Sans détour
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Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2022/2324
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09143
Forum Med Suisse. 2022;22(2324):371-373

Publié le 07.06.2022

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur... Décisions de prévention au début de la ménopause

– Les femmes passent 13 de leur vie en ménopause.
– Au moment de la ménopause, de nombreux risques sont déjà détectables cliniquement ou par des méthodes de dépistage.
– Les manifestations cliniques n’apparaissent alors que 10–15 ans plus tard (= «fenêtre d’opportunité»).
– Les principaux risques/maladies sont:
• prise de poids, obésité et diabète;
• ostéoporose;
• maladies cardiovasculaires;
• limitations cognitives/démence;
• cancers (incidences les plus élevées pour le cancer du sein et le cancer colorectal);
• arthroses.
– Si des hormones* (œstrogènes avec/sans progestatifs) sont envisagées:
• bonne efficacité seulement si débutées tôt dans la ménopause (<60 ans) («time hypothesis»);
• leur effet sur la mortalité et l’incidence des fractures, entre autres, semble être prolongé, même si l’hormonothérapie substitutive est arrêtée au bout de 6–8 ans.
* L’article donne un aperçu détaillé des avantages et des risques spécifiques de l’hormonothérapie substitutive.
Lancet Diabetes Endocrinol. 2022, doi.org/10.1016/S2213-8587(21)00269-2.
Rédigé le 07.05.2022.

Pertinent pour la pratique

«Time is brain»: Plus vite, mais pas toujours mieux

Pour limiter les handicaps à long terme après un accident vasculaire cérébral (AVC), une reperfusion rapide est essentielle. La thrombectomie endovasculaire a un effet impressionnant sur les chances de pouvoir vivre à nouveau de manière autonome en cas de thromboses touchant les gros vaisseaux sanguins et de sélection adéquate des patientes et patients: le «number needed to treat» (NNT) s’élève à 3–7, en fonction des études. Pour des raisons géographiques et de logistique de transport, les patientes et patients éligibles à cette intervention ne sont souvent pas adressés en premier lieu au centre compétent en matière de thrombectomie endovasculaire.
Une étude réalisée en Espagne (Catalogne) a désormais évalué combien de temps il serait possible de gagner en transportant directement les patientes et patients dans un tel centre par rapport à un transfert primaire vers le centre d’AVC le plus proche non équipé pour les thrombectomies et si l’évolution s’en trouverait améliorée [1]. Une étude menée dans le sud de l’Allemagne a examiné l’effet des équipes de thrombectomie transportées par avion vers les centres d’AVC primaires situés en périphérie [2]. L’étude espagnole, de plus grande taille, montre que la thrombolyse médicamenteuse en périphérie a été effectuée environ 1,5 heure plus rapidement que dans le centre de thrombectomie, suivie le cas échéant d’une thrombectomie. Dans l’étude allemande également, la thrombolyse a été plus rapide (environ 0,5 heure plus tôt, appliquée dans 23 des cas) lorsque l’indication a été posée par le centre local et non par l’équipe aérienne. Cependant, le temps écoulé entre le début de l’AVC et la thrombectomie était plus court (environ 1,5 heure) lorsque l’équipe aérienne intervenait que chez les patientes et patients transférés.
Malheureusement, les handicaps résiduels après 90 jours n’étaient pas significativement différents dans les deux études. De toute évidence, l’infrastructure et la logistique doivent encore être améliorées. Il semble qu’en cas de doute, la thrombolyse appliquée plus rapidement soit particulièrement importante.
Rédigé le 11.05.2022.

Pour les médecins hospitaliers

L’hypothermie peropératoire modérée est-elle finalement quand même sans danger?

Les lignes directrices recommandent de manière relativement unanime l’établissement d’une normothermie peropératoire (température centrale de 37 °C), car une hypothermie augmenterait les dommages myocardiques périopératoires par activation du système nerveux sympathique et entraînerait également davantage d’hémorragies et d’infections post-opératoires. En l’absence de contre-mesures, la température corporelle peropératoire descend généralement à 34,5–35,5 °C lors d'une anesthésie générale.
L’étude sino-américaine PROSPECT (11 centres sur 12 en Chine) a randomisé plus de 5000 patientes et patients devant subir une intervention chirurgicale non cardiaque et une anesthésie générale (d’une durée de 2–6 heures) dans un groupe avec hypothermie légère (35,5 °C) et un groupe avec normothermie maintenue par des mesures de réchauffement (37 °C). Les critères d’évaluation suivants ont été examinés: dommages myocardiques, arrêts cardiaques et mortalité globale dans les 30 premiers jours postopératoires. Aucun de ces critères n’était significativement différent dans les deux groupes, pas plus que les critères secondaires exploratoires (évolution de l’hémoglobine, besoin de transfusion, infections). L’objectif de température a été atteint avec une grande précision dans les deux groupes. Les personnes nécessitant une dialyse et celles ayant un indice de masse corporelle >30 kg/m2 avaient été exclues.
Une température corporelle peropératoire >35,5 °C semble donc être sûre selon cette étude, ce qui pourrait conduire à la révision de certaines lignes directrices.
Rédigé le 06.05.2022.

Mécanismes de la maladie: Comment cela pourrait-il fonctionner?

L’héparine utilisée pendant l’hémodialyse favorise-t-elle le risque de complication cardiovasculaire?

Le facteur de croissance des fibroblastes 23 (FGF-23), issu des ostéocytes, est massivement augmenté en cas d’apport élevé en phosphate et d’insuffisance rénale chronique et terminale. Grâce au signal qu’il envoie aux reins pour augmenter l’excrétion de phosphate en tant que réponse homéostatique, l’hyperphosphatémie est un phénomène assez tardif au cours de l’insuffisance rénale chronique (à partir d’un DFGe* <15–30 ml/min).
L’efficacité de la défense contre une surcharge en phosphate/hyperphosphatémie a toutefois un prix: le FGF-23, en tant que facteur de croissance cardiaque, entraîne une hypertrophie ventriculaire gauche, et la chute de l’alpha-Klotho rénale – qui s’explique par la disparition du tissu rénal qui la produit – favorise cette évolution (cf. figure). L’administration de Klotho recombinante humaine permet d’empêcher ou de limiter l’effet du FGF-23 sur l’hypertrophie ventriculaire gauche, dont le pronostic est défavorable.
Figure 1: Effets rénaux du facteur de croissance des fibroblastes 23 (FGF-23) et de Klotho (= corécepteur du FGF-23).
En cas d’apport élevé en phosphate (alimentation), le FGF-23 produit par les ostéocytes augmente et transmet deux messages aux reins, qui maintiennent ainsi l’équilibre en phosphate constant – de manière prolongée même en cas d’insuffisance rénale progressive: 1. inhibition de la réabsorption tubulaire du phosphate ou stimulation de la phosphaturie et 2. inhibition de la formation de 1,25(OH)2-vitamine D3 et donc inhibition de l’absorption intestinale du phosphate. Outre les récepteurs des facteurs de croissance FGF-1 et -4 relativement peu sélectifs, le FGF-23 a besoin de la Klotho produite dans les reins comme cofacteur pour une liaison efficace. En cas de lésion des tissus rénaux, il se produit une baisse de Klotho, raison pour laquelle le FGF-23 augmente encore plus fortement. Sur le plan fonctionnel, il existe donc une résistance des organes cibles rénaux au FGF-23. L’inhibition médicamenteuse du FGF-23 ou la substitution de la Klotho rénale manquante par des analogues recombinants de Klotho sont en cours d’évaluation comme cibles thérapeutiques de la toxicité du phosphate et des maladies cardiovasculaires associées à l’insuffisance rénale chronique.
Il en va tout autrement pour l’héparine, qui doit être utilisée de manière routinière dans le cadre de l’hémodialyse: elle facilite la liaison du FGF-23 aux cardiomyocytes et pourrait favoriser l’hypertrophie ventriculaire gauche.
L’administration d’alpha-Klotho recombinante (disponible dans le cadre d’études) et le renoncement à l’héparine (remplacée par exemple par du citrate) pendant la dialyse pourraient donc améliorer la morbidité et la mortalité cardiaques liées à des causes cardiovasculaires, qui restent jusqu’à présent élevées, chez les patientes et patients atteints d’insuffisance rénale terminale.
* DFGe = débit de filtration glomérulaire estimé
Rédigé le 11.05.2022.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

... Phosphate, et de deux

Bien que les apports alimentaires en phosphate (et en calcium) soient intermittents, les taux sanguins de ces minéraux restent largement constants, que ce soit à jeun ou en postprandial. Les reins (via le FGF-23 et la Klotho mentionnés précédemment, ainsi que la parathormone) peuvent éliminer efficacement une surcharge aiguë en phosphate, mais il faut tout de même 12–24 heures pour que la phosphaturie rénale soit maximale.
Une étude physiologique remarquable montre que le phosphate et le calcium sont fixés par un système tampon dans la circulation immédiatement après les repas, ce qui pourrait empêcher l’apparition de calcifications dans les tissus mous (par ex. aussi dans les parois des vaisseaux!). Il s’agit de particules protéiques colloïdales contenant de la fétuine A, appelées particules de calciprotéine (CPP). Après un certain temps, ces particules se polymérisent et jouent probablement un rôle de médiateur direct dans la toxicité du phosphate vasculaire, du moins, mais probablement pas exclusivement, chez les individus dont la fonction rénale est réduite. Ce processus peut être mesuré directement dans le sérum des patientes et patients à l’aide du test T-50. Des CPP polymérisées se sont formées même en cas de quantités relativement modérées de phosphate dans l’alimentation, mais elles étaient nettement plus nombreuses chez les individus présentant une insuffisance rénale (et donc une élimination rénale limitée du phosphate).
La mesure de ces particules pourra peut-être être utilisée dans l’évaluation de chélateurs du phosphate plus efficaces. Il faut également espérer qu’une meilleure compréhension de leurs effets biologiques et de leur métabolisme ouvrira la voie à une meilleure prévention/un meilleur traitement de l’artériopathie liée au phosphate, notamment chez les personnes souffrant d’insuffisance rénale, mais aussi dans la population générale sans affection rénale.
Rédigé le 11.05.2022.

Pas très sérieux

Orgasme féminin sans contact

L’orgasme féminin peut être déclenché par un mécanisme réflexe multimodal complexe, le plus souvent induit par une stimulation tactile. Mais pas toujours: grâce à des années de pratique du yoga et de la méditation, une femme de 33 ans a acquis la capacité d’obtenir des orgasmes apparemment déclenchés uniquement par le mental. La réponse endocrinienne (hyperprolactinémie post-orgasmique, pas de modification des gonadotrophines ou de la testostérone) était identique à celle des orgasmes après stimulation génitale, le niveau et la durée de l’hyperprolactinémie étant connus pour être corrélés à l’intensité de l’orgasme. La réponse endocrinienne identique après un orgasme induit mentalement ou par un voie tactile périphérique suggère que la boucle de régulation est la même dans les deux cas, indépendamment de la présence d’un stimulus périphérique ou central.
Rédigé le 11.05.2022.

Cela nous a également interpellés

Crèmes solaires: protection pour les uns, danger pour les autres

La substance photoprotectrice efficace dans les produits de protection solaire est l’oxybenzone. Malheureusement, il semble à présent que les anémones de mer des récifs coralliens puissent glycosyler cette substance émise par les humains et transformer ainsi l’oxybenzone en une substance phototoxique (!). Celle-ci entraîne apparemment la décoloration et la mort des coraux [1].
Une autre surprise a été que l’oxybenzone et d’autres composants sont absorbés de manière systémique chez l’être humain et qu’un rôle de poisons endocriniens («endocrine disruptors») leur soit attribué. Les preuves «dures» à cet égard sont toutefois encore peu convaincantes [2].
2 Int J Dermatol. 2022, doi.org/10.1111/ijd.14824.
Rédigé le 10.05.2022.

Contrôle de l’acide urique sur smartphone

L’évolution de la goutte et la fréquence des récidives des crises peuvent être améliorées par le contrôle de l’acide urique. Cependant, il semble que dans un bon tiers des cas, aucune réduction de l’acide urique ne soit prescrite et que, lorsqu’elle l’est, une titration de dose, par exemple d’allopurinol, n’est souvent pas proposée.
Une petite étude réalisée à Edimbourg montre que l’autotest (prise de sang capillaire et analyse dans un petit appareil similaire à celui utilisé pour le diabète sucré) et l’adaptation autonome de la dose par les personnes concernées – avec l’aide d’une application appelée GoutSMART – ont entraîné une nette amélioration dans l’atteinte des taux cibles d’acide urique.
Lancet Rheumatol. 2022, doi.org/10.1016/S2665-9913(22)00062-5.
Rédigé le 07.05.2022.

Coin des lecteurs

Toilettes à séparation

Le Dr Martin Rickenbach (Lausanne) a profité de l’article du «Sans détour» sur le recyclage de l’urine humaine pour en faire de l’engrais («L’urine recyclée comme engrais» dans [1]) pour attirer notre attention, et nous l’en remercions, sur le fait qu’à l’Institut de recherche sur l’eau de l’EPFZ, l’Eawag, un groupe de chercheurs dirigé par Prof. Dre Tove Larsen travaille depuis de nombreuses années au développement de toilettes à séparation pour récupérer les substances nutritives, notamment dans les eaux usées. Les toilettes à séparation «save!» ont remporté le prix du design Suisse 2021. Voir https://www.eawag.ch/fr/news-agenda/actualites/detail/des-toilettes-durables-pour-le-changement-climatique-et-les-odd.
1 Forum Med Suisse. 2022, doi.org/10.4414/fms.2022.09064.
Le «Sans détour» est également disponible en pod­cast (en allemand) sur emh.ch/podcast ou sur votre app podcast sous «EMH Journal Club»!