Nouveautés dans le diagnostic du VIH
Autotests disponibles en ­pharmacie, fenêtre diagnostique et intérêt de la PCR VIH

Nouveautés dans le diagnostic du VIH

Übersichtsartikel
Édition
2021/0304
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2021.08707
Forum Med Suisse. 2021;21(0304):

Affiliations
a Institut für Epidemiologie, Biostatistik und Prävention, Universität Zürich; b Checkpoint Zürich, Zürich; c Klinik für Infektionskrankheiten und Spitalhygiene, Universitätsspital Zürich; d Institut für Medizinische Virologie, Universität Zürich; e Klinik für Infektiologie/Spitalhygiene, Kantonsspital St. Gallen; f Geschäfts­leiter Aids-Hilfe Schweiz, Zürich; g Service des maladies infectieuses, Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne; h Infektiologie & Spitalhygiene, Ostschweizer Kinderspital, St. Gallen; i Dermatologie et vénéréologie, Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), Genève; j Infektiologie und Spitalhygiene, Medizinische Universitätsklinik, Kantonsspital Baselland, Universität Basel, Liestal; k Vorsitz Positivrat Schweiz, Zürich; l Infektiologie & Spitalhygiene, Universitätsspital Basel, Universität Basel; m Cabinet, médecine interne et infectiologie, Genève; n Maihofpraxis, Zürich; o Universitätsklinik für Infektiologie, Inselspital, Universitäts­spital Bern, Universität Bern; p Praxis für Innere Medizin und Infektiologie, Basel; q Divisione di malattie infettive, Medicina interna, Ospedale Regionale di Lugano – Civico e Italiano, Lugano; r Service des maladies infectieuses, Division of Infectious Diseases, Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), Genève

Publié le 19.01.2021

Le diagnostic du VIH a connu différentes nouveautés au cours des deux dernières années. Que faut-il savoir en 2021 sur les délais de test raccourcis, les autotests et la PCR VIH? Quelles sont leurs implications pour la pratique?

Introduction

Au cours des deux dernières années, il y a eu trois nouveaux aspects majeurs concernant le diagnostic de l’infection par le VIH:
a) La fenêtre diagnostique pour les tests de dépistage du VIH de 4e génération a été réduite de 12 à 6 semaines. La fenêtre diagnostique pour les tests de 3e génération reste de 12 semaines [1].
b) La remise au public d’autotests du VIH (également appelés «tests à domicile») a été autorisée [2].
c) La PCR («polymerase chain reaction») du VIH, et en particulier le test GeneXpert Xpert® HIV-1 Viral Load, doit être utilisée avec circonspection.
Qu’est-ce que cela implique pour la pratique? Quels sont les avantages, où sont les pièges et à quoi faut-il être particulièrement attentif? Nous allons le découvrir dans les lignes qui suivent.

Fenêtre diagnostique raccourcie

En Suisse, les tests de dépistage du VIH de 4e génération sont recommandés pour le diagnostic du VIH et ils sont généralement employés par les laboratoires, les centres de dépistage du VIH et les services d’urgences. Ils permettent de mettre en évidence non seulement des anticorps anti-VIH-1 et anti-VIH-2, mais également l’antigène p24 du VIH-1. Ainsi, il est déjà possible de poser un diagnostic de suspicion ou d’exclure une infection par le VIH 6 semaines (42 jours) après l’exposition, contre 12 semaines jusqu’alors. En effet, d’après des études ayant évalué la séroconversion dans le sérum, la probabilité que le test se révèle uniquement positif après un délai de 42 jours est négligeable [3, 4].
Cela représente un soulagement pour les personnes qui ont été confrontées à une situation à risque et qui ne doivent désormais plus attendre 3 mois jusqu’à ce qu’un test du VIH livre un résultat fiable. Ces recommandations sont également valables pour les tests rapides de 4e génération utilisés par les Checkpoints et autres centres de dépistage.
Remarque importante: La fenêtre diagnostique raccourcie ne vaut pas pour les autotests de 3e génération disponibles en pharmacie, sur internet et à présent même en supermarché!
Deux situations méritent une attention particulière: la situation de la prophylaxie post-exposition (PPE) au VIH et celle de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) au VIH:
1. En cas d’échec d’une PPE, la séroconversion du VIH pourrait être retardée en raison des médicaments antirétroviraux administrés, raison pour laquelle le nouveau délai raccourci de 6 semaines ne peut pas s’appliquer. Dans ce cas de figure, il convient toujours de réaliser un test du VIH de 4e génération 12 semaines après le risque d’exposition ou 8 semaines après la fin de la PPE afin d’exclure une infection par le VIH [5]. Soulignons ici que toutes les personnes qui ont nécessité une PPE en raison d’une situation sexuelle à risque et qui auraient tiré profit d’une PrEP doivent être informées de la possibilité d’une PrEP pour les évènements futurs [6].
2. Lorsqu’une PrEP a été mise en œuvre, un test de dépistage du VIH ne doit pas être réalisé immédiatement après la fin de la PrEP. Dans cette situation, comme pour la PPE, il faut attendre 8 semaines après la fin de la PrEP pour qu’une infection par le VIH puisse être exclue au moyen d’un test de 4e génération. La situation est plus délicate lorsqu’une personne souhaite débuter une PrEP directement après la PPE. Une concertation avec un expert s’impose alors.

Autotests du VIH

En Suisse, les autotests du VIH sont disponibles en pharmacie depuis septembre 2018 et également dans certains supermarchés depuis 2019. Dans les tests, l’attention de l’utilisateur est attirée sur une hotline joignable 24 h/24, qu’il est possible de contacter en cas de résultat réactif. L’Aide Suisse contre le Sida a développé une offre avec La Main Tendue: des professionnels se tiennent à disposition en cas de questions en appelant le numéro 143.
Les autotests disponibles sont des tests de 3e génération, qui détectent exclusivement des anticorps IgG. Il ne s’agit dès lors pas de tests combinés anticorps/antigène de 4e génération. Les tests autorisés en Suisse sont réalisés avec du sang capillaire, à l’instar des tests d’automesure de la glycémie. Les tests salivaires disponibles à l’étranger ne sont pas recommandés et ils ne sont pas autorisés sur le marché suisse. La fenêtre diagnostique pour les tests de 3e génération est dès lors toujours de 12 semaines et non pas de 6 semaines, comme cela a déjà été mentionné précédemment [4]. En raison de cette nouvelle offre d’autotests, il est parfaitement possible que les médecins de famille ou les médecins des services d’urgences soient davantage confrontés à des personnes présentant un autotest du VIH réactif.
A cet égard, il est essentiel de connaître la valeur et les limites de l’autotest: 1) validité diagnostique uniquement après 12 semaines et 2) possibilité d’un résultat faux positif. Chez ces personnes avec un autotest réactif, il convient de réaliser un test de 4e génération classique à partir d’un échantillon sanguin (ponction veineuse) dans un laboratoire certifié. En attendant que le résultat définitif soit disponible, la personne exposée doit être informée sur le fait que l’infection par le VIH est aujourd’hui une maladie traitable. Les gens associent encore fréquemment le VIH avec la mort et sont extrêmement inquiets. Jusqu’à ce que le résultat définitif soit connu, les règles du «safer sex» doivent également être rappelées afin de ne pas mettre en danger les partenaires sexuels.
D’après l’Ordonnance sur les dispositifs médicaux, la remise au public de dispositifs de diagnostic in vitro est uniquement autorisée moyennant une autorisation exceptionnelle de Swissmedic. Dans le cas des autotests du VIH, une telle autorisation a été délivrée par Swissmedic, après avoir soigneusement soupesé les préoccupations et les avantages.
Malgré les bonnes options thérapeutiques désormais disponibles, le diagnostic d’infection par le VIH reste un évènement traumatisant pour beaucoup de gens, qui peut conduire à un stress psychique. Lorsqu’une personne réalise un autotest, elle est initialement seule, raison pour laquelle la hotline joignable 24 h/24 mentionnée a été mise en place.
D’un autre côté, grâce à l’autotest, il est pour la première fois possible en Suisse de proposer une possibilité de test très facilement accessible. Depuis le début de l’épidémie de VIH, il existe des centres de dépistage du VIH anonymes. Toutefois, se rendre dans un tel centre semble être rédhibitoire pour certaines personnes. Dans notre quotidien professionnel, nous étions de plus en plus souvent confrontés à des personnes qui s’étaient procuré un autotest du VIH à l’étranger ou sur internet. Avec le marché ouvert, des autotests du VIH de qualité très variable sont commercialisés. Seul le marquage CE obligatoire en Europe garantit une qualité élevée de ces autotests. L’introduction des tests rapides bon marché constitue dès lors aussi une adaptation à la réalité actuelle, mais avec une qualité désormais garantie.
Avec les autotests du VIH, on peut espérer atteindre la partie de la population qui s’expose à un risque de VIH mais qui ne se rendait pas dans les centres de dépistage jusqu’alors. Une infection par le VIH non diagnostiquée représente une opportunité gâchée, car en cas de traitement en temps opportun, l’espérance de vie d’une personne infectée par le VIH est équivalente à celle d’une personne sans VIH [7]. Un traitement efficace empêche également la transmission du virus à d’autres personnes [8]. Le test du VIH revêt dès lors également une importance préventive.
Une mission essentielle consiste désormais à informer la population quant à l’utilisation correcte des autotests et à leurs limites concernant la fenêtre diagnostique, puisque des résultats faux négatifs sont possibles. En effet, précisément au cours des phases précoces de l’infection par le VIH, les personnes sont particulièrement contagieuses. Le danger est que ces personnes se sentent faussement en sécurité et qu’en cas de test négatif pour les deux partenaires, elles renoncent à se protéger contre le VIH au moyen de préservatifs ou d’une PrEP. Les antennes de l’Aide contre le sida et les professionnels peuvent accomplir un travail important à cet égard en parlant des autotests et en expliquant leurs limites. L’exemple de la diffusion de l’information concernant la PrEP parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes peut faire figure de modèle [9].

Intérêt de la PCR dans le diagnostic du VIH et GeneXpert® HIV-1 Viral Load

Les centres de dépistage du VIH accueillent souvent des personnes qui souhaitent réaliser un test de dépistage ayant une fenêtre diagnostique encore plus courte. Cela est théoriquement possible avec la PCR VIH, mais est uniquement pertinent en cas de suspicion fondée d’infection récente par le VIH, autrement dit de primo-infection par le VIH. Lorsque la PCR VIH est uniquement utilisée à des fins de «dépistage», il se peut qu’elle ne détecte pas des personnes ayant une très faible charge ­virale. De même, les infections par le VIH-2 ne seraient pas détectées par la PCR. Qui plus est, compte tenu du prix nettement plus élevé de la PCR VIH, son utilisation à des fins de «dépistage» ne peut se justifier du point de vue de la santé publique. D’après notre expérience, chez les personnes qui se présentent pour une PCR VIH, des problèmes autres que le risque d’infection par le VIH sont souvent au premier plan, comme par exemple un trouble anxieux. Il convient dès lors de se consacrer en premier lieu à ces thématiques.
Outre le diagnostic d’une primo-infection par le VIH, l’intérêt de la PCR réside également de manière routinière dans le contrôle de l’efficacité du traitement antirétroviral chez les personnes infectées par le VIH. Il faut cependant garder à l’esprit que tous les panels de PCR ne sont pas appropriés pour ce test. Par le passé, des cas de charge virale du VIH faussement basse voire faussement négative ont malheureusement été recensés. Cela se produit lorsque la PCR n’analyse qu’une seule séquence génétique (par ex. GeneXpert® HIV-1 Viral Load, Cepheid®), et non pas deux comme cela est recommandé. La situation devient problématique lorsque des patients infectés par le VIH ont des relations sexuelles non protégées avec un partenaire VIH-négatif et se fient au résultat de test «faussement négatif». Une transmission potentielle du VIH est ainsi possible.

La fin de l’épidémie de VIH est-elle en vue?

Le délai de test raccourci et l’introduction des autotests pourraient représenter une étape supplémentaire dans la lutte contre l’épidémie de VIH. En effet, lorsque le diagnostic d’infection par le VIH est posé précocement, un traitement peut être initié immédiatement et la chaîne de transmission peut être interrompue rapidement.
Bien que la guérison soit impossible, on entrevoit aujourd’hui la possibilité de mettre un terme à l’épidémie de VIH, c.-à-d. prévenir les nouvelles infections, dans un avenir proche. En particulier dans les petits pays ayant un système de santé bien développé, comme c’est le cas de la Suisse, cette vision pourrait devenir réalité. Le programme national «SwissPrEPared» (www.swissprepared.ch) y contribuera aussi de façon importante, grâce à l’utilisation bien contrôlée de la PrEP et à une vaste offre pour les personnes à risque accru de VIH. Ce paquet de mesures, combiné à un traitement anti-VIH puissant, à la PPE et à une campagne de sensibilisation, a désormais été complété par une offre de test simplifiée et malgré tout sûre. Afin que cette mesure puisse pleinement porter ses fruits en Suisse, les entraves financières à l’accès au test devraient être levées. Ce n’est pas encore le cas.

L’essentiel pour la pratique

• Les tests de dépistage du VIH de 4e génération renseignent avec fiabilité sur la présence ou non d’une infection déjà 6 semaines après une exposition potentielle, contre 12 semaines jusqu’alors.
• Désormais, des tests rapides du VIH destinés à l’autotest sont disponibles en pharmacie et en supermarché en Suisse. Il s’agit cependant de tests de 3e génération, pour lesquels la fenêtre diagnostique de 12 semaines continue à s’appliquer.
• Après une prophylaxie post-exposition (PPE), une fenêtre de 12 semaines après une situation à risque (8 semaines après la fin de la PPE de 4 semaines) s’applique toujours pour les tests de 4e génération.
• Lorsqu’une infection par le VIH doit être exclue à l’issue d’une prophylaxie pré-exposition (PrEP), la même fenêtre temporelle que pour la PPE s’applique (pour les tests de 4e génération, 8 semaines après la fin de la PrEP). En cas de suspicion d’une infection récente par le VIH, une PCR VIH doit être réalisée.
• Un test de dépistage du VIH doit être proposé à toute personne sexuellement active en fonction de son profil de risque (www.lovelife.ch).
JSF and BH report being members of the Federal Commission for Issues relating to Sexually Transmitted Infections (CFIST). The other authors have reported no financial support and no other potential conflict of interest relevant to this article.
Benjamin Hampel,
médecin diplômé
Institut für Epidemiologie, Biostatistik und Prävention
Universität Zürich
Hirschengraben 84
CH-8001 Zürich
benjamin.hampel[at]uzh.ch
1 Office fédéral de la santé publique (OFSP). Nouvelles recommandations de la Commission fédérale pour la santé sexuelle (CFSS) concernant la fenêtre sérologique des tests de diagnostic du VIH (tests en laboratoire et tests rapides). OFSP-Bulletin. 2018;40:7.
2 Office fédéral de la santé publique (OFSP). Recommandation de la Commission fédérale pour la santé sexuelle (CFSS) concernant la remise au public de tests de dépistage du VIH pour usage personnel (« autotests du VIH »). OFSP-Bulletin. 2018;25:7.
3 Commission fédérale pour la santé sexuelle (CFSS). Reassessment of the Diagnostic Window Period for HIV Diagnostics. 29.08.2018. www.bag.admin.ch/eksi
4 Taylor D, Durigon M, Davis H, Archibald C, Konrad B, Coombs D, et al. Probability of a false-negative HIV antibody test result during the window period: a tool for pre- and post-test counselling. International journal of STD & AIDS. 2015;26(4):215–24.
5 Office fédéral de la santé publique (OFSP). Urgence en cas d’exposition au VIH: la PEP peut être la bonne réponse. OFSP-Bulletin. 2014:48:834–5, p.835.
6 Office fédéral de la santé publique (OFSP). Recommandations de la Commission fédérale pour la santé sexuelle (CFSS) en matière de prophylaxie préexposition contre le VIH (PrEP) en Suisse. OFSP-Bulletin. 2016;4:77–9.
7 Weber R, Ruppik M, Rickenbach M, Spoerri A, Furrer H, Battegay M, et al. Decreasing mortality and changing patterns of causes of death in the Swiss HIV Cohort Study. HIV medicine. 2013;14(4):195–207.
8 Rodger AJ, Cambiano V, Bruun T, Vernazza P, Collins S, van Lunzen J, et al. Sexual Activity Without Condoms and Risk of HIV Transmission in Serodifferent Couples When the HIV-Positive Partner Is Using Suppressive Antiretroviral Therapy. JAMA. 2016;316(2):171–81.
9 Hampel B, Kusejko K, Braun DL, Harrison-Quintana J, Kouyos R, Fehr J. Assessing the need for a pre-exposure prophylaxis programme using the social media app Grindr(R). HIV medicine. 2017;18(10):772–6.