Sans détour
Journal Club

Sans détour

Kurz und bündig
Édition
2022/35
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2022.09199
Forum Med Suisse. 2022;22(35):565-568

Publié le 31.08.2022

Afin que vous ne manquiez rien d’important: notre sélection des publications les plus actuelles.

Pertinent pour la pratique

Focus sur … la bronchiolite

– Touche surtout les jeunes enfants et est responsable d’environ un sixième de l’ensemble des hospitalisations d’enfants de moins de 2 ans
– Accumulation saisonnière durant le semestre d’hiver, 60-80% des cas sont dûs au «respiratory syncytial virus» (RSV, dont 2 types : A et B, virus à ARN du groupe des paromyxovirus)
– Physiopathologie: inflammation des bronchioles distales avec production accrue de mucus, bronchioles
– Obstruction des bronchioles et formation d’atélectasies
– Clinique: débutant généralement par une infection des voies respiratoires supérieures (rhinorrhée) avec ou sans fièvre, suivie de signes ­d’infection des voies respiratoires inférieures (toux persistante, travail respiratoire accru/dyspnée accrue, surtout stridor expiratoire/bruit secondaire expiratoire - souvent dit polyphonique).
– Facteurs de risque de progression, entre autres: naissance avant 37 semaines de grossesse, âge inférieur à 10 semaines, tabagisme passif, moins de 2 mois d’allaitement
– Traitement:
• L’oxygène et une bonne hydratation sont essentiels
• Preuves insuffisantes concernant l’efficacité des bêta-stimulants et glucocorticoïdes, application topique hypertonique de NaCl possiblement efficace.
• Immunisation passive disponible pour les enfants à haut risque (vices cardiaques congénitaux, mucoviscidose, etc.)
• Immunisation active (protéine de fusion du RSV sur nanoparticules) en cours d’évaluation
The Lancet 2022, doi.org/10.1016/S0140–6736(22)01016–9.
Rédigé le 01.08.2022.

Amélioration du pronostic à long terme après une hémorragie intracérébrale spontanée sévère

En règle générale, il est admis que le pronostic de telles hémorragies importantes est mauvais et qu’il existe une mortalité allant jusqu’à 50% après 30 jours. Une étude observationnelle documente l’évolution de patientes et patients dont les hématomes ont été traités ou évalués par voie endoscopique ou stéréotaxique et par thrombolyse topique destinée à «fluidifier» l’hématome. Parmi 999 patientes et patients traités de cette façon, 724 étaient en vie après 30 jours, souvent toutefois avec des handicaps sévères [1, 2]. Au bout d’un an, presque 1 personne sur 5 (avec survie après 30 jours) était en outre décédée, mais 2 individus sur 5 ont développé une rémission neurologique substantielle [3]! Les complications durant l’hospitalisation (à savoir un sepsis et des périodes d’intubation prolongées) étaient les principaux facteurs pronostiques négatifs. Le travail indique qu’une approche empreinte de négativité et des informations correspondantes aux personnes concernées et à leur famille ne sont plus opportunes.
1 The Lancet, 2017, doi:10.1016/S0140-6736(16)32410-2.
2 The Lancet 2019, doi:10.1016/S0140-6736(19)30195-3.
3 JAMA Neurology 2022, doi:10.1001/jamaneurol.2022.1991.
Rédigé le 30.07.2022.

Des suppléments de vitamine D sans influence sur le taux de fractures dans une population générale d’âge moyen

Les suppléments de vitamine D sont souvent prescrits et pris en indication primaire pour l’amélioration de la santé osseuse (et dans l’espoir d’une diminution du taux de fractures). 2000 unités de vitamine D3 par jour avec ou sans apport supplémentaire d’acides gras oméga 3 (dans le cadre de l’étude VITAL) étaient toutefois inefficaces chez des femmes et hommes d’une bonne cinquantaine d’années en termes de baisse du taux de fractures de toute localisation (suivi médian = 5,3 ans). Cette déclaration concerne néanmoins uniquement les individus présentant un apport préalablement adéquat en vitamine D et des valeurs sériques normales documentées en conséquence ainsi que ceux dont la masse osseuse était normale. Près de la moitié des participantes et participants à l’étude prenaient déjà de la vitamine D avant leur inclusion dans l’étude. Moins de 2,5% des individus présentaient une concentration sérique de 25(OH)D <30 nmol/L. Il est intéressant de constater que, malgré les doses de vitamine D relativement élevées, des calculs rénaux (et des hypercalcémies) ne sont pas plus fréquemment survenus dans le groupe d’intervention ou n’ont pas été enregistrés. Chez les individus de cette tranche d’âge (sans ­carence documentée en vitamine D et sans indication d’ostéopénie / ostéoporose), il n’existe donc aucune raison en faveur d’une administration prophylactique de vitamine D lorsque celle-ci vise à réduire la fréquence des fractures.
Rédigé le 01.08.2022 .

Du nouveau en biologie (et venant de Suisse)

Blocage trispécifique de la protéine spike du SARS-CoV-2

Diverses mutations ont mené à l’inefficacité de médicaments de bas poids moléculaire et d’anticorps monoclonaux monospécifiques contre les infections à SARS-CoV-2. Une solution consiste en l’administration d’un cocktail de plusieurs anticorps de spécificité diverse et/ou de traitements combinés à base de molécules plus petites. Une méthode alternative a désormais été présentée en détail: à côté du domaine de liaison au récepteur (dirigé vers l’enzyme ACE2, le récepteur hôte), la protéine spike contient d’autres segments, le domaine S1 et le domaine N-terminal (NDT) ainsi que le domaine S2 qui assure la fusion du virus avec la cellule hôte. Une chaîne de protéines est chargée avec des molécules spécialement développées (connues sous le nom de DARPins dans la littérature). Trois spécificités anti-spike exprimées par ces molécules DARPins ont été hébergées ensemble. Dans des expériences sur animaux, le médicament correspondant en cours d’évaluation clinique (Ensovibep) a pu, en tant que substance unique, inhiber l’infectiosité de SARS-CoV-2 tout aussi fortement qu’un cocktail d’anticorps et limiter presque autant la survenue de mutations dites «escape» [1]. Des résultats fascinants, qui devraient toutefois parcourir un long chemin avant l’utilisation clinique: la ­société suisse fabricante (Molecular Partners) s’est jusqu’à présent vu refuser l’autorisation d’urgence par la FDA, elle fait face à des accusations potentiellement motivées par des intérêts personnels aux Etats-Unis et sa valeur en bourse a récemment chuté en-dessous de la valeur de ses propres ressources (alimentées notamment par la vente des licences d’Ensovibep à Novartis) [2]. Affaire à suivre.
1 Nature Biotechnology 2022, doi.org/10.1038/s41587-022-01382-3,
Rédigé le 02.08.2022 sur indication du Prof. J. Aubert (Lausanne [1]).

Toujours digne d’être lu

Des méthodes innovantes préparent la voie à de nouvelles découvertes

Au début des années 1960, Maurice Burg a commencé à travailler au «National Institutes of Health» à Bethesda dans le Maryland aux Etats-Unis. Il a développé l’idée ­selon laquelle des segments de tubule rénal microdisséqués librement in vitro pourraient permettre d’étudier les processus de transport qui garantissent l’homéostasie des équilibres hydro-électrolytique et acido-basique. Presque incroyable pour notre époque: il a pu travailler pendant plusieurs années à élaborer et perfectionner la méthodologie sans une seule publication. Malgré tout, ces travaux de recherche ont continué d’être financés et ses efforts ont fini par porter leurs fruits en grand nombre. Non seulement pour lui, mais aussi pour tout le domaine de la physiologie du transport épithélial. S’approprier la technique de perfusion in vitro du tubule est resté un défi et un exercice de patience pour les scientifiques de la relève: la durée moyenne d’apprentissage de la méthode, c’est-à-dire jusqu’au premier résultat exploitable, était de près d’un an! Ensuite seulement, une conception d’étude pouvait être envisagée… Maurice Burg est récemment décédé à l’âge de 91 ans [1]. La ­figure 1 est issue de la publication initiale [2].
Figure 1: Microperfusion in vitro d’un segment de tubule collecteur disséqué à partir d’un rein de lapin (au milieu de l’image). La pipette de contention est visible à gauche, dans laquelle une pipette de perfusion est insérée afin d’intuber le segment de tubule. Elle permet de déterminer la composition du liquide luminal («urine primaire»). La deuxième pipette de contention est visible à droite, qui sert aussi à collecter (et puis analyser) le liquide urinaire primaire modifié par les processus de résorption et sécrétion au niveau du segment tubulaire perfusé. Le segment tubulaire se trouve dans un bain constamment renouvelé dont la composition est également déterminée librement et imite les conditions dans l’espace péritubulaire, c’est-à-dire extracellulaire. Les segments tubulaires sont constitués d’une seule couche de cellules épithéliales vitales intactes et de la membrane basale. Tirée de: Burg M, Grantham J, Abramow M, Orloff J. Preparation and study of fragments of single rabbit nephrons. American Journal of Physiology-Legacy Content. 1966;210(6):1293–1298. © The American Physiological Society (APS). Reproduction avec l’aimable autorisation.
1 PNAS 2022, doi.org/10.1073/pnas.2209749119.
2 Burg, M. et al, AJP 1966: Preparation and study of fragments of single rabbit nephrons, doi:10.1152/ajplegacy.1966.210.6.1293.
Rédigé le 01.08.2022.

Cela nous a réjouis

Mesures contre la médecine propagandiste

Les institutions publiques, sociétés industrielles privées et experts qui proposent leurs services en tant que consultants, mais aussi les établissements tels que les hôpitaux et instituts universitaires ont recours à des communiqués de presse pour se profiler et faire leur publicité. Cela se passe typiquement avant la publication scientifique, c’est-à-dire notamment avant le processus de révision et souvent aussi en présence d’évidence autrement encore trop peu claire, et représente ainsi une énorme contamination des informations vérifiables et donc de la transmission de connaissances objectives efficaces. Le British Medical Journal [1] a désormais décidé de ne plus publier de tels communiqués de presse s’ils ne sont pas accompagnés de la ­documentation vérifiable correspondante. La phrase de conclusion du communiqué du BMJ: «The first test of our new policy may be imminent now that the WHO has declared monkeypox a public health emergency of international concern» [2].
1 BMJ 2022, doi.org/10.1136/bmj.o1878.
2 BMJ 2022, doi.org/10.1136/bmj.o1874, rédigé le 31.07.2022 ­(cf. aussi «Cela ne nous a pas réjouis» ci-dessous). 

Cela ne nous a pas réjouis

Réflexions pandémiques: des singeries et une navigation à l’aveuglette

La variole du singe a déjà pris une ampleur de pandémie et une fois de plus – en quelque sorte post-COVID – des experts veulent, avec leur opinion personelle, s’accaparer le grand public à travers les médias en l’absence d’informations confirmées [1]. Il faut admettre qu’une vaccination n’est pas (encore) pertinente en Suisse, contrairement à une déclaration plus courageuse selon laquelle il est du devoir humain de protéger ses semblables de soi-même (citation d’Eugene O`Neill). Dans ce cas, cela signifierait renoncer aux rapports sexuels avec de multiples partenaires, c’est-à-dire modifier son comportement. Une vaccination contre la variole du singe serait en revanche très pertinente en Afrique centrale pour éviter de reproduire l’erreur de laisser ce réservoir déborder, comme cela a eu lieu pour les mesures préventives trop longtemps omises dans le cas du SARS-CoV-2 et du VIH. En tant que pathogènes à ADN, les virus de la variole du singe présentent certes une fréquence de mutation inférieure à celle des virus à ARN, mais celle-ci devrait gagner en importance à mesure que le réservoir biologique croît [2, 3]. D’ailleurs, il convient de rappeler qu’une promiscuité excessive n’a pas favorisé uniquement la dispersion d’agents pathogènes viraux. Les staphylocoques multirésistants (S.aureus) et N. gonorrhoeae, selon les ressources parfois pas ou – il est à craindre – bientôt plus traitables du tout, en sont deux autres exemples. Des perspectives désagréables, tout comme la navigation à l’aveuglette des autorités (et la nôtre?) vers la prochaine (?) vague de COVID-19 et la gestion de la crise imminente d’approvisionnement en énergie qui est ou deviendra directement aussi un thème médical.
1 NZZ, édition du 29 juillet 2022.
2 Science 2022, doi: 10.1126/science.add9651.
3 Nature 2022, doi.org/10.1038/d41586-022-02036-.
Rédigé le 31.07.2022.

Cela nous a également interpellés

Epidémie pédiatrique d’hépatite: le brouillard commence à se lever

Cette épidémie d’hépatites inexpliquées a jusqu’à présent touché plus de 1000 enfants dans plus de 30 pays avec une mortalité / nécessité de transplantation hépatique dans près de 5% des cas. La bonne nouvelle est que les nouvelles infections ont considérablement régressé au cours des dernières semaines. Cela serait compatible avec la variation saisonnière de l’adénovirus 41, désormais identifié comme l’agent pathogène le plus probable, qui cause normalement une gastroentérite [1, 2]. Il pourrait toutefois s’agir aussi d’un virus associé à l’adénovirus (AAV2), ce qu’indiquent des travaux britanniques, néanmoins pas encore révisés par des pairs [3]. En tout cas, la réaction auto-immune génétiquement régulée des enfants semble décider de la survenue d’une hépatite: les cas d’hépatite sont associés à un locus de classe II, le HLA-DRB1. D’ici la prochaine saison d’adénovirus, nous espérons en savoir suffisamment sur la maladie pour pouvoir l’éviter ou la traiter efficacement (virostatiques, immunosuppression?).
Rédigé le 30.07.2022.

Myopie et glaucome à angle ouvert

La glaucome à angle ouvert est le type de glaucome le plus fréquent et survient significativement plus souvent chez les individus atteints de myopie, surtout de degré élevé. Il n’était pas certain que ces deux dispositions ou pathologies soient associées entre elles ou aient un rapport causal. Des analyses génomiques avec comparaison des variants génétiques montrent désormais que les individus atteints de myopie ou de glaucome à angle ouvert présentent un degré élevé de concordance de ce schéma de variants. Les maladies pourraient ainsi avoir une base génétique et physiopathologique commune. Comment et lesquels des variants génétiques entraînent le développement de l’une ou des deux pathologies reste à élucider. Il existe le potentiel d’indications permettant une intervention présymptomatique ou dès le début des symptômes.
JAMA Ophthalmology 2022, doi:10.1001/jamaophthalmol.2022.2762.
Rédigé le 30.07.2022

Expériences avec la variole du singe en Europe occidentale

Cette petite étude anglaise a examiné, entre 2018 et 2021, des patients atteints de la variole du singe en termes de dynamique d’excrétion. Il s’est avéré que des ADN du virus de la variole du singe pouvaient être mis en évidence dans le tractus respiratoire supérieur pendant parfois très longtemps (plusieurs semaines), à ­savoir même après la période de guérison des lésions cutanées. Cela étant, des ADN, et non pas des virus infectieux à proprement parler, ont été mis en évidence dans l’étude. La question se pose néanmoins de savoir si les mesures actuelles d’isolement suffisent et si une infection ne peut pas aussi être transmise par gouttelettes ou aérosols.
The Lancet Infectious Diseases 2022, doi.org/10.1016/S1473-3099(22)00228-6.
Rédigé le 02.02.2022.

Diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer à partir du sang périphérique

Les mesures non invasives de biomarqueurs dans le sang périphérique, à savoir le neurofilament L et les protéines Tau phosphorylées (P181-Tau et P217-Tau), sont des biomarqueurs très prometteurs qui augmentent nettement la probabilité d’un diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer selon un nombre d’études. Comme le neurofilament L, les protéines Tau présentent toutefois aussi une hausse progressivement âge-dépendante survenant après 65-70 ans même en l’absence d’une maladie d’Alzheimer. Les principales comorbidités entraînant une augmentation des protéines Tau sont l’insuffisance rénale chronique et les événements cardiovasculaires graves, à savoir les AVC. La comparaison n’a pas été réalisée en vue du diagnostic clinique ou de l’exclusion de la maladie d’Alzheimer, mais avec un substitut, à savoir le résultat de la tomographie par émission de positrons de la protéine Tau (Tau PET). Lors de l’interprétation de ces biomarqueurs, il convient donc d’utiliser des valeurs normales corrigées selon l’âge et de tenir compte des comorbidités mentionnées.
Nature Medicine 2022, doi.org/10.1038/s41591-022-01822-2.
Rédigé le 02.08. 2022.

Thème estival

Ne pas consommer de vin blanc contenu dans des bouteilles en verre blanc!

Le verre blanc est soi-disant utilisé pour prouver au client que la bouteille contient du vin blanc et non du vin rosé ou rouge. Ce n’est pas une bonne idée: des analyses de 24 vins blancs différents (1 052 bouteilles au total) imitant les conditions typiques des supermarchés ont montré que l’exposition à la lumière qui y règne provoquait déjà en l’espace de 7 jours une baisse très nette des substances aromatiques pertinentes (terpènes, norisoprénoïdes) et – par conséquent – un goût plus fade. Cela contraste avec les vins blancs en bouteilles colorées (vertes), qui garantissaient une concentration stable des substances aromatiques sur une période d’au moins 50 jours. Les auteures et auteurs supposent que cette photolabilité de substances aromatiques essentielles pourrait également concerner un grand nombre d’autres aliments exposés de cette manière.
PNAS 2022, doi.org/10.1073/pnas.2121940119.
Rédigé le 21.07.2022.