La génétique et la pathologie moléculaires dans le cancer de la prostate
Nouvelles connaissances et conséquences pour le diagnostic et le traitement

La génétique et la pathologie moléculaires dans le cancer de la prostate

Übersichtsartikel
Édition
2022/0102
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.08858
Forum Med Suisse. 2022;22(0102):28-34

Affiliations
a Klinik für Medizinische Onkologie und Hämatologie, Kantonsspital St. Gallen; b Klinik für Urologie, Kantonsspital St. Gallen; c Klinik für Medizinische Onkologie und Hämatologie, Stadtspital Zürich Triemli und Waid, Zürich; d Gemeinschaftspraxis Arnegg, Arnegg; e Institut für Pathologie, Kantonsspital St. Gallen; f Institut für Medizinische Genetik, Universität Zürich, Schlieren

Publié le 04.01.2022

Ces dernières années, de grands progrès ont pu être réalisés dans le domaine de la caractérisation pathologique moléculaire du cancer de la prostate, ce qui a contribué de manière décisive au développement de traitements ciblés.

Contexte

Le cancer de la prostate est la maladie tumorale la plus fréquente chez l’homme. En Suisse, ce diagnostic est posé tous les ans chez plus de 6000 hommes âgés de 70 ans en moyenne. Il est bien établi entretemps que le cancer de la prostate est une maladie hétérogène. Des carcinomes localisés de faible malignité ne nécessitent pas toujours un traitement actif, mais bien une stratégie de surveillance standardisée. À côté de ceux-ci, nous avons aussi des variants histologiques agressifs du cancer de la prostate, par exemple le cancer de la prostate intraductal ou cribriforme, qui peuvent récidiver malgré un traitement local radical ou ne se manifester qu’à un stade avancé, métastatique.
Ces dernières années, de grands progrès ont également été faits dans la recherche concernant la prédisposition génétique au cancer de la prostate. Des études très récentes chez des patients avec maladie métastatique ont pu montrer une prédisposition génétique avec altération des lignées germinales dans 10% des cas, notamment dans les gènes de réparation de l’ADN BRCA1, BRCA2 et ATM ainsi que dans les protéines de réparation des mésappariements (MMR) de l’ADN. Une anamnèse familiale positive en ce qui concerne les pathologies tumorales n’existe que dans 50 à 60% seulement.
De manière croissante ces derniers temps, les directives internationales ont fixé des critères pour un conseil génétique approfondi et des tests. Afin de tenir compte de la probabilité d’une mutation des lignées germinales de 10%, le «Réseau pour les tests de prédisposition génétique et les conseils en matière de risque» («Network for Cancer Predisposition Testing and Counseling» [CPTC]) du Groupe Suisse de Recherche Clinique sur le Cancer (SAKK) a également publié des directives pour la Suisse [1].
Les données sur l’efficacité des inhibiteurs de PARP- (poly[ADP-ribose]-polymérase), notamment l’olaparib et le rucaparib, ainsi que d’autres, modifient la pondération des tests de pathologie moléculaire en situation avancée du traitement du cancer de la prostate.
Cet article résume le contexte et les développements actuels de la génétique moléculaire dans le cancer de la prostate.

Facteurs de risque du développement d’un cancer de la prostate

L’étiologie du cancer de la prostate est multifactorielle. Les études épidémiologiques indiquent divers facteurs environnementaux et liés au style de vie (tab. 1). On sait des grandes études de cas que des antécédents familiaux, p. ex. de cancer de la prostate chez le père ou le frère, augmentent nettement le risque chez un homme. Une certaine accumulation familiale pourrait toutefois également être liée à une augmentation des dépistages du cancer de la prostate chez les membres de la famille des personnes concernées.
La forme héréditaire du cancer de la prostate proviendrait, d’une part, de variants génétiques relativement rares (mutations de lignées germinales) avec haute pénétration et, d’autre part, également de polymorphismes de nucléotide unique («single nucleotide polymorphisms» [SNP]), qui à eux seuls n’augmentent que faiblement le risque de cancer de la prostate, mais dont le cumul représente un risque pertinent. Plus de 100 SNP associés au développement d’un cancer de la prostate ont été identifiés jusqu’à présent. Des défauts menant à un dysfonctionnement des gènes à haut risque comme BRCA1, BRCA2, HOXB13 ou des gènes ADN-MMR MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2 (voir tableau S1 dans l’annexe joint à l’article en ligne) contribuent également à une augmentation pertinente du risque de cancer de la prostate.
Tableau 1: Facteurs de risque pour le développement d’un cancer de la prostate.
Facteur de risqueImpact sur le risque de cancer de la prostate
AgeUn cancer de la prostate est rare avant l’âge de 40 ans; 6 cas sur 10 concernent des hommes ≥65 ans.
EthnieRisque accru pour les personnes de couleur
GéographieFréquent: Amérique du Nord, Europe, Australie, Caraïbes
Moins fréquent: Asie, Amérique centrale, Amérique du Sud
Produits laitiersFaible corrélation avec la consommation de produits laitiers et augmentation du risque
Phyto-œstrogènesCorrèle éventuellement avec un faible risque de cancer de la prostate
Vitamine DAssociation en forme de U avec le risque de cancer de la prostate
Inhibiteurs de la 5-alpha-réductaseRéduction du risque de tumeurs à faible malignité, mais augmentation possible du risque de cancers de haut grade
Attention: réduction de 50% du PSA sous inhibiteur de la 5-alpha-réductase!
EjaculationFréquence d’éjaculation accrue (≥21×/mois vs 4–7×/mois) associée à une réduction du risque de 20%
Parent du 1er degré (quel que soit leur âge)Risque 2 fois plus important
Parent du 1er degré (diagnostic <65 ans)Risque 3 fois plus important
Père et frère avec cancer de la prostateRisque 5 fois plus important
Deux frères avec cancer de la prostateRisque 7 fois plus important
Mutation de BRCA2Risque 3 à 8 fois plus important
Mutation de BRCA1Risque 1 à 3 fois plus important
Syndrome de LynchRisque 2 à 4 fois plus important
HOXB13Risque 3 à 8 fois plus important
SNP (plus de 100 connus)Augmentation du risque faible si un seul SNP, mais nettement accru lorsque cumulés
SNP: polymorphisme d’un seul nucléotide.

Définition de la mutation germinale et de la mutation somatique

Les concepts «mutation (de la lignée) germinale» et «mutation somatique» mènent souvent à confusion et nous aimerions expliquer ici leurs différentes significations. Les mutations germinales concernent la lignée germinale. Elles sont détectables dans toutes les cellules du corps et peuvent être transmises à la progéniture via les cellules germinales. Par contre, les mutations somatiques sont des modifications acquises en cours de vie et qui ne peuvent pas être transmises à la progéniture via les cellules germinales (fig. 1).
Figure 1: Différence entre une mutation germinale et une mutation somatique.
En oncologie, on parle donc de mutations somatiques pour les modifications génétiques survenues au cours de la carcinogenèse et uniquement présentes dans le tissu tumoral.
À un stade avancé, les tumeurs peuvent en outre se développer de manière hétérogène, autrement dit, toutes les mutations somatiques ne sont pas présentes dans toutes les cellules cancéreuses (hétérogénéité intratumorale). Cette hétérogénéité a notamment des implications lorsque des échantillons tissulaires sont examinés par pathologie moléculaire. L’absence de preuve d’une mutation présumée dans la biopsie tumorale pourrait être due à une hétérogénéité au sein de la tumeur ou entre la tumeur et ses métastases. Les tumeurs et métastases peuvent également se développer différemment pendant le traitement systémique oncologique. C’est pourquoi il faut toujours utiliser l’échantillon tissulaire le plus récent pour les examens de pathologie moléculaire. Dans le cancer de la prostate avancé, obtenir une biopsie d’une métastase est souvent difficile en cas de dissémination métastatique dans l’os. Dans un avenir proche, l’on espère pouvoir également utiliser l’ADN tumoral circulant («biopsie liquide») pour ces analyses.

Mutations germinales dans le cancer de la prostate

Dans une large étude datant de 2016 et portant sur presque 700 patients avec cancer de la prostate métastatique, des mutations germinales ont été retrouvées dans un des 16 gènes analysés chez 12% des patients [2]. Pour New York, le taux de mutations germinales était de 18,5%, ce qui pourrait être dû à un pourcentage relativement élevé de patients avec ancêtres ashkénazes qui présentent une fréquence élevée connue de mutations du BRCA2. Aucune donnée n’est disponible pour la Suisse, mais on estime que le taux de mutations germinales se situe probablement vers les 10%. La mutation germinale la plus souvent prouvée était la mutation BRCA2 (5–6%), suivie de CHEK2 (2%) et ATM (1–2%). L’anamnèse familiale n’était pas concluante dans 40% de ces cas. Un dépistage de génétique moléculaire, uniquement indiqué en cas d’accumulation de cancers dans la famille, ne serait donc pas fiable en cas de cancer de la prostate (tab. 2). Il est important de souligner que les patients examinés étaient des patients avec cancer métastatique. Le taux de mutations de BRCA2 est nettement inférieur, de l’ordre de 1–2%, pour le cancer de la prostate localisé, non métastatique.

Mutations somatiques dans le cancer de la prostate

Lorsque le tissu tumoral de patients avec cancer de la prostate métastatique est analysé par pathologie moléculaire, des altérations génomiques pertinentes sont détectées dans 15 à 30% des cas, particulièrement dans les gènes directement ou indirectement impliqués dans la réparation des dommages de l’ADN (recombinaison homologue). Les mutations du gène BRCA2 sont les plus fréquentes, suivies de l’ATM, CDK12, CHEK2 et BRCA1. Des défauts des gènes ADN-MMR ou des instabilités microsatellitaires ont été documentés chez 2 à 3 % des patients avec cancer de la prostate métastatique.

L’histologie est importante: signification des variants histopathologiques

La majorité des cancers de la prostate analysés sont des adénocarcinomes acinaires. Des variants histologiques ont toutefois été détectés chez 5 à 10% des patients. Une morphologie intraductale ou cribriforme reçoit automatiquement un grade 4 selon le score de Gleason. Selon les directives de l’«European Association of Urology» (EAU), les rapports pathologiques doivent également mentionner de manière spécifique et sans grade de Gleason la présence de modèles de croissance intraductale. Dans la plupart des cas, ces modèles histopathologiques apparaissent mélangés à l’adénocarcinome acinaire classique. L’adénocarcinome intraductal et cribriforme de la prostate (anciennement «adénocarcinome endométrioïde») est considéré comme un sous-type agressif, associé à des facteurs pronostiques défavorables (fig. 2). Ces variantes histologiques doivent donc être évaluées et traitées comme une tumeur à haut risque en cas de cancer de la prostate localisé. Des analyses de génétique moléculaire intéressantes des dernières années ont montré la présence d’une instabilité génomique élevée pour ces variants du cancer de la prostate, avec des altérations cumulées dans les gènes de réparation de l’ADN (jusqu’à 50%), notamment le BRCA2. Malgré cette histologie marquante, aucun marqueur tissulaire univoque et unique n’a encore été découvert pour la confirmation histopathologique. Ceci souligne l’importance d’une évaluation histologique soignée et d’une description pathologique, particulièrement en raison des implications cliniques des tumeurs à haut risque.
Figure 2: Exemple de cas de cancer de la prostate avec des variantes histologiques.
Patient âgé de 76 ans avec diagnostic récent d’un cancer de la prostate cT4 (suspicion d’une infiltration rectale) cN0 cM0 score de Gleason 9 (5 +4), PSA 17,8 μg/l. Après présentation à la réunion de concertation (tumorboard) et discussion avec le patient, décision d’une radiothérapie définitive de la prostate et des vésicules séminales avec 38 × 2 Gy = 76 Gy associée à une privation d’androgène (ADT) pendant deux ans. Sous ADT en cours: nadir du PSA <0,1 μg/l après six mois, mais augmentation du taux de PSA >1,0 μg/l sous ADT après 15 mois. Donc développement d’un stade résistant à la castration indiquant une évolution défavorable, agressive.
Histologie initiale (résection transurétrale de la prostate [TUR-P]): cancer de la prostate ductal invasif, partiellement avec croissance cribriforme.
Immunohistochimie : perte de MSH2 , MSH6 et PTEN .
Génétique moléculaire: instabilité microsatellitaire extrême (5/5 loci), mutation  TP53 .
Microscopie : A) cancer de la prostate intraductal (= in situ) cribriforme; B) cancer de la prostate ductal (= invasif). Coloration par hématoxyline et éosine (mitose: flèches).

Défauts de réparation de l’ADN en cas de cancer de la prostate avancé – accès aux nouvelles thérapies

L’étude PROfound – actuellement la plus large étude clinique dans ce contexte – incluait des patients avec cancer de la prostate résistant à la castration et progression de la maladie après au moins une ligne de traitement endocrinien (abiratérone ou enzalutamide) ainsi qu’une administration préalable de docétaxel dans deux tiers des cas [3]. Un critère complémentaire était la preuve d’une mutation dans un gène réparateur prédéfini (BRCA1, BRCA2, ATM, BRIP1, BARD1, CDK12, CHEK1, CHEK2, FANCL, PALB2, PPP2R2A, RAD51B, RAD51C, RAD51D ou RAD54L). Les patients du bras expérimental ont reçu l’inhibiteur de PARP olaparib, ceux du bras de contrôle un traitement endocrinien (abiratérone après enzalutamide ou enzalutamide après abiratérone). Au total, l’olaparib a montré un avantage significatif en termes de survie sans progression et de survie globale. Des différences nettes de l’efficacité de l’olaprib ont été constatées en fonction des altérations génomiques. L’olaparib est autorisé en Suisse pour les patients avec cancer de la prostate résistant à la castration après l’échec d’un nouveau traitement endocrinien et la preuve d’une mutation BRCA (somatique ou germinale).
D’autres inhibiteurs de PARP sont en cours de développement et sont évalués comme monothérapie ou en association dans le cadre des études en cours. Cette évolution mène à la recommandation de réaliser une analyse de pathologie moléculaire du tissu tumoral chez tous les patients avec cancer de la prostate métastatique pouvant recevoir un traitement ciblé. Pour pouvoir reconnaitre un variant de la lignée germinale, un conseil génétique ultérieur et un test ciblé de l’origine (analyse des mutations germinales) sont recommandés en cas de preuve d’un variant somatique, pathogène BRCA1 et BRCA2, ATM, PALB2 et CHEK2 (tab. 2).
Les défauts du système de réparation de l’ADN ne sont pas seulement associés à une réponse au traitement par inhibiteur de PARP, mais aussi à la chimiothérapie à base de platine. Cette dernière pourrait représenter une autre option thérapeutique en cas de preuve d’un défaut des gènes de réparation de l’ADN. Actuellement, cette recommandation n’est toutefois pas encore soutenue dans les directives, car les études prospectives à ce sujet sont encore en cours.

Défauts dans les gènes ADN-MMR ou instabilité microsatellitaire dans le cancer de la prostate avancé – accès aux nouvelles thérapies

Des défauts dans les gènes ADN-MMR ou une instabilité microsatellitaire ont été prouvés chez 2 à 3% des patients atteints d’un cancer de la prostate avancé. Certains pays offrent à ces patients la possibilité d’une immunothérapie avec un inhibiteur de point de contrôle immunitaire. La «Food and Drug Administration» (FDA) a autorisé le traitement par pembrolizumab pour toutes les tumeurs solides avancées (chez les enfants et les adultes) lorsqu’un défaut dans les MMR ou une instabilité microsatellitaire a été prouvée. Ce traitement permet d’atteindre une réponse pertinente et souvent longue chez 30 à 40% des patients avec cancer de la prostate avancé. Il n’est pas encore autorisé en Suisse dans cette situation.
Afin d’exclure un syndrome de Lynch, un conseil génétique et un test de dépistage des mutations germinales sont également recommandés en cas de preuve d’une mutation somatique dans un des gènes MMR (MLH1, MSH2, MSH6, PMS2).

Conseil génétique et analyse génétique: qui? quand? comment?

De manière analogue au cancer du sein et des ovaires, les développements précités imposent une règlementation si possible uniforme et claire, afin que les patients atteints d’un cancer de la prostate puissent recevoir un conseil génétique et – avec un consentement écrit – une analyse génétique [4, 5].
Chez tous ces patients, il est recommandé de procéder à une anamnèse familiale en termes de cancers. Un conseil génétique par un(e) spécialiste (médecin spécialiste en génétique familiale ou un(e) membre du CPTC du SAKK) est recommandé en cas de fréquence élevée de cancers spécifiques au syndrome (cancers de la prostate, du sein, des ovaires, du pancréas ou du côlon) [6, 7]. L’anamnèse familiale n’est toutefois pas évidente chez 40% des hommes avec cancer de la prostate localement avancé ou métastatique. En outre, les mutations somatiques pertinentes du point de vue thérapeutique ne sont pas détectées chez 10 à 15% des hommes avec cancer de la prostate avancé si l’on utilise uniquement le test de mutation des lignées germinales. Les directives suisses révisées du SAKK recommandent donc, surtout du point de vue thérapeutique, de réaliser d’abord une analyse de pathologie moléculaire somatique du tissu tumoral chez les hommes avec cancer de la prostate métastatique ou histologie cribriforme/intraductale. Un test de dépistage des mutations germinales après un conseil génétique préalable est clairement recommandé en cas de cancer de la prostate et d’anamnèse familiale évidente avec haute probabilité d’une mutation dans les gènes BRCA1 ou BRCA2. Il est également important de signaler que, pour des raisons techniques, certaines mutations germinales (p. ex. délétions de grande taille) ne sont parfois pas reconnues lors des analyses de pathologie moléculaire somatique du tissu tumoral («séquençage de nouvelle génération» [NGS] sans «multiplex ligation probe amplification» [MLPA]). De tels résultats ont également des conséquences importantes pour la famille des patients.

Analyse des mutations somatiques sur le tissu tumoral ou métastatique

Le dépistage de pathologie moléculaire sur le tissu tumoral peut être réalisé par un institut de pathologie, la facturation est établie selon TARMED, une demande de garantie de prise en charge préalable n’est pas nécessaire. Les frais pour un panel de tests complet se situent entre 3000 et 4000 CHF. Le patient doit être informé de l’analyse ainsi que sur le fait que la preuve p. ex. d’une mutation de BRCA2 dans le tissu tumoral peut indiquer une prédisposition génétique (tab. 2). La révision complète de la loi fédérale sur l’analyse génétique humaine (LAGH) comprend l’obligation d’informer le patient sur le droit de ne pas être informé et/ou la génération d’informations complémentaires lors des analyses génétiques. Son entrée en vigueur est prévue pour 2022.
Tableau 2: Indication pour une analyse génétique chez les patients avec cancer de la prostate selon les recommandations du «Réseau pour les tests de prédisposition génétique et les conseils en matière de risque» du Groupe Suisse de Recherche Clinique sur le Cancer (SAKK).
Situation cliniqueTest de pathologie moléculaire somatiqueContrôle génétique moléculaire ciblé de la lignée germinale [1]
Cancer de la prostate métastatique, variants histologiques inclus (intraductal/cribriforme)– A faire si le patient se qualifie p. ex. pour un traitement avec un inhibiteur de PARP ou inhibiteur du point de contrôle au cours du traitement.
– Les tests sont effectués sur le tissu tumoral (dans un avenir proche, peut-être aussi sur une biopsie liquide); panel NGS des gènes de réparation de l’ADN, protéines de réparation des mésappariements de l’ADN, instabilité microsatellitaire.
– Le taux des résultats pertinents se situe entre 15 et 30%.
Un conseil génétique et une analyse ciblée des mutations doivent être prévus lorsqu’une altération est découverte lors des tests somatiques dans les gènes BRCA1/2, ATM, PALB2, CHEK2, ou indépendamment de la constellation dans MLH1, MSH2, MSH6, PMS2, ou en fonction des résultats et d’une anamnèse familiale évidente.
Analyse élargie de la lignée germinale (panel de tests)
Conseil génétique et évent. analyse: cancer de la prostate de haut grade (score de Gleason ≥7) ou métastases si
– ancêtres ashkénazes
– >1 parent du premier degré avec cancer du sein (≤50 ans), des ovaires du pancréas ou cancer de la prostate métastatique ou intraductal/cribriforme
– ≥2 parents du premier degré avec cancer du sein ou cancer de la prostate (quel que soit leur âge)
NGS: séquençage de nouvelle génération.
Pour plus de détails sur le test de la lignée germinale, nous vous renvoyons aux directives suisses [1]: Update Swiss Guideline for counselling and testing for predisposition to breast, ovarian, pancreatic and prostate cancer.

Contrôle de la lignée germinale: analyse ciblée d’une mutation somatique

Lorsque les tests somatiques du tissu tumoral ou dans l’ADN tumoral circulant (p. ex. dans les gènes BRCA1, BRCA2, ATM, PALB2, CHEK2, MLH1, MSH2, MSH6, PMS2), détectent une altération génomique, cette mutation de la lignée germinale pourrait également être importante pour la famille. Lors d’un contrôle de la lignée germinale, une mutation prouvée dans la tumeur est confirmée ou exclue de manière ciblée dans la lignée germinale à l’aide d’un échantillon de sang. Les frais pour une telle analyse sont de l’ordre de 400 CHF. Un conseil génétique et une déclaration de consentement écrite du patient sont indispensables avant un contrôle de la lignée germinale. Une demande de garantie de prise en charge doit également être envoyée à la caisse maladie.

Test génétique primaire de la lignée germinale

Une analyse de lignée germinale de différents gènes à haut risque est directement réalisée sur un échantillon de sang, en fonction de l’anamnèse familiale (panel comprenant p. ex. BRCA1/2, CHEK2, ATM, PALB2, HOXB13). Nous renvoyons aux recommandations du groupe de travail du SAKK pour le conseil génétique et les tests en ce qui concerne cette analyse (tab. 2). Consulter un médecin spécialiste ou un(e) spécialiste en génétique médicale est judicieux dans ces cas. Un conseil génétique préalable est exigé pour les tests génétiques, ainsi qu’une déclaration de consentement écrite du patient. Les frais sont de l’ordre de 3000 CHF et doivent absolument être justifiés pour la demande de garantie de prise en charge auprès de la caisse maladie.

Dépistage chez les hommes sains avec preuve d’une mutation germinale de BRCA1/2

L’augmentation des conseils génétiques et des tests augmente l’identification de descendants sains porteurs d’une mutation pathogène dans un gène à haut risque de tumeur maligne, par exemple dans le gène BRCA1 ou BRCA2. En fonction du gène muté, les recommandations de prévention comprennent diverses mesures et doivent être discutées individuellement avec le patient dans un centre spécialisé. Un dépistage du cancer de la prostate est recommandé à partir de 40 ans chez les hommes sains porteurs d’une mutation de BRCA2 (pour les autres mesures de prévention, voir tab. 3).
Tableau 3: Dépistage du cancer chez les hommes avec mutation germinale des gènes BRCA1/2.
Examen de dépistageMutation germinale de BRCA1Mutation germinale de BRCA2
Cancer du sein– Autopalpation des seins: 1× par mois à partir de 35 ans
– Examen médical des seins: 1× par année à partir de 35 ans
– Mammographie en cas de gynécomastie: examen de référence à 40 ans et 1× par an à partir de 50 ans
Cancer de la prostatePas de recommandation claire, décision à prendre en commun avec la personne concernée (puis procédure analogue à BRCA2):
– PSA/TRN 1× par an à partir de 40 ans
– IRM de la prostate en cas de PSA ≥2–3 μg/l
Recommandé:
– 1× par an à partir de 40 ans
– IRM de la prostate en cas de PSA ≥2–3 μg/l
MélanomeRecommandations générales pour la protection de la peau selon la Ligue contre le cancer– Contrôle dermatologique annuel
– Recommandations générales pour la protection de la peau selon la Ligue contre le cancer
Cancer du côlonDépistage du cancer du côlon optionnel à partie de 40 ans, selon les recommandations générales à partir de 50 ansDépistage du cancer du côlon selon les recommandations générales à partir de 50 ans
TR: toucher rectal numérique; IRM: imagerie par résonnance magnétique; PSA: antigène prostatique spécifique.

Résumé

Les développements de ces dernières années ont mené à un gain de connaissances probant en termes de prédisposition génétique au cancer de la prostate. Des traitements ciblés par inhibiteurs de PARP ont été utilisés pour la première fois chez des patients en situation avancée prédéfinis par pathologie moléculaire. Le cancer de la prostate exige dorénavant un bon réseautage interdisciplinaire et interprofessionnel ainsi qu’une bonne communication afin d’utiliser les méthodes et les moyens existants de manière raisonnable et efficace.

L’essentiel pour la pratique

• Dans le cancer de la prostate métastatique, le test de pathologie moléculaire somatique du tissu tumoral détecte des modifications dans les gènes de réparation de l’ADN ou les protéines de mésappariement de l’ADN et/ou une instabilité microsatellitaire dans 15–30% des cas, ce qui permet un traitement par inhibiteur de PARP, une chimiothérapie à base de platine ou un inhibiteur de points de contrôle immunitaires. Ces traitements sont généralement administrés au plus tôt après l’échec d’un nouveau traitement endocrinien. Le statut d’autorisation et les limitations correspondantes doivent être considérés.
• Le patient doit recevoir un conseil génétique et un contrôle de la lignée germinale en cas de mutation somatique prouvée des gènes BRCA1, BRCA2, ATM, CHEK2, PALB2, MLH1, MSH2, MSH6 ou PMS2.
• Dans 10% des cas de cancer de la prostate métastatique, des mutations germinales pouvant avoir des conséquences pour la famille élargie sont découvertes dans les gènes prédisposant au cancer. Les gènes plus fréquemment touchés sont les gènes BRCA2, ATM, CHEK2 et BRCA1. Un test de la lignée germinale exige un conseil génétique préalable et une demande de garantie de prise en charge.
• Une prévention du cancer active et ciblée doit être discutée avec les porteurs sains d’une mutation pathogène dans les gènes BRCA1 ou BRCA2. Un conseil dans un centre spécialisé doit être recommandé aux porteurs sains d’une mutation germinale dans un gène à haut risque.
L’annexe est disponible en tant que document séparé sur https://doi.org/10.4414/smf.2022.08858.
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis. CR a déclaré avoir reçu des honoraires de consultant de BMS, MSD Oncology, Roche Pharma AG, Bayer AG (chacun à l’attention de l’institut) ainsi que Merck (Suisse) AG, tous sans rapport direct avec cet article.
PD Dr méd. Aurelius Omlin
Klinik für Medizinische Onkologie und
Hämatologie
Kantonsspital St. Gallen
Rorschacher Strasse 95
CH-9007 St. Gallen
aurelius.omlin[at]kssg.ch
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