Œsophagite à éosinophiles
Vue d’ensemble d’une maladie encore jeune

Œsophagite à éosinophiles

Übersichtsartikel
Édition
2022/4950
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09160
Forum Med Suisse. 2022;22(4950):800-804

Affiliations
a Klinik für Gastroenterologie und Hepatologie, Universitätsspital Zürich, Zürich; b Klinik für Gastroenterologie und Hepatologie, Kantonsspital St.Gallen, St.Gallen; c Intesto KLG, Gastroenterologische Praxis & Crohn-Colitis-Zentrum Bern, Bern; d Clinica Luganese Moncucco, Lugano; e Service de gastro-entérologie et d’hépatologie, Centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne; f Gastroenterologie/Hepatologie, Clarunis – Universitäres Bauchzentrum Basel, Basel

Publié le 07.12.2022

L’oesophagite à éosinophiles, en tant que maladie jeune, est encore peu connue de nombreux médecins en exercice et n’est donc souvent pas diagnostiquée à un stade précoce. Une vue d’ensemble actuelle.

Contexte

L’œsophagite à éosinophiles (EoE) est une maladie inflammatoire chronique de l’œsophage étroitement associée aux maladies atopiques, raison pour laquelle la désignation «asthme de l’œsophage» est parfois utilisée au regard du schéma inflammatoire éosinophilique et des nombreux parallèles clinico-épidémiologiques. A l’origine, on pensait qu’il s’agissait d’une maladie rare («orphan disease»), alors qu’il s’est avéré que sa fréquence est similaire à celle d’autres maladies à médiation immunitaire plus fréquentes, avec une incidence en nette augmentation qui n’est pas seulement due à une plus grande attention portée à cette maladie. Cependant, il arrive encore souvent que la maladie ne soit pas identifiée à un stade précoce. Outre les spécialistes en gastro-entérologie, il n’est pas rare que les médecins de famille ou les collègues de médecine interne générale, de pneumologie, d’oto-rhino-laryngologie et d’allergologie/dermatologie soient consultés en premier lieu. Ces dernières années, des progrès décisifs ont été accomplis dans la compréhension de la maladie et dans les approches thérapeutiques de cette maladie encore jeune. Ainsi, il y a quelques années, une toute première préparation a été autorisée pour le traitement topique dans l’indication de l’EoE. Parallèlement, de nombreuses approches thérapeutiques topiques et systémiques sont en cours de développement.

Histoire

L’EoE est une maladie encore jeune. Chez un bon tiers des personnes touchées, ce diagnostic n’est posé que dans le cadre d’une extraction endoscopique d’urgence d’aliments impactés, les troubles dysphagiques étant en général déjà présents cinq à six ans avant la pose du diagnostic. L’urgence gastroentérologique que constitue l’extraction d’un bol alimentaire s’observait certes déjà il y a des décennies en cas d’ingestion accidentelle de corps étrangers, d’os de volaille ou d’arêtes de poisson, mais pas en cas de déglutition d’aliments tout à fait «normaux». Etant donné qu’une impaction prolongée du bol alimentaire oblige une patiente ou un patient à consulter un médecin et que ces urgences ne se produisent que depuis une bonne trentaine d’années – et ce à une fréquence croissante, nous avons de bonnes raisons de penser que l’EoE est apparue au cours des deux dernières décennies du 20e siècle. Cette affection a été identifiée et décrite séparément par Stephen Attwood (Angleterre) et Alex Straumann (Suisse), chacun sur la base d’une série de patients, dans les années 1990. Du fait de l’apparition nouvelle de cette inflammation gastro-intestinale chronique, de nombreux médecins en exercice aujourd’hui n’ont pas reçu d’informations à son sujet au cours de leur formation initiale et postgraduée. Une autre conséquence est que nous en savons encore peu sur la perspective à long terme, concrètement sur les risques de cette inflammation chronique, mais aussi sur les risques associés aux traitements à long terme nécessaires.

Epidémiologie et pathogenèse

Des données d’études provenant de certains pays industrialisés comme les Etats-Unis, l’Australie et divers pays européens de régions géographiquement circonscrites montrent que l’incidence et la prévalence de l’EoE ont considérablement augmenté ces dernières années, tant chez les enfants que chez les adultes [1]. On constate une répartition inégale, avec une prévalence accrue de l’EoE dans les centres urbains. Ceci n’est pas seulement attribué à une meilleure connaissance de cette maladie, mais aussi à une réelle augmentation de sa fréquence. En Suisse, la prévalence cumulée dans les régions du district d’Olten et du canton de Vaud, où il y a une bonne documentation en matière d’EoE, a fortement augmenté et atteint désormais environ 50 personnes pour 100 ​000 habitants. Dans certaines régions industrialisées, des valeurs de prévalence de >100 personnes / 100 000 habitants sont à présent rapportées. L’EoE est donc loin d’être une maladie rare, puisque pratiquement chaque grand village pourrait compter un patient avec EoE diagnostiquée.
En principe, l’EoE peut survenir chez tout individu et à tout âge. Cependant, les hommes sont les plus touchés, avec un rapport hommes/femmes de 3:1, au cours de la troisième et de la quatrième décennie de leur vie. En outre, l’EoE est plus fréquente chez les personnes souffrant d’atopie que chez celles qui n’ont pas cette tendance à une réaction allergique accrue. Les enfants atteints d’EoE ont souvent des allergies alimentaires IgE-médiées préexistantes, tandis que les adolescents et les adultes souffrant d’EoE ont fréquemment des maladies allergiques des voies respiratoires préexistantes, telles que l’asthme bronchique et/ou la rhinoconjonctivite allergique. Celles-ci doivent être identifiées à l’anamnèse et il faut également être attentif à une éventuelle accumulation de cas dans la famille.
La plupart du temps, l’EoE est due à une allergie alimentaire. En revanche, les aéroallergènes seraient assez rarement en cause. Le taux de succès de plus de 90% des diètes élémentaires à base d’acides aminés prouve que les protéines alimentaires sont bel et bien la cause principale de l’EoE. Cependant, comme il s’agit d’une réaction allergique tardive non médiée par les IgE, les allergènes ne sont pas détectables par les tests allergologiques courants.
En Suisse, les données épidémiologiques relatives à l’EoE sont collectées depuis environ 30 ans dans le cadre d’une cohorte (par Alex Straumann, Olten). Selon les estimations, environ 10–15% des patientes et patients suisses sont actuellement répertoriés dans une cohorte [2].

Pose du diagnostic

Le diagnostic de l’EoE repose sur trois critères [3]:
En présence d’une dysphagie œsophagienne, la première étape diagnostique consiste en une panendoscopie supérieure. Des biopsies œsophagiennes doivent être prélevées chez toute personne présentant des troubles de la déglutition, même si l’endoscopie paraît normale. Comme l’inflammation associée à l’EoE a souvent un aspect tacheté, il est recommandé de prélever au moins trois biopsies de l’œsophage distal et trois biopsies de l’œsophage proximal, de préférence dans des régions présentant des lésions typiques de l’EoE. Avec cette stratégie de biopsie, la probabilité de détecter une EoE est de bien 95%. Dans le cadre de l’endoscopie lors du diagnostic initial, des biopsies de l’estomac et du duodénum devraient également être prélevées et examinées à la recherche d’une infiltration éosinophilique, d’Helicobacter pylori et de la maladie cœliaque. Etant donné qu’une infiltration éosinophilique n’est pas spécifique en soi, il convient de rechercher cliniquement et histologiquement, entre autres, les maladies suivantes: reflux gastro-œsophagien (RGO), infections œsophagiennes (Candida, Herpes simplex), maladie cœliaque, achalasie, atteinte œsophagienne dans le cadre de la maladie de Crohn, «pill ulcer» et parasitoses. Dans la pratique clinique, la distinction par rapport au RGO est particulièrement cruciale. Celui-ci est non seulement très fréquent et associé à une présentation clinique se chevauchant au moins en partie, mais il représente sans doute de loin la principale cause et le principal diagnostic différentiel d’une concentration élevée d’éosinophiles dans les biopsies œsophagiennes. Toute augmentation des éosinophiles n’est donc de loin pas synonyme d’EoE. En particulier en cas d’éosinophilie à prédominance distale associée à un phénotype clinique typique de RGO, ce dernier est le diagnostic le plus probable. Pour compliquer encore les choses, l’EoE et le RGO ne sont pas des maladies exclusives et il n’est pas rare qu’elles soient concomitantes.
Bien que les altérations endoscopiques soient souvent impressionnantes, elles ne font pas encore partie des critères diagnostiques. Les signes endoscopiques suivants sont toutefois typiques d’une EoE:
Une dysphagie pour les aliments solides est pratiquement toujours l’expression d’une affection organique de l’œsophage – dans le meilleur des cas une EoE, dans le pire des cas un carcinome – et doit donc être considérée comme un symptôme d’alarme nécessitant un examen endoscopique.
En raison des comorbidités atopiques fréquentes déjà mentionnées ci-dessus, il faudrait en outre envisager d’adresser la patiente ou le patient pour une évaluation allergologique afin de traiter également ces affections dans les règles de l’art.
Les analyses de laboratoire n’ont qu’une importance subsidiaire dans le diagnostic d’une EoE – en principe, elles ne sont même pas nécessaires pour établir le diagnostic: un hémogramme différentiel montre une légère éosinophilie dans environ 50% des cas et le taux d’IgE totales est élevé chez environ 70% des personnes touchées en raison de comorbidités allergiques. Des examens d’imagerie (par ex. tomodensitométrie, transit œsophagien) et des examens fonctionnels (par ex. manométrie, pH-métrie, mesure de la distensibilité) ne sont indiqués qu’en cas de diagnostic incertain et dans le cadre d’études.

Clinique

Les symptômes de l’EoE dépendent fortement de l’âge: chez l’adulte, le symptôme principal est la dysphagie pour les aliments solides, pouvant aller jusqu’à l’obstruction totale (impaction du bol alimentaire). Toutefois, des douleurs thoraciques (souvent induites par l’effort) et des douleurs rétrosternales à type de brûlures peuvent également survenir. Chez les enfants, des symptômes de reflux, des vomissements postprandiaux, des douleurs abdominales et des diarrhées, voire un refus de s’alimenter et des troubles de la croissance, peuvent apparaître. Il convient de garder à l’esprit que de nombreux patients et patientes s’habituent lentement à leurs difficultés de déglutition et tentent de les contrôler en modifiant leurs habitudes alimentaires, par exemple en mâchant abondamment, en buvant beaucoup et en évitant les aliments fibreux et secs. Il faut donc procéder à une anamnèse minutieuse et ciblée pour déceler la dysphagie.
Malheureusement, cinq bonnes années s’écoulent en moyenne entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic de l’EoE. Plusieurs causes sont responsables de ce retard de diagnostic (mécanismes d’évitement/habitude, connaissance insuffisante de la maladie par les médecins). Or, une inflammation éosinophilique non traitée entraîne presque obligatoirement des altérations du tissu conjonctif avec des sténoses cicatricielles et une rigidité de la paroi de l’œsophage, ce qui augmente le risque de souffrir d’un blocage alimentaire complet. Le diagnostic de l’EoE doit dès lors être posé le plus tôt possible.

Options thérapeutiques

Le traitement de l’EoE poursuit deux objectifs principaux [3]: contrôler les symptômes et améliorer ainsi la qualité de vie; contrôler l’inflammation et prévenir les complications, ainsi que le remodelage.
Pour atteindre ces objectifs, on dispose essentiellement de trois piliers thérapeutiques (principe «3D») [4]:
Les médicaments et les régimes alimentaires mentionnés ci-dessus permettent généralement de traiter l’EoE avec succès. Les deux constituent le traitement de base de l’EoE. La dilatation est une possibilité de traitement supplémentaire à un stade avancé de la maladie en cas de sténoses, si les troubles persistent malgré un traitement anti-inflammatoire concluant à l’aide de médicaments ou d’un régime alimentaire. Le choix de la méthode à utiliser dépend du souhait et des possibilités des personnes concernées et des soignants. Une information détaillée, une prise de décision thérapeutique commune et une bonne relation médecin-patient sont les conditions de base pour le succès d’un traitement à long terme généralement nécessaire.

Médicaments

Corticostéroïdes

Les préparations à base de cortisone à action topique se sont révélées être les médicaments les plus efficaces pour le traitement de l’inflammation éosinophilique. Ces préparations permettent de traiter de manière très fiable les troubles, les inflammations et les complications à long terme de l’EoE. Les préparations à base de cortisone à action locale sont par conséquent les médicaments de premier choix pour le traitement de l’EoE depuis plusieurs années, malgré leur statut «off-label». Le propionate de fluticasone dégluti (500–1000 µg/jour) et le budésonide en formulation orale visqueuse (1000–2000 µg/jour) se sont tous deux avérés efficaces dans le traitement de l’EoE [5]. Fort heureusement, ces préparations à base de cortisone à action purement locale sont au moins aussi efficaces que la cortisone classique, mais ont nettement moins d’effets indésirables.
La première et jusqu’à présent la seule préparation topique autorisée au monde pour le traitement de l’EoE est un comprimé orodispersible de budésonide (autorisé à partir de 18 ans). Ce médicament dispose d’une formulation galénique spéciale et a été spécifiquement développé pour le traitement de l’EoE chez les adultes. Le comprimé orodispersible se dissout dans la bouche et les particules effervescentes qu’il contient stimulent le flux salivaire. La salive, avec ses composants de mucine, a des propriétés adhésives et constitue ainsi un véhicule idéal pour le principe actif afin qu’il puisse déployer son effet thérapeutique sur la muqueuse œsophagienne. Cette nouvelle forme d’administration permet d’atteindre des taux de rémission élevés – jusqu’à 90% dans le traitement d’induction et 75–80% dans le traitement d’entretien. Comme pour toutes les préparations à base de cortisone appliquées localement, il convient de ne pas boire ou manger pendant au moins 30 minutes après la prise. Cependant, si le traitement médicamenteux topique est interrompu une fois les objectifs thérapeutiques atteints, une rechute survient généralement en l’espace de quelques semaines à quelques mois. Un traitement à long terme doit par conséquent être planifié. Malheureusement, il peut actuellement être difficile d’obtenir une garantie de prise en charge des coûts pour un traitement d’entretien à long terme (une dose de 1 mg une fois par jour est souvent suffisante comme dose d’entretien) et, selon la limitation, un traitement de deux fois douze semaines (1 mg deux fois par jour) est actuellement couvert.1 Jusqu’à présent, rien n’indique heureusement que les préparations à base de cortisone à action locale perdent leur efficacité lorsqu’elles sont utilisées pendant des années ou qu’elles entraînent des effets indésirables systémiques, tels que la suppression de l’axe surrénalien ou l’ostéoporose. Toutefois, de tels effets indésirables doivent être recherchés de manière ciblée chez les personnes vulnérables, comme les enfants en phase de croissance, ainsi qu’en cas d’utilisation prolongée de doses élevées. Le principal effet indésirable est, avec une fréquence d’environ 15% des cas, le développement d’un muguet dans la bouche, le pharynx et l’œsophage, qui ne provoque cependant des troubles et nécessite par conséquent un traitement que chez environ un tiers des patientes et patients.

Inhibiteurs de la pompe à protons

Environ un tiers de toutes les personnes atteintes d’EoE répondent également à un traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), tant sur le plan clinique qu’histologique. En l’absence d’études comparant le traitement à un placebo, il n’est pas possible de tirer des conclusions plus précises sur l’efficacité du traitement au long cours. Les IPP sont certes autorisés en tant qu’antiacides, mais pas pour le traitement de l’EoE. Néanmoins, grâce à leur profil de sécurité favorable et à leur efficacité, les IPP peuvent être utilisés dans l’EoE. En cas d’efficacité insuffisante ou nulle, il convient toutefois de passer rapidement à des options thérapeutiques plus fiables.

Médicaments biologiques

Etant donné que les symptômes et l’inflammation ne parviennent pas à être traités de manière satisfaisante par les préparations conventionnelles susmentionnées chez une petite partie des personnes atteintes d’EoE, d’autres médicaments non cortisoniques sont activement recherchés. Le blocage de messagers tels que l’interleukine-13 (IL-13) et l’interleukine-4 (IL-4), qui jouent un rôle clé dans l’apparition de l’inflammation éosinophilique, à l’aide d’anticorps monoclonaux (médicaments biologiques) a jusqu’à présent montré les résultats les plus prometteurs. Actuellement, ces médicaments sont testés dans le cadre d’études d’autorisation de mise sur le marché (études de phase II/III) (par ex. dupilumab [anticorps anti-IL-4/anti-IL-13], cendakimab [anticorps anti-IL-13]).

Diètes

Les traitements diététiques de l’EoE sont en théorie attrayants, car ils ont une approche causale et permettent d’atteindre les deux objectifs thérapeutiques, à savoir le contrôle des symptômes et la limitation de l’inflammation, sans médicaments [6].

Diète élémentaire

Une alimentation totalement dépourvue de protéines au moyen de solutions d’acides aminés équilibrées constitue un traitement très efficace de l’EoE, avec des taux de rémission de plus de 90%. Cette approche thérapeutique apporte la preuve que l’EoE est dans la grande majorité des cas déclenchée par des protéines alimentaires. Malheureusement, ces solutions nutritives ne sont pas très savoureuses et sont en outre coûteuses. Les diètes élémentaires sont donc surtout utilisées pour les formes sévères d’EoE. Comme il est difficile de les utiliser à long terme, un régime alimentaire contrôlé est mis en place dès que l’EoE est sous contrôle.

Régime d’éviction basé sur des tests d’allergie

En ce qui concerne les régimes d’éviction basés sur des tests d’allergie, nous ne disposons malheureusement pas de tests allergologiques fiables actuellement pour identifier les allergènes déclencheurs, comme cela a déjà été mentionné plus haut. Il n’est donc pas judicieux de procéder à des tests d’allergie avant de planifier un régime.

Régime d’éviction empirique

Le régime d’éviction empirique consiste à supprimer les principaux aliments allergisants sans que la patiente ou le patient n’ait subi d’examen allergologique préalable. Sur la base d’études, nous savons que les déclencheurs les plus fréquents de l’EoE sont le lait (protéines lactiques) (60%), le blé/gluten (50%), les noix (10%), les œufs (10%) et plus rarement, le soja et le poisson/les fruits de mer. Lorsque toutes ces six catégories d’aliments sont supprimées, le régime est appelé 6-FED («six-food elimination diet») et présente un taux de réussite de bien 70%, tant chez les enfants que chez les adultes. Si l’EoE est traitée avec succès grâce à ce régime drastique, on essaie ensuite de réintroduire les différentes catégories d’aliments sous contrôle endoscopique. Ce principe «step-down» permet finalement d’identifier les aliments allergisants. Cette procédure prend toutefois beaucoup de temps et nécessite des endoscopies répétées. Une autre possibilité est le principe «step-up», souvent préféré, qui consiste à ne supprimer qu’une ou deux catégories d’aliments (1-FED ou 2-FED), en choisissant judicieusement les aliments les plus allergisants (lait ou blé). Des études montrent que l’efficacité de la 1-FED et de la 2-FED se situe entre 20 et 50%.
Comme les aliments critiques sont le plus souvent des aliments de base, les traitements diététiques de l’EoE sont exigeants pour les personnes concernées et les soignants. Par conséquent, ils ne devraient être mis en œuvre que chez des personnes particulièrement motivées et avec des diététiciens formés. Un contrôle conséquent de l’efficacité par voie endoscopique et histologique est recommandé. Malheureusement, même un régime ne permet pas de guérir l’EoE, car des récidives surviennent régulièrement en l’espace de quelques jours après la ré-ingestion des aliments déclencheurs.

Dilatation

Souvent, en l’absence de traitement de l’EoE, un rétrécissement de l’œsophage (sténose) se produit au fil du temps. Si les troubles persistent malgré un traitement anti-inflammatoire par des médicaments ou un régime, il est possible de procéder à une dilatation prudente de l’œsophage au moyen d’une bougie ou d’un ballon lors d’une endoscopie. Comme le processus inflammatoire affecte la plupart du temps l’œsophage sur toute sa longueur, nous privilégions la dilatation à la bougie. Le traitement de dilatation doit cependant toujours être combiné à un traitement anti-inflammatoire de base.

Traitement à long terme et observance

Jusqu’à présent, l’EoE ne peut être guérie ni par des médicaments ni par un régime. Malheureusement, si les traitements anti-inflammatoires sont arrêtés, l’inflammation récidive le plus souvent au bout de quelques jours ou semaines, ce qui entraîne à nouveau l’apparition de symptômes. Un traitement d’entretien doit donc être mis en place après un traitement d’induction réussi. Malheureusement, la corrélation entre les symptômes et l’activité histologique/endoscopique est mauvaise, de sorte que même les patientes et patients atteints d’EoE asymptomatiques nécessitent un contrôle endoscopique régulier. Après une rémission confirmée, un contrôle endoscopique doit être effectué tous les un à deux ans. La figure 2 présente l’algorithme thérapeutique recommandé.
Figure 2: Algorithme thérapeutique actuel en cas d'œsophagite à éosinophiles.

L’essentiel pour la pratique

Même une dysphagie prononcée peut rester dissimulée dans un premier temps en raison de stratégies d’évitement (évitement des aliments critiques, prise accrue de boissons en mangeant, mastication prolongée) et de l’habitude. Une anamnèse minutieuse avec un interrogatoire ciblé revêt dès lors une grande importance: Les troubles surviennent-ils lors de l'ingestion d'aliments secs? Même si le temps presse, la déglutition est-elle rapide? Est-il nécessaire de boire à nouveau après avoir mangé? Manger en société est-il une source de stress? Certains aliments sont-ils évités? Que révèle l’hétéro-anamnèse de la partenaire/du partenaire? Existe-t-il des cas de dysphagie/d’obstruction du bol alimentaire dans la famille?
Les anomalies endoscopiques sont parfois subtiles et peuvent donc passer inaperçues! Vérifiez si des biopsies œsophagiennes ont été réalisées lors de précédentes gastroscopies. Demandez une nouvelle endoscopie recherchant de façon ciblée une œsophagite à éosinophiles (EoE) en cas de suspicion clinique persistante.
Pensez également à une EoE en cas de symptômes rétrosternaux inexpliqués (crampes, pression, douleurs, brûlures), qui dépendent généralement de l’alimentation et rarement de l’effort, mais qui surviennent également au repos, en particulier chez les personnes souffrant d’atopie.
Les personnes présentant une anamnèse typique de dysphagie, mais sans preuve histologique d’éosinophilie ou d’autres causes organiques de dysphagie (par ex. achalasie), doivent être adressées à un centre spécialisé pour rechercher des formes particulières d’œsophagites à médiation immunitaire.
PD Dr méd. Luc Biedermann
Klinik für Gastroenterologie und Hepatologie, Universitätsspital Zürich, Zürich
Prof. Dr méd. Petr Hruz​
Gastroenterologie/Hepatologie, Clarunis – Universitäres Bauchzentrum Basel, Basel
Cet article a bénéficié d’une subvention du Fonds national suisse (FNS 32003B_20751/1, à A. Schoepfer).
PD Dr méd. Luc Biedermann
Klinik für Gastroenterologie und Hepatologie
Universitätsspital Zürich
Rämistrasse 100
CH-8091 Zürich
1 Arias Á, Pérez-Martínez I, Tenías JM, Lucendo AJ. Systematic review with meta-analysis: the incidence and prevalence of eosinophilic oesophagitis in children and adults in population-based studies. Aliment Pharmacol Ther. 2016;43(1):3–15.
2 Safroneeva E, Saner C, Rossel JB, Golay D, Pittet V, Godat S, et al.; Swiss EoE Cohort Study Group. Cohort Profile: The Swiss Eosinophilic Esophagitis Cohort Study (SEECS). Inflamm Intest Dis. 2018;2(3):163–70.
3 Straumann A, Katzka DA. Diagnosis and treatment of eosinophilic esophagitis. Gastroenterology. 2018;154(2):346–59.
4 Lucendo AJ, Molina-Infante J, Arias Á, von Arnim U, Bredenoord AJ, Bussmann C, et al. Guidelines on eosinophilic esophagitis: Evidence-based statements and recommendations for diagnosis and management in children and adults. United European Gastroenterol J. 2017;124:205064061668952.
5 Straumann A, Lucendo AJ, Miehlke S, Vieth M, Schlag C, Biedermann L, et al. Budesonide orodispersible tablets maintain remission in a randomized, placebo-controlled trial of patients with eosinophilic esophagitis. Gastroenterology. 2020;159(5):1672–85.e5.
6 Molina-Infante J, Lucendo AJ. Dietary therapy for eosinophilic esophagitis. J Allergy Clin Immunol. 2018;142(1):41–7.