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Le syndrome de fragilité («frailty syndrome» en anglais) a été décrit pour la première fois en 2001. De nos jours, il existent de bons instruments permettant d’établir un diagnostic correct de fragilité. Cela est essentiel pour les décisions thérapeutiques chez les patients âgés.
Le phénotype de fragilité 2001
Il y a près de 20 ans, Linda Fried, pionnière de la gériatrie, a publié un article de référence intitulé «Fragilité du sujet âgé, description d’un phénotype» [1]. Ce qui semble trivial s’avère aujourd’hui encore délicat: la détermination cliniquement correcte d’une fragilité à un âge avancé. Linda Fried a défini le phénotype de fragilité comme la présence d’au moins 3 des 5 critères suivants:
– perte de poids involontaire (en un an),
– faiblesse musculaire (mesure de la force musculaire de la main),
– fatigue (sur la base d’une échelle de dépression),
– ralentissement moteur (mesure de la vitesse de marche),
– activité réduite (d’après un questionnaire).
Selon cette définition, la fragilité est un état de transition entre une bonne santé et un besoin de soins à un âge avancé. Il s’agit d’un stade intermédiaire durant lequel une personne âgée auparavant alerte développe des signes de fragilité entrainant un risque de détérioration de son état pouvant mener à une hospitalisation ou même au décès.
Au cours des 20 dernières années, de nouveaux procédés ont été développés pour reconnaître correctement la fragilité et nous en savons désormais davantage sur le traitement médical de la fragilité du sujet âgé.
Le traitement de la fragilité
Les personnes âgées présentant une fragilité ont un risque accru d’évolution défavorable (telle que complications durant une hospitalisation), d’admission en établissement de soins, de détérioration médicale ou de réhospitalisation. L’objectif du traitement médical de la fragilité est donc d’améliorer, ou du moins de stabiliser, l’état de l’individu concerné pour pouvoir éviter cette spirale descendante.
La recherche est encore en quête d’une hormone ou d’un autre agent biologique à l’origine de ce cercle physiopathologique vicieux constitué d’une faiblesse, d’une alimentation carencée, d’une inactivité et d’une perte musculaire. Cet agent – et donc le médicament anti-fragilité correspondant – n’a jusqu’à présent pas été découverts. Des études ont toutefois montré que les personnes atteintes du syndrome de fragilité tiraient profit du fait que les facteurs sous-jacents de la fragilité étaient détectés et traités. Le procédé diagnostique de choix consiste en une évaluation gériatrique dans plusieurs domaines. La liste ci-dessous montre les principaux domaines dans lesquels une telle évaluation est requise chez les patientes et patients atteints de fragilité lors de l’entrée à l’hôpital, et présente certains aspects qui doivent être contrôlés et sont particulièrement importants pour la suite du traitement envisagé:
– Mobilité: sarcopénie, risque de chutes
– Alimentation: carence en protéines
– Cognition: démence, délire
– Emotion: dépression
– Organes sensoriels: besoin de dispositifs auxiliaires, environnement
– Social: situation de résidence, réseau social
– Polypharmacie: sous- ou surmédication
– Capacité de discernement: prise de décision partagée
– Déficit fonctionnel: objectifs d’une réadaptation
Au cours des deux dernières décennies, la méthode d’évaluation gériatrique multidimensionnelle a été perfectionnée et adaptée aux nouvelles possibilités technologiques. En Suisse, un grand nombre d’unités de gériatrie aiguë et d’établissements de réadaptation gériatrique ont été ouverts ou développés. Les personnes âgées atteintes de fragilité admises dans ces cliniques y reçoivent des traitements interprofessionnels basés sur une évaluation gériatrique réalisée sous la direction de spécialistes en gériatrie.
La fragilité comme critère de triage
En 2020, la fragilité a fait la une de la presse. L’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) a publié des recommandations relatives à la pandémie de COVID-19 pour le triage des traitements de médecine intensive en cas de manque de ressources. L’ASSM préconise, chez les personnes âgées, d’utiliser la «Clinical Frailty Scale» (CFS, échelle de fragilité clinique) comme critère d’admission en soins intensifs. Un score CFS ≥7 chez les plus de 65 ans et ≥6 chez les plus de 85 ans est déterminant comme critère de non-admission [2].
La CFS est désormais employée au niveau international pour enregistrer la fragilité [3–4]. Cet instrument définit 9 niveaux de l’état de santé, allant d’une excellente santé (CFS 1) à un besoin maximal de soins en fin de vie (CFS 9). L’échelle est utilisée avec des pictogrammes et définitions correspondantes (fig. 1).
L’ASSM recommande également l’emploi de la CFS dans les directives publiées sur le thème des décisions de réanimation [5]. En conséquence, l’âge ne doit pas être utilisé comme unique critère d’une décision «do not resuscitate». Une réanimation peut tout à fait être réalisée avec succès à un âge avancé. Ainsi, une étude suédoise de registre a documenté une survie neurologique intacte à la suite d’une réanimation à l’hôpital chez près de 10% des patientes et patients de plus de 90 ans [6]. Toutefois, en cas de fragilité d’une personne âgée avec un score CFS ≥5, une réanimation est pratiquement vouée à l’échec selon de nouvelles études [7–9].
L’échelle de fragilité clinique 2021
Au vu de l’utilisation répandue de la CFS, des critères différenciés ont été conçus ces dernières années pour déterminer le score CFS. Le développement d’un arbre décisionnel montrant quelles informations sont nécessaires pour obtenir le score CFS constitue une étape clé [10] (v. annexe). A cet effet, les auteurs ont publié des documents de formation pour l’utilisation de la CFS [11]. Certains principes fondamentaux de l’utilisation de la CFS sont:
– La CFS convient uniquement chez les personnes au-delà de 65 ans.
– Le score CFS ne doit pas être obtenu de manière intuitive, mais recueilli par des professionnels qualifiés.
– La détermination d’un score CFS nécessite une anamnèse gériatrique différenciée ainsi que l’établissement d’un pronostic médical.
– Chez les personnes atteintes de fragilité séjournant en hôpital de soins aigus, l’état au moment de l’admission n’est pas déterminant, mais celui deux semaines avant l’événement aigu doit être pris en compte.
Regard vers l’avenir
De nos jours, l’âge avancé est encore trop souvent assimilé à la fragilité, ce qui peut avoir pour conséquence que toutes les personnes très âgées soient prises en charge comme si elles étaient fragiles et proches de la fin de vie. Il est important de rectifier cette image de la vieillesse. Les personnes âgées en bonne condition physique ont besoin d’un accompagnement médical différent de celles qui sont fragiles. Celles-ci dépendent en outre d’une prise en charge gériatrique spécifique. D’autres progrès dans les domaines de la recherche, l’enseignement et les soins de santé sont nécessaires pour les années à venir. L’utilisation différenciée du concept de fragilité peut y contribuer.
L’auteur a déclaré ne pas avoir d’obligations financières ou personelles en rapport avec l’article soumis.
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Prof. Dr méd.
Andreas E. Stuck
Geriatrische
Universitätsklinik
Inselspital
Freiburgstr. 46
CH-3010 Bern
andreas.stuck[at]insel.ch
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