Sans détour
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Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2019/0304
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08044
Forum Med Suisse. 2019;19(0304):42-45

Publié le 16.01.2019

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur ...

Anticorps dirigés contre le CGRP soit son récepteur en tant que traitement ­prophylactique de la migraine
– Prévalence globale de la migraine: femmes 19%, hommes 10%.
– Les anticorps monoclonaux inhibent soit le «calcitonin gene-related ­peptide» (CGRP) soit son récepteur (voir fig.).
– Antagonistes autorisés pour les migraines chroniques ou épisodiques* fréquentes chez les patients âgés de >18 ans.
– Ne franchissent pas la barrière hémato-encéphalique.
– Site d’action anatomique: système trigémino-vasculaire.
– Posologie: administration 1x/mois à 1x/trimestre par voie sous-cutanée, coût d’env. 700 CHF par dose.
– Effets indésirables les plus fréquents: réactions au site d’injection (douleurs, prurit, rougeurs).
* Migraine chronique = céphalées lors de >15 jours/mois (dont 8 avec symptômes typiques de la migraine) durant au minimum 3 mois; migraine épisodique = céphalées migraineuses lors de <15 jours/mois (± aura)
Cell 2018, doi.org/10.1016/j.cell.2018.11.049.
Rédigé le 15.12.2018.

Pertinents pour la pratique

Sur la trace des varices

Les varices sont des dilatations tortueuses des veines superficielles. Leurs causes sont multifactorielles, mais les informations relatives à la pathogenèse génétique et exogène dont nous disposons sont toutefois limitées. En Angleterre, les facteurs de risque épidémiologiques et génétiques de varices ont été identifiés chez près de 500 000 volontaires au moyen d’une analyse par ordinateur («machine learning», voir explications à la fin). De plus, l’analyse génomique (Genome Wide Association Study [GWAS]) de près de 340 000 Anglais de type caucasien sans lien de parenté a été comparée à celle de près de 10 000 personnes atteintes de varices (utilisation des données de la UK-Biobank). Dans le cadre de cette gigantesque étude, les facteurs de risque traditionnels ont été confirmés (âge, sexe, obésité, grossesse et antécédents de thrombose veineuse profonde). En outre, la grande taille corporelle a nouvellement été identifiée en tant que facteur de risque central. L’analyse génétique a montré plus de 30 loci génétiques, qui étaient en partie largement au-dessus de la significativité statistique génétique. Il s’agit de gènes jouant un rôle essentiel dans le développement des vaisseaux, la formation des extrémités et la suppression tumorale (CASZ1). Il est intéressant de noter que le suppresseur de tumeur CASZ1 joue également un rôle dans la régulation de la pression artérielle. Cette analyse génétique/génomique constitue la base pour une meilleure compréhension de la physiopathologie et peut-être également pour un traitement médicamenteux efficace des varices.
Rédigé le 18.12.2018.

Qu’est-ce que l’apprentissage automatique?

Afin de pouvoir formuler de nouvelles affirmations pertinentes quant à un patient ou une maladie (environnement, génétique, épigénétique, médicaments ou climat), par ex. à propos des ­facteurs de risque ou de la réponse thérapeutique, à partir du gigantesque flot d’informations, ces informations sont transmises à un ordinateur avec certaines instructions complexes pour leur traitement (algorithmes). Les mots-clés sont: big data et intelligence artificielle. Prenons un petit exemple simple. Au moyen de l’analyse assistée par ­ordinateur des données cliniques, des données pathologiques classiques, des informations génétiques, de l’analyse d’imagerie impartiale des tissus et des caractéristiques cellulaires, ainsi que de l’analyse d’une série de biomarqueurs, il a pu être prédit avec une précision beaucoup plus élevée quel patient va développer une récidive de cancer de la prostate après une opération (initialement en tant que hausse du PSA) par rapport aux scores pronostics classiques (cf. l’illustration à la page suivante). Même si, sans détour, nous ne sommes pas des experts de l’apprentissage automatique, nous voyons ici un point critique: ces algorithmes (souvent décrits de façon sommaire dans les articles) peuvent influencer l’analyse per se, et la précision et la reproductibilité de l’évaluation assistée par ordinateur ne sont pas précisément déterminées.
Réproduit de: J Clin ­Invest. 2007;117(7):1876-1883. doi.org/10.1172/JCI31399. Copyright © 2007 American Society ­for Clinical Investigation, reproduction avec l’aimable autorisation.
Rédigé le 17.12.2018.

La prostatectomie totale présente un avantage en cas de cancer de la prostate localisé

Entre 1989 et 1999, 695 patients (âge moyen de 65 ans) ­atteints de cancer de la prostate localisé, le plus souvent palpable au toucher rectal (88% des hommes), ont été répartis en deux groupes: un groupe «watchful waiting» et un groupe «prostatectomie totale». Un contrôle a été réalisé tous les 6 mois au cours des 2 premières années après le diagnostic/l’opération, puis tous les 12 mois. Après une durée moyenne de 23 ans, la mortalité directement attribuable au cancer de la prostate était près de 12% plus élevée (différence absolue) dans le groupe sous approche conservatrice, ce qui correspond à un «number needed to operate» de 8,4. Dans le groupe opéré, la mortalité a augmenté massivement en cas de croissance extra-capsulaire (5×) et en cas de score de Gleason >7 (10×). Les résultats sont impressionnants et ils sont extrapolables à une grande partie des patients d’aujourd’hui. Mais probablement pas aux patients avec un diagnostic basé sur le PSA et une tumeur non palpable. Ce travail nous rappelle également qu’une stratification du risque au moment du diagnostic est essentielle pour le choix de la meilleure approche.
Rédigé le 16.12.2018 sur indication du Dr F. Birkhäuser (Lucerne).

Pour les médecins hospitaliers

Hémorragie traumatique sous NACO: que faire?

Depuis 2016, un anticorps neutralisant (idarucizumab [PraxbindR], 2 × 2,5 g ou 5 g par perfusion) est disponible en Suisse pour antagoniser l’inhibiteur oral de la thrombine dabigatran (Pradaxa®). En mai 2018, l’andexanet alpha a été autorisé par la «Food and Drug Administration» (FDA) américaine; la procédure d’autorisation est encore en cours en Suisse et dans l’UE. L’andexanet est une forme catalytiquement inactive du facteur Xa et il se lie et inhibe ainsi les inhibiteurs directs du facteur Xa, tels que le rivaroxaban (Xarelto®), l’apixaban (Eliquis®) et l’edoxaban (Lixiana®), mais également les héparines de bas poids moléculaire d’action indirecte (via l’antithrombine) et le fondaparinux (Arixtra®). L’andexanet est dosé après détermination de l’activité anti-Xa et ­administré par voie intraveineuse. Jusqu’à l’obtention des résultats, il convient de procéder de façon empirique en administrant des produits sanguins (érythrocytes, thrombocytes, «fresh frozen plasma» [FFP]) et de l’acide tranexamique (1 g i.v. toutes les 8 heures). Tandis que l’idarucizumab coûte un peu plus de 3000 CHF pour une indication, l’andexanet à la dose maximale est vendu au prix d’env. 55 000 USD aux Etats-Unis. Une revue récente est parvenue à la conclusion que jusqu’à ce que les indications exactes de l’andexanet et que la question du prix soient clarifiées, un complexe de prothrombine contenant quatre facteurs (25–50 UI/kg) constitue une option valable, même si un évènement thromboembolique pertinent survient alors dans 8% des cas par la suite.
Rédigé le 17.12.2018.

Nouveautés dans le domaine de la biologie

Comment la metformine agit-elle?

Depuis 60 ans, nous utilisons la metformine (avec succès chez les patients avec un DFG d’au minimum 30 ml/min) dans le traitement du diabète de type 2 (DT2). La metformine inhibe la gluconéogenèse (par modu­lation de l’activité de l’AMP-kinase et inhibition de la glycérol-3-phosphate déshydrogénase) dans le foie. Il a récemment été montré que la metformine pouvait également altérer la composition du microbiome intestinal. Ce dernier influence quant à lui le développement d’un DT2 et d’une stéatose hépatique non alcoolique en cas d’obésité. Parmi les métabolites (ou médiateurs des influences systémiques du microbiome), différents acides biliaires, qui résultent de la conversion dépendante du microbiome des acides biliaires primaires, jouent (de façon dépendante du type) un rôle essentiel. Les acides biliaires secondaires remplissent alors leurs rôles via des récepteurs nucléaires (récepteur de la vitamine D [VDR] et farnesoid X receptor [FXR], entre autres). Pour en revenir à la metformine: elle inhibe Bacteroides fragilis, qui possède une enzyme clivant les sels biliaires. La dégradation des acides biliaires est ainsi inhibée, et il se produit une élévation d’un acide biliaire particulier (acide glycoursodésoxycholique [GUDCA]), qui bloque justement l’un de ces récepteurs nucléaires (le FXR). Les conséquences métaboliques sont: perte de poids, métabolisme énergétique accru, sensibilité à l’insuline augmentée, baisse des transaminases dans le cadre de l’obésité murine. L’acide biliaire mentionné (GUDCA) ou les inhibiteurs du FXR récemment développés pourraient donc devenir des agents thérapeutiques essentiels pour le traitement du syndrome métabolique.
Nature Medicine 2018, doi.org/10.1038/s41591-018-0222-4.
Rédigé le 15.12.2018.

Pourquoi les patients diabétiques souffrent-ils plus souvent d’infections des voies urinaires?

Les cellules spécialisées des tubes collecteurs des reins (cellules intercalées) jouent un rôle central dans l’acidification ou l’alcalinisation de l’urine. Une surprise de ces dernières années a été de constater que ces cellules détectent les bactéries uropathogènes et y réagissent en sécrétant des peptides antimicrobiens (PAM, «antibiotiques endogènes»). L’acidification également stimulée dans ce cadre créé des conditions optimales pour l’activation de ces PAM. Parmi les PAM, on compte la défensine, la cathélicidine (LL-37) et différentes ribonucléases qui détruisent la membrane cellulaire bactérienne, ainsi que les lipocalines, qui privent les bactéries du fer essentiel à leur croissance par séquestration (1). Les patients diabétiques ne sont toutefois pas simplement davantage prédisposés aux infections des voies urinaires en raison de la glycosurie, comme cela pourrait être supposé intuitivement; leur prédisposition est plus grande car, comme cela est illustré dans la figure, l’insuline, de façon surprenante, stimule la synthèse et la sécrétion d’une partie de ces PAM dans les tubes collecteurs. Chez les diabétiques, la concentration urinaire en PAM est donc réduite en raison du déficit en insuline/de l’insulino-résistance, et la plus grande prédisposition aux infections en est la conséquence [2]. Contrairement à ces mécanismes, la glycosurie semble être directement responsable directement responsable des infections fongiques dans le cadre de la glycosurie chronique, y compris induite par médicaments.
Sur la moitié gauche de l’image (en bleu), les bactéries E. coli uropathogènes (UPEC) sont détectées par les ­cellules intercalées, des PAM et des protons sont sécrétés, ce qui fait augmenter la concentration urinaire en PAM et déclenche une microbicidie efficace. A droite, la situation en cas de diabète: les PAM insulino-dépendants font défaut ou sont réduits, ce qui accroît la prédisposition aux infections.
Source: J Clin ­Invest. 2018;128(12):5213–5215. doi.org/10.1172/JCI124922. Copyright © 2018 American Society ­for Clinical Investigation, reproduction avec l’aimable autorisation.
1. FMS 2014, doi.org/10.4414/smf.2014.02033.
2. J Clin Invest 2018, doi.org/10.1172/JCI98595.
Rédigé le 18.12.2018.

Toujours digne d’être lu

D’où vient la T3?

En 1952, Gross et Pitt-Rivers ont décrit dans le Lancet la présence de T3 (triiodothyronine) dans le plasma ­humain. Etant donné que la T3 était plus fortement concentrée dans le sang veineux de la thyroïde et qu’un travail qui avait décrit la formation de T3 à partir de la T4 (conversion périphérique) avait dû être retiré (déjà à l’époque!), on partait du principe que la conversion pé­riphérique ne contribuait que de manière quantitativement insignifiante à la concentration de T3. Dans des études quantitatives minutieuses du métabolisme de la T4 marquée radioactivement menées chez le rat, il a toutefois été constaté qu’env. 20% de la T4 sécrétée étaient convertis en T3 dans le tissu périphérique. Dans la mesure où il a été estimé que la T3 était 4–5 × plus efficace que la T4, les auteurs ont conclu que l’activité endocrine de la T4 (ou du médicament Eltroxin®) reposait presque exclusivement sur la conversion en T3. . Même les travaux retraités peuvent contenir des vérités ...
J Clin Invest 1971, doi.org/10.1172/JCI106584.
Rédigé le 17.12.2018.

Cela nous a réjouis

Examen physique aussi efficace que l’échographie

Les appareils de poche pour les examens échographiques circulent désormais dans les hôpitaux et il faut bien avouer que leur résolution d’image et leur rendement diagnostique sont remarquables lorsqu’ils sont entre des mains expertes. Ce n’est toutefois pas la peine d’acheter tout de suite un de ces appareils, du moins lorsqu’il s’agit de déterminer la taille du foie! La taille du foie déterminée par percussion sur la ligne médio-claviculaire (multipliée par un facteur constant de 1,6) correspond avec une grande précision à la taille du foie déterminée par échographie.
Am J Med 2018, doi.org/10.1016/j.ajmed.2018.09.012,
Rédigé le 18.12.2018.

Non résolu

Paralysie flasque aiguë

Cette maladie aiguë rare (anglais: acute flaccid mye­litis) survient chez les enfants, souvent suite à une infection des voies respiratoires supérieures, et la plupart du temps entre août et octobre. Une accumulation du nombre de cas est observée tous les 2 ans (les années paires, donc aussi en 2018!). La maladie se manifeste par une parésie motrice flasque des extrémités supérieures et inférieures, ainsi que par des parésies des nerfs cérébraux. Le diagnostic peut être posé à l’IRM, qui révèle des anomalies dans la substance grise de la moelle épinière (cornes frontales) sur un ou plusieurs segments spinaux. Malheureusement, la maladie conduit à des limitations fonctionnelles substantielles à long terme, malgré des améliorations générales. L’étiologie n’est pas connue, mais les virus Coxsackie et les entérovirus sont suspectés d’être à son origine. Il n’existe malheureusement pas de traitement spécifique. En Suisse, 250 cas avérés ont été observés depuis 1995, dont huit en 2017. La «Swiss Pediatric Surveillance Unit» (SPSU) surveille et étudie ces cas. Il est essentiel de ­s’assurer que cette maladie impressionnante ne corresponde pas à une poliomyélite, un fait qui s’appliquait également aux cas suisses.
CDC 2018, doi.org/10.15585/mmwr.mm6745e1.
Rédigé sur indication du Prof. C. Rudin (Bâle) le 18.12.2018.

Cela nous a également interpellés

Lactoferrine et/ou calprotectine dans les selles?

La lactoferrine, stable dans les selles pendant plusieurs jours et mesurable par ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay), est une protéine liant le fer dans les neutrophiles. Elle est sécrétée durant une inflammation granulocytaire, et la quantité retrouvée dans les selles est corrélée avec l’activité inflammatoire. Elle présente également une valeur pour l’exclusion des causes inflammatoires (argument en faveur de la présence d’une maladie fonctionnelle) et semble pouvoir annoncer une poussée d’une maladie intestinale inflammatoire déjà avant l’apparition des symptômes cliniques. La calprotectine, un dimère d’une protéine liant le calcium, coïncide sur le plan diagnostique avec la lactoferrine fécale, si bien qu’il est possible de se limiter à l’un ou l’autre des paramètres. L’utilisation des tests dans les différents pays découle plutôt de la réglementation spécifique de la prise en charge des coûts que des avantages ou inconvénients spécifiques des tests.

Le saviez-vous?

Quelles affirmations s’appliquent au syndrome de tako-tsubo (plusieurs réponses possibles)?
A) Pour la pose du diagnostic, aucune coronaropathie ne doit être présente.
B) Un hyperglucocorticisme induit par le stress joue un rôle central dans la pathogenèse.
C) Le pronostic à long terme est généralement bon.
D) Une récidive peut survenir dans jusqu’à 20% des cas, surtout chez les femmes.
E) L’utilisation d’inhibiteurs de l’ECA en association avec les diurétiques pendant la phase aiguë présente un avantage avéré, tandis que l’effet à long terme des bêtabloquants n’est pas certain.

Réponse


Pour la pose du diagnostic de syndrome de tako-tsubo, une ­coronaropathie peut être présente mais l’angiographie, généralement indiquée, ne devrait pas montrer de lésion coupable (y compris absence de ruptures de plaque, de formation de thrombi et de dissections). Le diagnostic différentiel doit également exclure une cardiomyopathie hypertrophique et une myocardite virale. Une «tempête catécholaminergique» déclenchée physico-émotionnellement ainsi qu’une dysfonction endothéliale jouent un rôle important dans la pathogenèse. Le pronostic à long terme n’est pas certain. Une partie des patients présentent encore des symptômes d’insuffisance cardiaque près de 2 ans après le diagnostic, même si des signes objectifs d’une insuffisance cardiaque (biomarqueurs, échocardiographie) ne sont pas forcément présents. Les récidives sont plus fréquentes chez les femmes et ne sont pas rares (jusqu’à un cinquième des cas). L’emploi des inhibiteurs de l’ECA, des diurétiques et des bétabloquants est conseillé pendant la phase aiguë. Une réduction de la mortalité peut être atteinte au moyen des inhibiteurs de l’ECA, mais pas au moyen des bétabloquants à long terme.
Les bonnes réponses sont donc les réponses D et E.
Am J Med 2019, doi.org/10.1016/j.amjmed.2018.07.007,
Rédigé le 18.12.2018.
Gastroenterology and Hepatology. 2018;14:713–6.
Rédigé le 18.12.2018.