Sans détour
Journal Club

Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2022/2526
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09151
Forum Med Suisse. 2022;22(2526):403-406

Publié le 21.06.2022

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur… Variole du singe: une dénomination erronée avec de nombreux points d’interrogation

– Les singes ne sont pas les principaux hôtes, ce sont avant tout les rongeurs.
– Virus à ADN avec meilleur contrôle/réparation de la réplication par rapport aux virus à ARN comme le SARS-CoV-2 ou le VIH, donc probablement moins «enclin aux mutations».
– Première découverte chez des singes de laboratoire en 1958, premier cas humain en 1970.
– Symptômes: fièvre, céphalées, lymphadénopathie, vésicules remplies de pus.
– La recrudescence mondiale des infections humaines au cours des 2–3 dernières semaines, en particulier chez les hommes homosexuels, est inhabituelle.
– Dans la mesure où les spermatozoïdes ne contiennent pas de «variole du singe», l’infection chez les hommes homosexuels est vraisemblablement due à un contact cutané étroit ou direct avec les efflorescences ou les gouttelettes de l’air expiré d’une personne infectée.
– Selon la souche virale, nommée d’après les lieux d’origine en Afrique centrale, la mortalité serait de 1 à 10%.
– Les analyses génomiques effectuées jusqu’à présent ne montrent pas de mutations entraînant une infectiosité/pathogénicité plus élevée.
– La vaccination classique contre la variole confère une protection, tout comme c’est probablement aussi le cas d’un vaccin plus récent et mieux toléré [1].
– Le técovirimat (approuvé par la «Food and Drug Administration») est efficace dans les cas documentés et ne présente pas d’effets indésirables pertinents connus à ce jour.
– Les prochaines semaines permettront sans doute de clarifier les questions non résolues concernant les facteurs et les groupes de risque, les éventuelles augmentations de l’infectiosité et de la pathogénicité, ainsi que la mortalité dans une population européenne [2, 3].
3 Lancet Infect Dis. 2022, doi.org/10.1016/S1473-3099(22)00228-6.
Rédigé le 27.05.2022.

Pertinent pour la pratique

Sténose carotidienne de haut grade et risque d’accident vasculaire cérébral

Les indications d’intervention pour les sténoses carotidiennes asymptomatiques de haut grade (70–99%) sont basées sur une comparaison entre le risque spontané d’accident vasculaire cérébral (AVC) ipsilatéral et le risque d’AVC périopératoire.
Une étude de cohorte rétrospective portant sur près de 3800 patientes et patients souffrant de sténoses carotidiennes et n’ayant pas subi d’intervention chirurgicale montre désormais un risque d’AVC remarquablement bas de 4,7% sur cinq ans. Ce risque est nettement plus faible que ne l’avaient suggéré les contrôles historiques. Cela pourrait s’expliquer par une amélioration du traitement médicamenteux ou par une détection plus précoce en raison de l’utilisation accrue de techniques d’imagerie (plus précises). Jusqu’à présent, une procédure chirurgicale était préconisée lorsque le risque d’AVC et de décès périopératoires était inférieur à 3% et pouvait être documenté en conséquence par les centres.
Image au microscope électronique en transmission, colorisée: particules du virus de la variole du singe (rouge). Courtesy: National Institute of Allergy and Infectious Diseases; published under a CC BY 2.0 license, https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/.
Le présent travail, mais aussi d’autres études qui ont trouvé des risques d’AVC sous traitement médicamenteux inférieurs à 1% par an, pourraient donner lieu à des changements des lignes directrices. De nombreux experts et expertes considèrent désormais l’option médicamenteuse comme le traitement de choix de la sténose carotidienne extracrânienne asymptomatique de haut grade.
Rédigé le 27.05.2022.

Quelle est l’utilité de l’excrétion fractionnelle de sodium dans le diagnostic différentiel de l’insuffisance rénale aiguë?

Seuls 1–2% de la quantité de sodium filtrée par les glomérules sont excrétés dans l’urine finale en raison de la réabsorption tubulaire très efficace du sodium. ­Normalement, cette quantité est exprimée en excrétion fractionnelle de sodium (FENa en %*). Quelle est la performance de ce paramètre, qui est expliqué aux étudiants depuis des décennies avec un succès probablement limité mais est facile à calculer en situation d’urgence, dans le diagnostic différentiel d’une insuffisance rénale aiguë?
Pas si mauvaise pour une mesure utilisée isolément: une revue systématique a montré que pour le diagnostic différentiel entre cause prérénale et intrarénale de l’insuffisance rénale, la sensibilité était de 90% et la spécificité de 82%. Sa véritable valeur pourrait être plus élevée si une anamnèse minutieuse et l’examen clinique, c’est-à-dire la probabilité pré-test, étaient pris en compte. Sans surprise, les auteurs ont trouvé des sensibilités plus faibles en cas de traitement préalable par des salurétiques et d’insuffisance rénale préexistante. Dans les deux cas, le transport tubulaire du sodium est modulé en amont.
Une fois de plus, tout le monde n’est pas du même avis: toutefois, au «Sans détour», nous aimons la FENa et ­recommandons d’augmenter sa valeur par une analyse microscopique minutieuse de l’urine et de continuer à transmettre cette compétence. Bien entendu, les méthodes d’échographie «point-of-care» (POCUS) pour ­déterminer le statut volémique et les biomarqueurs ­tubulaires (par ex. lipocaline = «neutrophil gelatinase-associated lipocalin» [NGAL]) sont aujourd’hui des sources d’information complémentaires utiles.
* Voir «Le saviez-vous?».
Clin J Am Soc Nephrol. 2022, doi.org/10.2215/CJN.14561121.
Rédigé le 26.05.2022.

Piqûres d’anophèles: pas seulement la nuit!

Les moustiquaires de lit et les insecticides, ainsi que le port en soirée de pantalons et de chemises à manches longues prétraités chimiquement, sont considérés comme des mesures centrales et assez fiables en ­matière de prévention.
Image au microscope électronique à balayage (MEB) (grossissement 405×): Pointe de la trompe d’un moustique Anopheles gambiae. On voit la gaine (labium) qui recouvre la paire de stylets (CDC/ Dr Paul Howell; Janice Carr; 2006).
Une étude menée dans une zone endémique du paludisme (Bangui, République centrafricaine) montre toutefois que le moustique anophèle ne se laisse pas si facilement gâcher ses repas: 20–30% des piqûres ont eu lieu en journée dans des maisons/appartements! Il semble également important de noter que les piqûres en intérieur ne se sont pas produites uniquement en début ou en fin de journée, mais qu’elles étaient réparties de manière uniforme tout au long de la journée.
Comme la transmission des parasites Plasmodium est proportionnelle à la fréquence des piqûres, cette observation revêt une grande importance et devrait conduire à des mesures de protection toute la journée, même si elles ne sont probablement pas faciles à mettre en œuvre sur le plan pratique.
Proc Natl Acad Sci U S A. 2022, doi.org/10.1073/pnas.2104282119.
Rédigé le 27.05.2022.

Le saviez-vous?

Calcul et interprétation de la FENa
La FENa est le quotient de la quantité de sodium excrétée divisée par la quantité de sodium filtrée. La multiplication du quotient par 100 donne la FENa en pourcentage. L’utilisation d’un marqueur essentiellement glomérulaire comme la créatinine permet de se passer de l’information du volume urinaire, qui fait le plus souvent défaut dans les situations d›urgence. Voici la formule usuelle aujourd’hui, qui est intégrée dans de nombreuses applications ou déjà dans les résultats de laboratoire:
FENa (%) = (Naurinaire:Naplasmatique × Crplasmatique:Crurinaire) × 100
Les concentrations de sodium (= Na) doivent être exprimées en mmol/l, les concentrations de créatinine (= Cr) en µmol/l. Dans la plupart des rapports de laboratoire, la valeur de la créatinine dans l’urine, le plus souvent exprimée en mmol/l ou en mmol par volume, doit donc être multipliée par un facteur 1000.
Les valeurs de FENa inférieures à 1% sont en faveur d’une cause prérénale, celles supérieures à 2% d’une cause intrarénale de l’insuffisance rénale aiguë. Des valeurs comprises entre 1 et 2 se rencontrent dans les deux situations, y compris par exemple en cas de ­traitement concomitant par diurétiques/salurétiques, d’insuffisance rénale chronique préexistante ou lorsqu’une cause prérénale a persisté suffisamment longtemps pour entraîner des lésions tubulaires ischémiques.

Pour les médecins hospitaliers

Metformine: amélioration du pronostic en cas de sepsis et de diabète sucré de type 2?

La metformine, le traitement de première ligne du ­diabète sucré de type 2, présente différents effets indépendants de la glycémie qui pourraient améliorer l’évolution en cas de sepsis (effets anti-inflammatoires, diminution de la formation de radicaux libres, etc.). Des modèles précliniques (animaux) montrent de ­manière assez unanime que la metformine réduit significativement les dysfonctionnements organiques associés au sepsis, y compris l’insuffisance rénale, ainsi que la mortalité. Il semblerait à présent que ce soit ­également le cas chez l’être humain:
Une étude de cohorte rétrospective a analysé près de 15 000 épisodes de sepsis chez des diabétiques de type 2 entre 2008 et 2014 (Pennsylvanie, Etats-Unis). Près de 5% des patientes et patients étaient sous metformine et ont été comparés aux un peu plus de 95% de cas de sepsis sans exposition à la metformine. Le groupe sous metformine a présenté une réduction impressionnante de la mortalité à 90 jours, qui s’élevait à près de 12%, contre près de 23% (!) dans le groupe sans metformine.
Les études de cohorte rétrospectives ne sont pas en mesure de démontrer ou de définir précisément la causalité et la taille de l’effet. Néanmoins, la réduction de moitié de la mortalité en cas de sepsis et de diabète ­sucré de type 2 semble suffisamment importante pour justifier une évaluation prospective. Pour la metformine, il existe plus de 70 ans de données de sécurité. Même les troubles de la fonction hépatique et rénale (fréquents en cas de sepsis) ne sont plus des contre-­indications absolues (par ex. en raison du risque d’acidose lactique) lorsque le médicament est utilisé avec précaution.
Crit Care Med. 2022, doi.org/10.1097/CCM.0000000000005468.
Rédigé le 28.05.2022.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Nouveaux antidiabétiques

L’enzyme glucokinase (ou hexokinase IV) phosphoryle le glucose en glucose-6-phosphate. Cela conduit à la formation de glycogène dans le foie et à la sécrétion d’insuline dans le pancréas. La glucokinase est donc un capteur de glucose qui régule la production d’insuline, un système endogène en boucle fermée en quelque sorte. Depuis de nombreuses années, des activateurs médicamenteux de la glucokinase sont recherchés et testés, généralement sans succès en raison d’effets ­indésirables trop fréquents (hypoglycémies et hyperlipoprotéinémies).
Un nouvel activateur, la dorzagliatine, a été évalué dans deux études chinoises chez des patients diabétiques de type 2 non prétraités [1] et chez des patients diabétiques de type 2 sous metformine [2]. Le profil d’effets indésirables semble meilleur qu’avec les anciens activateurs de glucokinase, avec seulement quelques hypoglycémies détectées et une augmentation des triglycérides d’environ plus 20%. La réduction de l’HbA1C était quant à elle plutôt modérée (0,2–0,6% à six mois).
La valeur de ce nouveau médicament ou représentant d’une nouvelle classe d’antidiabétiques n’est donc pas encore établie. Le fait que les troubles de la fonction ­rénale ne constituent pas une contre-indication ou ne nécessitent pas d’adaptation de la dose pourrait être un atout pour la dorzagliatine.
1 Nature Med. 2022, doi.org/10.1038/s41591-022-01802-6.
2 Nature Med. 2022, doi.org/10.1038/s41591-022-01803-5.
Rédigé le 27.05.2022.

Cela ne nous a pas réjouis

Origine du SARS-CoV-2

La question fondamentale de l’origine du virus, qui est responsable a priori de 15 millions de décès et d’un coût économique énorme dans le monde, n’est toujours pas résolue. Deux hypothèses restent privilégiées: 1. exposition à un réservoir animal ou 2. conséquence d’un ­accident de laboratoire à Wuhan.
Bien que le gouvernement américain ait commandé une investigation sur cette question en 2021, on déplore d’une manière générale le manque de coopération du gouvernement chinois. Il est réaliste de penser qu’il en restera ainsi et que ce fait parle de lui-même. Il paraît possible que la commission américaine chargée de l’enquête n’ait pas encore examiné en détail les informations relatives à l’étroite coopération et aux projets du laboratoire de virologie de Wuhan soutenus par des fonds de recherche américains (!), et surtout pas de ­manière indépendante des services gouvernementaux (une partie des données pourrait être stockée aux Etats-Unis même). Y a-t-il aussi des choses à cacher du côté américain?
A ce propos, il est stupéfiant de constater qu’en 2018, une demande de recherche collaborative a été soumise dans le but d’introduire une nouvelle interface (appelée «furin-binding site») dans un coronavirus semblable au SARS. Cette interface (désormais présente dans le SARS-CoV-2!) est le facteur central qui a conduit à une infectiosité/pathogénicité accrue du coronavirus.
Proc Natl Acad Sci U S A. 2022, doi.org/10.1073/pnas.2202769119.
Rédigé le 27.05.2022.

Cela nous a également interpellés

Progrès dans le traitement médicamenteux de la maladie de Crohn

Les médiateurs centraux de la réaction inflammatoire intestinale sont l’interleukine-(IL-)23 et sa demi-sœur, l’IL-12 (les deux interleukines ont en commun une sous-unité, l’IL-12B). Dans la maladie de Crohn, un anticorps monoclonal anti-IL-12 (ustékinumab) n’a pas réussi à surpasser l’efficacité thérapeutique d’un blocage général du facteur de nécrose tumorale (TNF) (adalimumab).
Un blocage de l’IL-23 pourrait toutefois être plus efficace: le taux de rémission, d’une part, et le maintien de la rémission, d’autre part, ont été étudiés dans trois ­populations relativement importantes de patientes et patients souffrant de la maladie de Crohn avec une intolérance préalable à une immunosuppression classique et/ou à des médicaments biologiques établis ou une inefficacité de ces derniers [1–3]. L’anticorps ­anti-IL-23 (risankizumab) s’est révélé nettement supérieur au placebo dans les deux situations cliniques, tout en étant bien toléré. Les rémissions étaient définies cliniquement et endoscopiquement. Un progrès bienvenu!
Rédigé le 25.05.2022.

Moins de télévision, de smartphones et autres durant l’enfance

On trouve parfois des études dont les résultats étaient déjà clairs auparavant. Elles peuvent toutefois être importantes pour justifier des interventions et, le cas échéant, des campagnes d’information.
C’est également le cas de cette étude danoise: des enfants exposés à une surface rectangulaire scintillante (quelle qu’elle soit) et dont le temps d’écran était supérieur à 2,4 heures par jour ont été invités à limiter ce temps à un maximum de trois heures par semaine pendant deux semaines et à se laisser comparer à des personnes contrôles du même âge dont le temps d’écran était illimité. Cet objectif a été atteint avec une observance élevée de 97% (!). La restriction du temps d’écran a augmenté le temps d’activité physique de manière relativement impressionnante, de près d’une heure par jour, alors que ce dernier est resté inchangé dans le groupe contrôle.
L’observance élevée laisse espérer que – du moins à court terme – il ne sera pas si difficile de renoncer au temps d’écran. Des offres de programmes alternatifs seraient certainement utiles.
Rédigé le 29.05.2022.
Le «Sans détour» est également disponible en pod­cast (en allemand) sur emh.ch/podcast ou sur votre app podcast sous «EMH Journal Club»!

Quel serait votre diagnostic?

Un adolescent de 14 ans a été victime d’un accident de moto avec un traumatisme thoracique contondant, dont il s’est remis sans problèmes cliniques. Deux ans plus tard, il est adressé pour un bilan cardiopulmonaire en raison d’une dyspnée d’effort NYHA II–III. Des facteurs de risque cardiovasculaire faisaient défaut. L’échocardiographie révèle une dilatation massive du ventricule gauche avec des akinésies de l’apex et de la paroi antérieure. La fraction d’éjection est de 25% et il n’y a pas d’anomalies valvulaires.
Mon diagnostic privilégié est:
A) Cardiomyopathie dilatée idiopathique
B) Cardiopathie ischémique chronique
C) Myocardite virale ou auto-immune
D) Embolies pulmonaires récidivantes

Réponse:


Une biopsie myocardique ne révèle aucun élément en faveur d’une myocardite. L’échocardiographie ne montre aucun signe de surcharge du cœur droit, de sorte que des embolies pulmonaires semblent improbables. En consultant les anciennes données, il est apparu qu’après le traumatisme thoracique contondant, une hypertroponinémie massive avec douleurs thoraciques (qui avaient été attribuées au traumatisme) était survenue. Quelques jours plus tard, l’ECG avait révélé de discrètes élévations du segment ST en V1/V2 et des «Q» en V1–V3. Aucun examen complémentaire n’avait été effectué à l’époque. Actuellement, l’angiographie coronaire montre un gros pseudo-anévrisme dans le tronc principal gauche sans indice en faveur d’une athéromatose coronaire. Le patient a donc probablement subi un traumatisme de cisaillement du tronc principal gauche. L’échocardiographie montrant les troubles régionaux de la mobilité pariétale dans le territoire d’approvisionnement est compatible avec une étiologie coronarienne. Le patient pourrait donc avoir été victime d’un infarctus majeur de la paroi ­antérieure à la suite du traumatisme. Alternativement, des ­micro-embolies artério-artérielles récidivantes à partir du pseudo-anévrisme seraient possibles.
Ce cas illustre le fait que les douleurs en cas de traumatisme thoracique contondant ne doivent pas être attribuées uniquement à ce dernier; des dommages de l’aorte, des artères coronaires ou du ventricule directement (contusion) doivent également être pris en considération et évalués. La réponse correcte est B.
Rédigé le 28.05.2022.