Palpitations sous xylométazoline
Actualités des centres régionaux de pharmacovigilance et de Tox Info Suisse

Palpitations sous xylométazoline

Aktuell
Édition
2018/1920
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03255
Forum Med Suisse 2018;18(1920):415-416

Affiliations
a Regionales Pharmacovigilance-Zentrum Zürich, Klinik für Klinische Pharmakologie & Toxikologie, UniversitätsSpital Zürich und Universität Zürich;
b Tox Info Suisse, assoziiertes Institut der Universität Zürich
* Les deux auteurs ont contribué à part égale à la réalisation de cet article.

Publié le 09.05.2018

Une casuistique actuelle des centres régionaux de pharmacovigilance et de Tox Info Suisse.

Conséquences de l’EIM: Limitation
Evolution: Inconnue
Evaluation de la causalité: Probable

Le cas clinique

Une patiente adulte utilisait depuis quelques jours en automédication Otrivin® Rhume spray doseur 0,1% Menthol (xylométazoline, dose inconnue) le soir avant le coucher en raison d’une congestion nasale. Après l’utilisation, elle s’est plainte d’une accélération du rythme cardiaque avec des palpitations, qui l’empêchaient de s’endormir. Lorsqu’elle a arrêté la prise du médicament, les symptômes ne sont plus survenus. Toutefois, elle était alors incommodée par des difficultés à respirer par le nez lors de l’endormissement.

Evaluation pharmacologique clinique

Otrivin® Rhume spray doseur Menthol contient le principe actif xylométazoline, un alpha-sympathomi­métique qui, après application locale, entraîne une vasoconstriction de la muqueuse nasale et de la région pharyngée avoisinante et ainsi une décongestion. L’action débute en l’espace de quelques minutes et est maintenue pendant env. 10 heures. D’après l’information suisse sur le médicament, la dose recommandée s’élève à une pulvérisation par narine. Si nécessaire, il est possible de répéter l’application en ne dépassant pas trois applications par jour. La durée d’utilisation devrait être limitée à 1 semaine au maximum, car une utilisation plus longue peut entraîner une rhinite médicamenteuse [1].
Une fréquence cardiaque irrégulière et accélérée et des arythmies sont documentées en tant qu’effets indésirables médicamenteux (EIM) très rares sous Otrivin® [1]. Dans la base de données sur les médicaments amé­ricaine, des effets cardiovasculaires minimes sont rapportés aux doses thérapeutiques de xylométazoline, mais des palpitations ont été fréquemment observées [2]. A la fois la tachycardie et la bradycardie sont documentées comme symptômes d’un surdosage, de sorte que les symptômes décrits correspondent à un effet dose-dépendant. Des effets cardiovasculaires graves, y compris une hypertension, ont également été décrits [1]. Les substances ayant un effet agoniste ou antagoniste sur le système nerveux sympathique sont utilisées dans des domaines très variés de la médecine, notamment en cardiologie, pneumologie et urologie (tab. 1).
Tableau 1: Aperçu des récepteurs et effets du système nerveux sympathique (adapté d’après [6]).
Système nerveux sympathique
Récepteurs sympathiquesα1α2β1β2
Type de récepteurGq-PCRGi/0-PCRGs-PCRGs-PCR
NeurotransmetteursNoradrénaline/adrénalineNoradrénaline/adrénalineNoradrénaline/adrénalineNoradrénaline/adrénaline
Effets    
YeuxMydriase Accommodation en vision de loin 
Poumon   Bronchodilatation
Cœur  – Augmentation de 
la ­fréquence cardiaque
– Augmentation de 
la contractilité
– Augmentation de 
la ­fréquence cardiaque
– Augmentation de 
la contractilité
Système vasculaireVasoconstriction 
(périphérie)Vasoconstriction 
(périphérie)Augmentation de la pression artérielleVasodilatation 
(foie, muscles squelettiques)
Métabolisme  – Augmentation de la dégradation des triglycérides
– Augmentation de la libération d’acides gras
– Augmentation de la dégradation des triglycérides
– Augmentation de la libération d’acides gras
– Augmentation de la dégra­dation du glycogène (foie, muscles squelettiques)
Tractus gastro-intestinal– Réduction de la salivation
– Augmentation de la viscosité de la salive
– Augmentation du tonus des sphincters (vessie, estomac)
– Réduction de l’irrigation ­sanguine gastro-intestinale
  – ​Diminution du péristaltisme gastro-intestinal
– Augmentation de la sécrétion hépatique de glucose
– Diminution du tonus vésical
Système endocrinien Sécrétion d’adrénaline/­noradrénalineAugmentation de la sécrétion de rénine
Sympathomimétiques, agonistes
(exemples de ­préparations®)
– Phényléphrine (Rhinocap®)
– Xylométazoline (Otrivin®)
– Oxymétazoline (Nasivin®)
– Clonidine (Catapresan®)
– Xylométazoline (Otrivin®)
– Oxymétazoline (Nasivin®)
 – Salbutamol (Ventolin®)
– Formotérol (Symbicort® ­Turbuhaler®)
– Salmétérol (Seretide®)
Sympatholytiques, ­antagonistes
(exemples de ­prépara-tions®)
– Doxazosine (Cardura CR®)
– Térazosine (Hytrin® BPH)
 – Propranolol (Inderal®)
– Carvédilol (Dilatrend®)
– Métoprolol (Beloc ZOK®)
– Bisoprolol (Bilol®)
– Propranolol (Inderal®)
– Carvédilol (Dilatrend®)
En particulier les préparations en vente libre, qui sont utilisées en automédication, sont associées à un risque de surdosage. Lorsque les patients ont l’impression que le médicament n’agit pas, ils ont facilement tendance à appliquer une deuxième dose. L’utilisation prolongée d’un spray nasal décongestionnant peut être à l’origine d’un effet rebond, le nez paraissant alors à nouveau congestionné peu après l’application du spray nasal. En conséquence, de nombreux patients utilisent le spray à une fréquence accrue, ce qui augmente le risque de surdosage [3]. Outre la dose administrée, la survenue d’effets systémiques par absorption de substances ­appliquées par voie locale dans les domaines de l’ophtalmologie, de la dermatologie, de la pneumologie et autres peut être favorisée par différents facteurs, tels que l’hyperémie, l’inflammation, les pansements occlusifs (en cas d’application dermatologique), ainsi que les propriétés physico-chimiques de la substance (par ex. lipophilie) [4].
La chronologie des évènements représente un critère essentiel pour la détermination de la causalité: le fait qu’une amélioration s’observe après l’arrêt du médi­cament («déchallenge») ou que l’EIM survienne à nouveau ou s’accentue après la reprise du médicament («rechallenge») en font également partie [5]. Dans le cas présent, il y a une corrélation temporelle entre l’utili­sation de Otrivin® Rhume spray doseur Menthol et l’accélération du rythme cardiaque. L’absence d’accélération du rythme cardiaque, ou la normalisation subjective, lors de la tentative d’arrêt du spray nasal constitue un déchallenge positif.

Conclusion

Compte tenu de la corrélation temporelle, de la bonne documentation dans l’information professionnelle et dans la littérature spécialisée, du déchallenge positif, de la plausibilité pharmacologique et de la faible pro­babilité de causes non médicamenteuses alternatives dans le cas présent, la relation de causalité entre l’accélération perceptible du rythme cardiaque et la prise de Otrivin® Rhume spray doseur Menthol a été évaluée comme probable selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Conseil des organisations internationales des sciences médicales (CIOMS).
Nous remercions Mme Nicole Rothen, médecin en médecine interne générale à La Chaux-de-Fonds, pour sa révision de la traduction française.
Les auteurs n’ont pas déclaré d’obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
PD Dr méd. Stefan Weiler, PhD, MHBA
Klinik für Klinische Pharmakologie und Toxikologie
UniversitätsSpital Zürich
Universität Zürich
Rämistrasse 100
CH-8091 Zürich
Stefan.Weiler[at]usz.ch
1 Information sur le médicament Swissmedic Otrivin®
(www.swissmedic.ch).
2 Micromedex® 2.0, (electronic version). Truven Health Analytics, Greenwood Village, Colorado, USA. Available at:
http://www.micromedexsolutions.com/.
3 Peden D. An overview of rhinitis, Aug 2017. In: UpToDate, AM Feldweg (Ed), UpToDate, Waltham, MA. (www.uptodate.com)
4 Abraham G. Unpredictable Systemic Risks to Topical Drugs. J Drug Metabol Toxicol. 2014;5:122.
5 Weiler S, Taegtmeyer AB, Müller S, Rollason Gumprecht V, Livio F, Ceschi A, Kullak-Ublick GA. Sélection de cas issus des centres régionaux de pharmacovigilance. Forum Méd Suisse. 2016;37:757–63.
6 Lüllmann H, Mohr K, Hein L. Taschenatlas Pharmakologie. Thieme, Stuttgart. 2008;p. 86–101, 342.