicale (frottis PAP) réalisée tous les trois ans; à partir de 30 ans, il est également possible de réaliser un test HPV [19, 20].

Classification

80% des carcinomes cervicaux sont des carcinomes épidermoïdes et près de 20% des adénocarcinomes. D’autres soustypes histologiques tels que les carcinomes adénosquameux, neuroendocrines ou à cellules claires sont très rares.

Diagnostic

Symptômes

Les symptômes les plus fréquents sont des saignements vaginaux pathologiques, souvent post-coïtaux, ou des sécrétions vaginales anormales.

Examens diagnostiques préopératoires

La colposcopie du vagin et de l’exocol (fig. 3) avec biopsie ciblée et le curetage endocervical constituent les principaux examens diagnostiques préopératoires, la confirmation histologique étant obligatoire. L’échographie vaginale sert à évaluer la propagation locorégionale de la tumeur. A partir du stade IB2, il convient en outre de réaliser une IRM pour évaluer la taille de la tumeur ainsi qu’une tomographie par émission de positons (TEP) (ou une TDM thoracique/abdominale) à la recherche d’une dissémination extra-pelvienne. En cas de suspicion d’une infiltration de la vessie ou du rectum à l’IRM, une cystoscopie ou une rectoscopie sont pratiquées. L’échographie rénale peut mettre en évidence une dilatation due à la tumeur [21].
Figure 3: Résultats colposcopiques en présence de «cervical intraepithelial neoplasia» (CIN) III (A) et carcinome cervical (B).

Stadification

Jusqu’en 2018, la stadification du carcinome cervical était purement clinique. La révision de la classification FIGO de 2018 tient également compte de l’imagerie et du statut ganglionnaire dans la définition du stade de la tumeur et ainsi dans la planification prospective du traitement [22].

Traitement

Le traitement primaire du carcinome cervical dépend du stade et consiste, contrairement à d’autres tumeurs utérines, soit en une intervention chirurgicale, soit en une radiochimiothérapie. Il convient d’éviter si possible l’association de ces deux modalités thérapeutiques en raison de la morbidité.

Chirurgie

Le rôle de la chirurgie du carcinome cervical comprend, d’une part, la stadification opératoire des ganglions lymphatiques et, d’autre part, la résection thérapeutique de la tumeur. L’hystérectomie radicale avec ablation des paramètres et d’une collerette vaginale est considérée comme une opération standard [23, 24].
En raison de la faible sensibilité des procédés d’imagerie, la stadification des ganglions lymphatiques s’effectue chirurgicalement dans le cas du carcinome cervical. Aux stades précoces du carcinome cervical, l’ablation du ganglion sentinelle représente une alternative à la lymphadénectomie radicale, avec une morbidité nettement plus faible. Il est possible de renoncer à une stadification chirurgicale des ganglions lymphatiques uniquement en cas de stade tumoral T1a1 sans invasion lymphovasculaire.
Jusqu’au stade FIGO IIA, le traitement primaire est chirurgical. En présence de carcinomes micro-invasifs, une conisation in sano ou une hystérectomie simple sont considérées comme sûres d’un point de vue oncologique, sinon une hystérectomie radicale est indiquée. En cas de carcinomes épidermoïdes, les ovaires peuvent être conservés avant la ménopause. Jusqu’à présent, les procédures chirurgicales mini-invasives étaient considérées comme établies et sûres. Les résultats de l’étude randomisée prospective LACC publiée en 2018 ont toutefois montré un résultat oncologique significativement plus mauvais après hystérectomie radicale mini-invasive par rapport à la voie d’accès ouverte pour les tumeurs ≥2 cm [25]. Les causes à cela sont en grande partie incertaines, l’utilisation de manipulateurs utérins ou d’insufflation de C02 lors de la laparoscopie font notamment l’objet des discussions.
Lorsque la patiente émet expressément un désir d’enfant, le maintien de la fertilité par trachélectomie simple ou radicale est possible dans des cas spécifiques.

Radiochimiothérapie primaire

A partir du stade IIB ou en cas d’invasion des ganglions lymphatiques, la radiochimiothérapie primaire représente le traitement de choix. Elle est pratiquée sous forme de radiothérapie percutanée (plan d’irradiation par modulation d’intensité) associée à une chimiothérapie au cisplatine, suivie d’une curiethérapie intra-utérine assistée par l’imagerie. Chez les patientes pré-ménopausées, une ovariopexie préalable est recommandée pour protéger la fonction ovarienne intrinsèque.

Traitements adjuvants

Une radio(chimio)thérapie est indiquée en cas d’infiltration des paramètres, de métastases des ganglions lymphatiques et/ou de marges de résection positives ou en présence d’au moins trois des facteurs de risque suivants: L1, V1, G3, invasion profonde du stroma et/ou taille de la tumeur >4 cm.
Une curiethérapie vaginale adjuvante doit être envisagée après résection R1, en cas de grosses tumeurs ou d’atteinte vaginale et d’invasion lymphovasculaire prononcée.
Selon Cochrane Analyse, une chimiothérapie d’entretien à base de cisplatine et gemcitabine après achèvement de la radiochimiothérapie entraîne une meilleure survie globale.

Traitements palliatifs

En cas de carcinome cervical métastasé, la chimiothérapie palliative au cisplatine en association avec le bévacizumab occupe le premier plan. De nouveaux concepts thérapeutiques sont constitués d’inhibiteurs de points de contrôle immunitaire ou d’immunothérapies combinées [26].

Suivi

Le suivi sert à reconnaître une récidive locorégionale ou distante et consiste en un examen recto-vaginal, une colposcopie et une cytologie tous les trois mois pour les trois premières années, puis tous les six mois pendant encore deux ans. Nous recommandons en outre une imagerie annuelle (TDM ou TEP) pour le dépistage précoce de métastases opérables pendant les trois premières années suivant le traitement.

Récidives

Près de 30% des patientes présentent une récidive, 76% durant les deux premières années. Chez les patientes n’ayant pas été préalablement irradiées, une radiochimiothérapie est indiquée; les taux de réponse atteignent 66% pour la récidive centrale et 28% pour la récidive de la paroi pelvienne. Chez les patientes préalablement irradiées avec récidive centrale, une exentération est recommandée dans la mesure où cette intervention, dont la morbidité est élevée, présente un potentiel curatif.
L’immunothérapie par lymphocytes infiltrant la tumeur constitue un traitement expérimental que nous pratiquons à l’Inselspital depuis un an. Ceux-ci sont isolés à partir du tissu tumoral, multipliés in vitro puis réinjectés après une chimiothérapie à déplétion lymphocytaire. La première analyse de l’étude de phase II en cours LN-145 a révélé un taux de réponse de 44,4%.

L’essentiel pour la pratique

• Le pronostic du carcinome de l’endomètre est favorable, car le symptôme principal de saignements post-ménopausiques permet de diagnostiquer la plupart des maladies à un stade tumoral précoce.
• Le traitement du carcinome de l’endomètre se développe vers une médecine personnalisée moins radicale. L’ablation du ganglion sentinelle y contribue fortement, tout comme la nouvelle classification moléculaire créée dans le cadre du projet «The Cancer Genome Atlas».
• Les léiomyosarcomes sont des tumeurs utérines rares dont le pronostic est mauvais et le diagnostic souvent établi par hasard après hystérectomie au vu de symptômes non spécifiques et en l’absence de signes diag­nostiques à l’imagerie.
• En cas de suspicion de sarcome utérin, le morcellement est strictement contre-indiqué, car il peut entraîner une dissémination des cellules tumorales et une détérioration du pronostic.
• Grâce au dépistage cytologique du col de l’utérus, l’incidence, la morbidité et la mortalité du carcinome cervical ont pu être fortement réduites en Suisse. Une baisse supplémentaire est attendue en raison de l’introduction de la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) – aucun autre cancer ne peut être évité aussi efficacement par un examen préventif!
• Le maintien de la fertilité est possible dans des cas définis, en présence d’un carcinome aussi bien endométrial que cervical.
Les auteurs ont déclaré de ne pas avoir des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd.
Michael ­Mueller
Universitätsklinik für ­Frauenheilkunde
lnselspital
Freiburgerstrasse 18
CH-3010 Bern
michael.mueller[at]insel.ch
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