Sans détour
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Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2019/3334
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08358
Forum Med Suisse. 2019;19(3334):527-530

Publié le 14.08.2019

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur ... la thrombocytose

Définition/fréquence:
– >400–450 × 109/l, survenant chez env. 2% des adultes de >40 ans
2 formes:
Thrombocytose réactive: maladies inflammatoires, infections, tumeurs malignes, déficit en fer
Thrombocytose clonale: thrombocytémie essentielle (mutation JAK2 V61F), dans le cadre d’autres maladies myéloprolifératives
Anamnèse et examen clinique:
– Indices évocateurs de formes réactives, y compris splénectomie et statut post-opératoire? Symptômes vasomoteurs (céphalées, troubles de la vision en cas de forme clonale)? Thromboses et tendance accrue aux hémorragies (maladie de von Willebrand acquise)? Hépatosplénomégalie?
Evaluations initiales:
– Frottis sanguin (Réaction inflammatoire? Hypochromie/microcytose? Corps de Howell-Jolly dans le cadre d’une hyposplénie? Plaquettes géantes dans le cadre d’une thrombocytémie? Dacryocytes/leuco-érythroblastes dans le cadre d’une myélofibrose? Leucocytose éosinophile/basophile dans le cadre d’une polycythémie?)
– Réaction de phase aiguë (CRP)?
– Statut du fer
Aucune cause identifiée?
– Tumeur maligne occulte? Consilium hématologique
Rédigé le 08.07.2019.
Thrombocytémie essentielle: Frottis sanguin avec une augmentation significative du nombre de plaquettes (en bleu) (by Ed Uthman from Houston, TX, USA [CC BY 2.0 (https://creativecommons.org/licenses/by/2.0 ), https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Essential_Thrombocythemia,_Peripheral_Blood_(10189570483).jpg ).
Frottis sanguin avec deux plaquettes géantes; pour comparer, un thrombocyte normal sur le côté gauche de l’image (by Bobjgalindo [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 )], https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Giant_platelets.JPG ).

Pertinents pour la pratique

Nouveaux chélateurs de potassium au seuil de la praticabilité

Chez les patients atteints de maladies rénales chroniques, une adaptation remarquable s’opère en vue de prévenir une hyperkaliémie pertinente: sécrétion tubulaire accrue dans les néphrons encore survivants et excrétion extra-rénale accrue (côlon et glandes sudoripares). En cas de diabète et sous traitement par des ­médicaments inhibant le système rénine-angiotensine-aldostérone, une hyperkaliémie survient néanmoins souvent. Elle nécessite fréquemment un régime alimentaire peu attractif, des diurétiques de l’anse supplémentaires ou encore une réduction non souhaitable sur le plan cardiovasculaire de la dose des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA)/antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA). Chez plus de 700 patients, le taux de potassium a pu être maintenu en-dessous de 5,1 mmol/l pendant 12 mois au moyen d’un chélateur de potassium (cyclosilicate de zirconium, Lokelma®*) malgré une insuffisance rénale et la poursuite de l’inhibiteur de l’ECA/ARA; l’étude n’a malheureusement pas été conduite en aveugle. Le zirconium lie le K+ en échange de H+/Na+, tandis que le patiromer autorisé en Suisse (Veltassa®) lie le potassium en tant que polymère. Les deux chélateurs de potassium doivent être pris à plusieurs heures d’intervalle (mais la plupart du temps, seulement 1×/jour) des autres médicaments pris par voie orale, mais ils sont bien tolérés. Actuellement, seul leur prix est difficile à avaler**.
* autorisé dans l’UE, pas en CH.
** 1 sachet de Veltassa® (autorisé en CH) à 8,4 g coûte environ 20 CHF.
Rédigé le 07.07.2019.

Un autre requiem pour la vitamine D

Tout d’abord: Il demeure incontesté que les maladies cardiovasculaires sont beaucoup plus fréquentes suite à une carence manifeste en vitamine D. Toutefois, une méta-analyse de 21 études (dont 4 avec des critères d’évaluation cardiovasculaires prédéfinis) a une nouvelle fois montré qu’une supplémentation en vitamine D d’au moins 12 mois chez 42 000 sujets et autant de contrôles sans déficit préexistant n’a entraîné ni réduction des événements cardiovasculaires ni réduction de la mortalité globale.
Rédigé le 08.07.2019.

Travail de nuit et cancers: 12 ans après, toujours «seulement» probable

Comme en 2007, l’«International Agency for Research on Cancer» (IARC) est en juin 2019 une nouvelle fois ­arrivée à la conclusion que le travail de nuit pouvait «probablement» contribuer à l’apparition de cancers. Contrairement aux preuves chez les humains, celles ­issues d’essais sur les animaux seraient «suffisantes». Selon l’IARC, il existe des «preuves solides» en faveur de l’explication mécanique de cette potentielle accumulation de cancers. Une immunosuppression chez les rats, les souris et les hamsters sibériens ainsi qu’une stimulation de l’activité proliférative des cellules, notamment du fait de la perturbation du rythme circadien, sont des pistes discutées.
Rédigé le 08.07.2019.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Pourquoi la néphropathie diabétique peut-elle conduire à une insuffisance rénale terminale?

La néphropathie diabétique est l’une des complications micro-vasculaires du diabète sucré. Une inflammation chronique est considérée comme un facteur majeur de progression vers une insuffisance terminale. Une étude remarquable menée auprès de trois populations de patients (au total, plus de 500 patients; des patients atteints de diabète de type 1 et de type 2 du Nord-Est des Etats-Unis issus de la Joslin Clinic, et des Indiens Pima du Sud-Ouest des Etats-Unis atteints de diabète de type 2) montre désormais que ce ne serait pas «l’inflammation» en général, mais un type spécifique d’inflammation. Il est caractérisé par l’expression accrue d’un groupe de protéines inflammatoires (de la «superfamille» des récepteurs du TNF) qui serait responsable de cette progression. Ces protéines inflammatoires sont non seulement importantes sur le plan étiologique, mais cette «signature» (KRIS = «kidney risk inflammatory signature») des protéines plasmatiques est également prédictive de la progression vers le stade terminal. Divers agents thérapeutiques inhibent ces protéines inflammatoires (par ex. inhibition de la voie JAK1/2 par baricitinib), mais ils ne sont utilisés que dans d’autres indications pour le moment. Permettront-ils de réduire de façon significative la survenue de l’insuffisance rénale diabétique terminale?
Nat Med. 2019 doi.org/10.1038/s41591-019-0415-5 (une revue claire est disponible dans: Nat Rev Nephrol. 2019, ­doi.org/10.1038/s41581-019-0157-0).
Rédigé le 07.07.2019.

Toujours digne d’être lu

Caractéristiques d’une infection à VRS

La première description de pneumonie à VRS (virus respiratoire syncytial, voir figure) nous a été livrée par Morris et al., qui ont isolé le virus à partir de chimpanzés. Le virus, autrefois également nommé «chimpanzee-coryza agent» (CCA), avait infecté un laborantin qui s’occupait des chimpanzés [1]. Au cours d’une période de 18 mois, 667 enfants atteints d’une maladie aiguë des voies respiratoires ont été traités à la clinique pédiatrique de l’«University of Philadelphia». Au total, 17% étaient positifs pour le VRS et presque la totalité des cas étaient survenus dans le cadre d’une épidémie qui a duré de février à juin de la même année (1960) [2]. Environ la moitié des enfants présentaient des maladies sévères des voies respiratoires inférieures (bronchiolite, pneumonie). La majorité des patients suivis étaient âgés de moins de 4 ans, et de façon intéressante, aucune surinfection bactérienne n’a été observée [3].
Cliché de microscopie électronique à transmission d’un virion du virus respiratoire syncytial (VRS) humain (© CDC/ E. L. Palmer, 1981).
1 Proc Soc Exp Biol Med. 1956, doi.org/10.3181/00379727-92-22538.
2 N Engl J Med. 1961, doi.org/10,1056/NEJM196106082642301.
3 N Engl J Med. 1961, doi.org/10,1056/NEJM196106082642302.
Rédigé le 10.07.2019.

Cela nous a réjouis

Une maladie avec des avantages

La narcolepsie est, du moins en partie, une maladie ­hypothalamique avec perte de cellules sécrétant des neuropeptides (orexine A et B). Orexine A et B régulent non seulement le comportement alimentaire mais aussi le rythme du sommeil. Sur le plan clinique, la narcolepsie se manifeste par une somnolence diurne excessive, des cataplexies (pertes de tonus réversibles déclenchées par une émotion), des paralysies du sommeil et, dans la majorité des cas, des hallucinations visuelles au moment de l’endormissement et du réveil (hallucinations hypnagogiques). La somnolence diurne est impres­sionnante: les patients éveillés «tombent» plusieurs fois par jour directement dans une phase REM («sleep onset in rapid eye movement» [SOREM]). Comme nous le savons, l’activité onirique a lieu dans les phases de sommeil REM. Il est présumé que le monde onirique contribue à la résolution des problèmes pendant l’état de veille. Il est également possible, même si cela n’a été démontré que de façon anecdotique, que les solutions soient concrétisées pendant le rêve lui-même (rêves lucides). Partant de l’hypothèse que le sommeil REM a une action favorisant la pensée créative et innovante durant l’état de veille, 185 patients atteints de narcolepsie (donc avec des phases de sommeil REM bien plus fréquentes du fait de leur maladie) ont été comparés à 126 contrôles sains. Dans le cadre de trois séries de tests portant sur la pensée originale créative très intéressantes sur le plan du contenu et indépendantes les unes des autres, les patients atteints de narcolepsie ont obtenu de meilleurs résultats, avec des différences entre les deux groupes en partie hautement significatives. La créativité (en art, en sciences, etc.) pourrait donc en effet être en partie déterminée par le sommeil REM.
Rédigé le 09.07.2019.

De nouveaux agonistes des glucocorticoïdes sans les effets indésirables associés aux glucocorticoïdes?

L’effet anti-inflammatoire des glucocorticoïdes est connu depuis plus de 70 ans, mais leurs effets indésirables en cas d’utilisation chronique sont eux aussi connus depuis presque aussi longtemps: atrophie cutanée, ostéoporose, stéatose hépatique, diabète de type 2 et limitation de la croissance chez les enfants. L’équipe de chercheurs du doyen de la biologie moléculaire âgé de presque 90 ans, Pierre Chambon (Strasbourg), rapporte avoir séparé l’effet des effets indésirables. Les effets anti-inflammatoires des glucocorticoïdes sont médiés par une suppression (transrépression indirecte) du gène du récepteur des glucocorticoïdes et les effets indésirables décrits le sont principalement par une stimulation (transactivation, cf. texte explicatif ci-dessous). Au moyen d’une manipulation moléculaire, le groupe est pour la première fois parvenu à synthétiser deux analogues des glucocorticoïdes avec une capacité de transrépression indirecte (donc effet anti-inflammatoire conservé). Dans le même temps, ces molécules n’ont pas de capacité de transactivation. Dans un modèle murin, aucun des ­effets indésirables classiques ­associés aux glucocorticoïdes n’est survenu avec ces substances!
Proc Natl Acad Sci USA. 2019, doi.org/10.1073/pnas.1908264116.
Rédigé le 10.07.2019.

Explication sur la transactivation et la transrépression


Après liaison des glucocorticoïdes (GC) au récepteur des glucocorticoïdes (RG), le complexe GC-RG peut entrer en interaction avec l’ADN et renforcer l’expression génique via une transcription accrue (transactivation). Dans le cadre de la transrépression directe, le complexe lie une séquence de réponse («response element») de séquence inversée et inhibe l’expression génique. Dans le cadre de la transrépression indirecte (anglais:«thethered»), le complexe GC-RG interagit avec, et inhibe par ce biais, un activateur du gène des glucocorticoïdes, par exemple la protéine activatrice AP-1/NF-kB, d’où l’adjectif «indirect». Les trois effets différents sur l’expression des gènes sont médiés par des structures moléculaires distinctes au sein du complexe GC-RG.

Cela nous a moins réjouis

Alternative décevante aux analgésiques en cas d’arthrose de la hanche ou du genou

Les antidouleurs classiques, notamment les anti-inflammatoires non stéroïdiens, n’apportent qu’un soulagement insatisfaisant à de nombreux patients atteints d’arthrose des grandes articulations. Le facteur de croissance nerveuse («nerve growth factor» [NGF]) est exprimé dans les tissus osseux sous-chondraux des articulations arthritiques [1] et joue un rôle connu dans l’exacerbation de la douleur, par ex. au cours des arthroses actives («enflammées»). L’administration contrôlée contre placebo d’un anticorps monoclonal (tanézumab) contre ce médiateur de la douleur chez près de 700 patients (65% de femmes) a conduit à une réduction de la douleur et une amélioration fonctionnelle statistiquement significatives, mais les deux effets ont été décrits comme étant modestes sur le plan clinique [2]. Dans le groupe sous traitement actif, le nombre de cas de progression rapide de l’arthrose et d’implantation de prothèse était plus élevé. L’efficacité et la sécurité de cette approche thérapeutique restent donc incertaines.
1 Rheumatology (Oxford). 2010, doi:10.1093/rheumatology/keq188.
Rédigé le 08.07.2019.

Cela nous a également interpellés

Le prix de la sédentarité

C’est sur le territoire de la Turquie actuelle qu’a eu lieu, il y a 10 000 à 11 000 ans, le premier passage connu du nomadisme (chasseurs et cueilleurs) à la sédentarité. Des recherches bioarchéologiques dans une cité néolithique en Anatolie (existence entre 7100 et 5950 avant Jésus-Christ, voir figure) ont révélé des indices de changements profonds de la santé et du style de vie des habitants. Selon cette étude, le prix de la sédentarité a été considérable: vulnérabilité accrue aux maladies (probablement maladies infectieuses), changement massif de l’alimentation (céréales, alimentation riche en glucides), stress induit par la promiscuité dans le cadre de la vie dans un espace étroit (en raison de la fertilité accrue) et stress accru par le surplus de travail considérable (travail dans les champs et services d’intérêt public), entre autres. Ces changements semblent avoir été répliqués dans le cadre de tous les autres passages à la sédentarité.
Catalhoyuk Konya (Turkey). Built in 7500 B.C. Photo taken on: Ma
Çatalhöyük, au sud de la ville de Konya, Turquie.
Proc Natl Acad Sci USA. 2019, doi.org/10.1073/pnas.1904345116.
Rédigé le 10.07.2019.

Résistance au VIH, mais une mortalité tout de même accrue?

Les individus avec des mutations dans une des protéines réceptrices du VIH (CCR5 delta32) sont relativement résistants contre l’infection par le VIH. La mutation induite de façon artificielle avec des ciseaux génétiques (CRISPR) chez des fœtus humains touche également l’allèle CCR5 delta32. Sur la base des données en ligne, cette mutation* ne semble toutefois pas techniquement identique à la mutation naturelle, principalement présente en Scandinavie/Angleterre. Une analyse de près de 410 000 individus dans la «United Kingdom Biobank» a trouvé que la mutation CCR5 delta32 homozygote augmente la mortalité globale des porteurs de 21%! [1] Comme cela a déjà été rapporté, le CCR5 intact semble apporter de bons et de mauvais messages, ainsi que des messages indéterminés: on vit plus longtemps, mais on est vulnérable au VIH. Le CCR5 inhibe également la plasticité neuronale (apprentissage!) et limite (contrairement à la mutation CCR5 delta32!) le rétablissement neurologique suite aux accidents vasculaires cérébraux et aux lésions cérébrales traumatiques [2].
* La technique n’a été publiée dans aucun journal de biomédecine.
2 Forum Med Suisse 2019, doi.org/10,4414/smf.2019.08262.
Rédigé le 07.07.2019.

Bon à savoir

Il y a albumine et albumine!

Le dosage de l’albumine dans le sang s’effectue soit au moyen d’un test chromogénique (pourpre ou vert de bromocrésol) soit au moyen d’un test immunologique. Alors que ce dernier met en évidence la précipitation d’albumine après liaison aux anticorps de façon turbidimétrique, l’agent chromogène bromocrésol forme avec l’albumine, à des pH faibles in vitro, un complexe associé à un changement de couleur quantifiable. Ces deux méthodes présentent une haute sensibilité, spécificité et reproductibilité. Toutefois, elles ne sont pas directement comparables. Les différences étaient si grandes que d’autres diagnostics ou catégories de classification (et donc indications thérapeutiques) en résultaient. En conséquence: Toujours utiliser la même méthode chez un patient. En cas de différences inexpliquées, demandez quelle était la méthode de mesure!
Rédigé le 09.07.2019.