La mastocytose systémique
Maladie rare nécessitant une prise en charge interdisciplinaire

La mastocytose systémique

Editorial
Édition
2019/3132
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2019.08338
Forum Med Suisse. 2019;19(3132):497-498

Affiliations
Abteilung Onkologie, Hämatologie und Transfusionsmedizin, Medizinische Universitätsklinik, Kantonsspital Aarau

Publié le 31.07.2019

Les mastocytoses sont des maladies provoquées et définies par une multiplication accrue et incontrôlée de mastocytes. Depuis la nouvelle classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2017 [1, 2], la mastocytose est considérée comme une maladie autonome et elle ne fait plus partie des néoplasies myéloprolifératives classiques. La distinction est faite entre deux formes de mastocytose: d’une part, la forme cutanée (urticaire pigmentaire), qui est limitée à la peau et survient souvent chez les enfants; d’autre part, les mastocytoses systémiques dans lesquelles d’autres organes, tels que le foie, la rate, le tractus gastro-intestinal ou les ganglions lymphatiques, peuvent être touchés à partir de la moelle osseuse.
Les symptômes de la mastocytose ne sont pas spécifiques. En conséquence, la durée entre la première manifestation et le diagnostic est généralement longue. Les symptômes résultent de l’infiltration des organes par des mastocytes et de la libération accrue consé­cutive de médiateurs mastocytaires, tels que l’histamine, les prostaglandines, les leucotriènes et d’autres cytokines. Dans le cas de la mastocytose cutanée, cela entraîne le plus souvent uniquement des altérations ­locales (rougeurs, gonflements, prurit) au niveau des zones cutanées atteintes. La mastocytose systémique donne, quant à elle, souvent lieu à des symptômes généralisés, tels que prurit, rougeur et gonflement cutanés, sensation de chaleur (bouffée vasomotrice), dyspnée, céphalées, vertiges, réactions circulatoires, nausées, ­vomissements et diarrhées [3]. Dans les cas extrêmes, une anaphylaxie survient suite à la libération massive de médiateurs issus des mastocytes [4]. L’ostéopénie ou l’ostéoporose sont également des manifestations possibles de la mastocytose [5].
Avec une incidence <10 nouveaux cas pour 1 million d’habitants, la mastocytose demeure une maladie très rare [6], et un centre spécialisé, comme par exemple les centres de référence du «European Competence Network on Mastocytosis» (centres ECNM), devrait toujours être impliqué dans sa prise en charge. Ces centres spécialisés regroupent des experts de diverses disciplines, qui collaborent à la prise en charge des patients atteints de maladies mastocytaires de manière interdisciplinaire et pluridimensionnelle, suivent une formation continue régulière sur les maladies mastocytaires et échangent entre eux au sujet des derniers développements.
Les investigations diagnostiques des maladies mastocytaires englobent des examens de laboratoire et, en complément, une ponction de moelle osseuse, une ostéo­densitométrie, une radiographie ainsi qu’éventuellement une coloscopie et une gastroscopie. Ces examens servent à déterminer précisément le sous-type de mastocytose, ce qui est essentiel pour pouvoir conseiller correctement les patients et initier un traitement adapté. La détection précoce et le traitement adéquat sont décisifs pour la qualité de vie des patients, car ceux-ci souffrent souvent des symptômes pendant des années.
Après la pose du diagnostic, le traitement d’une mastocytose systémique dépend du stade de la maladie (indolente, agressive ou leucémie à mastocytes).
Dans un premier temps, il est essentiel de fournir au patient des informations et conseils relatifs aux facteurs de provocation, car ces derniers peuvent entraîner une aggravation des symptômes existants pouvant aller jusqu’à l’anaphylaxie. En raison du risque d’anaphylaxie, la prescription d’un kit d’urgence ainsi que l’établissement d’une carte d’urgence sont recommandés pour tous les patients. En cas d’intervention et d’opération, une prophylaxie doit également être discutée et mise en place de manière interdisciplinaire.
Il n’existe toujours pas de traitement curatif de la mastocytose et l’objectif thérapeutique reste la réduction des symptômes. A cet effet, il existe diverses possibilités, telles que des médicaments inhibant les médiateurs mastocytaires libérés (par ex. antihistaminiques) ou l’activation des mastocytes («stabilisateurs des mastocytes», par ex. acide cromoglicique), ou encore des médicaments influençant la croissance et la survie des mastocytes (traitements cytoréducteurs, comme par ex. interféron ou cladribine). Avec l’inhibiteur de tyrosine kinase multicible midostaurine, il existe depuis quelques années une nouvelle option thérapeutique en cas de mastocytose systémique avancée. Au stade avancé, environ 90% des patients présentent une mutation KIT-D816V. Celle-ci est considérée comme étant à l’origine de la croissance cellulaire incontrôlée en cas de mastocytose systémique [7] et représente le point d’attaque de l’inhibiteur de tyrosine kinase ­midostaurine. Ce traitement, dont l’efficacité a été évaluée dans une étude publiée en 2016 [8], est autorisé en Suisse par Swissmedic depuis 2017 pour les patients ­atteints de mastocytose systémique avancée.
Dans l’article de revue passionnant de Reinhart et al. publié dans le numéro actuel du Forum Médical Suisse [9], la signification du diagnostic et du traitement de la mastocytose systémique est représentée et synthétisée en s’appuyant sur un exemple de cas impres­sionnant.
L’auteur n’a pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. Nathan Cantoni
Leitender Arzt
Abteilung Onkologie,
Hämatologie und
Transfusionsmedizin
Medizinische
Universitätsklinik
Kantonsspital Aarau
Tellstrasse 25
CH-5001 Aarau
nathan.cantoni[at]ksa.ch
1 Swerdlow SH, Campo E, Harris NL, Jaffe ES, Pileri SA, Stein H, Thiele J. WHO Classification of Tumours of Haematopoietic and Lymphoid Tissues. Revised Fourth Edition. International Agency for Research on Cancer, World Health Organization 2017.
2 Arber DA, Orazi A, Hasserjian R, Thiele J, Borowitz MJ, Le Beau MM, et al. The 2016 revision to the World Health Organization classification of myeloid neoplasms and acute leukemia. Blood. 2016;127:2391–405.
3 Hartmann K, Henz BM. Mastocytosis: recent advances in defining the disease. Br J Dermatol. 2001;144:682–95.
4 Dodd NJ, Bond MG. Fatal anaphylaxis in systemic mastocytosis. J Clin Pathol. 1979;32:31–4.
5 King JJ, Crawford EA, Iwenofu OH, Fox EJ. Case report: pathologic long fracture in a patient with systemic mastocytosis. Clin Orthop Relat Res. 2007;459:263–9.
6 Sagher F, Even-Paz Z. Incidence of mastocytosis. In: Mastocytosis and the mast cell. Herausgeber: Sagher F, Even-Paz Z. Basel, New York: Karger, pp. 14–17, 1967.
7 Sotlar K, Escribano L, Landt O, Möhrle S, Herrero S, Torrelo A, et al. One-step detection of c-kit point mutations using peptide nucleic acid-mediated polymerase chain reaction clamping and hybridization probes. Am J Pathol. 2003;162:737–46.
8 Gotlib J, Kluin-Nelemans HC, George TI, Akin C, Sotlar K, Hermine O, et al. Efficacy and Safety of Midostaurin in Advanced Systemic Mastocytosis. N Engl J Med. 2016;374:2530–41.
9 Reinhart S, Rüfer A, Zimmermann D, Dommann-Scherrer C, Lerch M, Goede JS. Quand les mastocytes rendent malade. Forum Med Suisse. 2019;19(31–32):507–11.