Asthme bronchique chez l'adulte
Mise à jour 2017

Asthme bronchique chez l'adulte

Übersichtsartikel AIM
Édition
2017/08
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.02903
Forum Med Suisses. 2017;17(08):187-193

Affiliations
* Membres du groupe de travail «Asthme» de la Société Suisse de Pneumologie: Prof. Dr méd. Pierre-Olivier Bridevaux, Sion; PD Dr méd. Christian Clarenbach, Zurich; Dr méd. Christine Eich-Wanger, Zurich; Dr méd. Andreas Jung, Zurich; Prof. Dr méd. Jörg Leuppi, Liestal; PD Dr méd. David Miedinger, Lucerne;
PD Dr méd. Alexander Möller, Zurich; Prof. Dr méd. Laurent Nicod, Lausanne; Dr méd. Geneviève Nicolet-Chatelain, Nyon; Dr méd. Thomas Rothe (président), Davos; PD Dr méd. Alain Sauty, Lausanne; Prof. Dr méd. Claudia Steurer, Zurich

Publié le 21.02.2017

L’asthme est une affection fréquemment rencontrée au cabinet médical. Au cours des dernières années, il est plus clairement apparu que pour cette maladie chronique également, aucun traitement uniforme n’est possible, ou plutôt judicieux. Le traitement doit toujours être adapté en fonction du phénotype individuel de l’asthme et du niveau actuel de contrôle de l’asthme.

Introduction

Au cours des dernières années, le traitement de l’asthme s’est davantage concentré sur le contrôle de l’asthme, ce qui permet de mieux prendre en compte la qualité de vie des patients. Malgré les importantes ressources financières du système de santé suisse, un contrôle bon à satisfaisant de l’asthme ne parvient souvent pas à être obtenu [1]. Il y a donc un potentiel d’amélioration à ce niveau.

Phénotypes de l’asthme

L’asthme ne représente pas une affection homogène, mais il s’agit d’un terme qui englobe différents phénotypes. Dans la mesure où il existe aujourd’hui des stratégies thérapeutiques qui sont uniquement efficaces pour des phénotypes spécifiques, il convient également de déterminer le phénotype individuel de l’asthme lors de la pose du diagnostic.
Les deux phénotypes les plus fréquents se caractérisent par une inflammation éosinophilique:
1. L’asthme à début précoce (en anglais, «early-onset asthma») a en premier lieu une origine allergique. Avec l’âge, il se peut toutefois que l’allergie et l’asthme se dissocient en partie, ce qui signifie que des sym­ptômes sont également présents en cas d’éviction de l’allergène et doivent être traités. Dans le cadre de l’asthme allergique, des symptômes aigus surviennent non seulement en cas de contact avec ­l’allergène, mais souvent aussi en cas d’infections respiratoires virales. Les rhinovirus peuvent directement déclencher des symptômes asthmatiques aigus, mais l’infection virale réduit également la fonction de barrière de la muqueuse, de sorte que le contact avec des pneumallergènes (inhalés) est responsable d’une réaction allergique plus prononcée [2]. L’asthme à début précoce, même s’il persiste encore à l’âge adulte, se caractérise par des symptômes qui reflètent l’hyperréactivité bronchique. Il s’agit de la toux nocturne, de la gêne respiratoire matinale, de la survenue d’un bronchospasme aigu dans le cadre d’une activité physique intense (asthme d’effort), ainsi que de la crise d’asthme suraigüe à proprement parler.
2. Dans l’asthme à début tardif (en anglais, «adult-onset asthma»), il est le plus souvent possible, durant la phase symptomatique, de mettre en évidence une éosinophilie sanguine qui est nettement plus prononcée qu’en cas d’asthme allergique, pour lequel il n’y a souvent qu’une éosinophilie des expectorations. Dans de nombreux cas, l’asthme à début tardif s’accompagne d’une sinusite chronique hyperplasique à éosinophiles. Dans ce contexte, des polypes nasaux peuvent survenir. Durant les phases symptomatiques, les patients perdent alors souvent l’odorat, qui peut être récupéré avec une corticothérapie ­suffisante (anosmie cortico-sensible). Chez 40% des sujets atteints de ce phénotype d’asthme et présentant également des polypes nasaux, il y a une intolérance à l’acide acétylsalicylique (AAS) et aux anti-­inflammatoires non stéroïdiens (AINS) de type inhibiteurs de la COX-1 (maladie de Widal). Le mécanisme de l’inflammation éosinophilique sans réaction allergique médiée par les IgE a uniquement été élucidé récemment (fig. 1) [3]. Dans le cadre de cette affection, une dose de corticoïdes plus ou moins élevée en fonction des individus est souvent nécessaire afin de venir à bout de la réaction éosinophilique. En cas de dose insuffisante de corticoïdes, une exacerbation peut se produire spontanément au niveau des voies respiratoires inférieures mais également supérieures. Le patient devient alors sympto­matique et est en proie à une hypersécrétion nasale, à une diminution de l’odorat, à une toux et à des ­expectorations visqueuses, symptômes qui sont souvent interprétés à tort comme une exacerbation infectieuse. Dans le cadre d’une détérioration liée à la prise d’une trop faible dose de corticoïdes thérapeutiques, il se produit également une tuméfaction de la muqueuse bronchique, qui donne lieu à une dyspnée d’effort (donc pas un asthme d’effort!). Au niveau de la fonction pulmonaire, il y a alors une obstruction non réversible par les bêta-agonistes. L’anamnèse peut également induire en erreur, car de nombreux patients de cette tranche d’âge sont d’anciens fumeurs. Le risque de confusion avec une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est élevé. La mise en évidence d’une éosinophilie sanguine et la réversibilité de l’obstruction par ­l’administration de cortisone à dose élevée durant plusieurs jours steroid trial») aident à poser le diagnostic correct. Ce phénotype de l’asthme est éga­lement appelé «inflammatory predominant type» dans la littérature [4] et il se caractérise par une discordance entre l’ampleur de l’inflammation éosinophilique et les symptômes typiques de l’asthme, ce qui signifie que les signes cliniques d’une hyperréactivité bronchique font souvent défaut. Pour cette raison, l’hyperréactivité bronchique a été supprimée de la définition de l’asthme dans la dernière version des recommandations internationales sur l’asthme (GINA) [5].
Figure 1: Inflammation dans les phénotypes éosinophiliques de l’asthme.
L’asthme neutrophilique n’est probablement pas une entité à part entière, car il n’est la plupart du temps pas possible de mettre en évidence de manière constante au fil des années une neutrophilie dans les expectorations ou dans le lavage bronchique. Il survient chez les asthmatiques fumeurs, dans le cadre d’une infection bactérienne, mais également lorsque l’éosinophilie est jugulée par une corticothérapie à dose élevée.
Au cours des dernières années, une grande attention a été accordée à l’asthme chez les sujets obèses, en particulier à l’asthme de la femme obèse. Chez les femmes obèses sans mise en évidence d’une allergie ou d’une éosinophilie, des facteurs mécaniques sont en partie responsables des symptômes d’asthme réfractaires aux traitements [7, 8]. En raison du poids du tissu adipeux, il se produit une compression thoracique, avec en conséquence une réduction du volume résiduel et un rétrécissement des bronches. Ces deux facteurs sont responsables de dyspnée et d’une obstruction bronchique expiratoire. Une perte de poids drastique, par ex. grâce à une opération de dérivation gastrique, entraîne une amélioration des symptômes [9]. Les corticoïdes devraient être évités chez ces patients, car ils sont associés à une prise de poids et à des effets métaboliques diabétogènes.
Depuis 2 ans, le syndrome de chevauchement asthme-BPCO (en anglais, «asthma-COPD-overlap syndrome», ACOS)est décrit comme un phénotype à part entière. Les personnes touchées souffrent d’une BPCO mais remplissent également les critères d’asthme. Les critères pour la pose du diagnostic d’ACOS ne sont pas ­encore définitivement définis. A l’heure actuelle, il est exigé que trois critères majeurs et un critère secondaire parmi ceux présentés dans le tableau 1 soient remplis [10]. L’identification d’une composante asthmatique chez les patients atteints de BPCO est essentielle, car les corticoïdes inhalés peuvent augmenter le risque de pneumonie en cas de BPCO, ce qui signifie que l’indication doit être vérifiée au cas par cas. En présence d’une composante asthmatique, le traitement par corticoïdes inhalés, et dans certains cas également par corticoïdes oraux, est toutefois incontournable.
Tableau 1: Critères diagnostiques du syndrome de ­chevauchement asthme-BPCO (modifié d’après [10]).
Critères majeurs
Limitation persistante du flux expiratoire (VEMS/CVF <70%) après un test de bronchospasmolyse
ou
VEMS/CVF <LLN, si âge >40 ans 
(LLN = «lower limit of ­normal» = 5e percentile du collectif)
Anamnèse de tabagisme d’au moins 10 paquets-années
ou
Exposition équivalente: pollution atmosphérique ­(intérieure, extérieure)
Asthme documenté à l’anamnèse avant l’âge de 40 ans 
ou
Test de bronchospasmolyse avec amélioration du VEMS >400 ml
Critères mineurs
Atopie ou rhinite allergique documentée à l’anamnèse
Test de bronchospasmolyse positif avec amélioration du VEMS >200 ml et 12% par rapport à la valeur de référence au cours d’au moins deux consultations
Eosinophilie périphérique >0,3 G/l
En principe, il convient toujours d’interroger le patient au sujet de déclencheurs potentiels sur le lieu de travail en cas de première manifestation de l’asthme ou de ­détérioration durable d’un asthme. En cas de suspicion d’asthme professionnel, l’assurance-accidents compétente est informée après concertation avec le patient, afin qu’une évaluation par la médecine du travail puisse être initiée.

Pose du diagnostic

Il n’existe aucun test capable de confirmer le diagnostic d’asthme avec une sensibilité et spécificité suffisantes. Le diagnostic est toujours un puzzle constitué des informations de l’anamnèse, de l’examen physique, ainsi que de tests tels que la fonction pulmonaire, la fraction expirée d’oxyde nitrique (FeNO), le test d’allergie, le test de provocation à la métacholine et le test d’asthme d’effort. La réponse au traitement anti-asthmatique est un facteur essentiel, qui permet de confirmer le diagnostic rétrospectivement. La présence d’allergies et/ou d’asthme dans l’anamnèse familiale ou personnelle, les sibilances expiratoires à l’auscultation, la mise en évidence d’une sensibilisation cliniquement pertinente de type IgE et la détection d’une obstruction bronchique1 à la spirométrie [11] avec réversibilité2 sous bêta-agonistes constituent les critères clés pour la pose du diagnostic.
1 Il y a une obstruction lorsque le coefficient de Tiffeneau (VEMS/CVF) est significativement réduit. Etant donné que cette valeur dépend de l’âge, il ne faut pas, pour l’asthme, partir du principe d’une obstruction uniquement à partir d’un quotient VEMS/CVF inférieur à 70% en valeurs absolues, comme c’est le cas pour la BPCO. Il y a déjà une obstruction quand le quotient est inférieur au 5e percentile du collectif de référence (LLN = «lower limit of normal») ou inférieur à 88% de la norme d’âge individuelle.
2 On parle de réversibilité lorsque l’augmentation absolue du VEMS est >200 ml et lorsque celui-ci augmente de >12% après un test de bronchospasmolyse par salbutamol. Par ailleurs, si un «steroid trial» (traitement d’attaque par cortisone avec 40 mg de prednisolone par jour pendant 10 jours), qui vient contrer une tuméfaction muqueuse inflammatoire, n’entraîne pas non plus une réversi­bilité du VEMS en cas d’asthme, une obstruction fixée («airway remodeling») est présente.
Dans l’asthme, les résultats de l’auscultation à eux seuls peuvent induire en erreur. D’une part, en cas d’obstruction périphérique avec air captif («trapped air»), les bruits respiratoires peuvent faire totalement défaut à l’auscultation («silent chest»); d’autre part, Rackemann [12] avait déjà établi il y a 70 ans que toutes les sibilances n’équivalaient pas à de l’asthme. En cas d’incertitudes, un bilan pneumologique s’avère judicieux pour exclure, dans le cadre d’un diagnostic différentiel, une aspergillose broncho-pulmonaire, un syndrome de Churg-Strauss, un dysfonctionnement des cordes vocales, etc.
Un test d’allergie doit être interprété correctement. La mise en évidence d’une sensibilisation ne prouve pas qu’un asthme repose sur une réaction allergique à cet allergène. La moitié des personnes sensibilisées présente une sensibilisation cliniquement latente [13]. La sensibilisation peut par ex. être le reflet d’une rhino-conjonctivite allergique juvénile. Pour un asthme à début tardif avec symptômes perannuels sans pic saisonnier, une sensibilisation aux pollens de graminées ne présente pas de pertinence clinique. Il existe également des formes mixtes d’asthme allergique à début précoce et d’asthme éosinophilique à début tardif: dans ce cas de figure, il y a certes une allergie avec des symptômes asthmatiques en cas d’exposition à l’allergène, mais même en cas d’éviction stricte de l’allergène, il y a une inflammation éosinophilique nécessitant un traitement par corticoïdes [14].

Objectifs thérapeutiques, contrôle de l’asthme et surveillance

Il est essentiel d’expliquer au patient que l’asthme peut aujourd’hui être si bien traité que seuls des sym­ptômes occasionnels se manifestent dans la vie quotidienne. L’asthme est considéré comme bien contrôlé lorsque le patient ne présente pas de symptômes plus de deux fois par semaine nécessitant la prise d’un ­bêta-agoniste de courte durée d’action et lorsque l’activité physique normale, y compris les activités sportives quotidiennes, ne provoquent pas de toux ni de dyspnée. Le contrôle de l’asthme peut également être évalué par le biais de questions ciblées relatives aux symptômes asthmatiques, au moyen du «Asthma Control Test» (ACT®), qui est disponible dans de nombreuses langues [15].
En cas d’appréciation divergente du médecin et du patient sur ce que signifie un bon contrôle de l’asthme, la question non spécifique «Comment va votre asthme?» est à l’origine de malentendus. Si les objectifs thérapeutiques n’ont pas été expliqués au patient, ce dernier se base peut-être sur les symptômes asthmatiques d’un parent atteint d’asthme, qu’il a observés durant son enfance. A l’époque, il n’existait pas encore de traitements médicamenteux suffisants, ce qui signifie qu’il y a une trentaine d’années, les personnes asthmatiques étaient souvent encore symptomatiques. Dès lors, le patient considère qu’il s’agit là de l’état «normal» en cas d’asthme.
Les objectifs actuels ambitieux du traitement de l’asthme ne parviennent pas à être atteints chez jusqu’à 30% des patients [16]. Ainsi, si le patient reste symptomatique malgré un traitement soutenu, il est indispensable de recourir à un algorithme diagnostique dans lequel le pneumologue devrait être impliqué (fig. 2) [17].
Figure 2: Marche à suivre en cas de symptômes asthmatiques réfractaires au traitement (de Rothe T, Leuppi J et les membres du «Groupe de travail Asthme» de la Société Suisse de Pneumologie. Symptômes asthmatiques réfractaires au traitement. Forum Méd Suisse. 2015;15(24):573–9).
ABPA = aspergillose broncho-pulmonaire allergique; 
ACOS = «asthma-COPD-overlap syndrome»; 
SCS = syndrome de Churg-Strauss; 
VCD = «vocal cord dysfunction» (dysfonction des cordes 
vocales).
Dans un premier temps, le diagnostic d’asthme doit être vérifié. Si le diagnostic est confirmé, il y a probablement un facteur externe qui complique l’asthme et empêche ainsi un contrôle suffisant de l’asthme («difficult-to-control asthma»). En font notamment partie une technique d’inhalation insuffisante, la peur de la cortisone se soldant par une adhérence réduite, une ­sinusite chronique, le tabagisme et une exposition persistante à des allergènes. Chez une personne salariée avec asthme incontrôlable et exposition professionnelle persistante à des allergènes ou à des substances irritantes, il convient d’avertir la SUVA afin qu’elle initie des investigations et prononce, le cas échéant, une décision d’inaptitude.
La tabagisme réduit la réponse aux corticoïdes thérapeutiques [18] et augmente l’hyperréactivité bronchique. Lors de la consultation, il convient toujours de demander au patient de faire une démonstration de la technique d’inhalation.
Lorsqu’aucun facteur de complication n’est identifié ou lorsque le traitement de tels facteurs n’entraîne pas d’amélioration, il faut partir du principe d’un asthme sévère réfractaire aux traitements. Malgré un traitement intensif, certains patients atteints d’asthme sévère restent symptomatiques. Contrôle de l’asthme et degré de sévérité de l’asthme ne sont toutefois pas nécessairement corrélés! Un asthme sévère peut être bien contrôlé, ce qui signifie que le patient est asymptomatique sous traitement soutenu. D’un autre côté, il arrive qu’un patient avec asthme léger soit en proie à des symptômes asthmatiques sévères, par ex. en cas de traitement insuffisant, en cas d’exposition à des allergènes ou dans le cadre d’une infection virale des voies respiratoires.
Même en cas d’asthme bien contrôlé, des exacerbations peuvent survenir subitement. Pour le patient, les exacerbations se reconnaissent par une dyspnée plus fréquente, un besoin croissant de bêta-agonistes de ­secours (d’action rapide) ou par une diminution signi­ficative du débit expiratoire de pointe. Pour le médecin de famille, il existe encore d’autres paramètres permettant d’objectiver l’état du patient: contrôle spirométrique du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) et détermination de la numération des polynucléaires éosinophiles à l’hémogramme. Au cabinet du pneumologue, la mesure de la FeNO fournit encore des renseignements supplémentaires. Il est essentiel de ne pas uniquement contrôler le VEMS durant les phases symptomatiques, mais également lorsque le patient se sent très bien. C’est le seul moyen de déterminer le meilleur VEMS individuel duquel dépend le traitement à long terme. Cette valeur n’équivaut pas exactement à 100% de la valeur normale, car de nombreuses personnes présentent, en raison de la distribution normale gaussienne, des valeurs plus élevées ou plus faibles par rapport à la valeur moyenne individuelle. Toutefois, elle peut donc aussi être inférieure à 100%, car l’asthme a provoqué une partie d’obstruction fixée («airway remodeling»).

Traitement de l’asthme

Les recommandations internationales sur l’asthme GINA [5] définissent cinq paliers thérapeutiques (fig. 3). Lorsque la maladie parvient à être contrôlée avec le ­Palier 1 ou avec le Palier 2, il s’agit d’asthme léger. Si le Palier 3 est nécessaire pour obtenir le contrôle de la maladie, il s’agit d’asthme modéré. Si l’intensité de traitement correspond au Palier 4 ou au Palier 5, il s’agit d’asthme sévère. Pour le Palier 1, le traitement repose uniquement sur la prise d’un bêta-agoniste de courte durée d’action en cas de besoin et il ne devrait pas être nécessaire plus de deux fois par semaine. En cas de besoin plus fréquent d’un médicament de secours, il convient d’y ajouter de manière fixe un corticoïde inhalé à faible dose (Palier 2). Si un contrôle suffisant de l’asthme ne parvient pas à être obtenu de cette manière, la dose de corticoïde inhalé est augmentée et/ou des bêta-agonistes de longue durée d’action y sont ajoutés de manière fixe. L’utilisation régulière de corticoïdes inhalés à haute dose en association avec des bêta-agonistes de longue durée d’action correspond au Palier 4. Le Palier 5 est atteint lorsque ce traitement doit encore être complété, par ex. par des agents biologiques ou des corticoïdes oraux quotidiens.
Figure 3: Paliers thérapeutiques GINA du traitement de l’asthme (modifié d’après [17]).
Abréviations: CSI = corticoïdes inhalés; LABA = bêta-agonistes à longue durée d’action; SABA = bêta-agonistes à courte durée d’action; LAMA = antagonistes muscariniques à longue durée d’action; SMART = «Symbicort ® as Maintenance And Reliever Therapy».
L’activité inflammatoire de l’asthme n’est pas toujours la même. Dans ce contexte, il est judicieux de tenter une réduction de dose («step down») durant les phases stables, ce qui répond également au besoin du patient. Si le contrôle de l’asthme se dégrade à nouveau lentement, le traitement doit être intensifié conformément aux paliers thérapeutiques GINA («step up»). En cas de détérioration aiguë (exacerbation), l’administration de corticoïdes à dose d’attaque est indiquée dans de nombreux cas. Ensuite, il est à nouveau possible de rependre le palier thérapeutique qui était auparavant suffisant.
Dans une optique d’épargne des corticoïdes oraux quotidiens, il est possible de recourir à l’agent biologique omalizumab (anticorps anti-IgE, Xolair®) en cas d’asthme allergique sévère et au mépolizumab (anticorps anti-­interleukine-5, Nucala®) en cas d’asthme éosinophilique sévère. Pour l’utilisation de ces deux préparations, la limitation en vigueur doit être prise en compte et la demande doit être déposée par un spécialiste.
Le montélukast est une substance orale, qui peut être utilisée dans tous les paliers thérapeutiques. Toutefois, son efficacité présente une très grande variabilité inter­individuelle. Cet antagoniste des récepteurs des leucotriènes permet parfois de réduire la dose de corticoïdes inhalés. En cas d’asthme éosinophilique sévère à début tardif, il est même parfois possible de supprimer la réaction d’intolérance à l’AAS et aux AINS par ce biais [20].
A la fois en cas d’asthme allergique à début précoce et en cas d’asthme éosinophilique non allergique à début tardif, il y a souvent une atteinte inflammatoire des voies respiratoires supérieures, raison pour laquelle on parle de «united airways». Le traitement de l’asthme ­englobe alors un traitement du nez et des sinus, de préférence au moyen de corticoïdes nasaux. Cette mesure contribue à l’amélioration du contrôle de l’asthme [21]. En cas d’asthme allergique, les mesures d’éviction de l’allergène, y compris l’assainissement des acariens, sont partie intégrante du traitement [22]. L’indication d’une immunothérapie allergénique devrait également être évaluée [23]. En cas d’asthme léger à modéré, avant tout chez les patients encore jeunes et idéalement monosensibilisés, l’immunothérapie allergénique s’avère être un principe judicieux [24], y compris le traitement sublingual en cas d’allergie aux acariens [25].
Le traitement par médicaments inhalés devient de plus en plus complexe en raison des nombreux principes actifs et applicateurs disponibles. Il devrait dès lors être structuré de la manière la plus simple possible, avec des prises au maximum deux fois par jour; par ailleurs, il est indispensable de former correctement le patient à la technique d’inhalation et d’en refaire des démonstrations ultérieurement.
Les paliers thérapeutiques décrits ci-dessus représentent le traitement de base de l’asthme. Même avec un tel traitement, une détérioration aiguë peut toutefois survenir. En cas d’exacerbation légère, le quadruplement de la dose de corticoïde inhalé entraîne souvent une amélioration [26]. Dans la pratique, cette mesure est difficile à mettre en œuvre, car des préparations combinées associant des bêta-agonistes de longue durée d’action et des corticoïdes inhalés sont le plus souvent utilisées aujourd’hui. Un quadruplement de la dose de bêta-agoniste équivaudrait à un surdosage. L’association d’un corticoïde topique et de formotérol à faible dose (6 µg) constitue une exception, car la dose de ­bêta-agoniste y est très faible, de sorte que jusqu’à 12 inhalations (bouffées) par jour sont autorisées. Le principe SMART® («Symbicort® as Maintenance And Reliever Therapy») prévoit que le patient, qui est par ex. traité de manière fixe par deux inhalations de Symbicort® par jour durant les phases stables, n’inhale pas un bêta-agoniste d’action brève en cas de survenue de dyspnée, mais inhale Symbicort® au besoin. Il a pu être montré que cette approche permettait d’allonger la durée jusqu’à la première exacerbation sévère et en fin de compte même de diminuer la dose moyenne de corticoïde [27]. Si l’augmentation massive de la dose de corticoïde inhalé n’entraîne pas rapidement une amélioration, l’administration d’un corticoïde oral à dose d’attaque est indiquée. Ce traitement d’attaque repose dans la plupart des cas sur l’administration d’une dose de 40 mg d’équivalent prednisolone par jour durant 3 à 10 jours, jusqu’à ce que le meilleur VEMS individuel après bronchospasmolyse soit à nouveau atteint.
A ce moment-là, l’hyperréactivité bronchique est le plus souvent encore très élevée, ce qui signifie que le VEMS peut à nouveau chuter peu de temps après la bronchospasmolyse et le patient peut alors redevenir symptomatique. Durant cette phase consécutive au traitement d’attaque par corticoïde oral, il est recommandé d’administrer des doses plus élevées de corticoïde inhalé durant encore 1 à 2 semaines et de faire un usage accru de bêta-agonistes en cas de symptômes. Les corticoïdes inhalés réduisent l’hyperréactivité bronchique plus efficacement que la cortisone orale.

Education des patients

Tout traitement de l’asthme implique une éducation du patient, qui comprend l’apprentissage de la technique d’inhalation correcte, des connaissances relatives aux médicaments et aux mesures d’éviction des allergènes et une initiation à l’autogestion de l’asthme. L’autogestion signifie que le patient apprend à re­connaître par lui-même les exacerbations et à prendre les mesures médicamenteuses qui s’imposent de façon autonome, à son domicile, en cas d’absences du médecin pour des raisons professionnelles ou des congés. A cet effet, il est nécessaire de remettre au patient un plan d’action personnalisé. Le journal de bord de l’asthme contient un tel plan basé sur le système des feux de signalisation, qui peut être rempli manuellement. La phase verte signifie «poursuite du traitement actuel». Le jaune indique une légère détérioration, qui nécessite une augmentation de la dose des médicaments inhalés. L’orange indique une exacerbation plus prononcée avec la nécessité d’un traitement d’attaque par corticoïde oral. Le rouge indique une urgence avec dyspnée à la parole, absence de réponse aux bêta-agonistes de secours et chute de la saturation en oxygène mesurée par oxymétrie de pouls ponctuelle. Il convient immédiatement d’administrer 50 mg d’équivalent prednisone, d’initier des applications répétées de Ventolin® et d’organiser le transport vers un service d’urgences hospitalier. Le plan d’action doit être rempli individuellement sur la base des symptômes asthmatiques concrets, du débit expiratoire de pointe ou de la dose journalière de Symbicort® effectivement utilisée (en cas d’application du principe SMART®).
Le journal de bord de l’asthme et la brochure patient «Mieux vivre avec son asthme» sont disponibles auprès de la Ligue pulmonaire suisse et ont été élaborés par les membres du groupe de travail «Asthme» de la Société Suisse de Pneumologie.
Grâce aux mesures décrites dans cet article, il est aujourd’hui possible à la fois d’améliorer la qualité de vie des patients et de réduire efficacement la mortalité liée à l’asthme.
Le manuscrit a été aimablement relu par le Docteur Christian Buol, spécialiste en médecine interne générale à Davos.
L’auteur a déclaré des activités d’orateur et des collaborations au sein de comités scientifiques pour les entreprises Novartis, AstraZeneca et Glaxo Smithkline.
Dr méd. Thomas Rothe
CA Medizin & Pneumologie
Zürcher RehaZentrum Davos
CH-7272 Davos Clavadel
thomas.rothe[at]zhreha.ch
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