La chirurgie métabolique admise comme prestation obligatoire dans l’OPAS
Aperçu et signification

La chirurgie métabolique admise comme prestation obligatoire dans l’OPAS

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Édition
2021/2930
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2021.08861
Forum Med Suisse. 2021;21(2930):514-516

Affiliations
a Clarunis, Universitäres Bauchzentrum Basel, St. Claraspital und Universitätsspital Basel, Basel; b Chirurgische Klinik, Spital Männedorf, Männedorf; c friendlyDocs AG, Stoffwechselzentrum St. Gallen, St. Gallen; d Klinik für Endokrinologie, Diabetologie und Metabolismus, Universitätsspital Basel, Basel; e Bauchzentrum, Klinik und Poliklinik für Viszerale Medizin und Chirurgie Inselspital Bern, Bern; f Universitätsklinik für Diabetologie, Endokrinologie, Ernährungsmedizin & Metabolismus (UDEM), Inselspital, Universitätsspital Bern, Bern; g Centre Médico-Chirurgical de l’Obésité (CMCO), Clinique de La Source, Lausanne; h Service d’endocrinologie, diabétologie et obésité, Hôpital de La Tour; für die «Diabetes Task Force» der Schweizerischen Gesellschaft für Endokrinologie und Diabetologie (SGED) und der «Swiss Society for the Study of Morbid Obesity and Metabolic Disorders» (SMOB)

Publié le 20.07.2021

Un bref aperçu du contexte scientifique, du cheminement aboutissant à cette mesure ainsi que de la signification clinique concrète pour le traitement de patientes et patients atteints de diabète sucré de type 2.

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Contexte

Dès le début des années 1990, il a été observé que les interventions bariatriques telles que le bypass gastrique Roux-en-Y pouvaient, chez les patientes et patients atteints de diabète sucré de type 2 (DT2), entraîner une amélioration significative du contrôle du métabolisme du glucose, voire une rémission du DT2 [1]. Au cours des 30 dernières années, cette observation a été confirmée à plusieurs reprises dans de nombreuses études observationnelles non contrôlées. Des études randomisées contrôlées («randomized controlled trials» [RCT]) ont finalement documenté la supériorité de la chirurgie bariatrique par rapport au traitement uniquement ­médicamenteux de type conservateur du DT2 chez les patientes et patients sévèrement obèses et ainsi ont fourni une preuve scientifique significative pour cette forme de prise en charge [2, 3]. Des études cliniques ­expérimentales ont par ailleurs permis d’identifier, après chirurgie, des modifications neuro-humorales, métaboliques et microbiologiques complexes considérées aujourd’hui – en plus de la réduction pondérale ­ciblée – comme participant à l’amélioration du métabolisme du glucose [4]. A partir de cela a été développé le concept de la chirurgie métabolique qui part du principe que les interventions telles que le bypass gastrique ou la gastrectomie longitudinale pourraient également être efficaces chez les patientes et patients atteints de DT2 et d’obésité sévère ou modérée. En effet, des études correspondantes ont révélé une efficacité comparable des interventions chez les patientes et ­patients présentant un DT2 et un indice de masse ­corporelle (IMC) de 30–35 kg/m2 [5]. Au vu de ces données, la chirurgie métabolique a été intégrée pour la première fois en 2016 dans un algorithme thérapeutique pour le DT2 reconnu par de nombreuses sociétés spécialisées internationales [6].
En 2016, le «Swiss Medical Board» a publié son rapport d’évaluation «Obésité et surcharge pondérale: chirurgie bariatrique ou traitement conservateur (2016)» [7]. En plus d’une évaluation positive de la chirurgie bariatrique, ce rapport a émis la recommandation de prendre en considération, après évaluation minutieuse, la chirurgie bariatrique comme option thérapeutique pour les personnes présentant un IMC de 30–35 kg/m2 (obésité de grade I selon l’Organisation mondiale de la santé [OMS]) et des comorbidités associées telles que le DT2. Encouragées par cette recommandation, la Société Suisse d’Endocrinologie et de Diabétologie (SSED) et la «Swiss Society for the Study of Morbid Obesity and Metabolic Disorders» (SMOB) ont créé en février 2018 une task force dont l’objectif était d’élaborer une demande de prise en charge des coûts par l’assurance obligatoire des soins (AOS) concernant la prestation «chirurgie métabolique» chez les patientes et patients présentant un DT2 mal équilibré et un IMC de 30–35 kg/m2.

La demande

Avec pour objectif de soumettre une demande auprès de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), la «Diabetes Task Force» interdisciplinaire composée d’experts s’est mise à l’ouvrage lors de sa première réunion en mars 2018. Au cours des mois suivants, la littérature scientifique a été repassée au crible, évaluée et pondérée. Par ailleurs, les conditions cadres d’une mise en application de la chirurgie métabolique en Suisse ont fait l’objet d’intenses discussions. Des critères pour l’établissement de l’indication ont ainsi été définis et le processus de sélection, traitement et suivi a été décrit. Il a été décidé que seulement les patientes et patients dont le métabolisme glucidique ne peut pas être suffisamment contrôlé (HbA1c >8%) après un traitement d’au moins un an dispensé par un ou une spécialiste en endocrinologie/diabétologie doivent bénéficier d’une chirurgie métabolique. En outre, des critères de qualité ont dû être fixés pour les institutions autorisées à opérer. Sur ce point, les membres de la task force ont convenu que la reconnaissance déjà établie et réévaluée à intervalles réguliers par la SMOB en sa qualité de centre bariatrique de référence doit être la condition de base pour la pratique d’interventions dans le cadre de la chirurgie métabolique.
Etant donné que l’intégration d’une nouvelle prestation dans l’Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS) est toujours liée à des conséquences économiques, il a été nécessaire de procéder aux calculs correspondants en s’appuyant sur des données suisses disponibles. Pour un nombre total estimé de 422 460 patientes et patients atteints de DT2 [8], il a été supposé qu’environ 125 048 présentent un IMC de 30–35 kg/m2 [9] et que, parmi eux, près de 23% sont mal contrôlés [10]. Sur la base de ces hypothèses, environ 28 761 patientes et patients DT2 pourraient ainsi prétendre formellement à un traitement opératoire dans le cadre de la chirurgie métabolique. Afin d’estimer combien de ces personnes admissibles se soumettraient effectivement à une intervention, une analogie avec la chirurgie bariatrique a été présumée. Nous savons qu’en Suisse il y a environ 140 000 adultes avec un IMC supérieur à 35 kg/m2 qui pourraient en principe bénéficier d’une intervention bariatrique. Parmi eux, moins de 4% par an se soumettent toutefois à une telle opération. Ainsi, seulement près de 5500 interventions bariatriques ont été pratiquées en 2016 et 2017 respectivement. Etant donné que la surcharge pondérale ne se trouve généralement pas au premier plan, au moins subjectivement, chez les patientes et patients atteints de DT2 et que la souffrance est plutôt considérée comme moindre par rapport aux patientes et patients avec un IMC >35 kg/m2, il a été estimé qu’un pourcentage encore plus faible des sujets formellement admissibles, à savoir seulement 2%, se soumettrait à une intervention métabolique. Dans cette hypothèse, un nombre de 575 personnes ou interventions métaboliques par an a été estimé. Le calcul des coûts a fait ­appel au rapport du «Swiss Medical Board» sur la chirurgie bariatrique [7]. Ce calcul a abouti à un montant de CHF 14 724 pour l’opération ainsi que le suivi pendant l’année de l’opération, contre des coûts annuels à hauteur de CHF 12 719 pour le traitement antidiabétique non chirurgical purement conservateur. En supposant que 72% des patientes et patients opérés ne nécessitent ensuite plus d’aucun traitement spécifique du diabète [11], les coûts moyens calculés pour les années suivant l’intervention métabolique s’élèveraient à CHF 3758, tandis que les coûts sans opération resteraient essentiellement inchangés. En extrapolant à 575 patientes et patients à opérer chaque année, il en ressort un potentiel d’économie sur 5 ans de CHF 52 millions pour les caisses d’assurance-maladie qui prennent jusqu’à présent en charge 45% des coûts stationnaires et donc chirurgicaux. Pour les cantons, qui assument actuellement 55% des coûts stationnaires, la participation financière se monterait à CHF 23 millions sur une période de 5 ans.
Lorsque toutes les informations nécessaires ont été ­résumées dans une demande, celle-ci a été validée pour soumission par les comités de la SSED et de la SMOB. La demande a ensuite été envoyée à l’OFSP le 21.5.2019.

La décision

Après quelques questions, adaptations et précisions ainsi que la conclusion de l’évaluation de l’OFSP, le ­Département fédéral de l’intérieur (DFI) a, sur la base de la recommandation de la Commission fédérale des prestations générales et des principes (CFPP), accepté la demande de la task force en décembre 2019 et entrepris l’amendement correspondant à l’annexe 1 de l’OPAS (cf. encadré, [12]). La nouvelle ordonnance est entrée en ­vigueur le 1.1.2021. Elle est en outre classifiée «en cours d’évaluation» et ainsi applicable jusqu’au 21.12.2025.

Texte original à l’annexe 1 de l’Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS), chapitre 1, 1.1. Général, chirurgie métabolique [12].

Conditions:
Le patient ou la patiente présente un diabète sucré de type 2 mal ajustable et un indice de masse corporelle (IMC) de 30 à 35. Le diabète sucré de type 2 ne peut pas être suffisamment ajusté sur une période d’au moins 12 mois en raison d’une réponse insuffisante à une thérapie non chirurgicale conforme aux directives.
Indication, réalisation, assurance de la qualité et contrôle de suivi selon les directives médicales de la «Swiss Society for the Study of Morbid Obesity and Metabolic Disorders» (SMOB) du 31 octobre 2017 pour le traitement chirurgical de la surcharge pondérale.
Réalisation dans des centres qui, de par leur organisation et leur personnel, sont en mesure de respecter les directives médicales de la SMOB du 31 octobre 2017.
Les centres qui sont reconnus par la SMOB conformément à ses directives administratives du 31 octobre 2017 sont réputés avoir satisfait à cette exigence.
Lorsque l’intervention doit être effectuée dans un centre qui n’est pas reconnu par la SMOB, elle est prise en charge uniquement si l’assureur-maladie a donné préalablement une garantie spéciale après avoir consulté le médecin-conseil.

Bilan

Nous nous réjouissons du fait que la prise en charge des coûts pour une nouvelle option thérapeutique sous forme de chirurgie métabolique soit désormais garantie pour les patientes et patients présentant un DT2 mal équilibré ainsi qu’un IMC d’au moins 30 kg/m2.. Nous sommes fiers d’avoir accompli ce succès grâce à une étroite collaboration constructive entre les disciplines que nous représentons, dont tous les efforts avaient pour objectif principal d’établir les meilleures options thérapeutiques possibles pour nos patientes et patients DT2. Il est probable qu’un grand nombre de patientes et patients correctement sélectionnés profiteront considérablement des interventions chirurgicales telles que le bypass gastrique ou encore la gastrectomie longitudinale. Nous sommes néanmoins conscients de notre responsabilité de veiller à des standards de qualité élevés dans le domaine de la chirurgie métabolique – ainsi que dans celui de la chirurgie bariatrique – et de garantir ainsi à nos patientes et patients la meilleure sécurité dans leur traitement. Il est clair que cela pourra uniquement être assuré par une étroite collaboration entre les spécialistes en endocrinologie/diabétologie et chirurgie viscérale, avec le soutien de groupes professionnels paramédicaux tels que les diététiciennes et les infirmières en diabétologie.Nous tenons également à souligner que les procédures thérapeutiques chirurgicales et conservatrices en cas de DT2, comme dans beaucoup d’autres domaines médicaux, ne se font pas concurrence, mais viennent se compléter. Il ne s’agit pas de choisir entre chirurgie et traitement conservateur, mais de savoir si et quand il est fait appel à la chirurgie métabolique dans le cadre d’un concept thérapeutique multimodal. Il convient de rappeler que les mesures relatives au mode de vie, accompagnées des modifications correspondantes du comportement, constituent toujours la base du traitement du DT2. Avant d’évaluer une intervention chirurgicale métabolique en présence de DT2, toutes les options thérapeutiques pharmacologiques doivent avoir été préalablement épuisées. Cela principalement au vu du bénéfice documenté des stratégies thérapeutiques antidiabétiques modernes en cas de comorbidités d’un DT2. Les recommandations actuelles de la SSED relatives au traitement du DT2 fournissent à ce sujet un aperçu proche de la pratique [13].
Prof. Peterli reports grants, royalties or licenses, consulting fees and payment or honoraria from Johnson & Johnson, outside the submitted work; all payed to the institution. Prof. Bueter reports grants from the Swiss National Science Foundation (SNF) and from Uniscientia Stiftung, outside the submitted work; furthermore, he is vice-president of the Swiss Society for the Study of morbid Obesity and metabolic Disorders (SMOB). The other authors have reported no financial support and no other potential conflict of interest relevant to this article.
Prof. Dr méd. Bernd ­Schultes
friendlyDocs AG
Stoffwechselzentrum
Lerchentalstrasse 21
CH-9016 St. Gallen
bernd.schultes[at]friendlydocs.ch