Sans détour
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Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2019/2930
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08345
Forum Med Suisse. 2019;19(2930):469-472

Publié le 17.07.2019

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Zoom sur … rupture du ligament croisé antérieur

– Blessure sportive par excellence (football, football américain, handball, basketball, ski), plus fréquente d’env. un tiers chez les femmes
– Dans 60% des cas, conséquence d’une collision corporelle; dans 40% des cas, survenue sans contact après un saut ou des mouvements de cisaillement
– Dans env. un tiers des cas, lésions supplémentaires du ligament collatéral latéral et du ménisque latéral (ménisque médial nettement plus rarement)
– Diagnostic: anamnèse, test de Lachman ou test du ressaut rotatoire (pivot shift test)*, IRM du genou
– Traitement initial conservateur ou chirurgical, les deux sont probablement équivalents
– En cas d’instabilité persistante (après 12 semaines): correction chirurgicale
– Technique: reconstruction anatomique au moyen de tissu tendineux ­autologue (patella, adducteurs, quadriceps)
– La réhabilitation prend env. 9 mois (sinon, ruptures répétées dans jusqu’à 30% des cas)
– Traitement chirurgical ou conservateur: seuls env. 50% des sportifs récupèrent leur niveau d’effort (élevé) initial
– Par conséquent: Prévention! Bandages de soutien et entraînement de renforcement physiothérapeutique spécifique**
** ou, de façon moins ambitieuse, faire du sport …
Clichés d’imagerie par résonance magnétique du genou d’un homme de 17 ans après torsion de l’articulation lors du sport. A) Rupture du ligament croisé antérieur (2 extrémités grises visibles) avec œdème (en blanc). B) Rupture du ligament collatéral latéral associée, également entourée d’un œdème (à gauche sur l’image). Nous remercions chaleureusement le Prof. J. Hever­hagen, directeur d’institut, radiologie, Inselspital de Berne, pour les images et pour son interprétation.
N Engl J Med. 2019, doi:10.1056/NEJMcp1805931. Rédigé le 17.06.2019.

Pertinents pour la pratique

Valeurs basses de PSA induisant en erreur

L’antigène prostatique spécifique (PSA) est souvent utilisé dans le dépistage primaire du cancer de la prostate. Il peut s’avérer utile en tant que biomarqueur de dépistage si le patient et le médecin restent conscients des questions non résolues. Les inhibiteurs de la 5-alpha-­réductase sont sans doute fréquemment utilisés pour ralentir la croissance de la prostate en cas d’hypertrophie de la prostate, bien que les chiffres exacts pour la Suisse ne soient pas connus. Ces médicaments diminuent environ de moitié la concentration sérique de PSA. Des cancers de la prostate ne sont-ils pas détectés à cause de cela et/ou l’évolution des cancers s’en trouve-t-elle plus mauvaise? Une étude de cohorte réalisée aux Etats-Unis a porté sur près de 81 000 hommes chez lesquels un cancer de la prostate avait été diagnostiqué entre 2001 et 2015; le suivi s’est terminé à la fin de l’année 2017. Chez les patients sous traitement par inhibiteur de la 5-alpha-réductase, le cancer de la prostate a été diagnostiqué en moyenne plus de 2 ans plus tard que chez ceux ne suivant pas un tel traitement. Les cancers étaient en outre de type plus agressif et plus avancé. Le risque des patients avec traitement préexistant de décéder des conséquences spécifiques du cancer de la prostate était env. 40% plus élevé («hazard ratio» 1,39; p <0,001). La mortalité globale était également accrue.
L’étude montre indirectement le bénéfice du dépistage basé sur le PSA, mais elle représente avant tout une mise en garde importante invitant à ne pas se fier aux valeurs normales usuelles du PSA chez les patients prétraités. Ce thème devrait probablement aussi être abordé avec le patient lorsqu’un traitement par inhibiteur de la 5-alpha-réductase est envisagé.
JAMA Intern Med. 2019, doi:10.1001/jamainternmed.2019.0280.
Rédigé le 16.06.2019, sur indication du Prof. R. Herrmann (Bâle).

Asthme bronchique, bis repetita

Selon les recommandations thérapeutiques actuelles, les bêta-2-agonistes de courte durée d’action (SABA) sont préconisés pour l’asthme bronchique léger intermittent (voir définition dans le tableau 1) et les glucocorticoïdes inhalés en prise chronique sont préconisés en cas d’asthme léger persistant. Dans la réalité, l’observance semble toutefois être mauvaise et les patients privilégient de leur propre initiative l’utilisation de SABA, une tactique que l’on voulait justement limiter avec les glucocorticoïdes. Déjà il y a 1 an, les études SYGMA-1 et 2, que nous avions également évoquées, avaient montré que dans l’asthme léger persistant, l’inhalation d’un glucocorticoïde/bêta-2-agoniste (budésonide/formotérol) au besoin était aussi efficace pour prévenir les exacerbations que les inhalations chroniques de glucocorticoïdes, bien que le contrôle de l’asthme mesuré par spirométrie restait meilleur avec ce dernier traitement [1, 2]. Une étude a désormais révélé qu’un asthme éosinophilique (défini par une éosinophilie dans les expectorations >2%) était uniquement présent chez un quart des patients avec asthme léger persistant. Ces patients semblent sans surprise profiter de l’inhalation chronique de glucocorticoïdes; chez tous les autres patients (= 3/4 de tous les cas), le contrôle de l’asthme était aussi bon avec un antagoniste muscarinique de longue durée d’action (LAMA, tiotropium) [3]. Une deuxième étude confirme dans l’ensemble les résultats préalables selon lesquels l’inhalation de budésonide/formotérol au besoin est aussi efficace que l’inhalation chronique de budésonide (2×/jour) [4]. Dans l’éditorial, il est stipulé que dans cette forme d’asthme, il ne faut pas miser sur les SABA au besoin en raison des exacerbations fréquentes [5]. En cas d’asthme avec éosinophilie dans les expectorations, les glucocorticoïdes restent les médicaments de premier choix; sans éosinophilie dans les expectorations, il est possible de «composer» avec des glucocorticoïdes/bêta-2-mimétiques au besoin ou avec l’inhalation chronique d’un LAMA, tel que le tiotropium.
Tableau 1: Sévérité* et définitions de l’asthme intermittent/persistant (utilisées dans les publications évoquées [1–5]).
IntermittentAu maximum 2 jours par semaine; absence de symptômes asthmatiques entre les crises
Léger persistantSymptômes asthmatiques lors de plus de 2 jours, mais pas la nuit. VEMS ≥80% de la valeur prédite
Modéré persistantSymptômes asthmatiques quotidiens interférant souvent avec les activités quotidiennes, problèmes de sommeil. VEMS 60–80% de la valeur prédite
Sévère persistantSymptômes asthmatiques plusieurs fois par jour, VEMS ≤60%
* Une autre classification usuelle de la sévérité repose sur l’intensité du traitement qui est nécessaire pour contrôler l’asthme (évaluation rétrospective; https://ginasthma.org/).
VEMS: volume expiré maximal en 1 seconde.
N Engl J Med. 2019:
Rédigé le 16.06.2019.

Hypertension et âge >70 ans: quelle valeur cible de pression artérielle?

Sur la base d’une analyse de sous-groupe réalisée dans le cadre de l’étude SPRINT [1], il existe des recommandations selon lesquelles il convient de viser au moyen de médicaments une pression artérielle systolique maximale de 130 mm Hg chez les sujets de plus de 70 ans vivant chez eux. La «Berlin Initiative Study» a porté sur une cohorte de patients hypertendus traités, qui ont été inclus entre 2009 et 2011 et ont été suivis jusqu’à la fin 2016 [2]. Les valeurs de pression artérielle (moyennes de deux mesures) ont été recueillies au cabinet médical. Une normalisation des valeurs de pression artérielle (systolique/diastolique) à moins de 140/90 mm Hg avait un effet négatif significatif favorisant la mortalité globale chez les sujets de plus de 80 ans et chez ceux avec des manifestations de maladies cardiovasculaires préexistantes. Dans le groupe d’âge des 70–79 ans, une normalisation des valeurs de pression artérielle s’est révélée sûre en termes de mortalité, mais il n’y a pas de données disponibles concernant les chutes, vertiges et autres symptômes orthostatiques. Du moins chez les patients de 80 ans et plus et chez ceux avec évènements cardiovasculaires préexistants, il faut donc tenter de contrôler moins strictement la pression artérielle. Toutefois, la valeur maximale précise à viser/acceptable reste indéterminée.
1 N Engl J Med. 2015, doi:10.1056/NEJMoa1511939.
2 Eur Heart J. 2019, doi:10.1093/eurheartj/ehz071.
Rédigé le 17.06.2019.

Cela ne nous a pas réjouis

Transplantation de microbiote fécal: un camouflet

Le 13 juin 2019, la «Food and Drug Administration» (FDA) a publié l’alerte de sécurité ou information suivante concernant ce traitement prometteur pour les infections à Clostridium difficile sévères (éventuellement aussi modulations du microbiote), mais toujours encore expérimental: deux patients immunodéprimés ayant fait l’objet d’une transplantation de microbiote fécal ont développé un sepsis grave causé par des souches de Escherichia coli productrices de bêtalactamases à spectre élargi (BLSE) provenant du transplant. Un patient en est décédé. Les échantillons transplantés n’avaient manifestement pas été testés au préalable quant à la présence de bactéries multirésistantes.
Rédigé le 15.06.2019.

Ambivalence émotionnelle

Augmentation des dons de reins

Par rapport à 2015, 3500 transplantations rénales de plus ont été réalisées aux Etats-Unis l’année dernière et le nombre de patients sur liste d’attente est passé de plus de 100 000 à tout juste 95 000 (à la fin mars 2019). L’augmentation de l’incidence des décès liés à la drogue y joue un rôle partiel. Par rapport à 2013, le nombre de dons d’organes provenant de victimes de la drogue est passé de 514 à 1313 en 2018! La «crise des opioïdes» responsable de ces changements, qui est un sujet omniprésent dans les médias, nous évoque sans détour une pensée philosophique: «Rien ni personne dans la vie n’est que mauvais, mais d’un autre côté, rien ni personne n’est que bon». Dans la «Bonne Âme du Se-Tchouan» (Bertolt Brecht), ce dilemme est traité de façon magistrale.
N Engl J Med. 2019, doi:10.1056/NEJMc1817188.
Rédigé le 16.06.2019.

Plume suisse

Limites du dépistage de l’hépatite C basé sur les antigènes

Par rapport au test de recherche d’ARN (par transcription inverse puis amplification PCR), le test de dépistage de l’hépatite C (VHC) basé sur les antigènes présente l’avantage d’être moins onéreux, mais il présente une plus faible sensibilité en cas de charges virales basses (≤3000 UI/ml). Les données de la cohorte suisse de l’hépatite C ont été analysées en vue de répondre à deux questions:
1. En cas de charges virales basses, le test antigénique produit-il un nombre pertinent de résultats faussement négatifs?
2. Quels sont les risques encourus par ces patients s’ils ne sont identifiés comme étant infectés par le VHC?
Parmi les 2533 patients infectés par le VHC «naïfs de traitement» de la cohorte, des charges virales ≤3000 UI/ml (déterminées par transcriptase inverse-PCR) ont été retrouvées relativement rarement, concrètement chez env. 5% des patients (133 cas) durant toute la durée d’observation de la cohorte. Des charges virales ≤3000 UI/ml ont été détectées par le test antigénique chez seulement un tiers des patients. Lors de la répétition du test suite à la charge virale basse, la ­plupart des patients présentaient à nouveau des concentrations virales plus élevées, mais un bon sixième des patients ont tout de même guéri spontanément en dépit de l’infection chronique. La fréquence de la cirrhose était similaire chez les patients avec ou sans charge virale basse. Tous les patients avec charge virale basse (qui n’auraient peut-être pas été identifiés avec le test antigénique) et cirrhose hépatique présentaient une combinaison avec une forme d’immunosuppression.
La relation physiopathologique à l’origine de cette constellation reste indéterminée. Les économies faites avec le test des antigènes du VHC peuvent permettre à des pays aux ressources limitées de dépister davantage de patients quant à la présence du VHC, mais il est néanmoins possible que certaines infections par le VHC de stade avancé ne soient pas détectées avec cette méthode.
Image de microscopie électronique de virions de l’hépatite C dans du ­sérum humain, grossissement de 180 000 fois (Gleiberg [CC BY-SA 2.0 de (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/de/deed.en )], https://commons.wikimedia.org/wiki/File:HCV_particles.jpg ).
Clin Infect Dis. 2019, doi:10.1093/cid/ciz270.
Rédigé le 14.06.2019.

Cela nous a également interpellés

Médecins de famille et fréquence des ­ré-hospitalisations

Dans le système de santé américain, les médecins de famille sont tenus pour responsables de la fréquence des ré-hospitalisations; chez nous, avec le système des DRG, il peut y avoir des conflits entre l’hôpital autorisant la sortie du patient et le médecin de famille qui le ré-hospitalise. Existe-t-il des médecins de famille qui prescrivent nettement plus ou nettement moins de ré-hospitalisations, ce qui pourrait témoigner d’une qualité variable des soins ambulatoires? Non, d’après l’étude observationnelle suivante dans laquelle les médecins de famille texans ayant prescrit au minimum 50 hospitalisations entre 2008 et 2015 ont été inclus. Parmi ces 4230 médecins de famille, le taux de ré-hospitalisations en l’espace de 30 jours après la sortie de l’hôpital était étonnamment comparable, avec une très faible dispersion: 12,9% ± 0,5%!
Les déterminants des ré-hospitalisations sont donc plutôt la progression de la maladie de base, les maladies supplémentaires intercurrentes, éventuellement l’observance des patients et, finalement aussi, la politique de sortie des patients propre à l’hôpital.
Ann Intern Med. 2019, doi:10.7326/M18-2526.
Rédigé le 16.06.2019.

Voilà ce que nous avons lu …

Dans «Horizons» [1], le magazine de la recherche du Fonds national suisse (FNS), son président décrit une étude réalisée par le FNS («Potential bias in peer-review of grant applications at the Swiss National Science Foundation» [2]) qui, bien qu’elle n’ait pas fait l’objet d’un peer-reviewing (sic!), a révélé que d’une part, les femmes n’évaluent pas différemment les demandes de subventions adressées au FNS et d’autre part, les femmes ne sont pas désavantagées en tant que chercheuses lors de l’évaluation des demandes de subventions. Toutefois, diverses covariables ont dû être corrigées. Les réviseurs qui ont pu être proposés par les postulants ont en moyenne attribué de meilleures notes que les autres, raison pour laquelle le FNS met désormais immédiatement fin à la possibilité de suggérer des réviseurs.
1 www.revue-horizons.ch
2 PeerJ Preprints. 2019, doi:10.7287/peerj.preprints.27587v2.
Rédigé le 17.06.2019.

… et voilà ce que nous en avons pensé …

Une bonne évaluation des chances et de la faisabilité des projets scientifiques requiert souvent une grande familiarité avec le contenu de la recherche et la situation spécifique du groupe de chercheurs. Le critère ne devrait donc pas être qui attribue les meilleures notes (et est éliminé pour cela), mais quelles évaluations (qu’elles soient suggérées ou non) mènent (ou ont mené) à des résultats de recherche plus productifs, plus pertinents et plus innovants.
Rédigé le 17.06.2019.

Pas très sérieux

Les dix secrets de la longévité

 1. De bons gènes
 2. Des antibiotiques encore efficaces, de meilleurs vaccins (qui sont aussi utilisés)
 3. Des interventions au niveau des facteurs de risque dans le cadre des maladies cardiovasculaires
 4. Des progrès supplémentaires au niveau des techniques chirurgicales
 5. L’élimination des comportements à risque («base-jumping», etc.)
 6. De bons réseaux familiaux et sociaux
 7. La lutte contre les guerres et la pauvreté
 8. La chance (au sens de «luck» en anglais, en quelque sorte «avoir de la veine»)
 9. Une bonne alimentation (mais surtout ne pas en abuser) et de l’activité physique
10. Entretenir l’optimisme
Sans détour, ce sont les points 8 et 10 qui nous ont le plus plu, un bon mélange entre destin et comportement personnel. Et vous?
Rédigé le 16.06.2019.

Quel est le diagnostic le plus probable?

Un homme de 71 ans avec cardiomyopathie d’origine ischémique (fraction d’éjection de 20%) se plaint de douleurs sous-sternales lors de l’effort de survenue récente. Il souffre d’une maladie coronaire bitronculaire connue, pour laquelle il a été traité il y a 6 ans par un stent à élution médicamenteuse posé dans l’artère circonflexe (segment médian). Au service des urgences, le patient fait l’objet d’un examen approfondi et pas uniquement centré sur un organe (bravo!). Le signe de Romberg est positif. Dans les deux pieds, la sensibilité superficielle et la sensibilité vibratoire sont abolies.
Le diagnostic le plus probable est (seule une réponse est correcte):
A) Ataxie de Friedreich
B) Alcoolodépendance avec cardiomyopathie ischémique et alcoolique
C) Diabète sucré de type 2
D) Anémie pernicieuse
E) Périartérite noueuse

Réponse


L’hémoglobine à l’admission était de 7,6 g/dl, et l’angor a disparu après la transfusion d’un concentré érythrocytaire. Avant la transfusion, l’indice de production des réticulocytes était bas avec une valeur de 0,34 (2 serait adèquat, donc anémie hypoproliférative), le volume globulaire moyen (VGM) était élevé (131 fl), de même que la lactate deshydrogénase (LDH) avec une valeur de 863 U. Le test des anticorps anti-facteur intrinsèque s’est révélé positif. La concentration de vitamine B12 était basse, s’élevant à 62 pg/l. Avec une supplémentation consécutive en vitamine B12, l’angor a disparu durablement, probablement car le déséquilibre entre le transport d’oxygène et le besoin d’oxygène dans le myocarde a été corrigé. Le trouble de l’équilibre et l’ataxie se sont améliorés, mais les troubles de la sensibilité épicritique et protopathique ont néanmoins persisté. Réponse correcte: D.
Rédigé le 16.09.2019.

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