Polysérite et péricardite récurrentes idiopathiques
Pathomécanisme, diagnostic différentiel et traitement

Polysérite et péricardite récurrentes idiopathiques

Übersichtsartikel
Édition
2023/07
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2023.09195
Forum Med Suisse. 2023;23(07):900-905

Affiliations
a Schmerzklinik Basel, Basel; b Rheumatologie, Universitätsspital Basel, Basel

Publié le 15.02.2023

Cet article explique les examens nécessaires, l’état actuel des connaissances sur la polysérite et la péricardite récurrentes idiopathiques ainsi que leur interrelation.

Introduction

Le terme «polysérite» décrit l’inflammation simultanée de deux ou plusieurs membranes séreuses, c’est-à-dire du péricarde, de la plèvre ou du péritoine [1]. La polysérite récurrente idiopathique (PSRI) se manifeste le plus souvent sous forme de pleuropéricardite. Il n’existe à ce jour aucune définition officiellement reconnue de la PSRI, et les données de la littérature sont par conséquent très hétérogènes et confuses.
En revanche, il existe une multitude de publications sur une variante possiblement mono-séreuse de la PSRI, la péricardite récurrente idiopathique (PRI). Toutefois, dans le cas de la PRI également, la tomodensitométrie (TDM) révèle des épanchements pleuraux chez plus de la moitié des patientes et patients [1], de sorte que la transition entre la PSRI et la PRI peut être floue. La survenue d’épanchements pleuraux est fortement corrélée à l’élévation de la protéine C réactive (CRP) dans le sérum ainsi qu’à la taille de l’épanchement péricardique [1]; dans 99% des épanchements pleuraux, il s’agit d’un exsudat [2, 3]. Dans diverses études, la grande majorité des épanchements pleuraux étaient localisés à gauche ou prédominants du côté gauche, et non prédominants du côté droit comme en cas d'insuffisance cardiaque [1]. Deux pathomécanismes sont discutés [1]. D’une part, l’épanchement pleural pourrait résulter d’une propagation directe de l’inflammation péricardique vers la plèvre, donc se développer par continuité. Comme la plèvre gauche possède une surface de contact nettement plus grande avec le péricarde, cela expliquerait la prédominance du côté gauche. D’autre part, dans le cas de la PSRI, il est également concevable qu’un processus inflammatoire identique soit à l’origine de l’inflammation du péricarde et de la plèvre. Sur la base de ces réflexions, il faudrait partir du principe que la PRI et la PSRI correspondent à la même maladie dans le premier cas et ont le même pathomécanisme dans le second, raison pour laquelle nous abordons ci-après les deux maladies ensemble, mais en nous appuyant principalement sur les données plus solides pour la PRI.

Epidémiologie

De nombreuses données épidémiologiques sur la PRI proviennent d’Italie, où l’incidence de la péricardite aiguë est chiffrée à 28 pour 100 000 personnes par an [5]. Des données provenant d’autres pays, notamment dans le cadre de la médecine de premier recours, ne sont guère disponibles. Le taux de récidive chez les patientes et patients non traités par colchicine est estimé à 15–30% dans les 18 mois suivant la première manifestation [5]. Après la première récidive, des récidives supplémentaires surviennent dans environ 50% des cas. Une péricardite persistante (cf. définitions dans le tab. 1) avec une corticodépendance est également fréquente, des doses supérieures à 10 mg/jour étant nécessaires pour maintenir la rémission clinique.
Tableau 1: Evolutions de la péricardite [5]
AiguëRémission complète sans médicament après 6 semaines
PersistanteDurée des symptômes entre 6 semaines et 3 mois ou persistance d’une indication de traitement dans cet intervalle de temps
ChroniqueDurée des symptômes ou indication de traitement supérieure à 3 mois
RécurrenteRéapparition de symptômes après un intervalle sans traitement d’au moins 4 semaines

Clinique, critères diagnostiques, examens [5]

Le critère révélateur dans l’anamnèse est la douleur thoracique typique, localisée dans la partie gauche du thorax et à caractère lancinant. La douleur est exacerbée en décubitus latéral gauche et lors de l’inspiration et s’améliore lors du passage en position assise. Cette douleur thoracique typique est présente chez plus de 90% des patientes et patients atteints de péricardite. Si la quantité d’épanchement est importante ou si l’épanchement se forme rapidement, la douleur thoracique peut toutefois être absente, et les patientes et patients présentent alors le plus souvent une sensation de pression ou d’oppression, une dyspnée d’effort ou une orthopnée ou, rarement, des symptômes déclenchés par la compression de structures voisines. Un pouls paradoxal, c’est-à-dire une chute de la pression artérielle systolique de plus de 10 mm Hg pendant l’inspiration, est un signe de pertinence hémodynamique de l’épanchement péricardique. Outre la fonction cardiaque, l’hémodynamique dépend principalement de la vitesse de formation de l’épanchement. Des épanchements de 100 ml peuvent déjà avoir des répercussions hémodynamiques s’ils surviennent de manière aiguë. En revanche, en cas de formation lente, un épanchement atteignant jusqu’à 2 l peut ne causer aucune atteinte hémodynamique majeure. Un frottement péricardique n’est que rarement observé (dans 33% des cas au maximum).
Dans la phase aiguë, l’électrocardiogramme (ECG) montre dans environ 60% des cas une élévation des segments ST ou une dépression des segments PR dans diverses dérivations. La séreuse pariétale étant électriquement inerte, les modifications de l’ECG reflètent une atteinte de la séreuse viscérale et une association plus fréquente avec une myocardite. Il est essentiel de faire la distinction entre une péricardite primaire avec myocardite associée (myopéricardite) et une myocardite primaire avec péricardite associée (périmyocardite), car cette dernière est associée à un pronostic plus défavorable. Par contre, en cas de péricardite avec myocardite associée, le pronostic est excellent, comme pour la péricardite seule. L’échocardiographie transthoracique et le dosage des enzymes cardiaques permettent de les distinguer. Dans la myopéricardite, il y a une élévation des enzymes cardiaques, mais pas de troubles de la mobilité pariétale, ce qui est le cas dans environ 15% (–50%) des péricardites aiguës, mais moins souvent dans les péricardites récidivantes. La mise en évidence de troubles de la mobilité pariétale doit en revanche faire conclure à une périmyocardite.
L’échocardiographie transthoracique révèle un épaississement péricardique ou un épanchement péricardique dans jusqu’à 60% des péricardites. Dans environ 80% des cas, l’épanchement péricardique n’est que léger, c’est-à-dire inférieur à 10 mm.
Le diagnostic de péricardite peut être posé si au moins deux des critères énumérés dans le tableau 2 sont présents [2]. Pour augmenter la sensibilité des critères, il est possible de faire appel à des critères de soutien, notamment l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du cœur, qui est en mesure de montrer des altérations inflammatoires du péricarde même en l’absence d’épanchement pathologique.
Tableau 2: Critères diagnostiques de la péricardite de la «European Society of Cardiology» [5]
1.Anamnèse: douleur thoracique typique (85–90%)
2.Clinique: frottement péricardique (jusqu’à 33%)
3.ECG: élévation ST / dépression PR dans diverses dérivations (jusqu’à env. 60%)
4.ETT: épaississement péricardique, épanchement péricardique (jusqu’à env. 60%, le plus souvent léger)
→ Au minimum 2 critères
Critères/examens de soutien:
Imagerie: TDM avec produit de contraste ou IRM cardiaque
Laboratoire: élévation de la CRP et/ou de la VS
CRP: protéine C réactive; ECG: électrocardiogramme; ETT: échocardiographie transthoracique; IRM: imagerie par résonance magnétique; TDM: tomodensitométrie; VS: vitesse de sédimentation.
Dans les péricardites d’origines diverses, la sensibilité des marqueurs de phase aiguë élevés (CRP et vitesse de sédimentation [VS]) est de 78% 24 heures après le début des symptômes et de 86% 48 heures après le début des symptômes [6]. Chez un grand nombre de patientes et patients, un traitement anti-inflammatoire déjà initié a été évoqué comme cause possible de marqueurs de phase aiguë normaux. Des marqueurs de phase aiguë normaux ne sont révélateurs ni d’une origine idiopathique ni d’une origine secondaire, mais se rencontrent fréquemment en cas de néoplasie. En présence de marqueurs de phase aiguë normaux, une néoplasie devrait donc être exclue par péricardiocentèse, idéalement avec des biopsies supplémentaires en raison d’une sensibilité de la péricardiocentèse de seulement 50%. Le risque de complications de cette intervention n’est toutefois pas négligeable (4–10%).

Diagnostic différentiel

En raison de leur origine idiopathique, la PSRI ainsi que la PRI sont des diagnostics d’exclusion. D’autres états inflammatoires avec polysérite récidivante doivent donc être exclus (tab. 3). En cas d’épanchement important (>20 mm), une origine secondaire est en cause dans jusqu’à 60% des cas [7].
Tableau 3: Principaux diagnostics différentiels de la péricardite et de la polysérite
Origine infectieuse
 Tuberculose (pays en développement env. 80%, pays occidentaux <1–-5%)
Bactéries (<1%)
Virus (coxsackievirus, échovirus, herpèsvirus [EBV, CMV, HHV-6, HSV, VZV], parvovirus B19, adénovirus, coronavirus, influenzavirus, VIH)
Champignons (Histoplasma, Aspergillus, Blastomyces et Candida)
Parasites (Echinococcus, toxoplasmes)
 
 
 
Origine idiopathique (80–90% des péricardites aiguës et récurrentes dans les pays industrialisés, >50% en cas d’hospitalisation))
Origine auto-inflammatoire / auto-immune












Fièvre méditerranéenne familiale (FMF)
Maladie de Still de l’adulte
Arthrite juvénile systémique (AJS)
«Tumor necrosis factor receptor-associated periodic syndrome» (TRAPS)
Syndrome périodique associé à la cryopyrine (CAPS)
Lupus érythémateux disséminé
Polyarthrite rhumatoïde
Syndrome de Sjögren
Sclérose systémique
Maladie de Behçet
Vascularites associées aux ANCA, avant tout granulomatose éosinophilique avec polyangéite
Fièvre rhumatismale
Maladies inflammatoires de l’intestin
Sarcoïdose
«Post-cardiac-injury syndrome» (PCIS)


Syndrome post-infarctus du myocarde (syndrome de Dressler)
Syndrome post-cardiotomie
Post-traumatique
Origine néoplasique (5–10%)

Très rarement, tumeurs primaires (bénignes: lipome, fibrome; malignes: surtout mésothéliome, angiosarcome, fibrosarcome)
Métastases: avant tout cancers du poumon et du sein, mélanomes, lymphomes et leucémies
Radiothérapie
Maladie du greffon contre l’hôte
Origine médicamenteuse

«Lupus-like syndrome» (procaïnamide, hydralazine, isoniazide, phénytoïne)
Pénicilline dans le cadre d’une péricardite d’hypersensibilité avec éosinophilie
Doxorubicine et daunorubicine, le plus souvent en association avec une cardiomyopathie
Origine métabolique/ endocrinologique
 Urémique
Hypo-/hyperthyroïdie
ANCA: anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles; CMV: cytomégalovirus; EBV: virus d’Epstein-Barr; HHV: herpèsvirus humain; HSV: virus herpès simplex; VIH: virus de l’immunodéficience humaine; VZV: virus varicelle-zona..

Origine infectieuse

Parmi les causes infectieuses de péricardite, la prévalence varie fortement en fonction de la localisation géographique [5]. Par exemple, dans les pays en développement, la tuberculose reste la cause des péricardites dans jusqu’à 80% des cas, dans la grande majorité des cas en association avec une infection par le VIH. Dans les pays occidentaux, en revanche, une tuberculose est présente dans moins de 5% des péricardites, et d’autres bactéries et champignons sont également des causes très rares.
Dans les pays industrialisés, 80–90% des péricardites aiguës et en particulier des péricardites récurrentes sont d’origine idiopathique. Il est toutefois admis que les péricardites aiguës sont souvent dues à des infections virales, qui ne sont cependant souvent pas recherchées en raison de leur détection parfois difficile et de l’absence de conséquences. Des péricardites ont également été décrites lors de l’infection par le SARS-CoV-2 et d’autres infections à coronavirus. De même, des myopéricardites ont été observées, en particulier chez les jeunes hommes, après des vaccinations contre le COVID-19 avec des vaccins à ARNm. L’incidence est estimée à 0,3–5,0 pour 100 000 vaccinations.
Dans une étude allemande [7] conduite chez 259 patientes et patients présentant un épanchement péricardique modéré à volumineux, la cause a été recherchée au moyen d’une ponction et d’une biopsie [4]. Une cause infectieuse a été mise en évidence dans 14% des cas (12% virale, 2% purulente). Il est intéressant de noter qu’il n’y avait pas toujours une seule cause. En effet, un génome viral a également été mis en évidence dans 16,4% des néoplasies et 12,8% des péricardites iatrogènes. Alors que dans les péricardites virales isolées, ce sont surtout le parvovirus B19 (62%) suivi du virus Epstein-Barr (EBV; 29%) qui ont été mis en évidence, dans les néoplasies, c’était surtout l’EBV (59%) suivi d’une double mise en évidence virale avec EBV et parvovirus B19 (17%). Ainsi, en raison de la mise en évidence simultanée fréquente de deux virus différents et de la mise en évidence de virus même en cas d’origine néoplasique et traumatique, la causalité des virus dans l’épanchement péricardique doit être remise en question dans de nombreux cas.
Une autre étude [8] a évalué une éventuelle saisonnalité des péricardites aiguës comme indicateur d’une origine virale. Elle a montré que les premières manifestations étaient deux fois plus nombreuses au cours du premier trimestre, tandis que les récidives étaient réparties uniformément sur toute l’année, sans pic saisonnier. De plus, il n’y avait pas de différence dans le taux de récidive en cas de première manifestation pendant le pic d’incidence ou en dehors de celui-ci. Ces résultats seraient compatibles avec une origine virale des premières manifestations de péricardite, mais pas de leurs récidives.

Processus auto-immuns et auto-inflammatoires

Parmi les maladies auto-inflammatoires monogéniques qui entraînent une polysérite, la fièvre méditerranéenne familiale (FMF) est la cause la plus connue. De nombreuses autres maladies auto-inflammatoires multisystémiques, comme par exemple le «tumor necrosis factor receptor-associated periodic syndrome» (TRAPS), qui se manifestent typiquement pendant l’enfance et l’adolescence, sont également souvent accompagnées d’une polysérite, le plus souvent une péritonite. En cas de première manifestation à l’âge adulte, on observe souvent des évolutions légères en raison de mutations de faible pénétrance, qui sont fréquemment accompagnées d’une péricardite ou d’une pleurésie [9, 10]. Dans de rares cas, il s’agit même de la seule manifestation de la maladie. Dans des études, 6–13% des patientes et patients atteints de péricardites récurrentes étaient positifs pour une mutation TRAPS [11, 12].
Des sérites (le plus souvent pleurésie/péricardite, rarement péritonite) se rencontrent également dans diverses maladies auto-immunes, en particulier la polyarthrite rhumatoïde (PR), le lupus érythémateux disséminé et le syndrome de Sjögren. Dans une étude, un syndrome de Sjögren a été diagnostiqué chez 5 des 122 personnes souffrant de péricardite récurrente et une PR a été diagnostiquée chez une personne. La détermination routinière des anticorps antinucléaires (ANA) en cas de pleuropéricardite récurrente n’est toutefois pas judicieuse en l’absence d’indices anamnestiques ou cliniques supplémentaires concordants [13].

Autres diagnostics différentiels de la polysérite

D’autres causes fréquentes [2] sont le «post-cardiac injury syndrome» et les néoplasies, les métastases étant beaucoup plus fréquentes que les tumeurs primaires. Les conséquences de la radiothérapie, la maladie du greffon contre l’hôte (MGCH), ainsi que les causes médicamenteuses, métaboliques et endocrinologiques sont très rares [2].

Etiologie de la péricardite/polysérite récurrente idiopathique

En ce qui concerne le processus à médiation immunitaire, des mécanismes auto-immuns, c’est-à-dire émanant du système immunitaire acquis, versus des mécanismes auto-inflammatoires, c’est-à-dire des mécanismes auto-réactifs induits à tort par le système immunitaire inné, sont discutés [14]. Dans les deux cas, une origine intrinsèque, c’est-à-dire une mauvaise régulation directe du système immunitaire, ou une origine réactive, c’est-à-dire une réaction à un agent pathogène, peut être considérée comme l’initiateur.
Les auto-anticorps ou les cellules T autoréactives sont typiques d’une origine auto-immune [14]. Des auto-anticorps anti-cœur (AHA) et des auto-anticorps anti-disques intercalaires ont été détectés de façon accrue dans différentes études [14, 15]. Cependant, à notre connaissance, il n’existe à ce jour aucune preuve d’un lien de causalité entre ces anticorps et la PRI. Il en va de même pour la détection significativement plus fréquente d’ANA en cas de PRI par rapport à des personnes en bonne santé dans diverses études. Les titres d’ANA étaient le plus souvent faibles; seuls 5% des titres d’ANA étaient supérieurs à 1:80 et le titre d’ANA le plus élevé était de 1:320. Le profil des ANA n’était pas spécifique et la détection d’ANA n’avait aucune pertinence pronostique quant à l’évolution clinique et au taux de récidive de la PRI [13]. En résumé, il n’y a donc pas d’indices convaincants d’un rôle pathogène des ANA. D’autres indices possibles d’une genèse auto-immune de la PRI et de la PSRI sont une évolution parfois subaiguë avec des symptômes s’installant sur plusieurs jours ou semaines, une réponse parfois bonne aux corticoïdes et à certains immunosuppresseurs, ainsi que la présence d’une polysérite également dans diverses autres maladies auto-immunes.
Le début souvent aigu de la PRI et de la PSRI en l’espace de 1–3 jours, une CRP nettement élevée, une fièvre et une évolution épisodique sont par contre typiques d’un processus auto-inflammatoire [4]. La bonne réponse à la colchicine et aux antagonistes de l’interleukine (IL) 1, décrite plus bas dans le chapitre consacré aux traitements, suggère également un processus auto-inflammatoire [4].
Un chevauchement possible de mécanismes auto-inflammatoires et auto-immuns est également discuté en tant qu’immunopathogenèse potentielle de la PRI ou de la PSRI [14].

Evolution et pronostic

Le pronostic de la PRI est excellent. Une péricardite constrictive ou une myocardite ne se développent pas, une tamponnade péricardique est extrêmement rare (dans 1–3,5% des cas) et si elle se produit, elle ne survient pratiquement que lors du premier épisode [5, 17, 18]. D’après les études [1], les épanchements pleuraux ne sont pas associés à des causes secondaires ni à un taux de récidive accru.
En raison de la fréquence de l’origine idiopathique et de son bon pronostic, une recherche de la cause n’est généralement pas recommandée lors du premier épisode de péricardite typique. Il existe toutefois des facteurs de risque de mauvais pronostic, au sens de complications telles qu’une tamponnade péricardique et une péricardite constrictive (fig. 1) [5, 16]. En présence de ces facteurs de risque, la probabilité d’une origine non idiopathique de l’épanchement péricardique augmente également. En présence d’au moins un critère majeur ou mineur, il est recommandé de procéder à une hospitalisation pour contrôler à court terme la réponse au traitement et rechercher des causes secondaires. En l’absence de facteurs de risque, un contrôle ambulatoire de l’évolution dans un délai d’une semaine suffit [5].
Figure 1: Algorithme diagnostique incluant les facteurs de mauvais pronostic [5, 16].
AINS: anti-inflammatoires non stéroïdiens; ANA: anticorps antinucléaires; ANCA: anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles; CCP: peptides cycliques citrullinés; CRP: protéine C réactive; ECG: électrocardiogramme; FR: facteur rhumatoïde; hs: haute sensibilité; IRM: imagerie par résonance magnétique; NT-proBNP: N-terminal pro-B-type natriuretic peptide; PdC: produit de contraste; PRI: péricardite récurrente idiopathique; PSRI: polysérite récurrente idiopathique; Rx: radiographie conventionnelle; SSA: antigène A du syndrome de Sjögren; SSB: antigène B du syndrome de Sjögren; TBC: tuberculose; TDM: tomodensitométrie; TEP: tomographie par émission de positons; TSH: thyréostimuline.

Traitement

Il est recommandé [5] de ne pas pratiquer d’activités sportives jusqu’à la régression complète des symptômes et à la normalisation des paramètres de laboratoire et des examens diagnostiques cardiaques. En règle générale, les sportifs professionnels doivent s’abstenir de toute pratique sportive pendant au moins trois mois.
Le traitement médicamenteux est résumé dans le tableau 4.
Tableau 4: Traitement médicamenteux de la péricardite et de la polysérite idiopathiques [5]
MédicamentPosologie initialeDiminution progressive/durée
1. AINS+ (par ex. ibuprofène), en cas de contre-indication AAS [5]Dose élevée, au min. 3× 600 mg/jour d’ibuprofène ou 750–1000 mg 3×/jour d’AAS, au moins jusqu’à la régression complète des symptômes et des valeurs inflammatoiresDiminution lente (par ex. ibuprofène par paliers de 200–400 mg) toutes les 1–2 semaines
2. Colchicine [5]<70 kg PC: 1× 0,5 mg/jour
>70 kg PC: 2× 0,5mg/jour
<70 kg PC: 1× 0,5 mg/jour
>70 kg PC: 2× 0,5 mg/jour
1er épisode: 3 mois
A partir de la 1ère récidive: 6 mois
Diminution progressive pas obligatoire; possible 1×/jour >70 kg ou tous les 2 jours pendant quelques semaines
3. Antagonistes de l’IL-1;
meilleures données disponibles pour l’anakinra* [22–24]
Par ex. anakinra: 100 mg/jour par voie sous-cutanée, 3 moisPas de données précises, exemple tous les 2 jours pendant 6 semaines, puis tous les 3 jours pendant 6 semaines
4. Prednisone[5, 20, 21]Les glucocorticoïdes devraient être évités. Si nécessaire, à la dose la plus faible possible, max. 0,2–0,5 mg/kg PC/jour– >50 mg: 10 mg/jour toutes les 1–2 semaines
– 25–50 mg: 5–10 mg toutes les 1–2 semaines
– 15–25mg: 2,5 mg/jour toutes les 2–4 semaines
– <15 mg: 1,25–2,5 mg/jour toutes les 2–6 semaines
5. Ev. autres immunosuppresseurs [5], par ex. azathioprine [26]Azathioprine jusqu’à max. 3 mg/kg PC
+ En principe, inhibiteurs de la Cox-1, pas de données pour les inhibiteurs de la Cox-2
* Selon les auteurs et diverses publications, nouveau traitement de deuxième ligne après l’échec d’une association AINS/colchicine
AAS: acide acétylsalicylique; AINS: anti-inflammatoires non stéroïdiens; PC: poids corporel.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) à haute dose constituent le traitement standard. De plus, il faut veiller à les diminuer lentement, faute de quoi le taux de récidive est augmenté [2].
Il est recommandé d’administrer de la colchicine en plus des AINS [5], d’une part en raison d’une rémission accélérée, d’autre part comme prophylaxie des récidives. Déjà après le premier épisode de péricardite ainsi qu’en cas de péricardite récurrente, la colchicine a montré dans des études randomisées [19, 20] une réduction de plus de moitié du taux de récidive, de respectivement 38 à 17% et 55 à 24%. La colchicine est désormais également autorisée en Suisse depuis 2021 entre autres pour cette indication.
Il n’existe pas d’études randomisées sur l’utilisation des corticoïdes. Cependant, des données rétrospectives ont montré, outre des effets indésirables significativement plus fréquents, un taux de récidive et d’hospitalisation significativement accru avec un schéma de cortisone à dose élevée [5, 21]. Même à des doses plus faibles (0,2–0,5 mg/kg/jour), les corticoïdes étaient un facteur de risque indépendant de récidive [20]. Ainsi, les corticoïdes sont tout au plus encore recommandés dans la PRI en cas de contre-indications aux AINS et à la colchicine, mais dans cette indication également, ils sont de plus en plus supplantés par les antagonistes de l’IL-1, dont l’efficacité est excellente. Dans le traitement aigu, ces médicaments biologiques entraînent une réponse clinique rapide et excellente. Chez les personnes atteintes de PRI résistante à la colchicine et corticodépendante, l’antagoniste des récepteurs de l’IL-1 anakinra a entraîné une rémission chez 100% des personnes traitées pendant les deux mois de l’étude [22, 23]. Après l’arrêt de l’antagoniste de l’IL-1, une récidive s’est produite chez 90% des patientes et patients au cours de la phase de suivi de six mois, contre 18% seulement lorsque l’anakinra était poursuivi. La durée optimale du traitement par anakinra n’a pas encore été bien étudiée, mais des données de cohorte [24] montrent un taux de récidive significativement plus faible lorsque l’anakinra est administré pendant au moins trois mois et n’est pas interrompu brusquement par la suite. Des résultats comparables sont aussi disponibles pour le rilonacept, une protéine de fusion qui se lie à l’IL-1 [25]. Il existe également des études de cas positives concernant le canakinumab, un anticorps monoclonal à longue durée d’action dirigé contre l’IL-1 bêta. Dans l’ensemble, les données relatives à l’anakinra sont cependant les plus solides et le rapport bénéfice/risque est excellent. Sous anakinra, les réactions cutanées au site d’injection sont fréquentes au cours de la deuxième semaine de traitement, mais régressent le plus souvent complètement après 2–4 semaines de traitement continu. Les autres effets indésirables sont rares, bien que le taux d’infection soit légèrement accru.
Une analyse rétrospective plus ancienne [26] portant sur 46 personnes souffrant de péricardite récurrente corticodépendante (40 avec une péricardite idiopathique, 6 avec un «post-cardiac injury syndrome») suggère que l’azathioprine pourrait également être efficace. Sous cet immunosuppresseur, 84,7% des personnes étudiées ont pu arrêter avec succès les corticoïdes en l’espace de 4–12 mois. Parmi elles, 58,6% ont en outre pu ensuite arrêter l’azathioprine sans nouvelle récidive. Il existe des études de cas isolés qui suggèrent une efficacité du méthotrexate, du mycophénolate mofétil et des immunoglobulines intraveineuses. Dans l’ensemble, les données disponibles à ce sujet ne sont pas solides. Par conséquent et en raison du bon profil bénéfice/risque des inhibiteurs de l’IL-1, ces substances ne jouent pas de rôle dans la pratique quotidienne.

Perspectives

Des recherches supplémentaires permettront peut-être un jour de répondre à la question de savoir si la PRI et la PSRI ont pour origine la même maladie ou des processus immunologiques similaires. Des études d’association pangénomique seraient envisageables à cet effet. Il serait également souhaitable pour la pratique clinique de disposer d’un biomarqueur permettant de prédire les récidives.
En ce qui concerne le traitement, il convient de noter que l’anakinra et les autres antagonistes de l’IL-1 doivent faire l’objet d’une garantie de prise en charge des coûts en l’absence d’autorisation pour cette indication en Suisse. Dans la pratique, cela retarde malheureusement l’utilisation de ce groupe de substances et conduit ainsi souvent à une morbidité prolongée et à l’utilisation de glucocorticoïdes. Une modification du processus de garantie de prise en charge des coûts dans cette indication serait souhaitable.

L’essentiel pour la pratique

La polysérite récurrente idiopathique (PSRI) est une pleuropéricardite qui présente un chevauchement considérable avec la péricardite récurrente idiopathique (PRI). La pathogenèse des deux n’est pas claire. Une réaction immuno-médiée, le plus souvent auto-inflammatoire, à un stimulus non encore défini est discutée.
En raison de leurs récidives, ces deux syndromes entraînent une morbidité nettement accrue, mais pas une mortalité accrue. Il n’y a pas de risque accru de complications menaçantes, telles qu’une péricardite constrictive, une myocardite et une insuffisance cardiaque; une tamponnade péricardique ne se produit que très rarement et, en général, uniquement lors de la première manifestation.
En raison de l’absence de conséquences thérapeutiques d’une origine virale possible dans le cadre du diagnostic différentiel, aucun examen de diagnostic différentiel ne devrait être demandé en cas d’anamnèse et de clinique typiques et en l’absence de facteurs de risque d’évolution défavorable (tab. 4).
Les ANA ne devraient être déterminés qu’en présence d’autres indices de collagénose. En cas de récidives répétées malgré un traitement adéquat, un examen rhumatologique peut être effectué à la recherche de maladies auto-inflammatoires rares telles que la fièvre méditerranéenne familiale ou le «tumor necrosis factor receptor-associated periodic syndrome» (TRAPS).
Le traitement consiste en premier lieu en une association à fortes doses et de longue durée d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et de colchicine, cette dernière servant entre autres aussi à prévenir les récidives ultérieures. Les glucocorticoïdes ne devraient pas être utilisés (ou seulement en deuxième ou éventuellement en troisième ligne) car ils sont associés à un taux accru de récidives. Les antagonistes de l’IL-1 entraînent une réponse excellente et rapide. Parmi ces derniers, les données disponibles sont les meilleures pour l’anakinra.
Lilian Pichler, médecin diplômée
Schmerzklinik Basel, Basel
Nous remercions chaleureusement le Dr méd. J. Grolimund pour ses corrections de son point de vue de médecin de famille.
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
Lilian Pichler
Schmerzklinik Basel
Hirschgässlein 11–15
CH-4010 Basel
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