La pneumonie à Pneumocystis jirovecii chez l’individu non-VIH
Prophylaxie et diagnostic

La pneumonie à Pneumocystis jirovecii chez l’individu non-VIH

Übersichtsartikel
Édition
2022/2930
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09091
Forum Med Suisse. 2022;22(2930):472-477

Affiliations
a Service d’anesthésiologie, Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne; b Service des maladies infectieuses de l’Institut Central des Hôpitaux, Hôpital du Valais, Sion/ Hôpital Riviera-Chablais, Rennaz; c Service de médecine intensive adulte, CHUV, Lausanne; d Service de médicine intensive, Hôpital Riviera-Chablais, Rennaz

Publié le 19.07.2022

Cet article traite de la problématique relative aux indications actuelles à une prophylaxie et de la démarche diagnostique chez les patientes et patients non-VIH.

Introduction

Pneumocystis (P.) jirovecii est un pathogène opportuniste responsable de pneumonies devenues fréquentes lors de l’apparition du virus d’immunodéficience humain (VIH) au début des années 1980, en particulier chez les patientes et patients VIH avec un taux bas de CD4. Avec l’introduction d’une prophylaxie antibiotique protocolisée pour la pneumonie à P. jirovecii chez les personnes VIH et des thérapies anti-­rétrovirales l’incidence de cette pneumonie a nettement diminué [1]. Pourtant ces dernières années, on constate une augmentation de nombre de patientes et patients non-VIH et immuno-supprimés traités pour des maladies hématologiques et oncologiques, rhumatologiques et inflammatoires autres ainsi que chez des personnes transplantées et celles sous cortico-thérapie. Un consensus international avec des protocoles sur la prophylaxie antibiotique pour ces patientes et patients n’existe pas encore à l’exception du groupe des personnes transplantées.

Microbiologie et épidémiologie

P. jirovecii se classe dans le règne fungi et la division ascomycètes. Cet organisme se retrouve chez toutes les espèces mammifères avec des variations génétiques spécifiques aux hôtes [2]. P. carinii a été identifié par Antonin Carini en 1910 dans les poumons des rats. En 1952 le Dr Otto Jiroveci montre que le P. carinii est incapable d’infecter le poumon humain et il le renomme en P. jirovecii le pathogène retrouvé chez l‘homme. Initialement l’abréviation PCP signifiait «Pneumocystis Carinii Pneumonia» et cette nomenclature a été conservé pour désigner la PCP égal la «PneumoCystis Pneumonia».
Dans un premier temps, on a supposé que la maladie ait résulté de la réactivation d’une infection latente par Pneumocystis. Actuellement, il existe de bonnes évidences que P. jirovecii est transmis par l’inhalation de particules dans l’air et a lieu le plus souvent au moment du contact entre les humains, parfois aussi avec l’environnement [2]. Il est connu que le contact avec ce pathogène est extrêmement fréquent, même dans les pays développés, où plus de 80% des enfants de 4 ans ont déjà la présence d’anticorps [3]. Par ailleurs, il s’agissait de la première cause de pneumonie du nouveau-né prématuré et des enfants malnutris après la 2ème guerre mondiale. Entre 1960 et 1970 la PCP était diagnostiquée principalement chez les personnes avec des maladies onco-hématologiques.
Actuellement, le taux d’infection par P. jiroveci dans une population de immuno-supprimés non-VIH varie selon les observations en fonction des facteurs de risque associés (tab. 1). Chez les personnes avec une maladie hémato-oncologique et celles avec transplantation de moelle osseuse allogène ou d’organes solides, le risque de présenter une PCP est de 6,2% [4]. Pour les autres maladies oncologiques, le risque semble être inférieur à 1% [4]. L’incidence de PCP chez les patientes et patients post transplantation d’organe solide sans prophylaxie varie de 5 à 15% et elle est particulièrement haute chez les transplantés des poumons et du cœur, allant de 10 à 40% sans prophylaxie [4]. Les personnes atteintes de tumeurs cérébrales et sous traitement de témozolomide, ainsi que les personnes sous traitement de corticothérapie à haute dose (>20 mg/jour pendant plus d’un mois) sont particulièrement à risque. Le taux global de PCP chez les personnes avec maladies rhumatologiques avec ou sans traitement immunosuppresseur est de 1 à 2%, pourtant avec de variations en fonction de la maladie elle-même et des traitements associés [4]. Bien que les patientes et patients atteints de granulomatose avec poly-angéite et péri-artérite noueuse (taux entre 8–12%) et polymyosite/dermatomyosite (taux à 6,5% et 2,7% respectivement) semblent particulièrement exposés [5], le risque chez ceux atteints de maladies inflammatoires de l’intestin est extrêmement faible et une prophylaxie n’est pas indiquée [4]. D’ailleurs, il existe les facteurs de risque indépendants ou liés à l’individu, comme l’âge avancé, les maladies pulmonaires chroniques comme la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et la fibrose pulmonaire, le diabète mellitus, les plaies chroniques ainsi que les conditions sociales [6]. Les personnes connues pour une infection antérieure à PCP gardent un risque élevé ainsi que celles atteintes par le cytomégalovirus.
Tableau 1: Facteurs de risque associés à la peumonie à Pneumocystis jirovecii (PCP) [1, 6, 15–17, 19, 20, 21].
Risque haut – associé avec transplantationTransplantation de la moelle osseuse allogène
Transplantation des organes solides
Risque haut – associé avec maladie de base et traitementMaladie lymphoproliférative
Corticostéroïdes: dose >20 mg/jour pendant plus que 1 mois*
Personnes avec tumeurs cérébrale sous traitement ­témozolomide ou avec irradiation spinale
Risque modéré/bas et/ou peu clairMaladie de la lignée neutrophile (SMD, LMA, neutropénie)
Transplantation de la moelle osseuse autologue
Régimes de chimiothérapie (R-CHOP, FCR, ABVD, ­gemcitabine, méthotrexate à haut dose, alemtuzamab)
Traitement avec les antagonistes de TNF-ɑ
Granulomatose avec polyangéite
Péri-artérite noueuse ou polymyosite/dermatomyosite > lupus érythémateux
Risque indépendant/ ­patient-associéAge avancé
Maladie pulmonaire chronique (BPCO, fibrose pulmonaire)
Diabète mellitus
Plaies chroniques
Conditions sociales
Co-facteursHypogammaglobulinémie
Bas compte lymphocytaire (CD4 <200/mm3)
PCP antérieur, co-infection avec cytomégalovirus.
SMD: syndrome myélodysplasique; LMA: leucémie myéloïde aiguë; R-CHOP: rituximab cyclophosphamide, doxorubicin, vincristine et prednisone; FCR: fludarabine, cyclophosphamide et rituximab; ABVD: adriamycine, bléomycine, vincristine et dacarbazine; TNF: facteurs de nécrose tumorale; BPCO: bronchopneumopathie chronique obstructive.

*En fonction de la maladie sous-jacente et de la présence d’un autre immunosuppresseur associé.
La morbidité/mortalité associée avec la PCP montre une nette différence entre les personnes VIH et les immuno-supprimés non-VIH. En comparaison avec les patientes et patients VIH, les non-VIH ont des taux significativement augmentés d’admission aux soins intensifs (VIH- 35% vs. non-VIH- 50%) et de ventilation invasive (VIH- 11% v.s non-VIH- 30,5%) [7]. Une étude prospective faite en France en 2014 par Roux et al [5] décrit une mortalité hospitalière à 27% pour les patientes et patients non-VIH vs 4% pour les VIH, mais autres études citent une mortalité entre 28 et 53% (non-VIH) et 17–30% (VIH) [7].

Manifestations cliniques

La présentation clinique peut être insidieuse ou rapidement progressive et pouvant se compliquer d’une détresse respiratoire aiguë ou d’un pneumothorax. Les patientes et patients non-VIH présentent typiquement une toux sèche, un état fébrile et une dyspnée progressive. Des symptômes moins spécifiques comme de la fatigue, des douleurs thoraciques, une inappétence et une perte de poids peuvent s’y ajouter [6, 8]. Approximativement 5–10% restent asymptomatiques.
A l’examen clinique, il y a régulièrement une tachycardie, une tachypnée avec une auscultation pulmonaire souvent non contributive. L’élément clé est l’hypoxémie au repos avec un gradient alvéolo-artériel augmenté.

Vignette clinique

Un patient de 66 ans présente un état fébrile à 38,5 °C et une toux avec expectorations jaunâtres depuis 4 jours. Parmi les antécédents importants, nous notons une BPCO stade 2B selon GOLD, un adénocarcinome pancréatique avec un nodule pulmonaire suspect sous chimiothérapie palliative par gemcitabine/nab-paclitaxel depuis 3 mois. Il est anti-coagulé dans le contexte d’un artériopathie sévère des membres inférieurs. Le patient bénéficie d’un traitement empirique de lévofloxacine depuis 4 jours, instauré par son médecin traitant pour une suspicion de pneumonie communautaire.
Les examens complémentaires ne montrent pas de franc syndrome inflammatoire, la radiographie de thorax est sans condensation alvéolaire (fig. 1A). Un angio-CT thoracique (fig. 2A) met en évidence un emphysème pulmonaire centrolobulaire et paraseptal ainsi que la présence à droite d’un infiltrat en verre dépoli faisant suspecter une origine infectieuse ou médicamenteuse.
Figure 1: A) Radiographie de thorax (J3 de l’admission à l’hôpital): une image sans particularité. B) Radiographie de thorax (J10 de l’admission à l’hôpital) 1 jour avant le diagnostic de pneumonie à Pneumocystis jirovecii : infiltrats bilatéraux d’apparence réticulaires (flèches bleues) et consolidation basale gauche (flèche jaune).
La PCR COVID-19 est négative à deux reprises. Le diagnostic de pneumonie communautaire est retenu et le patient traité par lévofloxacine per os à l’étage de médecine pendant 6 jours. Cependant, l’évolution est caractérisée par une augmentation progressive des besoins en oxygène nécessitant par la suite un transfert aux soins intermédiaires pour une oxygénothérapie à haut débit avec des FiO2 entre 60–80% pour une SpO2 >90%. Quelques épisodes d’expectorations brunâtres avec traces de sang frais font suspecter une hémorragie alvéolaire chez ce patient anti-coagulé.
Le CT-scan thoracique à J10 de la présentation (fig. 2B) montre des infiltrats en verre dépoli bilatéraux à prédominance des lobes supérieurs accompagnés des quelques condensations alvéolaires avec une répartition inégale («patchy»). Le laboratoire met en évidence une leucocytose à 11 G/l et une protéine C-réactive à 25 mg/l.
Figure 2: A) CT-scan du thorax à l’admission (coupe axiale au niveau T4–5): foyer de verre dépoli en postérieur droit (flèche bleue). B) CT-scan à J10 de l’admission à l’hôpital (même coupe que l’image A): plusieurs foyers de verres dépolis plutôt en région postérieur bilatérale (flèches bleues) avec lésions kystiques multiples (flèche jaune).
Le contexte clinique, l’immunosuppression, une légère augmentation de lactate déshydrogénase (LDH) à 276 U/l et les images du CT thoracique font évoquer une PCP et motivent le début d’un traitement par triméthoprime/sulfaméthoxazole (TMP/SMX) intraveineux et de la prednisone. Le diagnostic est confirmé par un test PCR des expectorations induites positif à P. jirovecii avec une quantification de 95 400 copies/ml.
L’évolution est favorable sous ce traitement avec sevrage progressif de l’oxygène permettant le transfert hors de soins intensifs. Le patient retrouve rapidement un excellent état général.

Méthodes diagnostiques

Le diagnostic repose sur l’anamnèse d’une immunosuppression, les symptômes cliniques, les signes radiologiques et les résultats microbiologiques [2, 9]. Le diagnostic microbiologique de PCP chez les patientes et patients non-VIH reste difficile pour plusieurs raisons: d’abord, il y a toujours la possibilité d’une colonisation par P. jirovecii. De plus, les personnes non-VIH ont souvent une charge microbiologique assez basse en comparaison avec ceux atteints du VIH. Egalement, les expectorations, mêmes induites, ne sont parfois pas suffisantes pour mettre en évidence l’infection. Par conséquent, le lavage broncho-alvéolaire (LBA) reste le «gold standard». La biopsie pulmonaire, rarement réalisée, a une excellente sensibilité et peut être pratiquée chez les patientes et patients avec une forte suspicion de PCP mais avec un LBA négatif.

Examens radiologiques

Les radiographies des poumons chez les personnes non-VIH sont souvent sans particularités au début de la présentation et non-spécifiques (fig. 1A). Dans un deuxième temps, les images radiologiques montrent des infiltrats interstitiels bilatéraux (souvent chez l’individu VIH) avec une apparence réticulo-granulaire (fig. 1B). Le CT thoracique met typiquement en évidence des images en verre dépoli péri-hilaires ou diffuses avec ou sans la présence de lésions cystiques, de consolidations, de nodules et/ou même un pneumothorax secondaire spontané (fig. 2B).

Examens laboratoires

Il existe plusieurs marqueurs sanguins d’intérêt parmi lesquels la LDH, le 1,3-ß-D-glucan, le KL-6, et l’albumine [2, 7, 10–12]. Globalement, l’utilisation de ces marquers non-spécifiques n’est pas validée chez les patientes et patients non-VIH. Malgré ceci, ils peuvent être utilisés comme aide diagnostique lors de suspicion de PCP.
– LDH: chez les personnes VIH une élévation de la LDH a une valeur prédictive positive importante, elle est hautement sensible mais peu spécifique pour P. jirovecii, pourtant chez les personnes non-VIH une élévation de la LDH est plutôt indicative d’une inflammation pulmonaire, peu spécifique pour la PCP [2, 11].
– 1,3-ß-D-glucan: il fait partie de la paroi cellulaire de Pneumocystis spp., Candida spp. et Aspergillus spp. [7, 11] et il est un marqueur fiable comme aide au diagnostic de PCP avec une bonne valeur prédictive négative[12].
– KL-6: c’est une glycoprotéine de la paroi des pneumocytes de type II et des macrophages alvéolaires [2] dont l’élévation reflète une atteinte pulmonaire importante, non spécifique pour la PCP [10].
– Albumine: L’hypo-albuminémie est associée à une mortalité élevée et suggère l’association d’une malnutrition protéino-énérgetique [13].

Examens microbiologiques

Les examens microbiologiques sont faits sur les échantillons d’expectorations induites ou, idéalement, un LBA. La culture in vitro de P. jirovecii n’est pas possible. Il existe les techniques de coloration par l’argent de méthénamine, le bleu de toluidine et la coloration au Wright-Giemsa, ainsi que les techniques d’immunofluorescence, actuellement complétés par les techniques microbiologiques de l’amplification du génome (PCR) [14]. Les résultats de PCR sont dépendants de la qualité de l’échantillon qui est parfois difficile à obtenir chez les patientes et patients en défaillance respiratoire et souvent de faible quantité. Les techniques PCR cherchent les gènes spécifiques à Pneumocystis comme le gène MSG («major surface glycoprotein»), le gène mt-LSU («mitochondrial large subunit»), le gène DHFR (dihydrofolate réductase)«), le gène Hsp70 («heat shock protein 70») et le gène β-tubuline [9]. Ces techniques ont une valeur prédictive négative haute et donc sont très efficaces pour exclure le diagnostic de PCP, néanmoins seulement dans le cas de prélèvement de bonne qualité [9, 14]. La PCR, plus sensible que l’examen direct, détecte aussi une colonisation. La différenciation entre une colonisation par P. jirovecii et une infection se base sur le type de prélèvement, la probabilité clinique et une appréciation quantitative de la charge microbienne.

Recommandations de prophylaxie actuelles chez les individus non-HIV

Dans la littérature, il y a une réduction de 85–91% des diagnostics de PCP entre les patientes et patients sous prophylaxie par TMP/SMX versus ceux sous placebo ou autre traitement non-ciblé pour l’éradication de P. jirovecii [1, 19].
Les indications à débuter la prophylaxie sont basées surtout sur la stratification du risque chez les personnes immuno-supprimés. Il existe un risque haut chez les individus transplantés de moelle osseuse allogène ou d’organe solide, ainsi chez ceux avec un néoplasie, surtout hématologique. Les personnes sous traitement de corticoïdes à dose élevée et en combinaison à d’autres immunosuppresseurs ou atteintes d’une maladie en soi immunosuppressive sont également à risque haut (tab. 2). La prophylaxie doit continuer idéalement pour la durée de l’état d’immunosuppression et rarement à vie dans les cas ayant présenté une PCP ou ayant une immunosuppression persistante [15–17].
Le traitement prophylactique de première ligne pour la prévention de la PCP chez les adultes et les enfants est TMP/SMX (tab. 2). Il offre également une protection contre d’autres infections comme la toxoplasmose et la nocardiose chez les personnes à haut risque [3, 18]. Les effets secondaires de TMP/SMX sont connus et les suivants: l’hypersensibilité, une atteinte rénale, les interactions médicamenteuses, une myélosuppression et une intolérance gastro-intestinale. Pourtant, la seule différence dans la revue Cochrane (2015) en ce qui concerne les effets secondaires sévères entre traitement par TMP/SMX et placebo est un risque élevé d’une leucopénie avec la prise de TMP/SMX surtout chez les individus transplantés ou avec les néoplasies hématologiques [4].
Tableau 2: Indications à la prophylaxie selon maladie de base et traitement inflammatoire [1, 15–17, 19].
Hémato-oncologie et transplantations
Niveau de risqueRemarques pour indication de prophylaxie
Haut risque (>6%)Dans tous les cas
Transplantation de moelle osseuse allogèneMin. 6 mois et durant la phase avec immunosuppression médicamenteuse
Transplantation d’organes solidesAu moins 6–12 mois après greffe ou durée plus longue (voire à vie): transplantation poumon et intestin grêle et rejet traité ou stéroïdes
Leucémie lymphatique aiguëDurant traitement anti-leucémique
Témozolomide avec radiothérapieAu moins durant phase de traitement actif
Corticostéroïdes: dose >20 mg/jour pendant >1 mois et autre facteur immunosuppressif (maladie hématologique ou traitement immunosuppresseur supplémentaire)
Immunodéficience primaire, notamment si défaut d’immunité cellulaire 
Risque modéréA considérer
Traitement avec analogue de purine (fludarabine, cladribine)Jusqu’à CD4 >200/mm3
Transplantation de la moelle osseuse autologue3–6 mois après autogreffe, notamment si lymphome, myélome, ou leucémie; conditionnement avec analogue de purine ou stéroïdes à haute dose
Traitement avec anti-CD19 (y.c. traitement à cellules CAR-T), anti-CD20 ­(rituximab), anti-CD30, anti-CD38Considérer maladie de base et autres facteurs de risque
Traitement avec anti-CD52 (alemtuzumab)Au moins 2 mois et CD4 >200/mm3
Traitements immunologiques ciblés:
– Inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton
– Phosphoinositide 3-kinase inhibitor avec/sans rituximab (ou similaire)
– Inhibiteurs mTor (p.ex. temsirolimus)
– Inhibiteurs de la Janus kinase (JAK)
Au moins durant phase de traitement actif
Faible risquePas de prophylaxie
Checkpoint inhibitors (anti-PD-1 et anti-CTLA-4)Pas d’augmentation du risque infectieux
Traitement anti-inflammatoire
Niveau de risqueRemarques pour indication de prophylaxie
Risque modéré (1–2%)A considérer
Corticostéroïdes: dose >20 mg/jour pendant >1 mois Risque augmenté si traitement immunosuppresseur supplémentaire (p.ex cyclophosphamide, anti-TNF)
Faible risquePas de prophylaxie
Méthotrexate avec stéroïdes à faible dose P.ex. traitement d’arthrite rhumatoïde
Stéroïdes seuls (topique et/ou <20 mg de prednisone pour 7 jours), sans autre facteurP.ex. asthme
Recto-colite hémorragique, Maladie de CrohnQuel que soit le traitement immunosuppresseur
Chez les personnes intolérantes à TMP/SMX une désensibilisation est recommandée. Le traitement de deuxième ligne par dapsone avec ou sans pyriméthamine, pentamidine inhalé, atovaquone ou clindamycine avec primaquine est recommandé dans les cas de contre-indication à la désensibilisation à TMP/SMX [3].

Perspectives

L’utilisation actuelle de traitements immuno-suppresseurs plus puissants dans diverses maladies hématologiques, oncologiques, rhumatologiques et inflammatoires autres, ainsi que chez les personnes transplantés, améliore la survie de cette population non-VIH. De ce fait, le taux de PCP progresse également. La symptomatologie peu spécifique et parfois insidieuse nécessite un degré de suspicion élevée, tenant compte du contexte d’immuno-suppression. D’ailleurs, en vue de la morbidité et mortalité augmenté chez cette population, il serait bienveillant d’assouplir les conditions d’admission aux soins intensifs dans les cas d’insuffisance respiratoire aiguë.
Les patientes et patients doivent être évalués et informés quant à leur risque. En cas d’indication, une prophylaxie doit être débutée.

L’essentiel pour la pratique

• La pneumonie à Pneumocystis jirovecii doit systématiquement être évoquée chez une personne avec des facteurs de risque et une présentation clinique compatible.
• Le tableau clinique est une insuffisance respiratoire aiguë avec toux sèche, un état fébrile et une dyspnée, le plus souvent de progression rapide, chez un individu immuno-déprimé non-VIH à risque.
• Pour cette population de patientes et patients la prophylaxie n’est pas encore standardisée et doit être considérée au cas par cas et en tenant compte des recommandations de consensus des différentes sociétés médicales.
Nous aimerions adresser des remerciements à la Dre Elodie Senggen, Service d’imagerie médicale de l’Hôpital Riviera-Chablais, pour sa contribution et interprétation des examens radiologiques ainsi que le Dr Frederic Lamoth, microbiologiste dans le Département de médecine de laboratoire et pathologie au CHUV, pour sa contribution concernant les seuils discriminatifs pour la PCR entre la colonisation et l’infection par P. jiroveci. 
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
Michelle Jakubickova
Service d’anesthésiologie
Centre hospitalier universitaire vaudois
Rue du Bugnon 46
CH-1011 Lausanne
michelle.jakubickova[at]chuv.ch
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