Suivi après polypectomie coloscopique et traitement du cancer colorectal
Recommandations consensuelles révisées

Suivi après polypectomie coloscopique et traitement du cancer colorectal

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Édition
2022/2122
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09114
Forum Med Suisse. 2022;22(2122):349-355

Affiliations
a Gastroenterologie und Hepatologie, Stadtspital Zürich Triemli, Zürich; b Gastroenterologie Oberaargau AG, Langenthal; c Institut für Pathologie, Universität Bern, Bern; d Tumorzentrum, Claraspital, Basel

Publié le 24.05.2022

Cette cinquième révision des recommandations de consensus intègre de nouvelles données d’études et doit servir de base à la planification du suivi après polypectomie endoscopique et traitement du cancer colorectal.

Les articles de la rubrique «La parole est aux sociétés de discipline médicale» ne reflètent pas forcément l’opinion de la ­rédaction. Les contenus relèvent de la responsabilité rédactionnelle de la société de discipline médicale ou du groupe de travail signataire; pour le présent article, il s’agit de la Société Suisse de Gastroentérologie (SSG).

Introduction

Les recommandations consensuelles suisses, qui sont mises à jour périodiquement (la dernière fois en 2014), ont fait leurs preuves depuis plus de 20 ans en tant que base pour la planification du suivi des situations standard dans le quotidien clinique [1]. La cinquième révision des recommandations consensuelles a eu lieu en 2021, à nouveau sous l’égide de la Société Suisse de ­Gastroentérologie (SSG) et dans le cadre d’un processus interdisciplinaire en plusieurs étapes éprouvé. Leur applicabilité doit être vérifiée au cas par cas et être adaptée à la situation individuelle des patientes et patients en tenant compte de l’expertise locale. Les sociétés de discipline médicale impliquées dans la révision et leurs représentants sont mentionnés dans l’annexe à la fin de l’article. Nous tenons à les remercier une nouvelle fois pour leur collaboration constructive. Les recommandations révisées ont été approuvées le 19 janvier 2022 par le Comité de la SSG et sont désormais disponibles sur le site internet de la société de discipline médicale.

Suivi après polypectomie coloscopique

Généralités

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié en 2019 la cinquième édition de la classification des ­tumeurs du tractus gastro-intestinal inférieur [2]. La principale nouveauté réside dans l’introduction du terme «lésion festonnée sessile» (qui remplace le terme «adénome festonné sessile»). Une classification adaptée est présentée dans le tableau 1.
Tableau 1: Classification des polypes colorectaux.
Polypes adénomateuxAdénome tubulaire avec dysplasie de bas grade / dysplasie de haut grade
Adénome tubulo-villeux avec dysplasie de bas grade / dysplasie de haut grade
Adénome villeux avec dysplasie de bas grade / dysplasie de haut grade
Polypes et lésions festonnésPolype hyperplasique (de type microvésiculaire, de type à cellules caliciformes)
Lésion festonnée sessile
– sans dysplasie
– avec dysplasie
Adénome festonné traditionnel
– dysplasie de bas grade
– dysplasie de haut grade
Les recommandations consensuelles révisées de 2021 sont présentées dans le tableau 2. Elles se basent sur des connaissances antérieures ainsi que sur de nouvelles connaissances acquises depuis 2014 et ont été partiellement alignées sur les lignes directrices publiées en 2020 par la «European Society of Gastrointestinal Endoscopy» (ESGE), la «British Society of Gastroenterology» (BSG) et la «US Multi-Society Task Force on Colorectal Cancer» (US-MSTF) [3–5]. Une qualité élevée de la coloscopie de base constitue le prérequis fondamental pour pouvoir appliquer les recommandations révisées. Les paramètres de qualité suivants doivent être remplis: (i) coloscopie complète jusqu’au cæcum; (ii) lavage intestinal optimal; (iii) taux de détection des adénomes adéquat; (iv) ablation/extraction complète des polypes; (v) espérance de vie estimée de >10 ans. Un guide actualisé décrivant la réalisation et les paramètres de qualité de la coloscopie de dépistage et de la polypectomie est disponible sur le site internet de la SSG. Ces recommandations révisées ne peuvent pas être appliquées en cas de syndrome héréditaire suspecté ou confirmé (polypose adénomateuse familiale [PAF], cancer colorectal héréditaire sans polypose [HNPCC], etc.) et en cas d’antécédents familiaux positifs de cancer colorectal (CCR).
Tableau 2: Recommandations consensuelles pour le suivi après polypectomie coloscopique. Prérequis: cf. EOS, guide de la SSG sur la coloscopie / coloscopie de dépistage.
 Intervalle pour la 1ère ­coloscopie de surveillanceIntervalle pour la 2­coloscopie de surveillanceIntervalle pour la 3e ­coloscopie de surveillance
Polypes adénomateux 
Définition
Faible risque
– Nombre: ≤4
et
– Taille: <10 mm
et
– Facteurs histologiques: dysplasie de bas grade
10 ans:
Coloscopie ou reprise du programme de dépistage cantonal (FIT)
  
Haut risque
– Nombre: ≥5
ou
– Taille: ≥10 mm
ou
– Facteurs histologiques: dysplasie de haut grade
3 ans– De nouveau adénomes à haut risque: 3 ans
– Absence d’adénomes ou adénomes à faible risque: 5 ans
– De nouveau adénomes à haut risque: 3 ans
– Absence d’adénomes ou adénomes à faible risque: coloscopie ou reprise du programme de dépistage cantonal (FIT)
Polypes et lésions festonnés (PH, LFS, AFT) 
Définition
Faible risque
– Taille: <10 mm
et
– Facteurs histologiques: absence de dysplasie
10 ans:
Coloscopie ou reprise du programme de dépistage cantonal (FIT)
  
Haut risque
– Taille: ≥10 mm
ou
– Facteurs histologiques: dysplasie quel que soit le grade
ou
– Adénome festonné traditionnel (indépendamment de la taille et du grade de dysplasie)
3 ans  
Situations spécifiques
Résection par fragments («piecemeal») de volumineux polypes sessiles (généralement >2 cm): contrôle local après 3–6 mois, si (celui-ci) est normal, alors coloscopie après 3 ans.
Ces recommandations ne s’appliquent pas en cas de (suspicion de) cancer colorectal héréditaire, de syndrome de polypose festonnée (SPF) ou d’antécédents familiaux positifs de cancer colorectal.
Définition SPF (OMS 2019): – 5 PF proximaux du rectum, tous d’une taille de ≥5 mm, dont au moins deux d’une taille de ≥10 mm
ou
– 20 PF de toute taille dans tout le colorectum, dont ≥5 proximaux du rectum (nombre cumulé de PF de toutes les coloscopies)
EOS: Expert Opinion Statements; FIT: «fecal immunochemical test»; PH: polypes hyperplasiques; PF: polypes festonnés; SSG: Société Suisse de Gastroentérologie; LFS: lésions festonnées sessiles; AFT: adénomes festonnés traditionnels.
Une partie des patientes et patients présentant des polypes colorectaux découverts lors de la coloscopie de base ont un risque accru de développement métachrone de polypes avancés ou d’un CCR. L’objectif principal de la surveillance coloscopique est de réduire le risque de survenue ultérieure d’un CCR avec le moins de coloscopies de suivi possible. La stratification du risque de CCR se base sur les résultats de la coloscopie de base, à savoir le sous-type, la taille et le nombre de polypes ainsi que leur localisation et leurs caractéristiques histologiques.

Polypes adénomateux

La nouvelle recommandation la plus pertinente pour le suivi après l’ablation de polypes adénomateux implique une différenciation entre les situations d’adénomes à haut risque et d’adénomes à faible risque, avec un contrôle après respectivement 3 et 10 ans (tab. 2).
L’intervalle de 5 ans entre les coloscopies pour 1–2 petits adénomes tubulaires réséqués lors de la coloscopie de base est supprimé. Cette recommandation se fonde sur plusieurs grandes études qui ont montré que les patientes et patients présentant un petit nombre d’adénomes à faible risque avaient un risque comparable, voire inférieur, de développer un CCR ou d’en décéder après 10 ans par rapport aux personnes sans adénome ou à la population générale [6–13]. Les adénomes à faible risque sont définis par leur taille (<10 mm), leur nombre (≤4) et l’absence de dysplasie de haut grade. La présence d’une histologie villeuse n’est plus prise en compte pour la stratification du risque (nouvelles données, variabilité inter-observateur importante). En ­revanche, les nouvelles études confirment un risque de CCR nettement accru pour les patientes et patients présentant des lésions à haut risque (taille ≥10 mm, ≥5 polypes, mise en évidence d’une dysplasie de haut grade), ce qui justifie l’indication d’une coloscopie de suivi après 3 ans [6–13].
Une autre nouveauté des recommandations révisées est qu’elles prennent pour la première fois en compte le dépistage du CCR, c’est-à-dire qu’après une polypectomie, le contrôle peut se faire non seulement par ­coloscopie, mais aussi par un test immunochimique fécal («fecal immunochemical test» [FIT]). En présence d’une situation à faible risque, il est possible, après 10 ans, soit de de réaliser une nouvelle coloscopie, soit de reprendre le programme cantonal de dépistage (FIT).
La recommandation de procéder à un contrôle endoscopique du site de résection après une résection par fragments («piecemeal»; généralement à partir d’une taille de polype >2 cm) ou en cas d’incertitude quant à l’exhaustivité de l’ablation des polypes, après 3–6 mois, et d’en effectuer un autre après 3 ans si aucune récidive n’est constatée, reste inchangée.

Polypes festonnés

Le terme générique «polype festonné» (PF) englobe les polypes hyperplasiques (PH), les lésions festonnées sessiles (LFS) et les adénomes festonnés traditionnels (AFT), dont le potentiel malin et l’association avec le développement d’adénomes à haut risque métachrones varient. Sur la base des données actuellement disponibles, qui sont de qualité modérée, les petits PF (<10 mm) sans dysplasie présentent un risque de CCR comparable à celui en cas de présence d’un petit nombre d’adénomes à faible risque [6]. La surveillance coloscopique ou la réintégration dans le programme de dépistage est donc recommandée après 10 ans pour les PF à faible risque (tab. 2). En revanche, il existe des PF qui présentent un risque de CCR comparable à celui des adénomes à haut risque [6, 14, 15]. Les PF à haut risque sont caractérisés par leur taille (≥10 mm) et la mise en évidence d’une dysplasie. Comme pour les adénomes à haut risque, une coloscopie de suivi après 3 ans est recommandée pour ces PF. Indépendamment de la taille, du nombre et du grade de dysplasie, il est recommandé de procéder à une surveillance coloscopique 3 ans après l’ablation des AFT. Ces recommandations révisées ne peuvent pas être appliquées en cas de syndrome de polypose festonnée (SPF) suspecté ou confirmé. Les critères diagnostiques (OMS 2019) actuels du SPF sont la présence de nombreux PF (≥20 de n’importe quelle taille, dont ≥5 proximaux du rectum) ou de plusieurs PF de grande taille (au moins 5 PF de ≥5 mm proximaux du rectum, dont au moins deux de ≥10 mm).

Polype malin avec carcinome pT1

Pour les carcinomes pT1, le bourgeonnement tumoral («tumor budding») est un nouveau critère exigé pour une résection endoscopique curative (tab. 3). Celui-ci est défini comme la mise en évidence de cellules tumorales isolées ou formant de petits amas (jusqu’à quatre cellules tumorales) sur le front d’invasion de la tumeur. Plusieurs études publiées ces dernières années ont démontré que le bourgeonnement tumoral est un biomarqueur morphologique indépendant du pronostic et qu’il est associé à une progression tumorale [16]. Les autres critères sont restés inchangés. Tous les critères doivent être remplis pour qu’une lésion pT1 soit classée comme carcinome à faible risque. Tous les carcinomes pT1 à haut risque doivent être présentés au tumor board.
Tableau 3: Recommandations consensuelles pour le suivi après résection endoscopique de polypes colorectaux avec carcinome pT1.
Classification pronostique
Polype sessile avec carcinome pT1 à faible risqueRésection complète sur le plan endoscopique et histologique
Différenciation de bas grade (G1–2)
Profondeur d’infiltration <1000 µm
Pas d’invasion vasculaire
Bourgeonnement tumoral BD 1
Polype pédiculé avec carcinome pT1 à faible risqueRésection complète sur le plan endoscopique et histologique
Différenciation de bas grade (G1–2)
Profondeur d’infiltration Haggitt 1–2 (tige du polype exempte de carcinome)
Pas d’invasion vasculaire
Bourgeonnement tumoral BD 1
Approche thérapeutique
Polype sessile/ pédiculé avec carcinome pT1 à faible risqueTous les critères remplis
Contrôle endoscopique du site de résection après 3 mois, si rien d’anormal: après 3 ans
Polype sessile/ pédiculé avec carcinome pT1 à haut risqueCritères de faible risque pas tous remplis
Présentation au tumor board; en cas d’opération, suivi selon le stade TNM

Fin du suivi

Plusieurs études documentent un risque accru de complications de la coloscopie avec polypectomie chez les personnes âgées, mais il n’existe que peu de données sur le bénéfice de la coloscopie de suivi chez les personnes âgées. L’âge ne doit pas être le seul critère de décision, mais le rapport bénéfice/risque doit être évalué et discuté avec la patiente/le patient. Il n’existe pas de lignes directrices à ce sujet; l’indication de la coloscopie de suivi chez les personnes âgées doit être individualisée. Il convient de renoncer à une coloscopie de suivi en cas de situation à faible risque (tab. 2) et d’espérance de vie attendue de <10 ans.

Conclusions

Les recommandations publiées ici pour le suivi après polypectomie endoscopique contiennent diverses nouveautés adaptées sur la base de la littérature la plus récente et des lignes directrices d’autres sociétés de gastroentérologie. Les nouvelles études sont des études de cohorte portant sur un grand nombre de cas. Nous sommes conscients que leur qualité est tout au plus modérée, mais il est justifié que les preuves obtenues servent de base aux nouvelles recommandations. De plus, il s’agit de recommandations dont l’applicabilité est influencée par différents facteurs (patients, examinateurs, etc.). Les nouveaux développements et les nouvelles connaissances imposeront de nouvelles adaptations. Les données des «European Polyp Surveillance (EPoS) Trials», qui évaluent de manière prospective et randomisée différents intervalles de temps pour la coloscopie de suivi, ne sont pas attendues avant la fin de cette décennie [17]. La qualité de la coloscopie de base a été évoquée. Une qualité insuffisante de cette dernière ne peut pas être compensée par un recours excessif aux coloscopies de suivi. Dans les recommandations consensuelles révisées, l’intervalle de temps jusqu’au contrôle (coloscopie ou FIT) a été partiellement prolongé. Il est donc important que les contrôles soient effectivement effectués. Une revue systématique publiée en 2019 a pourtant montré que la coloscopie de suivi n’a été effectuée au moment recommandé que dans environ 50% des cas (dans 43% des cas, l’examen a eu lieu trop tard, dans 8% trop tôt) [18]. L’importance du contrôle est étayée par des données suisses. L’étude à long terme menée dans le canton d’Uri sur le bénéfice de la coloscopie pour la prévention et la détection précoce du CCR a montré que les personnes présentant un petit nombre d’adénomes non avancés peuvent développer un CCR tardivement si aucun contrôle n’est effectué après 10 ans [19].
Nous espérons que les recommandations consensuelles publiées ici constitueront à nouveau une aide pour la planification du suivi après une polypectomie coloscopique dans la pratique clinique quotidienne et qu’elles seront ainsi largement acceptées.

Suivi après traitement curatif d’un cancer colorectal

Généralités

Méthodologie et limites

Depuis 2014, plusieurs études randomisées ont été ­publiées sur le suivi tumoral, ce qui a influencé la décision de réviser les recommandations de suivi. Outre une révision du suivi après un CCR réséqué, il a été ­décidé d’inclure des recommandations supplémentaires pour le suivi après une résection complète des métastases et pour le cancer du rectum non réséqué en rémission après une radio-/chimiothérapie. Pour la r­évision de 2021, les travaux originaux, les méta-analyses, les revues et les recommandations actuelles de programmes de suivi nationaux et internationaux ­publiés depuis 2014 ont été pris en compte dans le processus d’évaluation. L’idée directrice était de couvrir l’ensemble du spectre du suivi des tumeurs dans la pratique générale, mais aussi de remettre en question de manière critique la méthodologie et la fréquence des examens dans le sens d’une évaluation du rapport coût/bénéfice ou risque/bénéfice. Les points de vue controversés ont été intégrés et discutés. Il n’y a pas eu de points de désaccord.

Conditions générales pour le suivi tumoral

La mise en œuvre d’un suivi tumoral repose généralement sur une recommandation formulée de manière interdisciplinaire par un tumor board. En principe, un suivi tumoral est indiqué chez les patientes et patients qui entrent en ligne de compte pour un traitement des récidives ou des métastases en raison de leur âge, de leur état général et de comorbidités pertinentes pour le pronostic. La recommandation et le schéma correspondant du suivi tumoral doivent être discutés en ­détail avec chaque patiente et patient. Les patientes et patients doivent comprendre qu’il s’agit d’une procédure standardisée qui peut être adaptée si le médecin le juge nécessaire. Des adaptations au sens de divergences ou de compléments peuvent par exemple avoir lieu en cas de résultats peu clairs justifiant un diagnostic rapproché ou approfondi. En cas d’accord, il est ­recommandé de convenir avec les patientes et patients de la personne qui coordonnera le suivi tumoral interdisciplinaire et discutera avec eux des résultats. Ils doivent également être informés que les données relatives au suivi tumoral seront transmises au registre cantonal des tumeurs.
La loi suisse sur l’enregistrement des maladies oncologiques (LEMO) exige depuis le 1er janvier 2020 une transmission systématique et obligatoire des données de tous les patientes et patients atteints de cancer aux registres cantonaux des tumeurs. En cas de cancer ­colorectal, des renseignements sur les examens de suivi de la tumeur sont également demandés. Dans les centres de lutte contre le cancer colorectal certifiés par la Société allemande du cancer (Deutsche Krebsgesellschaft [DKG]), des objectifs (80%) sont formulés pour la saisie des données de suivi.
Les situations impliquant un risque accru de cancer, telles que les syndromes héréditaires (par ex. HNPCC, PAF, PAF atténuée, polypose associée à MUTYH, Peutz-Jeghers, etc.) ou d’autres augmentations du risque de CCR (par ex. maladie inflammatoire chronique de l’intestin), ne sont pas couvertes par les ­schémas de contrôle mentionnés et nécessitent des mesures particulières.

Commentaires sur les différents schémas de suivi (tableaux 4 et 5)

Cancer du côlon

Après un cancer du côlon ayant fait l’objet d’une opération curative (tab. 4, section A), un suivi simple sans contrôle par examen d’imagerie est recommandé pour les stades tumoraux précoces (T1–2, N0), de manière inchangée par rapport à la version précédente. En présence d’un facteur de risque de récidive tumorale (par ex. histologie G3, invasion vasculaire, bourgeonnement >1), l’indication d’un examen d’imagerie complémentaire doit être généreusement posée selon le groupe à plus faible potentiel métastatique (voir ci-dessus; tab. 4, section B).
Tableau 4: Recommandations consensuelles pour le suivi après traitement curatif du cancer colorectal.
A) Cancer du côlon T1–2N0M0Mois après l’opération
 3 6 12 18 24 36 48 60
Anamnèse, examen clinique, titre d’ACE1    X   X X    
Endoscopie: coloscopie    X       X2  
En présence d’un facteur de risque de récidive tumorale (par ex. histologie G3, invasion vasculaire, bourgeonnement >1), l’indication d’un examen d’imagerie complémentaire selon (B) doit être généreusement posée.
 
B) Cancer du côlon T3N0M0 ou T1–3N1M0Mois après l’opération
 3 6 12 18 24 36 48 60
Anamnèse, examen clinique, titre d’ACE1  X X X X X X X
Endoscopie: coloscopie    X       X2  
Imagerie: TDM thoraco-abdomino-pelvienne    X     X    
 
C) Cancer du côlon T4NXM0 ou TXN2M0Mois après l’opération
 3 6 12 18 24 36 48 60
Anamnèse, examen clinique, titre d’ACE1  X X X X X X X
Endoscopie: coloscopie    X       X2  
Imagerie: TDM thoraco-abdomino-pelvienne  X3 X   X X X X
 
Cancer du rectum T1–4N0–2M0
(après opération avec exérèse partielle/totale du ­mésorectum)*
Mois après l’opération
 3 6 12 18 24 36 48 60
Anamnèse, examen clinique, titre d’ACE1X X X X X X X X
Endoscopie: rectosigmoïdoscopie flexible  X   X X      
 coloscopie    X       X2  
Imagerie: TDM thoraco-abdomino-pelvienne    X   X X X X
 IRM pelvienne et/ou écho-endoscopie4  X   X        
* Ne s’applique pas aux polypes avec carcinome pT1 à faible risque.
 
Cancer du rectum avec rémission (presque) complète après (radio)chimiothérapie (sans chirurgie planifiée)5Mois après l’opération
 369121518212427303336424860
Anamnèse, examen clinique6, titre d’ACE1XXXXXXXXXXXXXXX
Endoscopie: rectosigmoïdoscopie flexible5XXX XXXXXXXXX X
 coloscopie   X         X2 
Imagerie: TDM thoraco-abdomino-pelvienne X X   X   X XX
 IRM pelvienne et/ou écho-endoscopie basse5XXXXXXXX X XX4X4X4
1 Détermination préopératoire du titre d’ACE en tant que mesure de routine fortement recommandée. En cas d’augmentation du titre en postopératoire, recourir généreusement aux examens d’imagerie.
2 Ensuite, coloscopie tous les 5 ans, si aucun polype n’est détecté ou en cas de détection de polypes, suivi selon le tableau 2.
3 En cas de pT4 ou de résultat incertain de la TDM péritonéale, évaluer une laparoscopie diagnostique.
4 En cas d’expertise locale élevée, écho-endoscopie basse comme alternative à l’IRM pelvienne, avant tout en cas de carcinome dans le bas rectum.
5 Examen dans des centres spécialisés ayant de l’expérience dans cette option thérapeutique.
6 Comprend un toucher rectal minutieux, de préférence par le même examinateur.
ACE: antigène carcino-embryonnaire; TDM: tomodensitométrie; IRM: imagerie par résonance magnétique.
Les tumeurs localement avancées (T3–4) et/ou métastasées par voie lymphatique (N1–2) ont été divisées en deux groupes: un groupe avec un potentiel métastatique plus faible (T3N0 ou T1–3N1; tab. 4, section B) et un groupe avec un potentiel métastatique élevé (T4NX ou TXN2; tab. 4, section C). Cette distinction est utilisée depuis 2017 dans l’algorithme thérapeutique de la chimiothérapie adjuvante [20]. Différentes études randomisées [21–25], des revues [26–27] ainsi qu’une méta-analyse Cochrane [28] ont montré qu’un suivi tumoral par examen d’imagerie moins intensif n’a pas d’influence négative significative sur la mortalité en cas de CCR. En revanche, des examens d’imagerie plus fréquents permettent de détecter et de traiter davantage de récidives tumorales. Sur la base de ces connaissances, un consensus s’est dégagé pour réduire le nombre d’examens de tomodensitométrie (TDM) de 5 à 2 (après 1 et 3 ans) dans le groupe présentant un potentiel métastatique plus faible. Par contre, des examens intensifs par TDM (chaque année pendant 5 ans) restent recommandés pour le groupe à potentiel métastatique élevé. Cette approche différenciée conduit en somme à une nette réduction des examens de TDM dans les nouvelles recommandations de suivi.

Cancer du rectum

Dans le cas du cancer du rectum (tab. 4, partie inférieure), la distinction est faite entre deux situations: le suivi des cancers du rectum ayant fait l’objet d’une opération curative (T1–4N0–2) et le suivi des tumeurs en ­rémission (presque) complète après une (radio)chimiothérapie et sans résection planifiée. Ce dernier cas de figure se base sur une nouvelle approche thérapeutique qui a pour but de permettre une conservation des ­organes chez une partie des patientes et patients. En ­incluant ce concept de suivi encore récent, nous ne souhaitons pas évaluer la modalité thérapeutique du traitement néoadjuvant total (TNT) avec option de conservation d’organe en cas de réponse (presque) complète [29–31], qui devrait être réservée à des centres spécialisés en raison des données et de l’expérience encore limitées. En revanche, nous souhaitons introduire une recommandation pour le suivi tumoral après TNT [32], qui a été établi par des expertes et experts internationaux et peut donc faire office de procédure actuelle. Lors du processus de décision concernant le procédé thérapeutique du TNT, ce schéma de contrôle complexe (en dehors d’une étude clinique) devrait être pris en compte et appliqué de manière conséquente jusqu’à ce que de nouvelles connaissances justifiant une simplification soient disponibles.
Pour le groupe des personnes traitées chirurgicalement, le suivi en fonction du stade de la tumeur n’a pas changé en ce qui concerne l’approche clinique et la fréquence des examens de TDM, à l’instar d’autres recommandations nationales. En revanche, le nombre d’examens d’imagerie par résonance magnétique (IRM) a été réduit de 4 à 2 (désormais après 6 et 18 mois) dans le cadre de ce suivi.

Traitement curatif des métastases

Le tableau 5 décrit les recommandations pour le suivi après la résection complète des métastases dans un but curatif. Cette recommandation de suivi a également été nouvellement intégrée et aspire à une approche uniforme dans la plupart des situations oncologiques de ce type. Une approche analogue après un traitement complet des métastases de type non chirurgical est envisageable. Le niveau de preuve pour cette situation est faible par rapport au suivi des tumeurs à des stades précoces [27, 33].
Tableau 5: Recommandations consensuelles pour le suivi après résection complète des métastases.
MesuresMois après la fin du traitement
 48121620243036424860
Anamnèse, examen clinique, titre d’ACE1XXXXXXXXXXX
Endoscopie: coloscopie  X      X2 
Imagerie: TDM thoraco-abdomino-pelvienneX3X3XX3X3XX3XX3XX
1 Détermination préopératoire du titre d’ACE en tant que mesure de routine fortement recommandée. En cas d’augmentation du titre en postopératoire, recourir généreusement aux examens d’imagerie.
2 Ensuite, coloscopie tous les 5 ans, si aucun polype n’est détecté ou en cas de détection de polypes, suivi selon le tableau 2.
3 Ou imagerie par résonance magnétique de l’abdomen et radiographie du thorax, alternativement TDM à faible dose du thorax en cas d’antécédents d’ablation de métastases hépatiques.

Conclusions

Les recommandations de suivi pour le CCR ont été substantiellement modifiées et étendues. Elles visent à éviter un surdiagnostic, en se basant sur la littérature et les preuves actuelles, et proposent une approche standardisée dans toutes les situations oncologiques après un traitement à visée curative des tumeurs colorectales. Comme mentionné dans les dernières recommandations consensuelles [1], nous sommes conscients des faiblesses de cette approche. Les recommandations de ce type se basent principalement sur les résultats d’études de conception différente et sur leur évaluation par différentes sociétés de discipline médicale. Elles s’appuient ­cependant aussi sur des avis d’experts, notamment dans les situations où les preuves sont faibles. Des divergences sont dès lors possibles, ce qui se reflète dans la multitude de lignes directrices internationales différentes, en particulier dans le contexte d’une évolution dynamique des preuves. En outre, le suivi des patientes et patients âgés et fragiles doit être adapté et discuté individuellement.
Nous espérons que ces nouvelles recommandations consensuelles pour le suivi après traitement du CCR continueront à être largement acceptées, malgré leurs limites, et qu’elles permettront une approche uniforme au niveau national.
Annexe: Sociétés de discipline/participants au groupe de travail Révision des recommandations consensuelles
– Groupe suisse de Recherche clinique sur le Cancer (SAKK) / Andreas Wicki
– Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG) / Christoph Knoblauch
– Société Suisse de Gastroentérologie (SSG) / Gian Dorta, Jan Borovicka, Christoph Gubler, Simon Bütikofer, Bruno Balsiger, Kaspar Truninger
– Société Suisse d’Oncologie Médicale (SSOM) / Thibaud Koessler, Dieter Köberle
– Société Suisse de Pathologie (SSPath) / Gieri Cathomas, Alessandro Lugli
– Société Suisse de Radiologie (SSR) / Christoforos Stoupis
– Société Suisse de Radio-Oncologie (SSRO) / Frank Zimmermann
– Société Suisse de Chirurgie Viscérale (SSCV) / Frédéric Ris
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
PD Dr méd. Kaspar Truninger
k.truninger[at]hin.ch

Prof. Dr méd.
Alessandro Lugli
alessandro.lugli[at]pathology.unibe.ch

Prof. Dr méd. Dieter Köberle
Dieter.Koeberle[at]
claraspital.ch
 1 Dorta G, et al. Recommandations consensuelles révisées. Suivi postpolypectomie colique et suivi des cancers colorectaux après opération curative. Swiss Medical Forum. 2016;16:164–7.
 2 Nagtegaal ID, et al. The 2019 WHO classification of tumours of the digestive system. Histopathology. 2020;76:182–8.
 3 Hassan E, et al. Post-polypectomy colonoscopy surveillance: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Guideline – Update 2020. Endoscopy. 2020;52:1–14.
 4 Rutter MD, et al. British Society of Gastroenterology/Association of Coloproctology of Great Britain and Ireland/Public Health England post-polypectomy and post-colorectal cancer resection surveillance guidelines. Gut. 2020;69:201–23.
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