Compression épidurale métastatique
Une approche multidisciplinaire

Compression épidurale métastatique

Übersichtsartikel
Édition
2022/1920
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.08997
Forum Med Suisse. 2022;22(1920):312-317

Affiliations
a Service d’oncologie, Hôpitaux Universitaires de Genève, Genève; b Service d’oncologie, Hôpital de La Tour, Meyrin

Publié le 10.05.2022

La compression épidurale métastatique est une complication fréquente des maladies néoplasiques. Quelles sont les examens radiologiques à effectuer? Quelles sont les possibilités de traitement et leurs indications respectives?

Introduction

La compression épidurale métastatique survient lorsqu’une lésion cancéreuse secondaire envahit l’espace épidural causant un déplacement de la moelle épinière dans le canal vertébral qui se trouve alors en souffrance. Au même titre que le syndrome de lyse tumorale, le syndrome de la veine cave supérieure, la neutropénie fébrile, l’hypertension intracrânienne ou l’hypercalcémie, il s’agit d’une des rares urgences­oncologiques, touchant 5 à 10% des patientes et des patients oncologiques et pouvant conduire à une ­lésion neurologique irréversible [1].
Sa survenue dépend du tropisme osseux de la tumeur ainsi que du volume tumoral de la lésion et survient plus souvent lors de cancer de la prostate, du sein ou du poumon, suivis ensuite par le lymphome non-hodgkinien, le cancer du rein et le myélome multiple [1]. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une complication d’une néoplasie connue, mais cet événement peut également se présenter comme une primo-manifestation d’une maladie oncologique. En raison de la densité osseuse et du flux sanguin relatif, ce phénomène survient de préférence au niveau thoracique, suivi de la colonne lombo-sacrée puis de la colonne cervicale. Un tiers des patientes et des patients présente plusieurs sites de métastases épidurales simultanés, parfois asymptomatiques.
La tumeur peut envahir l’espace épidural par voie hématogène via une atteinte du corps vertébral fortement vascularisé. La lésion va ensuite croître et entraîner une résorption osseuse de sa partie postérieure jusqu’à atteindre le canal vertébral. Moins fréquemment, la compression épidurale peut être la conséquence d’un envahissement provenant directement de la région paravertébrale ou de l’espace épidural lui-même. En conséquence de ces divers mécanismes, la moelle épinière va être lésée suite à une menace vasculaire du plexus veineux vertébral induisant un œdème vasogénique ou par compression mécanique directe induisant une souffrance axonale [2].
Cet article a pour but de revoir les éléments clés devant faire rechercher une compression épidurale ainsi que les moyens de confirmer la suspicion clinique, puis nous ferons le tour des traitements disponibles et de la nécessité d’une discussion conjointe entre spécialistes. Finalement, nous discuterons brièvement de situations où l’évidence de prise en charge est plus faible, à savoir les métastases vertébrales asymptomatiques et les récidives de compression épidurale oncologique (fig. 1).
Figure 1: IRM, coupe sagittale: Métastases rachidiennes multiples avec fractures pathologiques de D2, D3 et D4 et recul du mur postérieur de D3, entraînant une compression médullaire et disparition complète du liquide céphalorachiedien péri-médullaire à ce niveau (flèche).

Présentation clinique

Le tableau clinique peut être aigu, en cas de tassement vertébral brusque avec déplacement de fragments ­osseux dans l’espace épidural, ou progressif, et dépend du niveau vertébral atteint.
Le symptôme le plus fréquent et le plus précoce est la douleur, apparaissant souvent plusieurs mois avant le diagnostic [3]. La plainte peut être localisée, par atteinte périostée ou des tissus mous par la masse tumorale, mécanique en lien avec une fracture pathologique ou encore radiculaire.
Deux tiers des patientes et des patients présentent des signes moteurs au diagnostic et plus de la moitié ont une incapacité à la marche [1]. Par la suite, en l’absence de traitement, se développent des plaintes sensorielles, une aréflexie, une ataxie proprioceptive, et de manière tardive des troubles sphinctériens.

Diagnostic

Une personne connue pour une maladie oncologique se plaignant de douleurs rachidiennes nouvelles ou de déficit sensitivo-moteur doit bénéficier d’une anamnèse et d’un examen clinique ciblé à la recherche d’une maladie métastatique au niveau spinal. Par la suite, en cas de suspicion de compression médullaire, l’imagerie de résonance magnétique (IRM) de la colonne totale est l’examen de choix avec une sensibilité de 95% [4]. Cet examen visualise l’extension paravertébrale de la ­tumeur et d’éventuelles autres lésions spinales métastatiques asymptomatiques. Elle est souvent associée à une tomographie par ordinateur (CT) native afin de ­définir l’anatomie osseuse. En cas de contre-indication à l’IRM, l’alternative recommandée est la réalisation d’un myélo-CT.

Pronostic

Avec une survie médiane de 3 à 6 mois, le pronostic est généralement sombre. Il dépend de l’impact fonctionnel au diagnostic et de la survie en lien avec la nature de la tumeur primaire [1 ]. Les autres facteurs déterminants sont la rapidité d’installation du tableau clinique, la nature radiosensible de la tumeur, la présence d’autres métastases et le nombre de site de compression médullaire.
Plusieurs algorithmes sont disponibles afin de sélectionner la meilleure approche pour chaque individu à partir de l’espérance de vie estimée, dont les plus utilisés sont les scores de Tomita et de Tokuhashi (tab. 1). Ils sont une aide au choix d’une chirurgie plus ou moins agressive versus une approche purement conservatrice, restant cependant des éléments d’un tableau clinique plus global.
Tableau 1: Scores pronostic des patientes/patients avec métastase spinale.
Score de Tomita:Point(s)
Site de tumeur primaireCroissance lente (ex. sein, thyroïde)1
Croissance modérée (ex. rein)2
Croissance rapide (ex. poumon) 4
Métastase viscéraleAucune 0
Traitable2
Non traitable 4
Métastase osseuseUnique1
 Multiples2
2–3 points: résection en bloc, survie >2 ans
4–5 points: debulking, survie 1–2 ans
6–7 points: décompression palliative, survie 6–12 mois
8–10 points: soins de supports, survie <3 mois
 
   
Score de Tokuhashi modifié: 
Etat général du patientMauvais 0
Modéré1
Bon2
Nombre de métastases ­osseuses non vertébrales>2 0
1–2 1
02
Métastase viscéraleNon traitable 0
Traitable 1
Aucune 2
Site de tumeur primairePoumon, estomac, pancréas 0
Foie, vésicule biliaire 1
Autre2
Rein, utérus 3
Rectum 4
Thyroïde, sein, prostate 5
Degré de paralysieComplète0
Incomplète1
Aucune2
0–8 points: traitement conservateur, survie ≤6 mois
9–11 points: chirurgie palliative, survie 6–12 mois
12–15 points: chirurgie ablative, survie >12 mois

Traitement

Plusieurs approches thérapeutiques existent (tab. 2) et différentes lignes directrices d’aide à la décision clinique ont été publiées. Toutefois, ces situations nécessitent la plupart du temps une discussion entre les différents spécialistes impliqués. En parallèle au traitement symptomatique de la douleur et des conséquences d’une immobilisation prolongée, il existe des moyens spécifiques visant à diminuer la morbidité de ces patientes et patients. Le but de la prise en charge peut alors être multiple et comprend l’analgésie, le maintien ou l’amélioration de la fonction locomotrice, le contrôle tumoral local et la stabilité mécanique de la colonne.
Tableau 2: Récapitulatif des options thérapeutiques dans le traitement de la compression épidurale métastatique.
TraitementIndicationAvantagesInconvénient
CorticoïdesDès que la suspicion clinique est ­présenteAmélioration de la fonction ­locomotrice, effet antalgique, effet antitumoral lors de tumeurs hématologiquesPosologie idéale non définie, effets ­secondaires dose-dépendants
ChimiothérapieTumeur très chimio-sensible avec ­symptômes neurologiques légersTraitement causal systémiqueChimio-sensibilité souvent insuffisante, effets secondaires pouvant limiter la réalisation des traitements subséquents
Radiothérapie externeTumeur radiosensible chez des personnes avec espérance de vie courte et déficit ­neurologique unique et aiguEffet synergique avec la chirurgie, amélioration de la fonction locomotrice, effet antalgiqueDurée de traitement optimale inconnue, pas d’action sur l’instabilité de la colonne, effets secondaires selon la zone irradiée avec exacerbation transitoire possible des symptômes
Radiothérapie stéréotaxiqueTumeur radiosensible avec déficit ­neurologique léger uniqueMeilleur contrôle tumoral local et épargne des tissus sains qu’avec la radiothérapie conventionnelle, possibilité de schéma hypofractionnéDélai dû au temps de préparation, recrudescence possible de la douleur en cours de ­traitement, effets secondaires selon la zone irradiée
ChirurgieTumeurs radio-résistantes, lors de compression majeure avec instabilité de la colonne, douleurs réfractaires avec échec de la radiothérapieEffet synergique lors d’une association à la radiothérapie, indépendant de la chimio- ou radio­sensibilité de la tumeur, amélioration de la fonction locomotrice, contrôle tumoral local, effet antalgique, traitement de l’instabilité de la colonneEffets secondaires post-opératoires en lien avec le geste chirurgical

Corticoïdes

Les corticoides améliorent la fonction locomotrice grâce à leur effet antalgique, en réduisant l’œdème ­vasogénique secondaire à la compression vasculaire, et à leur effet antitumoral direct, principalement sur les tumeurs hématologiques. Il s’agit d’un traitement de première intention à débuter de manière empirique dès que possible en cas de suspicion clinique de compression médullaire. Il n’y a actuellement pas de consensus strict sur la dose la plus efficace: plusieurs posologies entre 10 mg/jour et 100 mg/jour de dexaméthasone ont été étudiées sans qu’une différence ne puisse être démontrée sur la survie, la fonction locomotrice ou l’antalgie [5]. Les effets secondaires sont bien connus et comprennent notamment l’hyperglycémie, le risque infectieux, la toxicité gastrique, la myopathie et la prise pondérale. La fréquence de ces complications est dose-dépendante et proportionnelle à la durée du traitement. En ce sens, le schéma généralement proposé est de 16 mg/jour de dexaméthasone, qui associe une efficacité et un profil de sécurité satisfaisants [6, 7].

Chimiothérapie

Chez les patientes et les patients oncologiques adultes, peu de tumeurs sont suffisamment chimio-sensibles pour espérer une réponse rapide à la chimiothérapie permettant d’améliorer une situation de compression médullaire, raison pour laquelle ce traitement n’est que très rarement proposé. Par ailleurs, en cas d’échec d’amélioration des symptômes, la toxicité de la chimiothérapie, notamment au niveau hématologique, peut limiter la réalisation d’une intervention chirurgicale de secours. La chimiothérapie peut cependant se discuter dans certaines situations d’atteinte médullaire ou radiculaire avec symptômes neurologiques légers à modérés, sans déficit moteur, dans des cas de tumeurs fortement chimio-sensibles, comme par exemple le myélome multiple, les lymphomes de haut grade ou les cancers du poumon à petites cellules, lorsqu’une autre solution peut être envisagée en cas d’échec de traitement.
Chez l’enfant, le profil de tumeurs responsables de compression médullaire très différent, avec notamment une majorité de sarcomes d’Ewing et de neuroblastomes, fortement chimio-sensibles, rend la chimiothérapie plus attractive en tant que traitement de premier choix, pour autant que le déficit neurologique soit modéré [8].

Radiothérapie

L’efficacité de la radiothérapie externe a été mise en évidence dans plusieurs études rétrospectives, devenant un traitement de choix depuis les années 1950 en raison de l’amélioration du pronostic fonctionnel. Les facteurs prédictifs d’une bonne réponse à la radiothérapie sont une capacité de marche conservée au diagnostic, une tumeur radiosensible et d’étendue limitée et le délai court depuis la survenue des symptômes [9]. En effet, la conjonction de la radiothérapie externe et d’un traitement de stéroïdes permet de préserver la marche chez la moitié des patientes et des patients. L’amélioration neurologique devient encore plus importante lors de son association avec un procédé chirurgical moderne [10]. Le schéma de traitement est néanmoins toujours débattu; une durée plus longue (10 séances sur 2 semaines) n’influence pas la réponse motrice ou la survie mais suggère un meilleur contrôle local, réduisant ainsi le risque de récurrence chez des patientes et des patients avec un meilleur pronostic de survie [11]. On retient alors de manière pragmatique et logistique une préférence pour un schéma court (5 séances sur 1 semaine ou 1 séance unique dite «flash») chez des personnes avec un pronostic plus sombre, qui seraient par ailleurs non-candidats à une chirurgie. Les indications à la radiothérapie seule sont la présence de tumeur radiosensible (lymphome, myélome, carcinome pulmonaire à petites cellules), une espérance de vie de moins de 3 mois, une contre-indication à la chirurgie, un déficit neurologique absent, ou inversement une parésie subaiguë ou une atteinte métastatique diffuse [9]. Cette approche a également une visée antalgique, néanmoins elle ne pourra corriger une difformité de la colonne ni soulager une compression due à une atteinte osseuse, par exemple survenant lors de fracture pathologique avec déplacement. Les effets indésirables dépendent de la zone irradiée et de la taille du volume-cible mais peuvent inclure une cytopénie, de la fatigue, des nausées (si traitement en regard de l’estomac) et une exacerbation transitoire des symptômes due à l’inflammation et contrecarrée par la corticothérapie.
La radiothérapie stéréotaxique permet d’irradier à haute dose de très petits volumes, entraînant un meilleur contrôle tumoral et une plus grande épargne des tissus sains. Néanmoins, dans le cadre d’une compression épidurale symptomatique avec urgence de traitement, l’utilisation de cette technique peut être limitée par le temps nécessaire à sa préparation. Il semble toutefois que cette modalité seule permette une réduction du volume tumoral associée à un bon contrôle local indépendamment de l’histologie de la tumeur ainsi qu’une amélioration des fonctions neurologiques chez des patientes et des patients ayant un déficit moteur ­léger. Le taux de réponse symptomatique est plus durable que lors d’une radiothérapie conventionnelle car les doses délivrées peuvent être à visée ablative en fonction de la localisation tumorale par rapport au ­canal médullaire. En outre, les schémas hypofractionnés permettent d’administrer la dose souhaitée en un nombre limité de séances, généralement 1 à 5. Ceci en fait une thérapie appropriée pour des situations sans instabilité spinale avec une répercussion clinique modérée.
La radiothérapie peut également être précédée d’une chirurgie de résection tumorale et de fixation vertébrale, permettant d’éradiquer au maximum la maladie résiduelle et améliorant le pronostic moteur par rapport à la radiothérapie seule chez les patients avec un bon état de forme [12].
Les effets indésirables de la radiothérapie stéréotaxique sont une recrudescence transitoire de la douleur dans 70% des cas due à l’inflammation, une fatigue, une œsophagite si la cible est accolée à l’œsophage comme pour les vertèbres dorsales. Des fractures vertébrales peuvent survenir après quelques mois de manière dose-dépendante dans 10–20% des cas, et la myélopathie radique reste une complication rare (<5% des cas) lorsque les contraintes dosimétriques sont respectées [4].

Chirurgie

Les indications chirurgicales comprennent la radio-­résistance de la tumeur, une instabilité de la colonne, une compression majeure, des douleurs réfractaires et un échec de la radiothérapie [13]. L’instabilité mécanique est un élément clé qui peut être estimé à l’aide du score de SINS («Spine Instability Neoplastic Score») dont les items comprennent la location de la lésion, le caractère de la douleur, le type de lésion osseuse, la présence d’une difformité spinale, le degré de collapsus vertébral et l’atteinte des éléments postérieurs. La ­valeur obtenue permet de sélectionner les patients qui bénéficieront d’une consultation chirurgicale.
La seule option chirurgicale possible jusque dans les années 1980 a été la laminectomie, visant à rogner les éléments postérieurs de la colonne afin de libérer de l’espace pour la moelle épinière [13]. Cette approche permet une décompression rapide mais présente l’inconvénient de devoir faire l’ablation d’éléments de la colonne souvent non atteints par la maladie, avec le risque de déstabilisation secondaire, d’infection de plaie et de dissémination d’embole métastatique au ­niveau du corps vertébral pouvant entrainer une ­compression médullaire ventrale. Il s’agit en outre d’une méthode symptomatique puisqu’elle n’ôte pas la masse tumorale causale et nécessite un certain délai avant de pouvoir observer un bénéfice clinique. Elle est donc un choix possible dans les situations palliatives sans instabilité spinale ou lors de tumeurs postérieures.
Par la suite, la chirurgie a évolué vers une nouvelle ­approche ayant pour but de lever la compression de manière circonférentielle en ôtant la maladie présente avant de reconstruire et de stabiliser la colonne dans le même temps opératoire. Cette chirurgie, associée à la radiothérapie, permet une amélioration de la marche, de l’autonomie et de l’espérance de vie en diminuant les complications liées au traitement chez des patientes et des patients avec compression épidurale unique provenant de tumeurs primaires non radiosensibles et incapacité à la marche ne dépassant pas 48 heures. On observe également un bénéfice de la chirurgie sur la douleur et la qualité de vie [14].
L’approche par voie antérieure offre un meilleur accès aux tumeurs métastatiques comprimant la moelle, mais l’approche postérieure transpédiculaire reste une option si la voie antérieure est trop invasive, particulièrement au niveau thoracique. Les complications comprennent essentiellement l’infection ou la déhiscence de plaie dont l’incidence est majorée par une radiothérapie antérieure. On retrouve également la survenue possible de dégradation respiratoire post-opératoire, de maladie thrombo-embolique, d’hémorragie ou de troubles neurologiques nouveaux. La mortalité à 30 jours varie autour de 5% (entre 0 et 22%) [15].
Finalement, la place de la chirurgie minimalement invasive est croissante. Il s’agit d’interventions visant à minimiser l‘accès chirurgical et préserver ainsi les structures non lésées grâce à des techniques endoscopiques et une instrumentation adaptée [16]. Ainsi, les complications péri-opératoires (pertes sanguines, taux d’infections, séjour hospitalier) sont diminuées. Dans le contexte d’une compression épidurale, cette approche a l’avantage de permettre une mobilisation précoce, une antalgie satisfaisante et d’offrir une stabilisation de la colonne à des personnes fragiles ne pouvant supporter une intervention plus lourde.

Métastases vertébrales asymptomatiques

Dans le cadre du suivi radiologique de routine pour une maladie oncologique, ou lors du bilan initial d’une compression épidurale métastatique, il arrive fréquemment de retrouver des métastases vertébrales ou épidurales asymptomatiques. Le «Metastatic Spine ­Disease Multidisciplinary Working Group» a publié en 2015 une proposition d’algorithme de prise en charge concernant plusieurs situations de maladie métastatique vertébrale, allant de la métastase vertébrale asymptomatique à la compression épidurale [17]. Dans le premier cas, la suggestion est d’abord une prise en charge médicamenteuse par agent modulateur osseux. Ensuite, en fonction de l’espérance de vie, de l’état général et du nombre de métastases viscérales, une observation simple peut être choisie versus une prise en charge radiothérapeutique ayant pour but de prévenir la survenue ultérieure d’un événement indésirable osseux. Dans les cas de non éligibilité à la radiothérapie, une résection percutanée de la tumeur peut être proposée. Concernant la compression épidurale, en revanche, aucune distinction de prise en charge n’a pu être proposée en fonction de l’absence de symptômes.

Récidive de compression épidurale ­oncologique

Le taux de récurrence varie entre 7 et 14% et peut survenir au même endroit ou ailleurs sur la colonne. Elle survient avec la même fréquence chez des patientes et des patients présentant des métastases épidurales multiples ou unique. La plupart du temps, ceux-ci ont déjà bénéficié de radiothérapie par le passé, si bien que la dose de rayons déjà reçue est un facteur limitant. La chirurgie est donc le traitement de première intention chez des patientes et des patients déjà irradiés, bien qu’une nouvelle irradiation puisse être discutée dans le cas où la personne est symptomatique de la lésion et qu’elle n’est pas un candidat chirurgical. En effet, la radiothérapie mène à une amélioration clinique dans 39% des cas et une stabilité clinique dans 47% des cas [9]. La chirurgie s’adresse bien sûr à des patientes et des patients sélectionnés, avec une amélioration clinique dans 67% des cas [18].

Conclusion

La compression médullaire d’origine épidurale est le résultat d’un envahissement vertébral d’origine hématogène ou provenant des structures avoisinantes. Les symptômes cliniques initiaux sont aspécifiques avec l’apparition tardive de déficit neurologique ou de troubles sphinctériens. Toute suspicion clinique doit entrainer la réalisation rapide d’examens complémentaires radiologiques et l’initiation empirique d’une corticothérapie. Le pronostic reste sombre et l’agressivité de la prise en charge radiothérapeutique ou chirurgicale dépend de l’espérance de vie du patient qui peut être estimée à l’aide de différents scores. La place de la chimiothérapie reste exceptionnelle, et le taux de récidive est fréquent quelle que soit l’option thérapeutique choisie. Les métastases vertébrales asymptomatiques sont fréquemment rencontrées et peuvent être confrontées à un algorithme, toutefois, celui-ci ne saurait se substituer au jugement clinique général.
Les médecins généralistes doivent connaitre les grandes lignes de prise en charge et la présentation clinique de cette entité à la vue des plaintes communes et variées pouvant être rapportées et de la prévalence importante de patientes et de patients oncologiques. Ceci peut permettre d’adresser les patientes et les patients plus rapidement pour confirmer le diagnostic, de coordonner au mieux la prise en charge et de savoir expliquer aux patientes et patients les enjeux thérapeutiques. De plus, les médecins généralistes qui connait le niveau de fonctionnalité antérieur du patient sera d’une aide précieuse afin de personnaliser le traitement en fonction des capacités et du potentiel d’un ­individu donné.

L’essentiel pour la pratique

• Des douleurs rachidiennes nouvelles ou l’apparition de signes sensitivo-moteur chez une personne connue pour une maladie oncologique doit entraîner un examen ciblé et la réalisation rapide d’examens radiologiques par IRM de la colonne et CT natif.
• Le pronostic dépend avant tout de l’impact fonctionnel au diagnostic.
• Les corticoïdes sont un traitement de première intention à débuter de manière empirique.
• La radiothérapie externe améliore le pronostic fonctionnel et a un effet antalgique. Elle cède parfois la place à la radiothérapie stéréotaxique qui permet un meilleur contrôle local et une plus grande épargne des tissus sains.
• La chirurgie est une option thérapeutique en cas de déficit moteur chez une personne en état général conservé avec une espérance de vie de plusieurs mois, en cas d’échec de la radiothérapie ou en cas de douleurs importantes, avec plusieurs approches possibles en fonction de l’agressivité thérapeutique retenue et de la localisation tumorale.
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
Larissa ­Russo-Vorms
Service d’oncologie
Hôpitaux Universitaires de Genève
Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4
CH-1211 Genève 14
larissa.vorms[at]hcuge.ch
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