Temps forts en gynécologie et oncologie gynécologique
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Temps forts en gynécologie et oncologie gynécologique

Medizinische Schlaglichter
Édition
2022/0910
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09048
Forum Med Suisse. 2022;22(0910):151-153

Affiliations
Universitätsklinik für Frauenheilkunde, Inselspital, Bern

Publié le 01.03.2022

Prévention, chirurgie mini-invasive et désescalade ainsi que médecine personnalisée ont marqué la gynécologie et en particulier l’oncologie gynécologique des 20 dernières années.

Prévention primaire et secondaire en cas de carcinome cervical

Une étude suédoise récemment publiée a permis de montrer que la vaccination quadrivalente contre les HPV (papillomavirus humains) au niveau de la population faisait considérablement baisser le risque de cancer invasif du col de l’utérus [1]. Depuis début 2019, un nouveau vaccin nonavalent est disponible, susceptible d’assurer une protection encore plus grande contre les HPV «high risk» (HPV-HR). La vaccin anti-HPV a été ­introduit en Suisse en 2007; malheureusement, le taux de vaccination n’est que d’environ 52%.
L’introduction du dépistage du carcinome cervical et du traitement de dysplasies de grades supérieurs a permis de réduire fortement l’incidence, la morbidité et la mortalité du carcinome cervical dans les pays industrialisés. En Suisse, l’incidence du carcinome cervical est parmi les plus faibles au monde (4,7/100 000). Au cours des dernières années, le test HPV-HR (mise en évidence de matériel génétique viral dans le frottis) est venu remplacer le frottis cytologique classique (test de Papanicolaou ou test Pap) chez les femmes de plus de 30 ans dans de nombreux pays, car le test HPV-HR présente une sensibilité supérieure. En revanche, chez les femmes de moins de 30 ans, il convient d’effectuer uniquement le dépistage basé sur la cytologie traditionnelle, car la prévalence de HPV est très élevée chez ce groupe de personnes et une guérison spontanée peut généralement être attendue. En Suisse, les coûts d’un dépistage HPV-HR ne sont actuellement pas pris en charge par l’assurance de base obligatoire, c’est pourquoi un frottis cytologique continue généralement d’être pratiqué chez les femmes au-delà de 30 ans.

Chirurgie mini-invasive et désescalade

Au cours des dernières années, la chirurgie mini-invasive s’est définitivement imposée en gynécologie avec la preuve d’une durée d’hospitalisation plus brève et d’une plus faible morbidité et mortalité. La standardisation de la technique et l’utilisation de nouvelles énergies telles que l’énergie ultrasonique, les énergies bipolaires avancées avec mesure d’impédance intégrée ou les systèmes de fermeture tissulaire avec mécanisme de coupe intégré ont permis de réduire considérablement le taux de complications de l’hystérectomie laparoscopique. Divers travaux ont même montré des taux supérieurs de complications en cas d’hystérectomie vaginale et abdominale par rapport à l’hystérectomie laparoscopique [2]. De plus, il est souvent possible d’opérer des tumeurs malignes par laparoscopie; aussi la procédure mini-invasive est-elle même standard en présence de carcinome endométrial. Au vu de l’étude randomisée LACC sur les stades précoces du carcinome cervical (LACC: «Laparoscopic Approach to Cervical Cancer»), un taux supérieur de récidive et de mortalité a été mis en évidence après une hystérectomie radicale mini-invasive par rapport à l’intervention ouverte [3], c’est pourquoi le carcinome cervical est actuellement à nouveau opéré par chirurgie ouverte.
Diverses études à long terme ont montré que, en ­présence de nombreuses tumeurs gynécologiques ­malignes, de critères définis et de l’expertise correspondante des praticiens, il était possible de proposer aux patientes un traitement de préservation de la fertilité sans détériorer le pronostic tumoral.
Le concept du diagnostic par biopsie du ganglion sentinelle (GS) s’est définitivement imposé en cas de tumeurs gynécologiques grâce à l’introduction de la technique au vert d’indocyanine (ICG) et l’imagerie proche infrarouge (fig. 1). L’identification du GS permet une désescalade chirurgicale. De nos jours, la lymphadénectomie complète n’est encore nécessaire que pour des constellations spécifiques. Dans ces situations, elle ne peut toutefois pas être remplacée par une imagerie.
Figure 1: Ganglion sentinelle fluorescent en présence de carcinome cervical après ­marquage au vert d’indocyanine.
*: ganglion sentinelle, §: artère iliaque externe gauche, +: veine iliaque externe gauche.
La chirurgie assistée par robot a été considérée comme le perfectionnement le plus dynamique des interventions mini-invasives et présentée, au début du siècle, comme la prochaine étape de «l’évolution» technique de la laparoscopie. Toutefois, l’avantage effectif de la chirurgie assistée par robot par rapport à la chirurgie laparoscopique n’a jusqu’à présent jamais pu être prouvé en gynécologie. L’état actuel des données, qui est très disparate, montre que, en présence d’équipes expérimentées en laparoscopique conventionnelle, il n’existe aucune différence mesurable entre les opérations assistées par robot et la laparoscopie traditionnelle, mais que les coûts de la chirurgie assistée par ­robot sont nettement plus élevés.
L’utilisation de filets («meshes») en cas d’opérations de prolapsus a beaucoup été critiquée dans la presse non spécialisée. Les opérations de prolapsus ont pour but d’éliminer les symptômes liés à la descente et d’améliorer la fonction des organes concernés (vagin, vessie, rectum). Les filets sont utilisés en chirurgie depuis près de 30 ans. En janvier 2016, la «U. S. Food and Drug ­Administration» (FDA) a néanmoins référencé les filets vaginaux dans la classe de risque 3 (risque élevé). Les fabricants de ces filets doivent donc réaliser une évaluation de la sécurité et l’efficacité de leur produit avant l’introduction sur le marché. Ces avertissements concernent toutefois uniquement les filets utilisés pour corriger un prolapsus vaginal, mais pas les bandelettes d’incontinence, ni la sacrocolpopexie abdominale. Une utilisation non critique des filets doit être déconseillée. Les filets vaginaux modernes restent néanmoins une option pour la correction chirurgicale d’un prolapsus en cas d’indications et d’opérations ­définies avec exactitude.

Médecine personnalisée (médecine de précision)

Au cours des dix dernières, les procédures thérapeutiques individualisées ont gagné en importance en ­oncologie – et ce également dans le traitement de ­tumeurs génitales malignes.

Carcinome endométrial

Dans le cadre du projet «The Cancer Genome Atlas» (TCGA), quatre sous-types moléculaires du carcinome endométrial (CE), présentant une signification pronostique et thérapeutique, ont été identifiés en 2013: le sous-type ultra-muté POLE, le sous-type hyper-muté avec instabilité microsatellitaire, le sous-type avec stabilité microsatellitaire ainsi que le sous-type séreux [4]. Le sous-type avec mutation de la polymérase (mutation POLE) présente par exemple un pronostic très ­favorable, indépendamment du degré histologique classique de différenciation. Les tumeurs avec mutations de P53 ou MMRd («mismatch repair deficiency») affichent en revanche un pronostic nettement plus mauvais, et ces groupes profitent probablement le plus de traitements adjuvants.
En cas de CE, des traitements hormonaux sont déjà utilisés depuis de nombreuses années en situation de récidive. Le traitement faisant appel à des substances moléculaires est, quant à lui, plus récent. Des anticorps monoclonaux humanisés (p. ex. trastuzumab) ou des inhibiteurs des points de contrôle immunitaire (p. ex. pembrolizumab) sont de plus en plus souvent employés dans le traitement et en situation de récidive de CE.

Carcinome épithélial de l’ovaire

La médecine individualisée ou personnalisée a aussi fortement gagné en importance dans le traitement du carcinome épithélial de l’ovaire (CEO), qui repose sur une combinaison entre chirurgie, chimiothérapie néoadjuvante et/ou adjuvante ainsi que, de plus en plus souvent, traitement d’entretien. La génétique et la biologie moléculaire ont entraîné une amélioration considérable du traitement. Non seulement la mise en évidence d’une mutation BRCA chez les patientes atteintes de CEO exerce une influence sur les proches (prévention intensifiée, chirurgie prophylactique), mais elle permet également, selon le résultat, d’avoir recours à un traitement d’entretien dès le diagnostic initial [5]. Outre l’aspect prédictif pour un traitement ciblé, la signification pronostique du statut de mutation est une raison supplémentaire pour l’exécution d’un test BRCA chez les patientes atteintes de carcinome ovarien. Les patientes atteintes de CEO BRCA1/2 positif présentent un taux de survie à cinq ans supérieur à celui des patientes sans mutation BRCA.
Les inhibiteurs des points de contrôle immunitaire et les hormonothérapies sont également de plus en plus souvent utilisés dans le traitement du CEO.

Des techniques perfectionnées pour une oncologie gynécologique individualisée

– Pour le dépistage du carcinome cervical, un dépistage basé sur HPV-HR serait à privilégier en Suisse à partir de la 30e année de vie. Si un taux supérieur de vaccination anti-HPV était atteint, il pourrait être envisagé de repousser le début du dépistage et de prolonger les intervalles.
– La chirurgie assistée par robot, couplée à l’intelligence artificielle (IA) et en tant que solution hybride, c’est-à-dire associant l’assistance par robot et la laparoscopie conventionnelle, gagnera certainement en importance au cours des prochaines années.
– L’ablation du ganglion sentinelle représente une étape importante vers un traitement moins extrême en présence de tumeurs gynécologiques et va progressivement remplacer la lymphadénectomie radicale.
– La caractérisation génétique et biologique moléculaire des tumeurs ainsi que le conseil correspondant et la possibilité d’un traitement personnalisé vont jouer un rôle de plus en plus important à chaque stade de la maladie et acquérir une valeur pronostique, prédictive, prophylactique et thérapeutique croissante.
L’auteur a déclaré ne pas avoir d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Prof. Dr méd.
Michael D. Mueller
Universitätsklinik für ­Frauenheilkunde
Inselspital
Friedbühlstrasse 19
CH-3010 Bern
michel.mueller[at]insel.ch
1 Lei J, Ploner A, Elfström KM, Wang J, Roth A, Fang F, et al.; HPV vaccination and the risk of invasive cervical cancer. N Engl J Med. 2020;383(14):1340–8.
2 Clarke-Pearson DL, Geller EJ. Complications of hysterectomy. Obstet Gynecol. 2013;121(3):654–73.
3 Ramirez PT, Frumovitz M, Pareja R, Lopez A, Vieira M, Ribeiro R, et al. Minimally invasive versus abdominal radical hysterectomy for cervical cancer. N Engl J Med. 2018;379(20):1895–1904.
4 Kandoth C, McLellan MD, Vandin F, Ye K, Niu B, Lu C, et al. Mutational landscape and significance across 12 major cancer types. Nature. 2013;502:333–9.
5 Banerjee S, Moore KN, Colombo N, Scambia G, Kim BG, Oaknin A, et al.; Maintenance olaparib for patients with newly diagnosed advanced ovarian cancer and a BRCA mutation (SOLO1/GOG 3004): 5-year follow-up of a randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet Oncol. 2021;Dec;22(12):1721–31.